Thermolec ltée c. Stelpro Design inc. |
2018 QCCS 901 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-099735-170 |
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DATE : |
29 janvier 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
michel déziel, J.C.S. |
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THERMOLEC LTÉE |
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Demanderesse |
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c. |
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STELPRO DESIGN INC. et GESTION STELPRO INC. |
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Défenderesses |
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JUGEMENT DE RECTIFICATION |
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[1] ATTENDU que des erreurs d’écriture et matérielle se sont glissées par inadvertance dans le jugement du 9 janvier 2018 du soussigné à savoir :
a) Premièrement : dans le sous-titre du paragraphe 47 on aurait dû y lire, MICHEL BÉLANGER au lieu de MICHE BÉLANGER;
b) Deuxièmement : au paragraphe 87 dans la conclusion principale du dispositif du jugement qui se lit comme suit :
c) ÉMET une injonction interlocutoire ordonnant aux défenderesses, Stelpro Design inc. et Gestion Stelpro inc., de s’abstenir et de cesser immédiatement, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, individuellement ou conjointement avec toute autre personne physique ou morale, de reproduire, copier, distribuer, vendre, commercialiser, modifier, en totalité ou en partie, des serpentins électriques qui contiennent un système similaire à l’invention décrite dans le brevet CA 2,242,829, dont notamment le Serpention SDHx muni d’une sonde d’air électronique intégrée *(l’Option TT), le Serpentin SDHx muni de la seconde sonde appelée par Stelpro « sonde de température du conduit d’alimentation » (l’Option T), et le Serpentin SDHR;
on aurait plutôt dû lire :
ÉMET une injonction interlocutoire ordonnant aux défenderesses, Stelpro Design inc. et Gestion Stelpro inc., de s’abstenir et de cesser immédiatement, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, individuellement ou conjointement avec toute autre personne physique ou morale, de reproduire, copier, distribuer, vendre, commercialiser, modifier, en totalité ou en partie, des serpentins électriques qui contiennent un système similaire à l’invention décrite dans le brevet CA 2,242,829, dont notamment le Serpentin électrique de la série SDHx, SDHi, SDHf ou SDHr, muni d’une sonde d’air électronique intégrée (l’Option TT), seule ou en combinaison avec […] une seconde sonde appelée par Stelpro « sonde de température du conduit d’alimentation » (l’Option T), et ce jusqu’à la date la plus rapprochée entre le jugement final à intervenir ou le 9 juillet 2018.
d) Troisièmement : au dispositif du jugement la conclusion suivante doit être ajoutée, et ce, de consentement des parties;
ORDONNE l’exécution provisoire de toute ordonnance d’injonction à intervenir nonobstant appel.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[2] RECTIFIE le jugement rendu le 9 janvier 2018 pour y lire dans le sous-titre du paragraphe 47 MICHEL BÉLANGER au lieu de MICHE BÉLANGER;
[3] Au paragraphe 87 du jugement on devrait y lire :
ÉMET une injonction interlocutoire ordonnant aux défenderesses, Stelpro Design inc. et Gestion Stelpro inc., de s’abstenir et de cesser immédiatement, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, individuellement ou conjointement avec toute autre personne physique ou morale, de reproduire, copier, distribuer, vendre, commercialiser, modifier, en totalité ou en partie, des serpentins électriques qui contiennent un système similaire à l’invention décrite dans le brevet CA 2,242,829, dont notamment le Serpentin électrique de la série SDHx, SDHi, SDHf ou SDHr, muni d’une sonde d’air électronique intégrée (l’Option TT), seule ou en combinaison avec […] une seconde sonde appelée par Stelpro « sonde de température du conduit d’alimentation » (l’Option T), et ce jusqu’à la date la plus rapprochée entre le jugement final à intervenir ou le 9 juillet 2018.
[4] AJOUTE la conclusion suivante :
ORDONNE l’exécution provisoire de toute ordonnance d’injonction à intervenir nonobstant appel.
[5] LE TOUT sans frais.
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__________________________________MICHEL DÉZIEL, j.c.s. |
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Me Chris Semerjian FASKEN MARTINEAU DUMOULIN |
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Me Michel Savonitto SAVONITTO ET ASSOCIÉS Me Pierre Robichaud ANDREW ROBICHAUD (Ontario) Procureurs des défenderesses |
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Dates d’audience : |
18 et 19 décembre 2017 |
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Thermolec ltée c. Stelpro Design inc. |
2018 QCCS 901 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-099735-170 |
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DATE : |
9 janvier 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
michel déziel, J.C.S. |
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THERMOLEC LTÉE |
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Demanderesse |
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STELPRO DESIGN INC. et GESTION STELPRO INC. |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse Thermolec Ltée (« Thermolec ») reproche aux défenderesses Stelpro Design inc. et Gestion Stelpro inc. (« Stelpro ») de contrefaire le système révolutionnaire de chauffage à air qu’elle a inventé, lequel consiste à moduler la capacité de chauffage d’un serpentin électrique par le biais d’une sonde de température de type thermistance, Système Thermolec, soit le brevet CA 2,242,829 dont elle est titulaire[1].
[2] Thermolec reproche à Stelpro de se livrer à une concurrence illégale et déloyale en fabriquant et vendant des serpentins qui incluent le Système Thermolec.
LE CONTEXTE
[3] Fondée en 1973, Thermolec développe et manufacture des serpentins électriques, des chaudières électriques, des humidificateurs à vapeur et des contrôles électroniques[2].
