Décision

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R. c. Rancourt

2015 QCCQ 9639

JF 0929

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  DE
LOCALITÉ DE

SAINT-FRANÇOIS

SHERBROOKE

« Chambre criminelle et pénale »

N° :

450-01-084758-130

 

DATE :

   9 septembre 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE HÉLÈNE FABI, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

LA REINE

Poursuivante

c.

 

BRYAN PASCAL RANCOURT

Accusé.

 

 

______________________________________________________________________

 

J U G E M E N T [1]

 

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INTRODUCTION

[1]           La plaignante S.D. et l’accusé se sont fréquentés pendant une période de plus de trois ans.

[2]           Vers le 15 ou le 17 juillet 2013, la plaignante décide de mettre un terme à leur relation.

[3]           C’est dans le contexte de cette rupture amoureuse que la plaignante reçoit plusieurs messages de l’accusé dans sa boîte vocale au travail, entre le 24 septembre et le 2 octobre 2013.

[4]           Durant la période du 11 septembre au 9 octobre 2013, sept lettres anonymes lui sont transmises, dont une à son travail, et les autres à son domicile.

[5]           Elle reçoit aussi plusieurs appels téléphoniques sur son cellulaire, entre le 13 et le 18 septembre 2013.

[6]           Le 20 septembre 2013, elle décide de porter plainte aux policiers contre l’accusé.  Ce dernier fait donc face à des accusations de harcèlement criminel et appels harassants à son égard.

QUESTION EN LITIGE

[7]           La preuve est contradictoire sur l’implication de l’accusé : comme les parties le conviennent, l’issue de cette cause repose sur l’analyse de la crédibilité des témoins entendus.

CONTEXTE

[8]           La plaignante est psychoéducatrice à l’école Le Triolet pour la Commission scolaire de Sherbrooke, et a 39 ans lorsqu’elle témoigne.  L’accusé travaille aussi à la Commission scolaire, à titre de conseiller pédagogique, dans un autre bâtiment que celui de la plaignante, mais situé sur le même terrain.  Ils ont à se côtoyer dans le cadre de leur travail.

[9]           Elle relate qu’elle fréquente l’accusé de mai 2010 au 15 juillet 2013, et qu’ils n’ont jamais cohabité.

[10]        Le 15 juillet 2013, tout juste avant les vacances d’été, elle mentionne à l’accusé, lors d’un appel téléphonique, qu’elle met un terme à leur relation.

[11]        Les parties ont en effet préalablement planifié des vacances, et ainsi réservé un terrain de camping en région pour une semaine.

[12]        L’accusé insiste donc pour s’y rendre afin de pouvoir partager avec la plaignante ledit terrain.  Celle-ci refuse.  Elle dira à la cour :

« Je sens de la pression de sa part pour qu’on puisse partager le temps du terrain. J’ai décidé quand même de rester là toute seule avec mes enfants.

Je ne me sentais pas bien, je n’étais pas confortable que ça se termine comme ça.  Je sentais qu’il y avait de l’insistance de sa part. »[2]

[13]        À son retour de vacances, le 29 juillet 2013, elle communique par téléphone avec l’accusé, comme ils l’ont convenu, et ce, afin de finaliser la séparation.

[14]        Ils se rencontrent pour un souper au restaurant St-Hubert à Sherbrooke.  C’est alors que l’accusé lui mentionne avoir perdu du poids, qu’il ne se sent pas bien, et a de la difficulté à accepter la situation.  Il souhaite que la plaignante réfléchisse, mais cette dernière lui dit qu’elle n’a pas à le faire, puisqu’elle n’a pas l’intention de le fréquenter à nouveau.

[15]        Elle quitte, et réalise que l’accusé entretient toujours l’espoir de reprendre une vie amoureuse avec elle.

[16]        Un deuxième souper a lieu au même endroit le 7 août 2013, et la plaignante n’a pas souvenir qui initie cette rencontre. L’accusé lui fait part qu’il consulte un psychologue et insiste pour qu’elle consulte avec lui.  Elle ne consent pas.

[17]        Toujours en août 2013, elle se rappelle avoir pris un repas sur l’heure du midi avec l’accusé.  Les discussions ont trait à leur travail à la Commission scolaire.

[18]        Le soir du 21 août 2013, alors qu’elle est en communication par ordinateur avec un ami du nom de Pascal Marcotte, via messenger Facebook, elle apprend de ce dernier qu’il vient de recevoir un courriel anonyme provenant de l’adresse « [...]@outlook.com ». Le destinateur de ce message l’avise essentiellement que la plaignante est en couple et que même si sa relation ne va pas bien, de la laisser se démêler afin qu’elle puisse régler ses affaires (voir pièce P-20).

[19]         Elle dira à la cour :

« Là ça me met la puce à l’oreille qu’il y a quelque chose qui marche pas, puis il y a quelqu’un qui se mêle de mes affaires autrement dit…

C’est inquiétant, je me demandais ce qu’il se passait, je n’ai pas d’ennemi dans la  vie, j’ai pas personne qui va m’épier ou qui va fouiller dans mes affaires « fac » c’est certain de la façon que ça c’était terminé, c’est sur lui que j’ai eu des doutes. »[3]

[20]        Le même soir ou quelques jours après le 21 août 2013, elle communique par téléphone avec l’accusé, pour lui faire part de ses appréhensions à l’effet qu’elle croit qu’il est l’auteur de ce message,  mais ce dernier le réfute.

[21]        Le 22 ou 23 août 2013, elle a une autre conversation téléphonique avec l’accusé.  Elle déclare à la cour :

« Il me disait qu’il avait reçu un message sur son ordinateur au travail, comme de quoi ça apparaissait, « hacked hacked . »[4]

Également, dans la semaine du 26 août 2013, l’accusé l’informe qu’il a reçu des appels anonymes d’une femme l’avisant qu’il allait recevoir des lettres.

