Décision

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Gabarit CSF

Chambre de la sécurité financière c. Robillard

2017 QCCDCSF 12

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1188

 

DATE :

13 mars 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Jean-Michel Bergot

Membre

_____________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

ALAIN ROBILLARD (numéro de certificat 129137, BDNI 1664231)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom et du prénom de la consommatrice concernée et de tout renseignement permettant de l’identifier.

[1]           Le 7 février 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 29 juillet 2016 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         À St-Calixte, le ou vers le 28 mai 2009, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de sa cliente, M.C.P., une somme d’environ 20 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18, 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

2.         À compter du 15 février 2010 et ainsi de suite à chaque année jusqu’au 15 février 2012, l’intimé s’est approprié la somme de 5 000 $ appartenant à sa cliente M.C.P., pour un total de 15 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

[2]           La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau, et l’intimé, qui était absent, n’était pas représenté par procureur.

LE PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           L’intimé avait transmis le 1er février 2017, au secrétariat du comité, avec copie au procureur de la plaignante, un plaidoyer de culpabilité aux deux (2) chefs d’accusation de la plainte disciplinaire et lequel a été produit et identifié à l’audition comme pièce I-1.

[4]           À son plaidoyer, pièce I-1, le comité constate que l’intimé consent aussi à ce que le comité procède sur sanction en son absence.

[5]           De plus, Me Galarneau informa le comité qu’il avait eu des conversations téléphoniques avec l’intimé concernant son plaidoyer de culpabilité, dont une la veille de l’audition, où il lui avait confirmé à nouveau qu’il n’avait pas l’intention d’être présent à l’audition devant le comité.

[6]           Le procureur de la plaignante informa aussi le comité qu’il avait, lors de cette conversation téléphonique, informé l’intimé de la teneur des documents qu’il produirait au comité et des représentations qu’il ferait concernant la sanction.

[7]           Compte tenu de ce qui précède, le comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a permis à la plaignante de procéder à la fois sur culpabilité et sur sanction en l’absence de l’intimé.

LA PREUVE

[8]           Le procureur de la plaignante a déposé auprès du comité une série de pièces identifiées P-1 à P-12 à partir desquelles il lui a présenté les faits du présent dossier.

[9]           L’intimé a été représentant inscrit depuis 1991 à divers titres et avait déjà en 1992 la consommatrice M.C.P. comme cliente.

[10]        En 2009, l’intimé a informé M.C.P. qu’il avait des difficultés financières, plus particulièrement à cause d’un litige qu’il avait avec un collègue concernant la vente de sa clientèle.

[11]        C’est alors qu’il a emprunté de M.C.P. la somme de 20 000 $, le 28 mai 2009.

[12]        Cette somme de 20 000 $ devait être remboursée à raison de 5 000 $ par année avec un taux d’intérêt de 5%, soit une somme de 1 000 $ annuellement à titre d’intérêts, tel qu’il appert de la reconnaissance de la dette signée par l’intimé et M.C.P., identifiée comme pièce P-3.

[13]        Le 30 septembre 2011, l’intimé a cessé d’être inscrit à titre de représentant en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[14]        De plus, en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, son inscription à titre de représentant de courtier en épargne collective avait été suspendue à compter du 26 octobre 2010. Il a donc été radié à ce titre deux (2) ans plus tard, soit le 26 octobre 2012[1].

[15]        L’intimé n’a remboursé aucune somme à M.C.P. que ce soit en capital ou en intérêts.

[16]        Compte tenu de ce défaut de la part de l’intimé, M.C.P. a déposé formellement une plainte le 17 janvier 2016 à l’Autorité des marchés financiers (pièce P-2).

[17]        Dans le cadre de l’enquête de la plaignante, l’intimé a eu le 29 février 2016 une conversation téléphonique avec l’enquêteur responsable du dossier, laquelle a duré environ une (1) heure et dont l’enregistrement a été déposé comme pièce P-10.