[4] Sa clientèle consiste principalement à des distributeurs de systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVAC) dans les domaines commerciaux, industriels et, à plus petite échelle ─ soit 10 % de ses activités ─ dans le domaine résidentiel.
[5] Déposée le 19 juillet 1998, la demande du Brevet est publiée le 24 août 1999, et le Brevet a été délivré par l’Office de la propriété intellectuelle (l’« Opic ») le 25 février 2003. Le Brevet expirera le 9 juillet 2018.
[6] Thermolec compte actuellement 115 employés.
[7] La mise en vente de serpentins électriques munis du Système Thermolec constitue l’activité principale et prédominante de Thermolec.
[8] Stelpro est une entreprise qui offre de nombreux produits dont des produits de chauffage, des planchers chauffants, des thermostats et des ventilateurs de salle de bain[3].
[9] Dans les débuts de 2015, Stelpro élargit ses activités en produisant et commercialisant des serpentins électriques destinés aux marchés industriel et commercial.
[10] Depuis, elle vend le serpentin électrique sur mesure de type « SDHx » (le « Serpentin SDHx »[4] et le serpentin électrique rond de type « SDHR » (le « Serpentin SDHR »)[5].
[11] Stelpro compte actuellement plus de 400 employés, opère deux usines où elle fabrique plus de 800 000 appareils de chauffage et environ 400 000 contrôles électroniques par année.
[12] Depuis, Stelpro vend des serpentins électriques en soumissionnant aux appels d’offres privés « avec des prix ridiculement bas pour tenter de s’arroger et fidéliser la clientèle de Thermolec[6].
[13] Devant cette situation, Thermolec commande dans la semaine du 15 mai 2017, par l’entremise d’un tiers, deux Serpentins SDHx de dimensions différentes munis de l’option TT pour constater qu’ils étaient munis d’un système en tout point semblable au Système Thermolec et que les composantes utilisées étaient similaires à celles utilisées par Thermolec[7].
[14] Voici comment Thermolec décrit la contrefaçon de son Brevet[8] :
« 62. Ainsi, en examinant les deux Serpentins SDHx commandés et en consultant les manuels d’instructions qui les accompagnaient, Thermolec découvre que le Serpentin SDHx est muni d’une thermistance en tout point semblable à la thermistance du Système Thermolec et qui accomplit la même fonction que la thermistance du Système Thermolec. Stelpro appelle cette thermistance une « sonde d’air électronique intégrée » et est offerte en option sur le Serpentin SDHx (l’ « Option TT »), le tout comme il appert plus amplement de la page 5 du manuel d’instructions du Serpentin SDHx, Pièce P-7.
63. De fait, une analyse complète du Serpentin SDHx muni de l’Option TT révèle que ce dernier comprend, en plus de la thermistance, tous les éléments des revendications 1, 2, 3 et 5 du Brevet.
64. Par ailleurs, Stelpro offre également en option au Serpentin SDHx, et recommande d’ailleurs à ses clients de s’en prévaloir, une seconde thermistance appelée par Stelpro « sonde de température du conduit d’alimentation » (l’ « Option T »), qui est destinée à être placée en aval du serpentin dans le conduit pour mesurer la température de l’air à la sortie du serpentin, Pièce P-7.
65. Or, tel qu’il appert des revendications 6 et 7 et de la description du Brevet, le Système Thermolec peut aussi comprendre une seconde thermistance placée en aval du serpentin pour mesurer la température de l’air à la sortie du serpentin, tel que décrit et revendiqué dans le Brevet, Pièce P-1.
66. Une analyse approfondie du Serpentin SDHx muni de l’Option TT et de l’Option T révèle que ce dernier comprend tous les éléments des revendications 1, 2, 3, 5, 6 et 7 du Brevet.
67. De plus, en consultant la fiche technique du Serpentin SDHR disponible en ligne sur la page web de Stelpro, Thermolec a constaté que le Serpentin SDHR comprend une « sonde électronique de température intégrée », qui correspond à la thermistance du Système Thermolec, le tout comme il appert plus amplement de la fiche technique du Serpentin SDHR communiquée au soutien des présentes comme Pièce P-8.
68. Comme le Serpentin SDHx muni de l’Option TT, le Serpentin SDHR comprend donc, en plus de la thermistance, tous les éléments des revendications 1, 2, 3 et 5 du Brevet.
69. Par ailleurs, le Serpentin SDHR comprend également une sonde de température placée dans le conduit aval du serpentin pour mesurer la température de l’air à la sortie du serpentin tel que décrit et revendiqué dans le Brevet, le tout comme il appert plus amplement du manuel d’instructions du Serpentin SDHR, communiqué au soutien des présentes comme Pièce P-8.
70. Comme le Serpentin SDHx muni de l’Option TT et de l’Option T, le Serpentin SDHR comprend donc tous les éléments des revendications 1, 2, 3, 5, 6 et 7 du Brevet;
71. Il est donc clair que :
(a) le Serpentin SDHx, lorsque muni de l’Option TT, et le Serpentin SDHR contrefont les revendications 1, 2, 3 et 5 du Brevet, et
(b) le Serpentin SDHx, lorsque muni de l’Option TT et de l’Option T, et le Serpentin SDHR contrefont, en plus des revendications énumérées ci-dessus, les revendications 6 et 7 du Brevet.