[22]        À ce moment, la plaignante fait un lien avec le courriel suspect anonyme que reçoit son ami Pascal Marcotte le 21 août 2013.  Elle dira à la cour :

« Je me sens épiée, je me sens pas bien, je cherche juste à comprendre ce qui se passe. »[5]

[23]        Le 9 septembre 2013, en fin de journée, alors qu’elle se dirige chez une amie, elle reçoit sur son cellulaire un appel téléphonique de l’accusé qui l’avise avoir reçu une lettre anonyme et qu’elle, son ami Pascal Marcotte, ainsi que d’autres personnes recevront cette même lettre. (Cette preuve est confirmée avec la pièce P-9, soit le sommaire du compte cellulaire de la plaignante sur lequel est inscrit : 2 appels faits par l’accusé à 17 h 42 et 17 h 45).

[24]        Deux jours plus tard, le 11 septembre 2013, cette fois à son travail, elle récupère au secrétariat dans son pigeonnier, une enveloppe qui lui est adressée.  À l’ouverture de cette enveloppe, elle constate qu’il s’agit d’une lettre anonyme adressée à quatre personnes dont les initiales sont : BP (qui s’avère être Bruno Paradis), BR (l’accusé Bryan Rancourt), PM (Pascal Marcotte) ainsi que SD (la plaignante Sonia Demers).

[25]        Cette lettre semble rédigée à l’ordinateur et a pour but essentiellement d’informer les destinataires que la plaignante fréquente plus d’une personne à la fois, et ainsi les avise qu’ils sont tous manipulés par cette dernière (voir pièce P-1).  La plaignante est inquiète et décide de communiquer avec l’accusé pour avoir des explications.  Elle fait le lien avec ce qu’il lui a prédit  le 9 septembre 2013.

[26]        Toujours le 11 septembre 2013, ce dernier lui donne rendez-vous au Tim Hortons sur l’heure du dîner pour vérifier le contenu de la lettre.

[27]        Rendue à destination, la plaignante prend place dans le véhicule de l’accusé.  Lettre en main (pièce P-1), celui-ci l’informe qu’il a une maladie transmise sexuellement, et lui suggère de passer des examens permettant de dépister si elle en a également contracté une, et lui fait aussi part qu’elle est dans l’obligation d’en informer Pascal Marcotte et Bruno Paradis, les deux autres destinataires, à l’effet qu’il est possible qu’elle ait contracté une maladie.

[28]        Cette  rencontre dure de 15 à 20 minutes, et par la suite chacun quitte avec son véhicule respectif.

[29]        Entre le 13 et le 18 septembre 2013, la plaignante reçoit plusieurs appels téléphoniques sur son cellulaire. Lorsqu’elle répond à certains appels, aucune parole n’est prononcée. À d’autres occasions, elle ne répond pas, mais prend en note les numéros ainsi que les heures affichés sur son écran pour les donner verbalement par la suite, soit le 24 septembre 2013, à l’enquêteur Nathalie Lessard, du Service de police de Sherbrooke, avec qui elle discute pour la première fois.

[30]        Quelques jours plus tard, elle remet à cette même enquêteur deux sommaires de son compte cellulaire couvrant les périodes du 10 août au 9 septembre 2013 et du 10 septembre au 9 octobre 2013, sur lesquels elle a pris soin d’inscrire à la main les numéros concernés.  Il s’agit de la pièce P-9.

[31]        La plaignante explique à la cour que lorsqu’elle reçoit un appel sur son cellulaire, le numéro entrant est affiché sur son écran, mais que cependant, lorsqu’elle ne répond pas, seule l’heure est indiquée sur le sommaire de compte qui lui est transmis chaque mois. C’est la raison pour laquelle elle fait des inscriptions à la main concernant le numéro de téléphone des appels suspects pour lesquels elle n’a pas répondu.

[32]        C’est à partir de ces informations que l’enquêteur Nathalie Lessard procède à une enquête pour apprendre que tous les appels suspects, que la plaignante a reçus, sont logés à partir de cabines téléphoniques.  Elle dépose ainsi la pièce P-4, provenant de Bell Canada, sur laquelle apparaissent lesdits numéros et leur adresse respective.

[33]        L’enquêteur se rend à chaque endroit afin de vérifier la possibilité de l’existence d’un système de caméra de surveillance et ainsi obtenir les images vidéo correspondant aux heures des appels suspects.

[34]        Parmi les sept adresses apparaissant sur la pièce P-4, à seulement deux endroits il y a présence d’un système de caméra de surveillance soit :

Ø  la Pharmacie Uniprix située au 2235 rue Galt Ouest à Sherbrooke et

Ø  l’Épicerie Gérard Lemieux enr., située au 890 rue Mc Manamy à Sherbrooke.

[35]        La plaignante se rappelle que le 13 septembre 2013, selon son souvenir, vers 16 h 40, alors qu’elle est dans son véhicule pour se rendre chez elle, qu’elle reçoit 3 appels :

Ø  en provenance du 819-564-9132 qui, après enquête, s’avère être la cabine téléphonique de la Pharmacie Uniprix située au 2235, rue Galt Ouest à Sherbrooke.  À la cour, elle déclare qu’elle répond aux 3 appels, mais ce numéro n’apparaît pas sur sa facturation couvrant la période du 10 septembre au 9 octobre 2013.  Seules les heures y sont inscrites, soient 16 h 19, 16 h 24 et 16 h 25. De toute évidence, le Tribunal peut inférer que la plaignante se trompe et qu’elle n’a pas répondu à ces trois appels, puisqu’elle a inscrit à la main sur sa facturation le numéro affiché sur son écran, comme expliqué précédemment (voir pièces P-4 et P-9).

[36]        À cet effet, on y voit sur la vidéo de la Pharmacie Uniprix, pièce P-14, le 13 septembre 2013, à 16 h 18 min 25 s, l’accusé y entrer pour demeurer dans le portique face à une cabine téléphonique, et ce, jusqu’à 16 h 20 min 9 s. Cette preuve correspond aux heures des appels reçus inscrites sur le sommaire du compte cellulaire de la plaignante et provenant du numéro de téléphone associé à cette cabine téléphonique (voir pièce P-9).