[18]        Lors de cette conversation téléphonique avec l’enquêteur, l’intimé a reconnu sans hésitation avoir contracté le prêt auprès de M.C.P. et de ne pas lui avoir remboursé les montants dus.

[19]        Il a aussi mentionné à l’enquêteur qu’il avait indiqué à sa cliente au moment de la conclusion du prêt qu’en ce faisant, il se plaçait illégalement dans une situation de conflit d’intérêts à titre de représentant.

[20]        N’ayant pas été remboursée, M.C.P. a mis formellement en demeure l’intimé par l’envoi d’une lettre de ses procureurs datée du 14 octobre 2016 (pièce P-12).

[21]        L’intimé a donc fait défaut de rembourser à échéance la somme de 15 000 $ à M.C.P. alors qu’il était représentant.

[22]        La définition de l’appropriation généralement acceptée en droit disciplinaire veut que l’infraction d’appropriation de fonds s’apparente à la possession d’un bien appartenant à un client de façon temporaire, sans son autorisation, et ce, même avec l’intention de le lui remettre[2].

[23]        Dans les circonstances, le comité a trouvé l’intimé coupable séance tenante des deux (2) infractions reprochées, à savoir de s’être, dans un premier temps, placé en situation de conflit d’intérêts, et dans un deuxième temps, de s’être approprié la somme de 15 000 $ appartenant à M.C.P.

[24]        Par la suite, compte tenu de la teneur du plaidoyer de culpabilité (I-1) et de la conversation téléphonique que le procureur de la plaignante avait eue au préalable avec l’intimé, le comité a procédé immédiatement sur sanction en son absence.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[25]        Le procureur de la plaignante, compte tenu des faits ci-haut mentionnés, a suggéré au comité comme sanction, une radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) ans pour le chef d’accusation numéro 1 et une radiation temporaire pour une période de dix (10) ans pour le chef d’accusation numéro 2, à être purgées de façon concurrente.

[26]        De plus, il réclame du comité une ordonnance de publication en vertu de l’article 156 (5) du Code des professions aux frais de l’intimé et une ordonnance condamnant l’intimé au remboursement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

[27]        Pour soutenir cette recommandation, le procureur de la plaignante souligne tout d’abord la gravité objective très importante des deux (2) infractions reprochées à l’intimé.

[28]        Il indique que la relation existant entre un représentant et son client est basée sur la confiance absolue du client envers son représentant.

[29]        De plus, en ce qui concerne le chef d’accusation d’appropriation illégale, le procureur de la plaignante indique que cette infraction va au cœur même de l’exercice de la profession.

[30]        En effet, cette infraction met en cause l’intégrité et la probité du représentant et le comportement délinquant de l’intimé en l’espèce rejaillit négativement sur la profession.

[31]        Au niveau subjectif, Me Galarneau reconnaît que l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire, qu’il a collaboré avec l’enquêteur de la plaignante, qu’il a reconnu sans hésitation les faits reprochés et qu’enfin, il a plaidé coupable à la première occasion.

[32]        Cependant, il ajoute qu’il considère aggravant le fait que l’intimé avait au moment de la commission des actes reprochés près de vingt (20) années d’expérience et qu’il les a commis en toute connaissance de cause.

[33]        Enfin, Me Galarneau déposa et commenta par la suite une série de décisions appuyant sa recommandation de sanction[3].

ANALYSE ET MOTIFS

[34]        L’intimé est présentement âgé de 67 ans.

[35]        Il avait débuté sa carrière à titre de représentant en 1991 et avait donc au moment de la commission des infractions reprochées près de 20 ans d’expérience.

[36]        L’intimé était le représentant de M.C.P. depuis 1992 et il existait donc depuis longtemps une relation de confiance entre les deux.

[37]        L’intimé savait pertinemment bien qu’il se mettait en situation de conflit d’intérêts en empruntant de sa cliente la somme de 20 000 $ et qu’il commettait ainsi une infraction déontologique.

[38]        D’ailleurs, lors de sa conversation téléphonique avec l’enquêteur de la plaignante, il l’a reconnu expressément (pièce P-10).