72. À la lumière de ce qui précède, il est manifeste que Stelpro contrefait intentionnellement et illégalement les revendications susmentionnées du Brevet, en reproduisant le Système Thermolec dans le Serpentin SDHx muni de l’Option TT, incluant le Serpentin SDHx muni de l’Option TT et de l’Option T, et le Serpentin SDHR, le tout dans l’optique de s’arroger de la clientèle de Thermolec. »
[15] Thermolec allègue subir une perte de clientèle directement attribuée aux agissements de Stelpro ainsi qu’une perte incalculable quant à la valeur de son invention.
[16] Le 31 juillet 2017, Thermolec dépose sa demande introductive d’instance en injonction permanente et en dommages intérêts.
[17] Le tribunal est saisi de la demande d’injonction interlocutoire dont la conclusion est la suivante :
« ÉMETTRE une injonction interlocutoire ordonnant aux défenderesses, Stelpro Design inc. et Gestion Stelpro Inc., de s’abstenir et de cesser immédiatement, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, individuellement ou conjointement avec toute autre personne physique ou morale, de reproduire, copie, distribuer, vendre, commercialiser, modifier, en totalité ou en partie, des serpentins électriques qui contiennent un système similaire à l’invention décrite dans le brevet CA 2,242,829 dont notamment le Serpentin SDHx muni d’une sonde d’air électronique intégrée (l’Option TT), le Serpentin SDHx muni de la seconde sonde appelée par Stelpro « sonde de température du conduit d’alimentation » (l’Option T), et le Serpentin SDHR. ».
LES EXPERTISES
[18] Thermolec fait entendre deux experts, les ingénieurs André Delisle et Chahé Nerguizian.
RAPPORT D’ANDRÉ DELISLE DU 15 SEPTEMBRE 2017
[19] Voici comment il décrit la portée de son mandat[9] :
« […]
La portée du mandat qui m’a été confié consiste essentiellement à fournir des explications techniques concernant les systèmes de chauffage à serpentin électrique, à expliquer l’invention décrite au brevet 829 et à identifier les éléments des revendications du brevet 829 qui se retrouvent dans les systèmes de chauffage à serpentin électrique de marque Stelpro que j’ai étudiés.»
[20] Il indique que son rapport tente de répondre aux quatre questions suivantes :
« 1) Qu’est-ce qu’un serpentin de chauffage électrique, et plus précisément, quelle en est sa construction, son fonctionnement et les particularités de son utilisation?
2) Comment une personne versée dans le domaine concerné par le brevet 829 comprendrait-il l’invention qui y est décrite?
3) Quelle est la portée des revendications de brevet 829? En particulier, comment cette même personne versée dans le domaine concerné par le brevet interpréterait-elle les termes utilisés dans ces revendications?
4) Les éléments de revendications du brevet se retrouvent-ils dans les systèmes de chauffage à serpentin électrique Stelpro que j’ai analysés?
Par ailleurs, je comprends que seule la contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 5, 6 et 7 du brevet 829 est alléguée dans la présente affaire. Mon analyse sera donc limitée à ces revendications.
[21] Les conclusions de son rapport se retrouvent à la page 35 et se lisent comme suit :
« 6.0 CONCLUSION
Les constatations présentées dans ce rapport me permettent de parvenir aux conclusions suivantes pour les deux serpentins fabriqués par Stelpro à l’étude, à savoir les deux serpentins de type SDHI munis de l’option TT :
1) Tous les éléments de la revendication 1 du brevet 829 se retrouvent dans ces serpentins électriques fabriqués par le manufacturier Stelpro, notamment la thermistance qui agit comme détecteur de débit et dont la calibration permet de limiter la capacité de chauffage du serpentin avant que ce dernier ne surchauffe.
2) Tous les éléments des revendication 2, 3 et 5 du brevet 829 se retrouvent dans ces serpentins électriques fabriqués par le manufacturier Stelpro, dont l’utilisation d’un optocoupleur (revendication 2) et d’un triac (revendication 3) pour moduler la capacité de chauffage du serpentin.
3) Tous les éléments des revendication 6 et 7 du brevet 829 se retrouvent dans ces serpentins électriques fabriqués par le manufacturier Stelpro lorsque ceux-ci sont munis de l’option T, c’est-à-dire d’une seconde thermistance placée en aval du serpentin. De plus, ayant analysé les deux unités Stelpro sous étude, je peux affirmer, sur la foi de la documentation technique disponible sur le site internet de Stelpro, ce qui suit :
4) Tous les éléments des revendication 1, 2, 3, 5, 6, et 7 du brevet 829 se retrouvent dans les serpentins électriques de type SDHR fabriqués par le manufacturier Stelpro. »
RAPPORT DE CHAHÉ NERGUIZIAN DU 15 SEPTEMBRE 2017
[22] Voici l’objectif de son rapport[10] :
« J’ai été retenu à titre de témoin-expert par le cabinet d’avocat Fasken Martineau DuMoulin. Mon rôle était d’analyser le circuit de contrôle d’un système de chauffage fabriqué par la compagnie Stelpro Design Inc. (« Stelpro »).
L’objectif du présent rapport est d’identifier en premier lieu les composants du circuit de contrôle et puis de simuler le fonctionnement du système de chauffage en question. On me demande aussi plus précisément de vérifier si le circuit comporte un isolateur optique (aussi appelé optocoupleur ou photocoupleur). »
[23] Voici les conclusions de son rapport :
· « Les courbes Tsenseur en fonction de ᵟ ne suivent pas une loi linéaire. ᵟ dépend aussi de la variation de Tsenseur dans le temps.