[37]        Par la suite, à 16 h 20 min 14 s, toujours au même endroit, l’accusé cette fois ouvre une deuxième porte qui mène à l’intérieur de la pharmacie.  Une capture de cette image est déposée comme pièce P-15. La défense admet d’ailleurs l’identité de l’accusé.

[38]        À 16 h 24 min 2 s, sur la même vidéo, on y aperçoit de nouveau l’accusé sortir de la pharmacie pour se rendre dans le portique et se positionner à côté de la cabine téléphonique, et y demeurer jusqu’à 16 h 28 min 7 s pour ensuite quitter vers l’extérieur.  Cette preuve correspond aussi aux heures d’appels reçus par la plaignante et inscrites au sommaire de son compte cellulaire à la pièce P-9.

[39]        Le 18 septembre 2013, elle reçoit à nouveau un appel. Il s’agit du 819-564-9948. Après enquête, ce numéro correspond à la cabine téléphonique située à l’extérieur de l’Épicerie Gérard Lemieux enr., située au 890 rue Mc Manamy à Sherbrooke.  La plaignante déclare répondre à cet appel, mais le numéro n’apparaît pas sur la facturation, pièce P-9. Visiblement, elle se trompe à nouveau, puisqu’elle y a inscrit préalablement à la main le numéro sur la pièce P-9. (photo P-6 l’accusé sort de la cabine téléphonique à 19 h 40 min 7 s).

[40]        À cet égard, la vidéo de l’Épicerie Gérard Lemieux enr., du 18 septembre 2013, donne une prise de vue à l’extérieur du commerce où on peut y apercevoir une cabine téléphonique. L’accusé est vu y arriver à 19 h 38 min 36 s et quitter à 19 h 40 min 7 s (voir pièces P-6 et P-7). Selon la plaignante, l’appel qu’elle reçoit en provenance de cette cabine téléphonique serait à 19 h 44. Il s’agit visiblement d’une erreur, puisqu’à cette heure l’accusé a quitté. Quoi qu’il en soit, la défense admet la présence de l’accusé à cet endroit.

[41]        La plaignante reçoit aussi d’autres appels suspects le 13 septembre 2013 :

Ø  Un en provenance du 819-564-9807 à 19 h 53 qui s’avère être la cabine téléphonique du Couche-Tard situé au 4475, boulevard Bourque à Sherbrooke. La plaignante fait l’inscription de ce numéro à la main sur la pièce P-9 (voir aussi pièce P-4);

Ø  Un appel du 819-566-9357 à 20 h 10 qui s’avère être la cabine téléphonique du Tim Hortons situé au 2340 rue King Ouest à Sherbrooke.  La plaignante ne répond pas, mais y inscrit le numéro sur sa facturation, pièce P-9 (voir aussi pièce P-4).

[42]        Le soir du 13 septembre 2013, la plaignante accueille chez elle, vers 19 h, un ami du nom de Bruno Paradis.  Ce dernier quitte entre 20 h et 20 h 10.

[43]        Peu de temps après, vers 21 h, un appel est logé par l’accusé qui lui mentionne savoir qu’il y avait quelqu’un chez elle, ce qu’elle lui confirme.  Une longue discussion s’ensuit lors de laquelle le climat est convenable. Selon le sommaire du compte cellulaire de la plaignante, pièce P-9, l’appel est logé à 21 h 47 et la durée de cette conversation est de 123 minutes.

[44]        Par la suite, la plaignante se couche et se fait réveiller précisément à 3 h 33 par une personne qui frappe dans sa fenêtre de chambre.  Elle ne se lève pas pour vérifier l’identité de l’individu et finit par se rendormir.

[45]        Le matin du 14 septembre 2013, alors qu’elle est en présence de Maryse Boucher, une amie, elle reçoit quelques appels sur son cellulaire.  Elle reconnaît le numéro de téléphone du cellulaire de l’accusé, soit le 819-574-7090, affiché sur son écran, mais elle ne répond pas (voir le sommaire du compte cellulaire de la plaignante, pièce P-9, sur lequel celle-ci fait des inscriptions à la main).

[46]        Toujours le 14 septembre 2013, sans avertissement, l’accusé se présente à son domicile en fin d’avant-midi, en lui mentionnant qu’il a tenté de la rejoindre et qu’il est inquiet. L’accusé demeure à l’entrée de la porte et quitte à la demande de la plaignante, quelques instants après.

[47]        Se référant à sa déclaration du 2 octobre 2013, livrée à l’enquêteur Nathalie Lessard et rédigée par cette dernière, la plaignante déclare que le 15 septembre 2013, elle reçoit à nouveau un appel suspect sur son cellulaire vers 16 h 56, en provenance du 819-564-9680.  Ce numéro est associé à la cabine téléphonique du Couche Tard situé au 2558 rue Galt Ouest à Sherbrooke (voir pièces P-4 et P-9).

[48]        Le même soir, elle reçoit un autre appel vers 17 h 45, cette fois du 819-346-6420, qui, après enquête, s’avère être le numéro de la cabine téléphonique du IGA Extra situé au 775, rue Galt Ouest à Sherbrooke (voir pièce P-4) et voir pièce P-9, où elle y inscrit le numéro à la main.

[49]        Le 16 septembre 2013, alors qu’elle a pris congé en après-midi, elle reçoit un appel à 15 h 41 en provenance du 819-566-9220. Après enquête, ce numéro correspond à une cabine téléphonique au Carrefour de l’Estrie, situé au 3050, boulevard de Portland à Sherbrooke (voir pièce P-4). Elle y inscrit à la main ce numéro de téléphone sur la pièce P-9.

[50]        Le 18 septembre 2013, vers 22 h 33, elle reçoit un autre appel en provenance du 819-780-9000.  Elle ne répond pas, mais y  inscrit le numéro sur la pièce P-9. Après enquête, ce numéro provient d’un téléphone cellulaire de la compagnie Telus (voir pièce P-4).