[39]        C’est donc en toute connaissance de cause que l’intimé s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts contrairement à ses obligations déontologiques.

[40]        De plus, il savait ou aurait dû savoir qu’en faisant défaut de rembourser à échéance l’emprunt contracté auprès de sa cliente, il commettait une appropriation de fonds.

[41]        Il est vrai qu’il était aux prises avec des problèmes financiers qui l’obligeaient à se trouver du financement, mais cette situation ne peut excuser son comportement.

[42]        Présentement, l’intimé n’a toujours pas remboursé M.C.P. le capital emprunté, ni les intérêts dus.

[43]        Dans sa conversation téléphonique avec l’enquêteur de la plaignante (pièce P-10), il indique qu’il est actuellement invalide et qu’il est insolvable.

[44]        Le comité reconnaît que l’intimé n’avait aucune intention malicieuse et qu’il a été transparent avec M.C.P. lors de la conclusion du prêt faisant l’objet de la présente instance.

[45]        Cependant, l’intimé, en empruntant de sa cliente, subordonnait les intérêts de celle-ci à ses intérêts personnels.

[46]        Compte tenu de ce qui précède et des faits qui lui ont été présentés, le comité est d’accord avec la recommandation du procureur de la plaignante et il ordonnera donc la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) ans en ce qui concerne le chef d’accusation numéro 1 et sa radiation temporaire pour une période de dix (10) ans en ce qui concerne le chef d’accusation numéro 2, ces périodes de radiation temporaire devant être purgées de façon concurrente.

[47]        Le comité considère qu’il s’agit dans les circonstances d’une sanction juste et appropriée et qu’elle respecte les principes d’exemplarité et de dissuasion.

[48]        De plus, l’intimé sera condamné au paiement des déboursés et le comité ordonnera la publication de la présente décision aux frais de l’intimé.

[49]        PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des deux (2) chefs d’accusation portés contre lui;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé relativement à chacun des (2) chefs d’accusation de la plainte disciplinaire.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière pour une période de cinq (5) ans quant au chef d’accusation numéro 1 de la plainte;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière pour une période de dix (10) ans quant au chef d’accusation numéro 2 de la plainte;

ORDONNE que ces périodes de radiation soient purgées de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

(S) Claude Mageau

_______________________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(S) Dyan Chevrier

_______________________________

Mme DYAN CHEVRIER, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Jean-Michel Bergot

_______________________________

M. JEAN-MICHEL BERGOT

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

 

Date d’audience :

7 février 2017

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]    Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, RLRQ, c. v-1.1, r.10, art. 6.6.

[2]    Champagne c. St-Jean, CD00-1020, décision sur culpabilité du 12 mai 2014, paragr. 21.

[3]    Champagne c. St-Jean, CD00-1020, décision sur culpabilité du 12 mai 2014; Champagne c. Malenfant, CD00-1121, décision sur requête en radiation provisoire, décision sur culpabilité et sanction du 10 juin 2015; Champagne c. Moore, CD00-1130, décision sur culpabilité et sanction du 9 mai 2016; Tougas cBélanger, CD00-1152, décision sur culpabilité et sanction du 2 juin 2016; Champagne c. Ferjuste, CD00-0922, décision sur culpabilité et sanction du 26 avril 2013; Champagne c. Marapin, CD00-0992, décision sur culpabilité et sanction du 17 juillet 2014; Champagne c. Lamoureux, CD00-1028, décision sur culpabilité du 9 octobre 2014, Lelièvre c. Blais, CD00-1042, décision sur culpabilité rectifiée du 19 janvier 2015 et décision sur sanction du 2 octobre 2015; Tougas c. Boudreault, CD00-1094, décision sur culpabilité et sanction du 21 décembre 2015; Champagne c. Montour, CD00-1123, décision sur culpabilité et sanction du 23 décembre 2015; Lelièvre c. Ziani, CD00-1154, décision sur culpabilité et sanction du 19 juillet 2016.

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