· Les courbes Tsenseur en fonction de ᵟ pour Tthermostat = 10 V sont différentes de celles pour Tthermostat = 5V.
·
La valeur plafond définie par le senseur de
température dépend de la température fixée par le thermostat (38o C
et 36o C pour une tension provenant du thermostat de 10 V et
5V, respectivement) et a la priorité sur la
commande définie par le thermostat.
· La courbe Tsenseur en fonction de ᵟ pendant la phase d’augmentation du Tsenseur est différente de celle obtenue pendant la phase de diminution du Tsenseur. »
· RAPPORT DE MICHEL BOULANGER
[24] Stelpro fait entendre l’ingénieur Michel Boulanger (« Boulanger ») de la firme Technosim inc. sur son rapport du 21 novembre 2017[11].
[25] Son mandat consiste à analyser les rapports des ingénieurs André Delisle et Chahé Nergujizian .
[26] Voici les conclusions de son rapport[12] :
« L’analyse présentée à la section 6 a permis d’identifier plusieurs différences matérielles entre le serpentin Stelpro SDHI option TT et un serpentin qui serait fabriqué à partir de la description du brevet. Les principales différences de cette nature sont les suivantes :
Revendication 1 :
- - le serpentin de Stelpro n’a aucun mécanisme qui permettre d’ajuster la plage de température de contrôle de la thermistance.
- - la méthode de contrôle ‘par rafales’ retenue par Stelpro conduit à utiliser des composantes matérielles différentes de celles qui auraient été requises pour implanter la méthode de contrôle ‘par angle de phase’ décrite au brevet.
- - il n’y a pas de composante qui puisse agir comme capteur de débit.
Revendication 6 :
- - le serpentin de Stelpro nécessite moins de composantes électroniques que le serpentin décrit au brevet, puisqu’il n’y a qu’un seul circuit de contrôle au lieu de deux.
Revendication 7 :
- le serpentin de Stelpro nécessite moins de composantes électroniques que le serpentin décrit au brevet, puisqu’il n’y a qu’un seul circuit de contrôle au lieu de deux.
Revendication 8 :
- le serpentin de Stelpro nécessite moins de composantes électroniques que le serpentin décrit au brevet, puisqu’il n’y a qu’un seul circuit de contrôle au lieu de deux.
Revendication 9 :
- le serpentin de Stelpro nécessite moins de composantes électroniques que le serpentin décrit au brevet, puisqu’il n’y a qu’un seul circuit de contrôle au lieu de deux.
[27] Thermolec dépose par la suite deux rapports en réponse au rapport de Michel Boulanger.
RAPPORT RÉPONSE D’ANDRÉ DELISLE du 11 décembre 2017[13]
[28] Il reproduit la revendication 1 du Brevet et ses sept éléments pour conclure que ces derniers sont essentiels à la mise en œuvre de l’invention et que le Serpentin Stelpro contient tous les éléments essentiels de cette revendication.
[29] Delisle commente ensuite le rapport de Boulanger et écrit ce qui suit[14] :
« 2.0 Éléments non-essentiels de la revendication 1
Je n’ai pas inclus dans la liste ci-dessus les détails de la mise en application du moyen de contrôle, soit les éléments 6a («a calibrating means…») et 6b (« a first pulse generating means and a first pulse duration modulating means…»). À la lecture du brevet, on comprend bien que ces caractéristiques ne sont pas essentielles à la mise en œuvre du brevet. En effet, il est clair que pour réagir à des variations de la température de rayonnement, le serpentin doit être contrôlé d’une façon ou d’une autre et que le moyen de contrôle (« first circuit control means ») est un élément pour accomplir cette fonction. Une personne versée dans le domaine technique à laquelle s’adresse le brevet saurait pertinemment au moment de la publication du brevet qu’il existe des moyens alternatifs d’effectuer ce contrôle du serpentin. Les éléments proposés ici ne reflètent donc qu’une possibilité parmi tant d’autres.
Or, c’est justement au niveau de ces éléments non-essentiels que Boulanger relève des différences entre le serpentin Stelpro et la revendication 1. »
[30] Quant aux moyens d’ajuster la plage de température de la thermistance correspondant à l’extrait « calibrating means to adjust… », il écrit que « si cet élément avait été essentiel à l’invention, l’inventeur en aurait parlé plus en détail dans le mémoire descriptif aux pages 6 à 12 du Brevet; or, les mots « calibrating means » n’y sont mêmes (sic) pas utlisés[15]» ajoute-t-il.
[31] Quant aux méthodes de génération du signal pulsé « phase angle » et « burst fire control », il note que le mode de contrôle du Brevet est le « phase angle » et que celui de Stelpro est le « burst fire control ».
[32] Voici son opinion sur ce dernier point[16] :
« La seule différence qui subsiste entre le mode « phase angle » et le mode « burst fire » est la durée dans le temps (« période ») sur laquelle la modulation est effectuée. Dans le système décrit dans la revendication 1, on parle de moduler le système pendant chaque cycle (« during each cycle »), ce qui pourrait impliquer qu’il y a au moins un changement d’état par cycle de courant alternatif, chaque cycle ayant une période de 1/60 hz soit 16.7 millisecondes. Dans le mode utilisé par Stelpro, on module le système sur une période plus longue, soit une seconde.