[51]         Le 20 septembre 2013, un vendredi, tôt le matin, la fille de la plaignante aperçoit un sac sur le pare-brise du véhicule de sa mère, garé à sa résidence.  À l’intérieur se trouve une lettre écrite à l’ordinateur adressée à la plaignante (voir pièce P-2).

[52]        Le contenu réfère à la première lettre qu’elle a reçue le 11 septembre 2013 (pièce P-1) et l’accuse de mentir et de manipuler les trois destinataires dont les initiales sont inscrites dans la première lettre, correspondant à Bruno Paradis, l’accusé et Pascal Marcotte.

[53]        Dans cette deuxième lettre, l’on y retrouve notamment les propos suivants :

« À moins que tu arrête ton petit jeu de mensonges, de séduction et de manipulation.  Si tu veux que ça s’arrête, place une enveloppe jaune, tout le temps sur ton tableau de bord de ton auto… Je te dirai ensuite comment faire… » (voir pièce P-2)

[54]        La plaignante décide alors de porter plainte à la police le même jour (20 septembre 2013).  Elle remet les deux lettres, pièces P-1 et P-2 à l’agent Tétrault du Service de police de Sherbrooke.

[55]        Elle avise l’accusé par téléphone qu’elle porte plainte contre lui, car elle doute fortement qu’il soit l’auteur de ces lettres et des nombreux appels harassants.  L’accusé demeure calme.  La plaignante mentionne à la cour qu’il lui a même suggéré lors de conversations antérieures de faire appel aux policiers afin d’identifier la personne responsable.

[56]        Le 21 septembre 2013, un samedi, la plaignante reçoit des fleurs à son domicile. Elle a la conviction qu’elles proviennent de l’accusé, puisque, dit-elle, elle reconnaît l’écriture sur la petite carte de souhaits. Elle ne remet pas cette carte à l’enquêteur Nathalie Lessard.

[57]        Entre le 24 septembre et le 2 octobre 2013, l’accusé lui laisse des messages sur sa boîte vocale au travail. Elle reconnaît sa voix sur quatre des cinq messages, lesquels sont enregistrés.

[58]        La poursuite fait entendre en salle d’audience lesdits messages, et par la suite les dépose sous la pièce P-13 :

Ø  le premier, du 24 septembre 2013, on y entend la voix de l’accusé qui demande à la plaignante d’avoir de ses nouvelles et l’informe qu’il a une question pour elle;

Ø  le deuxième, du 25 septembre 2013, l’accusé réfère à l’état dans lequel est la plaignante, lorsqu’il la croise le même jour en matinée dans le stationnement et qu’elle ne veut pas lui parler. Il n’en revient pas de la voir dans cet état et il veut de ses nouvelles et lui offre son aide et son soutien. Il réfère également aux fleurs qu’il lui a fait parvenir le samedi 21 septembre 2013;

Ø  le troisième, du 26 septembre 2013, fait à 19 h 59, en provenance du 819-566-9363, lors duquel aucune parole n’est prononcée, mais le bruit de fond fait penser qu’il est à l’extérieur. (voir P-4, il s’agit du numéro de la cabine téléphonique du Dépanneur Pee Wee, situé au 2402, rue Galt Ouest à Sherbrooke);

Ø  le quatrième, du 1er octobre 2013, l’accusé verbalise notamment ne rien comprendre puisque la plaignante refuse de lui parler depuis deux semaines.  Il veut savoir ce qui se passe et mentionne qu’il a beaucoup de peine.  Il prononce les paroles suivantes :

« Finalement, ben je ne sais pas si c’est utile pour toi, mais j’ai encore eu un appel hier, ça faisait une couple de semaines, la même fille a appelé que les dernières fois, « fac » si jamais t’as besoin d’information, tu sais où me trouver. »

Ø  le cinquième, du 2 octobre 2013, on y entend l’accusé mentionner qu’il ne comprend pas trop ce qui se passe. Il veut que la plaignante lui donne des nouvelles et demande aussi à lui parler.

[59]        Le 29 septembre 2013, la plaignante reçoit à son domicile, dans sa boîte aux lettres, un sac dans lequel se trouvent des documents de conversations Facebook, ainsi qu’une photographie d’elle (voir pièce P-3).

[60]        Elle déclare à la cour comment elle se sent dans les termes suivants :

« C’est sûr qu’il y a de l’anxiété, et ce qu’il y a de plus inquiétant c’est que je ne sais pas quand ça va arrêter « fac » que je trouve que ça prend des proportions un petit peu démesurées.  Ça affecte mon travail, ça affecte la maison quand je suis en présence des enfants, les appels par dessus ça.  Je considère que c’est gros, puis j’arrive pas à trouver ce qui en est, puis ça arrête pas donc oui je suis inquiète. »

[61]        Elle remet ces documents, pièce P-3, à un policier du Service de police de Sherbrooke ce même jour ou quelques jours après.

[62]        Le 2 octobre 2013, elle reçoit de nouveau, dans sa boîte aux lettres à son domicile, une grande enveloppe brune, laquelle contient une lettre qui lui est adressée, des photographies d’elle et des copies de conversations Facebook (voir pièce P-10 et les originaux pièce P-16).

[63]        Cette même journée, elle se rend au poste de police rencontrer l’enquêteur Nathalie Lessard dans le but de compléter sa première déclaration et en donner une deuxième, que rédige l’enquêteur. Elle remet également son sommaire de compte cellulaire pour la période du 10 août au 9 septembre 2013 (voir pièce P-9). Quant à l’enveloppe du 2 octobre 2013 et son contenu (pièce P-10 et les originaux pièce P-16), elle la remet à l’agent Gagnon du Service de police de Sherbrooke, qui lui la confie à l’enquêteur Nathalie Lessard.

[64]        Cette dernière remarque alors sur cette enveloppe brune, la date du 1er octobre 2013 ainsi que l’adresse du bureau de poste (Saint-Esprit) duquel l’enveloppe a été postée, pour y apprendre par la suite qu’il s’agit du bureau de poste situé à l’intérieur de la Pharmacie Uniprix du 2235 rue Galt Ouest à Sherbrooke, cette même pharmacie où des appels harassants ont été logés antérieurement, via le téléphone public.

