RÉGION : QUÉBEC, le 23 novembre 1998
QUÉBEC
DOSSIER : DEVANT LA COMMISSAIRE : Marie-Andrée Jobidon
101407-03-9806
ASSISTÉE DES MEMBRES : Gaétan Gagnon
Associations d'employeurs
DOSSIER CSST/DRA : André Chamberland
113086953 Associations syndicales
DOSSIER BRP :
6250 5062
AUDITION TENUE LE : 27 octobre 1998
À : St-Romuald
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METAL LAURENTIDE INC.
870, rue Paradis
Québec (Québec)
G1N 4E4
PARTIE REQUÉRANTE
133, des Forts
Lévis (Québec)
G6V 6N4
PARTIE INTÉRESSÉE
DU TRAVAIL
777, des Promenades
St-Romuald (Québec)
PARTIE INTERVENANTE
D É C I S I O N
Le 5 juin 1998, Metal Laurentide inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision unanime du Bureau de révision de la région de Québec datée du 14 mai 1998.
Cette décision infirme une décision de la Commission de la santé et sécurité au travail (la C.S.S.T.) datée du 21 avril 1997 et déclare recevable la réclamation initiale du travailleur au motif qu’elle est produite dans les délais légaux.
L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer cette décision du Bureau de révision et de déclarer irrecevable la réclamation du travailleur compte tenu de son délai de production. Lors de l’audience, les parties ont convenu de limiter le débat à cette seule question.
Il ressort du témoignage du travailleur, M. Jean-Claude Rodrigue, et de la preuve documentaire apparaissant au dossier, que celui-ci avait consulté le Dr Raymond-Marie Guay, oto-rhino-laryngologiste (O.R.L.) une première fois le 30 octobre 1987, à la demande de son médecin traitant de l’époque. Dans son rapport de consultation, le Dr Guay suggérait de référer ce patient pour des tests audiométriques puisque les tests au diapason pouvaient laisser suspecter une baisse d’audition. Aucun suivi ne fut apporté à cette suggestion.
Le 8 février 1989, le Dr Guay revoit le travailleur en consultation. Il conclut, après avoir fait passer des tests audiométriques, que le travailleur présente une hypoacousie neuro-sensorielle d’origine industrielle. Dans une lettre adressée à la C.S.S.T. en date du 13 février 1989, le Dr Guay demande d’ouvrir un dossier au nom du travailleur et annonce qu’une expertise sera produite advenant une détérioration de son état. Les tests audiométriques sont joints à la lettre. Une copie conforme de cette correspondance est acheminée au travailleur.
Le 3 février 1997, le travailleur se soumet à nouveau à des tests audiométriques, lesquels révèlent une détérioration de son audition.
Le 24 février 1997, le Dr Guay complète un rapport médical sur lequel il fait état d’un diagnostic d’hypoacousie compatible avec une surdité industrielle. Il prévoit une atteinte permanente.
Le 28 février 1997, le travailleur soumet à la C.S.S.T. une réclamation pour surdité d’origine professionnelle.
Au cours de son témoignage, le travailleur a par ailleurs admis le fait qu’entre 1989 et 1997, il a présenté trois ou quatre réclamations auprès de la C.S.S.T. à la suite d’accidents de travail. Il convient toutefois n’avoir jamais vérifié où en était son dossier pour son problème de surdité.
Le procureur du travailleur a fait entendre comme témoin le Dr Raymond - Marie Guay, O.R.L., et médecin traitant du travailleur. Le Dr Guay a confirmé l’ensemble des faits relatés ci-haut en spécifiant qu’il avait suivi une procédure suggérée par la C.S.S.T., laquelle n’avait jusque-là jamais posé de problème. Selon le Dr Guay, le travailleur n’était pas compensable en 1989 mais avait suggéré à son patient de faire ouvrir un dossier au cas où il aurait aggravation de sa condition.
Le procureur de l’employeur soumet,
jurisprudence à l’appui, que la seule réclamation faite par le travailleur est
celle datée du 24 février 1997 alors qu’il savait déjà, en février 1989, qu’il
était atteint de surdité d’origine professionnelle, comme le lui avait
mentionné son médecin traitant, le Dr Guay. Selon le procureur de l’employeur, le travailleur a donc laissé
écouler un délai de huit ans avant de faire sa réclamation, alors que l’article
Par ailleurs, le procureur de l’employeur
soumet que le travailleur invoque la faute de son représentant, en l’occurrence
son médecin traitant, pour justifier le fait qu’aucune réclamation formelle n’a
été complétée en 1989. Selon la jurisprudence, la faute du représentant pourra
constituer un motif raisonnable au sens de l’article
Le procureur du travailleur soumet, pour
sa part, que la véritable question en
litige est de savoir si la démarche effectuée par le travailleur et son médecin
traitant, en février 1989, peut être assimilée à la production d’une
réclamation au sens de l’article
Subsidiairement, le procureur du
travailleur demande de considérer que le travailleur avait un motif raisonnable
au sens de l’article
Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la réclamation du travailleur doit être jugée recevable puisque le fond doit l’emporter sur la forme.
La Commission des lésions
professionnelles doit décider, dans un premier temps, si la lettre adressée à
la C.S.S.T., en date du 13 février 1989, peut être assimilée à une réclamation
produite conformément à l’article
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
La Commission des lésions
professionnelles considère que les faits mis en preuve dans le présent dossier
doivent être analysés en tenant compte du principe se retrouvant à l’article
353. Aucune procédure faite en vertu de la présente loi ne doit être considérée nulle ou rejetée pour vice de forme ou irrégularité.
La Commission des lésions
professionnelles retient de la preuve que le travailleur a été informé en
février 1989 qu’il était atteint de surdité de type neuro-sensorielle, tel que
l’attestait le diagnostic émis par son médecin traitant et qu’il fut informé à
cette époque d’une relation possible avec son travail. Dès le 13 février 1989, le Dr Guay, après
discussion avec son patient, adressait une lettre à la C.S.S.T. indiquant
clairement son intention de faire ouvrir un dossier dans l’éventualité où la
surdité présentée par le travailleur s’aggravait au point d’être indemnisable
selon le Barème des dommages corporels.
En fait, la seule irrégularité pouvant être reprochée au travailleur est
de ne pas avoir complété le formulaire émis par la C.S.S.T. De l’avis de la Commission des lésions
professionnelles, ceci constitue une question de procédure visée par l’article
Par conséquent, il y a lieu de conclure
que la lettre adressée à la C.S.S.T., le 13 février 1989, peut être assimilée à
une réclamation produite dans les délais prévus à l’article
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE l’appel de l’employeur, Métal Laurentide inc. ;
CONFIRME la décision du Bureau de révision rendue le 14 mai 1998;
DÉCLARE que la réclamation du travailleur, M. Jean-Claude Rodrigue, datée du 28 février 1997, est recevable ;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et sécurité au travail pour que les réclamations du travailleur soient traitées sur le fond.
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Marie-Andrée Jobidon
Commissaire
LEBLANC & ASSOCIÉS
Me Normand Leblanc
7400, boul des Galeries d’Anjou, bureau 205
Anjou (Québec)
H1M 3M2
Représentant de la partie requérante
C.S.D.
M. Thierry Saliba
801, 4ème rue
Québec (Québec)
G1J 2T7
Représentant de la partie intéressée
PANNETON, LESSARD
Me Jacques Ricard
777, des Promenades
St-Romuald (Québec)
G6W 7P7
Représentant de la partie intervenante
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