J’en déduit que la différence entre ces deux modes est en fait négligeable et tel que démontré par M. Nerguizian à la page 4 de sa note, ces deux modes de contrôle sont interchangeables et constituent un choix de design du concepteur. En effet, les deux modes remplissent la même fonction de la même façon pour en arriver au même résultat et il s’agit donc d’une variante qui n’a aucune incidence sur le fonctionnement de l’invention. S’il existe effectivement des différences entre ces deux modes de contrôle, alors celles-ci sont purement secondaires et n’affectent en rien la fonction de contrôle du signal.
Ceci confirme donc que le fait que la modulation se produise à chaque cycle de courant alternatif n’est pas un élément essentiel de la revendication 1. »
[33] Quant aux commentaires de Boulanger sur les revendications 6 et 7, à l’effet qu’il n’y a pas de seconde thermistance dans la conduite en aval du serpentin Stelpro, il réitère que cette seconde thermistance correspond à « l’option T » fournie en option sur les serpentins Stelpro, pour conclure comme suit[17] :
« Je suis donc d’avis que le serpentin Stelpro contient bien un premier moyen de contrôle et un second moyen de contrôle et que leur fonction est assurée par le microprocesseur de la carte électronique. »
RAPPORT-RÉPONSE DE CHAHÉ NERGUIZIAN
[34] On lui demande de vérifier s’il existe une différence significative entre un mode de contrôle de signal dit « phase angle » et un mode de contrôle de signal dit « burst fire control ».
[35] Voici ce qu’il écrit :
« Les deux modes d’opération accomplissent donc la même fonction (c.-à-d., dans le cas du système de chauffage Stelpro, moduler l’état ON/OFF du courant selon un certain algorithme de chauffage) de la même façon (c.-à-d. en générant un signal de contrôle pulsé qui est modulé en fonction de la température mesurée par la thermistance de rayonnement, dont le rôle est de moduler le signal de courant alternatif de l’élément chauffant) pour obtenir le même résultat (c.-à-d. contrôler le courant passant à travers l’élément chauffant).
Il est vrai que chaque mode d’opération comporte des avantages et des inconvénients qui lui sont propres. Par exemple, le contrôle par angle de phase a un facteur de puissance plus faible et une distorsion harmonique plus élevée que ceux du contrôle burst. Ce problème peut en pratique être réglé en utilisant un circuit plus simple de filtrage. D’autre part, un contrôle burst peut donner des bruits de craquements si la base de temps n’est pas bien choisie.
[…]
Il est important de garder en tête que ce ne sont que des suggestions et que le système de contrôle fonctionnerait de la même façon peu importe le mode de contrôle sélectionné.
Ceci illustre bien le fait que les deux modes de contrôle sont interchangeables et ne dépendent pas de la préférence du concepteur. »
LES TÉMOIGNAGES
ANDRÉ BÉLISLE
[36] L’inventeur a eu l’idée d’installer un capteur de température près de l’élément chauffant en aval du serpentin et de limiter le courant électrique que l’on envoie à l’élément chauffant.
[37] Le but est d’éviter la surchauffe du serpentin.
[38] Il s’agit d’une méthode analogique et le brevet donne un exemple au dessin #2 de sorte qu’il pourrait y avoir d’autres méthodes comme celle de Stelpro : le brevet utilise les mots « by way of example[18] ».
[39] La thermistance sert à contrôler le débit si sa sonde est placée au bon endroit; de façon stratégique, elle agit comme détecteur de débit.
[40] La méthode Stelpro utilise un moyen numérique et une personne versée dans l’art en 1998 sait que ce moyen existe
[41] Un « air flow sensor » est un dispositif qui va détecter un débit dans un conduite ou à l’extérieur de celle-ci.
[42] La sonde de type thermistance sent le débit d’air; elle est sous l’influence du débit d’air.
[43] Le but premier du Brevet est de réagir aux variations de débit.
[44] Par son deuxième rapport, il veut faire comprendre que la thermistance ne mesure pas le débit de façon directe, mais de manière indirecte.
CHAHÉ NERGUIZIAN
[45] Il est docteur en génie électrique.
[46] Il reprend l’essentiel de son rapport.
MICHE BÉLANGER
[47] Certaines affirmations des experts de Thermolec sont erronées, incomplètes ou confuses.
[48] Ainsi, on ne trouve pas de définition du « air flow sensor » dans le Brevet.
[49] Il parle des différences dans la conception des serpentins Thermolec et Stelpro.
[50] Pour lui, l’essence de l’invention est de chauffer un débit d’air de façon contrôlée en évitant des surchauffes, ce qui est l’objectif commun à tous les serpentins.
[51] Une surchauffe peut être causée par d’autres facteurs que le débit d’air.
ANALYSE ET DÉCISION
L’APPARENCE DE DROIT
a) L’injonction interlocutoire
[52] L’article 511 C.p.c. prévoit ce qui suit quant à l’injonction interlocutoire :
511. L’injonction interlocutoire peut être accordée si celui qui la demande paraît y avoir droit et si elle est jugée nécessaire pour empêcher qu’un préjudice sérieux ou irréparable ne lui soit causé ou qu’un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement au fond inefficace ne soit créé.
Le tribunal peut assujettir la délivrance de l’injonction à un cautionnement pour compenser les frais et le préjudice qui peut en résulter.