[65]        Elle se rend donc à cet endroit pour y saisir une vidéo du 1er octobre 2013 de la Pharmacie Uniprix, laquelle permet de voir l’accusé à 15 h 55 y arriver avec des enveloppes dans la main droite et se rendre au bureau de poste situé à l’intérieur, pour y poster deux grandes enveloppes brunes et une plus petite.  La vidéo est déposée sous la pièce P-17, ainsi qu’une capture d’écran, du moment où l’accusé entre dans la pharmacie, aussi déposée comme pièce P-18.

[66]        Un technicien en identité judiciaire a tenté de prélever des empreintes digitales sur l’enveloppe brune (pièce P-16), mais sans succès.

[67]        Le lendemain, le 3 octobre 2013, cette fois c’est la mère de la plaignante qui est présente chez elle, qui lui remet une lettre qu’elle a prise dans la boîte aux lettres (voir pièce P-11). Cette lettre fait état d’insultes, d’injures, pour certaines à caractères sexuels.  Elle remet la pièce le même jour à l’agent Mc Connell du Service de police de Sherbrooke.

[68]        La plaignante dira à la cour :

«  Cette lettre-là m’a affectée particulièrement… parce que c’est des contenus assez directs merci, puis qui me concernent, concernant ma santé mentale, concernant qu’ils font allusion aussi à mes enfants, l’image que je peux projeter comme mère, puis je trouve ça assez ébranlant merci… ça fait augmenter mon anxiété, puis j’ai hâte que ça finisse tout simplement. »[6]

[69]        Le 7 octobre 2013, elle reçoit une autre lettre à son domicile (pièce P-12), placée dans sa boîte aux lettres. Les propos sont toujours au même effet. Il y a dans le contenu, des propos révélateurs, telles les phrases suivantes :

Ø  « Je te côtoie presque tous les jours et tu me parles presque pu. »

(Le Tribunal constate que ces paroles ressemblent étrangement aux propos que tient l’accusé dans les messages téléphoniques qu’il laisse dans la boîte vocale au lieu de travail de la plaignante entre le 24 septembre et le 2 octobre 2013, pièce P-13)

Ø  «Lui, y’a été bon avec toi, ben trop bon même… T’en trouvera pas un autre comme ça…»

Ø  « si tu te questionne encore sur qui je suis, c’est que t’es aveugle… Je suis près de toi presque tous les jours… mais Madame est bien trop importante pour quelqu’un comme moi…»

[70]        La plaignante, référant au contenu de cette dernière lettre, déclare à la cour :

« Ça fait juste encore augmenter mon niveau d’anxiété. »[7]

[71]        Le 8 octobre 2013, elle remet cette lettre du 7 octobre 2013 (pièce P-12), à un agent du Service de police de Sherbrooke. Quelques jours plus tard, elle rencontre l’enquêteur Nathalie Lessard, afin de lui donner le sommaire de son compte cellulaire, cette fois pour la période du 10 septembre au 9 octobre 2013.

[72]        La dernière lettre anonyme qu’elle reçoit, est le 9 octobre 2013, alors qu’elle est chez elle et prend son courrier dans sa boîte aux lettres.  L’auteur l’informe qu’il connaît parfaitement ses allées et venues et lui profère aussi des insultes et des injures, pour certaines de nouveau à caractères sexuels (voir pièce P-19).

[73]        De son souvenir, elle prend contact avec le Service de police de Sherbrooke, entre le 10 et le 14 octobre 2013, pour ainsi remettre à un agent la lettre du 9 octobre 2013 (pièce P-19).

[74]        Cette même journée, soit le 9 octobre 2013, l’enquêteur Nathalie Lessard procède à l’arrestation de l’accusé et le remet en liberté sous certaines conditions, et curieusement la plaignante n’a reçu aucune autre lettre ou téléphone anonyme depuis cette date.

[75]        En contre-interrogatoire, la plaignante relate qu’après la séparation en juillet 2013, l’accusé se présente à deux occasions à son domicile :

Ø  Le 14 septembre 2013 en avant-midi alors que son amie Maryse Boucher y est présente, et

Ø  Le [...] 2013 à l’anniversaire de naissance de son fils.

[76]        Confrontée à une déclaration écrite qu’elle a faite le 8 janvier 2014 à l’enquêteur Nathalie Lessard, dans laquelle elle déclare plutôt que l’accusé ne s’est jamais présenté chez elle après la séparation, la plaignante explique qu’il s’agit tout simplement d’un oubli.

[77]        Questionnée sur la possibilité que le soir du 15 septembre 2013 l’accusé se soit rendu chez elle et qu’il ait appelé Info-Santé, parce qu’elle ne se sentait pas bien, la plaignante déclare que ce n’est pas arrivé.

[78]        Contre-interrogée, à savoir s’il est à son souvenir, qu’après la séparation l’accusé ait passé une nuit chez elle et ait communiqué vers 6 h 40 le matin avec un de ses fils pour venir le chercher, la plaignante déclare que c’est impossible.

[79]        Référant à la pièce P-3, soit les copies des conversations Facebook, qu’elle a reçues le 29 septembre 2013 à son domicile, la plaignante explique qu’il est possible d’avoir accès à ses messages ou conversations privées, soit par une personne qui connaît son code d’accès, ou encore dans l’éventualité où elle oublie de fermer son compte Facebook, alors les données peuvent être utilisées.

Version de l’accusé

[80]        D’emblée, le Tribunal peut affirmer, sans l’ombre d’un doute, après avoir analysé l’ensemble de la preuve, qu’il n’accorde aucune crédibilité à la version de l’accusé, et que celle-ci ne soulève aucun doute raisonnable.  Voici pourquoi.

[81]        Le Tribunal n’a pas l’intention de faire l’énumération de toutes les explications de l’accusé, mais reprendra celles qu’il estime les plus significatives concernant sa crédibilité.

[82]        Il demeure entendu que toutes ses explications furent considérées avec l’ensemble de la preuve par le Tribunal lors de son délibéré, afin de répondre à la question en litige.

