Renda (Re) et Directeur de l'état civil |
2013 QCCS 100 |
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JR 1320 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-14-041664-129 |
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DATE : |
22 janvier 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CLAUDINE ROY, J.C.S. |
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DANS L’AFFAIRE DE :
PAOLO RENDA Présumé décédé
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MARIA RIZZUTO |
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Requérante
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LE DIRECTEUR DE L’ÉTAT CIVIL CALOGERO RENDA DOMENICA RENDA |
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Mis en cause |
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JUGEMENT (requête pour jugement déclaratif de décès) |
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[1] Mme Rizzuto demande au Tribunal de déclarer que son conjoint Paolo Renda est décédé le 20 mai 2010, date où il est disparu.
[2] Le Tribunal a entendu trois témoins :
· Mme Rizzuto, la conjointe de M. Renda;
· Mme Manno (identifiée Renda dans la procédure), la fille de M. Renda;
· M. Dagenais, du Service de police de la Ville de Montréal.
[3] Mme Rizzuto, sœur de M. Vito Rizzuto, est mariée avec M. Renda depuis 1964. Deux enfants sont nés de cette union : Mme Domenica Manno et M. Calogero Renda. M. Calogero Renda n’est pas venu témoigner.
[4] M. Renda est lié au crime organisé.
[5] Mme Rizzuto témoigne que :
· son mari a été incarcéré un certain temps pour gangstérisme;
· il est remis en liberté conditionnelle en février 2010, sous des conditions sévères;
· il doit notamment téléphoner quotidiennement à son agent de libération conditionnelle et lui donner son emploi du temps pour la journée;
· son mari lui dit que des agents (dont elle ignore le nom) l’ont mis en garde, lui ont dit de faire attention;
· le 20 mai 2010, M. Renda joue au golf, puis se rend à son établissement d’affaires (un salon funéraire);
· vers 13h00, il téléphone à son épouse pour l’aviser qu’il va acheter des steaks, puis revenir à la maison;
· vers 15h00, Mme Rizzuto téléphone au salon funéraire pour apprendre que M. Renda est déjà parti;
· elle téléphone au commerce d’alimentation pour se faire répondre que M. Renda est venu, mais qu’il est déjà reparti;
· elle téléphone ensuite à sa fille, à l’agent de libération conditionnelle, puis contacte le service de police;
· pendant ce temps, son gendre retrouve la voiture de M. Renda sur le boulevard Gouin à quelques centaines mètres de son domicile, la fenêtre est ouverte et les steaks sont abandonnés sur un des sièges;
· M. Renda n’a donné aucune nouvelle depuis et n’a pas utilisé sa carte de crédit;
· il n’y a eu aucune demande de rançon;
· le neveu de Mme Rizzuto avait été assassiné deux mois plus tôt;
· le père de Mme Rizzuto est assassiné en novembre 2010.
[6] Mme Rizzuto témoigne également qu’un policier ou un agent de libération conditionnelle lui a dit que des travailleurs de la construction ont vu une automobile d’un service de police intercepter M. Renda et que deux agents de la GRC l’auraient fait débarquer de sa voiture. Elle présume qu’il s’agit de personnes qui se seraient fait passer pour des agents de police sans l’être.
[7] Ces faits amènent Mme Rizzuto à croire que son conjoint est décédé.
[8] Mme Manno corrobore le témoignage de sa mère concernant les événements du 20 mai 2010.
[9] Le policier Dagenais refuse de divulguer toute information concernant l’enquête. Il confirme que l’automobile de M. Renda a été retrouvée sur le boulevard Gouin, qu’une enquête pour disparition est toujours en cours et que les circonstances s’apparentent à celles d’un enlèvement.
[10] Le témoignage de Mme Rizzuto est parsemé de ouï-dire et vagues à maints égards.
[11] Le policier ne conclut pas à enlèvement; pour lui, il s’agit d’une hypothèse d’enquête.
[12] Les travailleurs de la construction qui ont vu la scène ne témoignent pas. Aucun policier ou agent de libération conditionnelle ne vient confirmer qu’ils auraient averti M. Renda d’un danger pour sa vie.
[13] Mme Rizzuto croit que les individus qui ont intercepté son conjoint le 20 mai 2010 n’étaient pas des policiers de la GRC, mais personne de la GRC ne témoigne, dans un sens ou dans l’autre.
[14] Mme Rizzuto témoigne que son mari possédait une carte de crédit et qu’il ne l’a pas utilisée depuis mai 2010. Elle ne précise pas le nom de l’institution bancaire, ni le numéro de la carte et le dossier ne contient aucune information de l’institution bancaire qui corroborerait les dires de Mme Rizzuto.
[15] La preuve ne démontre pas non plus quels sont les actifs et sources de revenus de M. Renda, ni ses habitudes de transactions (carte de crédit, compte bancaire ou en espèces).
[16] Ni le fils, ni le gendre, ni les partenaires d’affaires, ni les amis de M. Renda ne témoignent.
[17] L’hypothèse du décès constitue certes une hypothèse sérieuse, mais, tout aussi sérieuse, par exemple, serait l’hypothèse que M. Renda, se sentant menacé, a décidé de se cacher.
[18] Un jugement déclaratif de décès peut être prononcé lorsqu’il s’est écoulé sept ans depuis la disparition d’une personne; un jugement peut également être prononcé avant ce temps lorsque la mort de la personne peut être tenue pour certaine, sans qu’il soit possible de dresser un constat de décès (art. 92 C.c.Q.).
[19] La preuve circonstancielle doit porter sur le décès lui-même. L’absence d’une personne ne constitue qu’un seul des éléments de cette preuve[1]. Pour apporter une preuve de décès, il faut que les indices soient graves, précis et concordants, permettant d’établir la certitude du décès. Il n’en est rien ici.
[20] Au mieux, la preuve établit que M. Renda n’a pas revu sa femme et sa fille depuis mai 2010, mais elle n’établit pas son décès de manière certaine, ni des circonstances permettant de conclure à celui-ci.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[21] REJETTE la requête;
[22] SANS FRAIS.
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__________________________________ CLAUDINE ROY, J.C.S. |
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Me Carmine Mercadante |
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mercadante dipace |
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Avocat de Mme Maria Rizzuto |
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Date d’audience : |
10 janvier 2013 |
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[1] Assurance-Vie Desjardins (L’) c. Duguay, [1985] C.A. 334 ; Royer (Re), 2006 QCCS 4695 ; Dans l’affaire de Céline Mercier, C.S.Q. 200-05-013370-007, 27 juin 2000; Marois et Chassé, [2000] R.D.F. 301 (C.S.); Gariépy c. Directeur de l’état civil, [1997] R.D.F. 50 (C.S.).
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