Il peut suspendre ou renouveler une injonction interlocutoire, pour le temps et aux conditions qu’il détermine.
b) La présomption de validité du Brevet
[53] Il y a lieu de reproduire les éléments de la réclamation #1 auxquelles les réclamations 2 à 11 découlent :
« CLAIMS
The embodiments of the invention in which an exclusive property or privilege is claimed are defined as follows :
An electric air heating system for heating low pressure air, said air heating system comprising :
- a duct through which air can flow;
- an electric heating element mounted within said duct to generate heat, said heat being divided into a first heat portion and a second heat portion, said first heat portion being provided for heating air flowing through said duct by convention, said second heat portion being emitted as radiant heat, said radiant heat decreasing with an increase of the air volume flow rate in said duct and with a decrease of the temperature of the air flowing through said duct;
- a power line connected to said heating element for supplying alternating electrical power thereto;
- an electronic switching means series connected to said heating element in said power thereto;
- a first thermistor located in said duct adjacent and along said heating element, said first thermistor being directly exposed to the radiant heat emitted by said heating element;
- a first control circuit means electrically connected to said first thermistor for controlling said electronic switching means to cause the latter to switch between a conducting state and a non-conducting state depending on the radiant heat emitted boy said heqting element, said first control circuit means including :
- a calibrating means to adjust a minimum temperature and a maximum temperature of said first thermistor between which said electronic switching means gradually changes form said conducting state to said non-conducting state, and corresponding to a permanent heating condition of said heating element and a permanent non-heating condition of said heating element respectively; and
- a first pulse generating means and a first pulse duration modulating means sending a first signal to modulate the number of state changes and duration of the conducting state of said electronic switching means during each cycle of said alternating electrical power, between both said permanent heating and permanent non-heating conditions;
- whereby said first control circuit means providing a gradual heating of said heating element depending on the radiant heat emitted to said first thermistor that acts as an air flow sensor to allow maximal heating capacity of said heating element depending on temperature and volume flow rate of said air flowing through said duct. »
[54] L’expert Bélanger écrit dans son rapport que cette partie de la revendication que « la thermistance agit comme un capteur de débit (flow sensor)[19] » est erronée.
[55] Le tribunal a fait le résumé des positions des trois experts pour démontrer les prétentions des parties, lesquelles devront être tranchées au stade de l’injonction permanente.
[56] Voici les propos de la Cour d’appel en 1995 dans Brassard c. Société zoologique de Québec inc.[20] :
« pp. 15-16 « Dans l’étude de cette apparence de droit, la prudence s’impose. Le juge n’est pas saisi du fond de la demande. Il ne doit apprécier le même des moyens soulevés que pour se satisfaire de l’existence et de la qualité de l’apparence de droit. Dès que les moyens semblent suffisamment sérieux pour offrir une perspective raisonnable de succès, il lui faut conclure que le requérant a satisfait à la première exigence de l’article 752 C.p.c., comme le rappelait monsieur le juge McCarthy : […]
La nature de l’article 752 C.p.c. et son interprétation jurisprudentielle imposent à notre Cour un devoir, celui de vérifier s’il existence une apparence de droit ou des questions de droit sérieuses permettant de conclure à l’existence de telles questions. Elles n’autorisent pas une décision sur le mérite du dossier, sauf indirectement, dans la mesure où on conclurait qu’une faiblesse fondamentale du recours le prive de base juridique. »
[57] La juge Danielle Richer écrit en 2004 dans Chic Optic inc. c. Safilo Canada inc.[21] qu’il faut faire une analyse succincte des revendications au stade de l’interlocutoire :
« [49] À l’étape de l’injonction interlocutoire, le Tribunal n’entend pas faire une étude exhaustive, détaillée et technique de chacune des revendications, mais plutôt d’en faire une lecture attentive et soutenue dans l’esprit des enseignements conformément aux enseignements précités. Le Tribunal garde en mémoire qu’il suffit qu’une seule des revendications (en apparence à cette étape) pour conclure à contrefaçon. »
[58] Thermolec démontre prima facie qu’une personne versée dans l’art comprend que l’essence de l’invention décrite dans le Brevet est de positionner une thermistance de façon à être exposée directement aux variations de chaleur émise par un serpentin électrique, lesquelles se produisent selon la diminution ou l’augmentation du débit d’air qui passe à travers le serpentin. Thermolec démontre prima facie que la thermistance peut agir indirectement comme détecteur de débit d’air pour détecter de façon précise toute variation de débit d’air dans le conduit, contrairement à la prétention de l’expert Boulanger[22].
[59] Les experts de Thermolec concluent que les serpentins Stelpro munis de l’Option TT sont en contrefaçon avec les revendications 1, 2, 3 et 5 du Brevet et ceux munis de l’Option T le sont avec les revendications 6 et 7.
[60] Le représentant de Stelpro Robert Corriveau, ingénieur électrique, déclare qu’une thermistance ne fait que mesurer la température et ne peut en aucun temps mesurer un débit d’air[23].
[61] L’employé de Stelpro, Érik Goulet affirme que l’Option TT ne fait que mesurer la température dans le serpentin.
[62] Il déclare que les sondes TT et T ne sont pas du tout des détecteurs de débit d’air électronique[24].
[63] Or, les documents promotionnels et techniques de Stelpro qualifient l’Option TT comme étant un « Integrated Electronic Air Flow Sensor » ou en français, une « Sonde électronique de débit d’air intégrée[25] »
[64] Les arguments relatifs aux deux éléments qualifiés de non-essentiels par les experts de Thermolec en réponse à l’expertise de Boulanger sont sérieux, mais n’ont pas à être tranchés au stade interlocutoire.