[83]        Ceci étant, dans nos règles de droit, il existe un principe fondamental en matière criminelle, soit celui du droit au silence.  Ainsi, nul prévenu n’est obligé de fournir une déclaration lorsqu’il se fait arrêter et qu’il se trouve en compagnie de policiers.

[84]        Cependant, s’il fournit une déclaration et qu’au procès il change sa version, alors l’accusé devra vivre avec l’impact que celle-ci aura sur l’évaluation globale de sa crédibilité.  Si un accusé est capable de raconter des histoires à un policier, alors qu’il n’y est pas obligé, que penser de son témoignage à la cour?  Comment déterminer à quel moment l’accusé dit la vérité?

[85]        À cet effet, il ressort de la preuve, que l’accusé est arrêté le 9 octobre 2013 et qu’il est interrogé par l’enquêteur Nathalie Lessard.

[86]        Cette dernière lui exhibe alors la vidéo du 13 septembre 2013, pièce P-14, de la Pharmacie Uniprix, située au 2235 Galt Ouest à Sherbrooke, sur laquelle on l’aperçoit, vers 16 h 18,  se positionner face à la cabine téléphonique.  Malgré cette évidence, l’accusé nie avoir fait un appel à partir de cet endroit et ne fournit aucune explication quant aux appels anonymes qu’il prétend avoir reçus antérieurement d’une femme non identifiée, permettant d’expliquer la raison de sa présence à cet endroit.

[87]        À la cour, il change sa version en invoquant au Tribunal qu’il a préalablement fait l’objet d’appels anonymes d’une femme, en relation avec la lettre pièce P-1 qui lui a été adressée, et que cette journée du 13 septembre 2013, il reçoit un autre appel sur sa ligne résidentielle, provenant de cette même femme, qu’il ne peut identifier et qui lui dicte les propos suivants :

« Si tu vas pas chercher les preuves comme on te le demande d’aller les chercher, on va aller les porter à la Maisonnée… l’école des enfants de Sonia.»[8]

« Tu vas à la boîte téléphonique du Uniprix, puis dans la couverture du bottin téléphonique il y a un numéro de téléphone et tu composes ce numéro-là. »[9]

[88]        L’accusé déclare qu’à ce moment il réagit et obéit à cette directive anonyme, en raison du fait qu’on veut impliquer les enfants de la plaignante.  C’est pour cette raison qu’il s’y rend.  Il dira à la Cour :

« Je me présente là, bon je sais pas trop, « fac que» je rentre, je me rends à la cabine téléphonique pis j’ouvre le bottin qui est en dessous de… pis quand j’ouvre il y a un « post-it » avec un numéro de téléphone, puis je prends, je mets l’argent dedans, pis je téléphone au numéro qui est là. »[10]

[89]        L’accusé déclare ne pas connaître le numéro qu’il compose.  Il ajoute :

« Il y a une tonalité, comme si y a pas de contact téléphonique qui s’installe au bout du fil… « fac que » j’attends voir si il se passe quelque chose, je raccroche puis je réessaye une deuxième, pis ça fonctionne pas, pis je décide d’aller m’asseoir dans mon véhicule.  Je regarde si il se passe quelque chose autour, pis finalement j’attends, pis après ça je décide de retourner réessayer une autre fois.  Pis c’est ce qui s’est passé, j’ai essayé de recommuniquer une autre fois à ce moment-là. »[11]

[90]        La crédibilité de l’accusé est des plus décevante lorsqu’il fait ces affirmations.  La vidéo, pièce P-14, illustre clairement l’accusé entrer dans le portique de la Pharmacie Uniprix le 13 septembre 2013 à 16 h 18 min 25 s, et demeurer face à la cabine téléphonique jusqu’à 16 h 20 min 9 s. Jamais pendant cette période l’accusé n’est vu à manipuler le bottin muni d’une couverture noire, qui se trouve en dessous du téléphone, que l’accusé d’ailleurs situe à cet endroit lors de son témoignage à la cour.

[91]        La pièce P-13, soit la capture d’image de la même vidéo prise à 16 h 20 min 14 s le 13 septembre 2013, montre l’accusé franchir la deuxième porte qui mène à l’intérieur de la Pharmacie Uniprix.

[92]        La vidéo, pièce P-14, illustre visiblement à 16 h 24 min 2 s, le 13 septembre 2013, l’accusé sortir de la même pharmacie pour se rendre dans le portique et se positionner à nouveau principalement à côté de la cabine téléphonique, y demeurer, et quitter pour l’extérieur à 16 h 28 min 7 s, et ne plus y revenir.

[93]        Cette vidéo est éloquente quant à la contradiction de l’accusé à l’effet qu’après avoir effectué les premiers appels, il est sorti de la pharmacie pour se rendre à son véhicule afin d’observer, pour revenir peu de temps après dans la pharmacie pour effectuer un autre appel au même téléphone public.

[94]        Le visionnement de la vidéo qui montre l’arrivée de l’accusé dans le portique de la pharmacie à 16 h 18 min 25 s jusqu’à sa sortie à 16 h 28 min 7 s démontre hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas quitté la pharmacie.

[95]        L’accusé fait entendre Christian Dubreuil, témoin que le Tribunal déclare expert à titre de technicien en informatique et en service de téléphonie IP.

[96]        Ce dernier explique qu’il existe plusieurs technologies permettant à quelqu’un, à l’aide d’un logiciel, d’usurper un numéro de téléphone et ainsi le diriger par exemple vers un autre destinataire que celui vers lequel il est destiné.

[97]        Il explique qu’il est aussi possible qu’une personne, à partir d’un téléphone public, compose un numéro de téléphone donné, mais qu’à son insu, il se trouve à entrer en communication avec un autre numéro de téléphone.

[98]        L’accusé tente ainsi par ce témoignage de persuader le Tribunal que lorsqu’il se rend à la cabine téléphonique de la Pharmacie Uniprix, située au 2235 rue Galt Ouest à Sherbrooke, le 13 septembre 2013, et à la cabine téléphonique située à l’extérieur de l’Épicerie Gérard Lemieux enr., située au 890 rue Mc Manamy à Sherbrooke, le 18 septembre 2013, qu’il n’a aucune idée que les appels qu’il fait sont dirigés vers le cellulaire de la plaignante.  Le Tribunal ne retient aucunement sa version quant à cette affirmation.

[99]        Confronté à cette contradiction, entre la version qu’il livre à l’enquêteur Nathalie Lessard et son témoignage à la cour, il tente maladroitement d’expliquer au Tribunal, que lors de son interrogatoire par l’enquêteur, que celle-ci cherche juste à le piéger, le coincer, qu’elle se « foute » de ses réponses et qu’elle ne veut rien entendre.  Le Tribunal ne le croit tout simplement pas. L’accusé avait amplement le temps et la possibilité de fournir des justifications à l’enquêteur, puisqu’il a été interrogé pendant une période de 5 heures.  Il semble plus probable qu’il fut déstabilisé face à la preuve vidéo évidente et qu’il ne pouvait y apporter aucune explication logique.

[100]     Le Tribunal a plutôt remarqué lors de son contre-interrogatoire « mené de façon serrée », que l’accusé pouvait très bien donner des explications, toutefois, souvent invraisemblables en  regard de l’ensemble de la preuve.

[101]     En ce qui concerne les autres appels logés à partir de téléphones publics aux endroits suivants :

Ø  IGA Extra situé au 775 Galt Ouest à Sherbrooke;

Ø  Dépanneur Couche Tard du 2558 Galt Ouest à Sherbrooke;

Ø  Dépanneur Couche Tard du 4475, boulevard Bourque à Sherbrooke;

Ø  Un téléphone public situé au Carrefour de l’Estrie, au 3050 boulevard de Portland à Sherbrooke;

Ø  Ainsi qu’au Tim Horton du 2340 King Ouest à Sherbrooke,

lesquels appels sont répertoriés sur la pièce P-4 (registre téléphonique de localisation de téléphones publics de Bell Canada) et qui ont été logés sur le cellulaire de la plaignante, l’accusé nie de façon catégorique en être l’auteur.  Le Tribunal conclut de par le modus operandi que l’accusé est bien l’auteur de ces appels et de ce fait réfute la version de l’accusé à cet effet.

[102]     De toute évidence, l’accusé, constatant qu’il n’y a aucune preuve vidéo de ces endroits, ne cherche pas à se justifier, contrairement à ce qu’il fait lorsqu’il est capté par la caméra et qu’il n’a d’autres choix que de trouver une explication.

[103]     Quant à la version que donne l’accusé concernant la raison de sa présence le 1er octobre 2013 à 15 h 55 min 48 s au bureau de poste de la Pharmacie Uniprix située au 2235 rue Galt Ouest à Sherbrooke, lors de laquelle nous pouvons le voir sur la vidéo, pièce P-17, ainsi que sur la photo en capture d’écran de cette même vidéo, pièce P-18, le Tribunal ne la retient aucunement.

[104]     Ce dernier prétend ne pas être l’auteur de la lettre, pièce P-10, et ses originaux, pièce P-16, reçue par la plaignante le 2 octobre 2013, et qui a été postée au même bureau de poste le 1er octobre 2013, tel que le démontre le sceau estampé sur l’enveloppe brune dans laquelle elle se trouvait.

[105]     Sa présence à cet endroit n’est que des plus concluante concernant son implication dans le dossier, et ce, même s’il explique être allé poster, notamment, un document à sa compagnie d’assurance, dont il dépose copie comme pièce D-9.

[106]     Cette preuve permet d’inférer sans spéculer que la seule conclusion logique est que l’accusé est l’auteur et l’expéditeur des autres lettres anonymes (pièces P-1, P-2, P-3, P-11, P-12 et P-19) que reçoit la plaignante.  L’accusé avait un mobile pour agir de la sorte. Il cherchait à se venger du fait que la plaignante, devenue son ex-conjointe, pouvait fréquenter d’autres hommes.  Il voulait l’effrayer et du même coup espérait lui offrir son aide afin de la reconquérir.

[107]     Concernant les cinq messages laissés dans la boîte vocale de la plaignante à son lieu de travail, pièce P-13, tous sont des messages de l’accusé sauf un, lors duquel il n’y a aucune parole de prononcée.  De par la sonorité, on peut en déduire que la personne est à l’extérieur.

[108]     L’enquête policière a permis d’établir que cet appel a aussi été logé d’un téléphone public, comme plusieurs autres dans le présent dossier, et qu’il provient du Dépanneur Pee Wee au 2402 rue Galt Ouest à Sherbrooke.  De plus, ce lieu est à proximité de la Pharmacie Uniprix située au 2235 rue Galt Ouest à Sherbrooke où l’accusé lui-même est identifié par caméra alors qu’il est tout près d’un téléphone public à des heures où la plaignante a reçu des appels de ce téléphone, et qu’il est aussi vu sur vidéo à poster des lettres, dont 2 enveloppes brunes.

[109]     Lors des quatre messages laissés par l’accusé dans la boîte vocale de la plaignante à son lieu de travail, entre le 24 septembre et le 2 octobre 2013, pièce P-13, le Tribunal est à même de constater que les propos qu’il tient à ces occasions sont des plus insistants et constants.  De plus, ces messages coïncident avec la même période de temps que les sept lettres anonymes reçues par la plaignante entre le 11 septembre et le 9 octobre 2013.

[110]     En rapport avec les explications données par l’accusé, qui concernent ses relevés de téléphone cellulaire des mois de juillet, août et septembre 2013, pièce D-1, avec lesquels l’accusé a témoigné, pour tenter de convaincre le Tribunal des liens réciproques avec la plaignante et des nombreux appels que cette dernière lui aurait faits, le Tribunal, après analyse de ces documents, pièce D-1, constate que ces derniers ne permettent d’aucune façon d’identifier la provenance et le numéro de téléphone à partir duquel l’accusé aurait été appelé. Seuls les numéros composés directement sur le téléphone cellulaire de ce dernier apparaissent sur lesdits relevés.