[65] Au stade interlocutoire, Stelpro ne repousse pas les deux présomptions applicables, soit la présomption de validité et la présomption de copie[26].
[66] À ce stade-ci, en l’absence d’une preuve complète, le tribunal doit éviter de se prononcer sur le mérite comme le soulignait récemment le juge François Duprat dans Cedrom SNI inc. c. Dose Pro inc.[27]
« [23] Le Tribunal doit garder à l’esprit que le remède demandé est analysé en l’absence d’une preuve complète et qu’il doit éviter de se pencher sur la question comme s’il s’agissait d’un procès au fond. C’est ce que la Cour d’appel soulignait dans l’arrêt Morrissette c. St-Hyacinthe (Ville de) :
[25] La décision dont appel, telle que rédigée, possède toutes les caractéristiques d’un jugement sur le fond du recours principal visant à faire déclarer la nullité du Règlement 350-35. Au stade de l’injonction interlocutoire, la juge devait se garder de se prononcer sur le fond de la demande. Elle ne devait « […] apprécier le mérite des moyens soulevés que pour se satisfaire de l’existence et de la qualité de l’apparence de droit » et décider si les appelants avaient établi, prima facie, une possibilité raisonnable de voir leur demande principale accueillie.
[42] Rappelons que « moins l’apparence de droit s’avère forte, plus la nécessité de l’examen du caractère irréparable du préjudice s’impose, comme celle, éventuellement, du poids des inconvénients ». En l’occurrence, vu sa conclusion sur le premier critère, la juge de première instance n’analyse pas la question de l’existence ou non d’un préjudice sérieux ou irréparable.[Soulignements du Tribunal] »
[67] Stelpro prétend que les paramètres, ou les « clôtures » mises par l’inventeur ne sont pas assez délimitées et réfère à l’arrêt de la Cour suprême dans Free World Trust c. Électro Santé Inc [28] :
« 14 Les revendications d’un brevet sont souvent comparées à des «clôtures» et à des «frontières» qui délimiteraient clairement les «champs» faisant l’objet du monopole. Ainsi, dans la décision Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C. de l’É. 306, le président Thorson s’exprime dans les termes suivants, à la p. 352:
[traduction] En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.
15 En réalité, les «clôtures» sont souvent constituées d’une superposition complexe de définitions de différents éléments (ou «composants» ou «caractéristiques» ou «parties intégrantes») dont la complexité, l’interchangeabilité et l’ingéniosité sont variables. Un ensemble de mots et d’expressions définit le monopole, met le public en garde et piège le contrefacteur. Dans certains cas, les éléments précis de la «clôture» peuvent être cruciaux ou «essentiels» au fonctionnement de l’invention revendiquée; dans d’autres, l’inventeur peut envisager que des variantes puissent aisément être employées ou substituées sans que cela ne modifie substantiellement le fonctionnement de l’invention, et la personne versée dans l’art qui prend connaissance de la teneur de la revendication peut le constater. Il incombe au tribunal appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l’essentiel et le non-essentiel et d’accorder au «champ» délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d’un brevet valide. »
[68] Encore là, il s’agit d’une question au mérite.
[69] À ce stade-ci des procédures, le tribunal conclut que Thermolec a un Brevet qui le protège et qu’elle a une apparence de droit sérieuse.
LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE
[70] Le tribunal est d’accord avec la proposition de Thermolec voulant qu’en matière de droits d’auteur et de marques de commerce, dès qu’il y a violation du droit au Brevet, le préjudice apparait.
[71] Voici ce qu’écrivait le juge Louis Crête, le 28 mai 2004, dans Chic Optic inc. c. Safilo Canada inc.[29] :
« [18] CONSIDÉRANT que, hormis le préjudice de fait et de droit que subit a priori tout détenteur de brevet en raison de la protection et du monopole de distribution qui lui est accordé par la Loi sur les brevets les requérantes subissent et subiront dans les semaines à venir un préjudice sérieux et irréparable à devoir se faire concurrencer, en apparence illégalement ici, par une multinationale dont les moyens financiers et la force d'attraction auprès de leurs opticiens et optométristes clients sont considérables; »
[72] Le tribunal fait siens les propos suivants du juge François P. Duprat dans Cedrom-Sni inc. c. La Dose Pro inc[30].
« [103] Dans l’affaire Multi marques Inc. c. Boulangerie Gadoua Ltée, le juge Dalphond, alors à la Cour supérieure, a fait droit à l’injonction interlocutoire, et écrivait ce qui suit à propos de l’utilisation illégale d’une marque de commerce protégée :
[20] Quant aux préjudices qu'elle peut subir, la jurisprudence semble à l'effet que la simple violation d'une marque de commerce enregistrée et non contestée, est un préjudice suffisant, sans nécessité d'établir un dommage économique précis (Manager Clothing inc. c. Santana Jeans Ltd., (1992) 46 C.P.R. 192 ; Pizza Pizza Ltd. c. Little Caesar International,(1989) 27 C.P.R. 525 (C.F.)). De toute façon, la jurisprudence reconnaît que la perte potentielle de clientèle, même si non quantifiable, est un préjudice irréparable pour les fins d'une injonction (Vidéotron Ltée c. Industries Microlec, [1987] R.D.J. 503 (C.A)). »
[73] Le tribunal est d’avis que Thermolec subira un préjudice sérieux et irréparable si l’injonction interlocutoire n’est pas accordée en tenant compte de la violation du Brevet et de la perte d’achalandage.