[111]     En ce qui a trait au relevé de compte bancaire de l’accusé, pièce D-4, les informations s’y trouvant ne font preuve que de certaines transactions à des dates spécifiques, sans plus.

ANALYSE ET DÉCISION

[112]     Dans l’arrêt R. c. Lamontagne[12], la Cour d’appel du Québec souscrit à l’analyse de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt R. v. Sillipp[13], relativement aux cinq éléments essentiels de l’infraction de harcèlement criminel que la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable pour obtenir une déclaration de culpabilité :

(1)        l’accusé a commis un des actes prévus par les alinéas 264(a), b), c) ou d) du Code criminel;

(2)           la plaignante a été harcelée;

(3)           l’accusé savait que la plaignante se sentait harcelée ou ne s’en souciait pas ou l’ignorait volontairement;

(4)           le comportement de l’accusé a fait craindre à la plaignante pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances, et

(5)           la crainte de la plaignante était raisonnable dans les circonstances.

[113]     Afin de déterminer si les gestes ou paroles d’une personne constituent du harcèlement, le juge des faits doit examiner les actes selon les critères d’une personne raisonnable placée dans la situation de la plaignante.  Le contexte de la relation entre les deux personnes impliquées est donc pertinent au litige. Le test applicable pour évaluer la nature des gestes posés est objectif en ce que ces derniers doivent faire raisonnablement craindre pour la sécurité de la plaignante.

[114]     L’expression que l’on retrouve à l’article 372(3) du Code criminel « avec l’intention de harasser » signifie avec l’intention de déranger.  Il n’est pas nécessaire que celui qui téléphone prononce des paroles pour être déclaré coupable.

[115]     Ceci étant, dans le cas en l’espèce, le Tribunal est en présence à la fois d’une preuve directe et circonstancielle.  Il doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que la seule conclusion raisonnable à tirer de la preuve est la culpabilité de l’accusé.  Des spéculations et conjectures ne suffisent pas.

[116]     Une preuve circonstancielle concluante constitue un ensemble sans faille qui converge inexorablement et logiquement à la culpabilité de l’accusé, et ce, hors de tout doute raisonnable[14],  et c’est le cas dans le présent dossier.

[117]     C’est sans hésitation que le Tribunal retient le témoignage de la plaignante.

[118]     Sa version est confirmée sur plusieurs aspects par de la preuve vidéo, laquelle correspond aux heures des appels logés par l’accusé, confirmée aussi par une preuve documentaire.  Le Tribunal prête foi à ses propos.

[119]     Malgré la contradiction soulevée par la défense, à savoir que dans la déclaration qu’elle livre à l’enquêteur Nathalie Lessard le 8 janvier 2014, elle relate ne pas avoir revu l’accusé après la séparation, alors qu’à la cour elle mentionne plutôt que c’est arrivé à deux occasions à des dates précises, elle explique que cela est tout simplement un oubli.

[120]     Cette contradiction, s’il en est une, n’est certes pas de nature à mettre en doute la fiabilité de sa version. Le fait qu’elle se soit trompée à deux occasions, en mentionnant qu’elle a répondu à certains appels logés par l’accusé, à partir de cabines téléphoniques, alors qu’elle ne l’avait pas fait, s’explique puisque, lorsqu’elle témoigne à la cour, les évènement remontent à plus d’une année et demie.  Quoi qu’il en soit, au moment où elle reçoit ces appels, elle y inscrit sur papier les numéros pour appuyer ses prétentions.  Il y a une distinction entre un témoin qui se trompe de bonne foi et celui qui ment délibérément.

[121]     Entre le 11 septembre et le 9 octobre 2013, la plaignante avait des raisons subjectives de craindre pour sa sécurité. Les propos de cette dernière, cités préalablement,  sont éloquents à cet effet.

[122]     Le Tribunal considère qu’une personne raisonnable placée dans la même situation que la plaignante aurait entretenu, à la suite du comportement de l’accusé, une crainte pour sa sécurité.

[123]     Les nombreux appels anonymes logés par l’accusé étaient indiscutablement des appels harassants au sens de la Loi.

[124]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[125]     DÉCLARE l’accusé coupable des deux chefs d’accusations portés contre lui.

 

 

__________________________________

HÉLÈNE FABI, J.C.Q.

 

Me Joanny Houde St-Pierre

Procureure aux poursuites criminelles et pénales

 

Me Patrick Fréchette

Avocat de l'accusé

 

Dates d'audience : 24 février, 18 et 19 mars 2015.

 

 



[1]     Jugement rendu oralement le 9 septembre 2015 et déposé au dossier le 13 octobre 2015. Les présents motifs ont pu être modifiés, remaniés ou amplifiés pour en améliorer la présentation et la compréhension comme le permet l’arrêt Kellogg’s Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, aux pages 259 et 260, le dispositif demeurant toutefois inchangé.

[2]     CourtLog, 24 février 2015, salle 4, 14 h 32.

[3]     CourtLog, 24 février 2015, salle 4, 14 h 39.

[4]     CourtLog, 24 février 2015, salle 4, 14 h 41.

[5]     CourtLog, 24 février 2015, salle 4, 14 h 42.

[6]     CourtLog, 24 février 2015, salle 4, 15 h 46.

[7]     CourtLog, 24 février 2015, salle 4, 15 h 48.

[8]     CourtLog, 18 mars 2015, salle 8, 15 h 41.

[9]     CourtLog, 18 mars 2015, salle 8, 15 h 42.

[10]    CourtLog, 18 mars 2015, salle 8, 15 h 42.

[11]    CourtLog, 18 mars 2015, salle 8, 15 h 43.

[12]    R. c. Lamontagne, (1998) CanLII 13048 (QC CA).

[13]    R. v. Sillipp, (1997) 120 CCC 3d) 384 (C.A. Alta), autorisation d’appel refusée [1998] 1 R.C.S. xiv.

[14]    R. c. Yebes, [1987] 2 RCS 168.

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