[74] En effet, Thermolec ne pourra jouir de son monopole d’exploitation d’ici l’expiration du Brevet et risque de perdre d’autres distributeurs.
[75] En cas de perte d’un distributeur, Thermolec perdra des ventes de ses serpentins, mais aussi des autres produits vendus par un tel distributeur.
[76] Ainsi, l’offre de Stelpro de fournir une reddition de compte à Thermolec n’est pas suffisante dans les circonstances pour faire disparaître le préjudice irréparable qu’elle subit.
[77] Thermolec a raison de plaider qu’il lui est impossible de déterminer l’ampleur du préjudice irréparable déjà subit et à subir.
LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS
[78] Puisque le tribunal conclut à l’existence d’un droit sérieux et d’un préjudice irréparable, la question de la balance des inconvénients est moins pertinente et n’aurait pas à être considérée.
[79] Malgré cela, le tribunal ajoute que la prépondérance des inconvénients joue en faveur de Thermolec.
[80] En effet, Stelpro pourra conserver ses distributeurs en l’absence de l’Option TT[31] ce qui représente moins de 5 % de son chiffre d’affaires.
[81] Pour Thermolec, les serpentins électriques munis du Système Thermolec représentent au moins 30 % de son chiffre d’affaires.
[82] Thermolec a agi avec diligence après avoir découvert la contrefaçon vers la mi-mai 2017 lorsqu’elle reçoit livraison des serpentins Stelpro contrefacteurs.
[83] Elle dépose son recours le 31 juillet 2017 et ce délai ne constitue pas une acceptation de la situation.
[84] Thermolec a donc droit à l’injonction interlocutoire.
[85] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[86] ACCUEILLE la présente demande;
[87] ÉMET une injonction interlocutoire ordonnant aux défenderesses, Stelpro Design inc. et Gestion Stelpro inc., de s’abstenir et de cesser immédiatement, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, individuellement ou conjointement avec toute autre personne physique ou morale, de reproduire, copier, distribuer, vendre, commercialiser, modifier, en totalité ou en partie, des serpentins électriques qui contiennent un système similaire à l’invention décrite dans le brevet CA 2,242,829, dont notamment le Serpention SDHx muni d’une sonde d’air électronique intégrée *(l’Option TT), le Serpentin SDHx muni de la seconde sonde appelée par Stelpro « sonde de température du conduit d’alimentation » (l’Option T), et le Serpentin SDHR;
[88] PERMET la signification du présent jugement aux défenderesses par tout moyen, y compris par courriel et à toute heure;
[89] DISPENSE la demanderesse de fournir un cautionnement;
[90] LE TOUT, avec frais de justice.
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__________________________________MICHEL DÉZIEL, j.c.s. |
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Me Chris Semerjian |
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FASKEN MARTINEAU DUMOULIN |
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Me Michel Savonitto |
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SAVONITTO ET ASSOCIÉS Me Pierre Robichaud |
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ANDREW ROBICHAUD (Ontario) |
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Procureurs des défenderesses |
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Dates d’audience : |
18 et 19 décembre 2017 |
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[1] P-1.
[2] P-2, Registre des entreprises et P-3, site internet de Thermolec.
[3] P-5, Registraire des entreprises et P-6 (a) et (b) site internet de Stelpro.
[4] P-7.
[5] P-8.
[6] Demande introductive d’instance en injonction interlocutoire, en injonction permanente et en dommages-intérêts, par. 51.
[7] Id, par. 58.
[8] Id, par. 62 à 72.
[9] P-10 p.2 et 3, rapport.
[10] P-11, p.1.
[11] D-7
[12] Id, p. 19 et 20.
[13] D-10(A).
[14] P-10(A), p. 4.
[15] Id., p. 5.
[16] Id., p. 6.
[17] Id., p. 7.
[18] P-1.
[19] D-7, p.10.
[20] Brassard c. Société zoologique de Québec inc.,J.E. 95-1652 (C.A.)
[21] J.E. 2004-2233 (C.S.), p. 13 et 16.
[22] Expertise Michel Bélanger, p. 19.
[23] Déclaration sous serment de Robert Corriveau datée du 16 octobre 2017, par. 8-9-10-11-15.
[24] Interrogatoire d’Érik Goulet du 3 novembre 2017, p. 96.
[25] Pp. 2-3 de Pièce P-7(A); pp. 5-7 de Pièce P-7(B); pp. 5 et 7 de Pièce P-13; pp. 6-10 de Pièce P-7(C); Pièce-7(D) et E; pp. 17-18 Pièce P-14; pp. 17-18 Pièce P-15; p.5 Pièce P-16; p. 13 Pièce P-17; Pièce P-18.
[26] Martineau c. 163721 Canada inc., 2006 QCCS 4939, par. 25.
[27] 2017 QCCS 3383.
[28] Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024.
[29] Chic Optic inc. c. Safilo Canada inc. (C.S., 2004-05-28), SOQUIZ AZ-50255862,appel rejeté J.E. 2005-100 (C.A.).
[30] Précité note 27.
[31] Interrogatoire d’Érik Goulet, Directeur National des ventes CVAC de Stelpro du 3 novembre 2017, p. 117-193-194.
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