Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Guay et Mécanique CNC 2002 inc.

2013 QCCLP 5153

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis :

28 août 2013

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

486641-03B-1211

 

Dossier CSST :

139708796

 

Commissaire :

Paul Champagne, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs

 

Michel St-Pierre, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Mario Guay

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Mécanique CNC 2002 inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 6 novembre 2012, monsieur Mario Guay (le travailleur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 19 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 6 septembre 2012 et déclare qu’elle est justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter du 7 septembre 2012 en raison de son absence, sans raison valable, à un examen médical le 31 août 2012, demandé par Mécanique CNC 2002 inc. (l’employeur).

[3]           Une audience est tenue à Lévis, le 16 août 2013. Le travailleur est présent et il n’est pas représenté. L’employeur est absent et il est représenté. La CSST est intervenue au présent dossier et elle a avisé le tribunal de son absence à l’audience.

[4]           Le dossier a été mis en délibéré le 16 août 2013.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST le 19 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative et de déclarer que la CSST n’était pas justifiée de suspendre son indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 septembre 2012.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le soussigné a obtenu l’avis des membres qui ont siégé auprès de lui sur la question faisant l’objet de la présente contestation.

[7]           Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le tribunal devrait rejeter la requête du travailleur. Selon les membres, le travailleur avait l’obligation de se soumettre à l’examen médical demandé par son employeur le 31 août 2012. Selon la preuve, le travailleur n’avait aucun motif valable de ne pas se présenter à cet examen médical. La CSST était donc justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 septembre 2012.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           Le tribunal doit décider si la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 septembre 2012 pour le motif que le travailleur ne s’est pas présenté, sans raison valable, à un examen médical auprès du médecin désigné de son employeur.

[9]           Il y a lieu de se référer aux articles 209 et 142 de la loi qui se lisent comme suit :

209.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

 

L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.

__________

1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.

 

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[10]        Le travailleur victime d’une lésion professionnelle est tenu de se soumettre à un examen médical par le médecin désigné de l’employeur lorsque le médecin qui a charge de celui-ci fournit à la CSST un rapport portant sur l’un ou plusieurs des sujets mentionnés à l’article 212 de la loi.

[11]        Par ailleurs, l’article 142 de la loi est un moyen de coercition permettant à la CSST de réduire ou de suspendre le paiement d’une indemnité lorsque le travailleur tente de se soustraire à ses obligations en vertu de la loi. La preuve doit alors démontrer que le travailleur a fait ce qu’il ne devait pas faire ou omis de faire ce qu’il devait faire et que la contravention ou l’omission l’a été sans raison valable[2].

[12]        La réduction ou la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu est une mesure draconienne qui doit être utilisée de façon judicieuse[3]. L’article 142 de la loi doit être interprété restrictivement puisque cette mesure constitue une dérogation au droit du travailleur aux indemnités prévues par la loi en raison de sa lésion professionnelle[4]. Pour suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, il faut être en présence d’un motif sérieux étant assimilable à de la négligence ou de la mauvaise foi de la part du travailleur. Qu’en est-il dans le présent dossier?

[13]        Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 mai 2012 à la suite de laquelle il sera suivi pour une épicondylite traumatique au coude droit.

[14]        Le 20 août 2012, l’employeur[5], par l’entremise de son gestionnaire, transmet au travailleur une convocation à un examen médical, comme le lui permet l’article 209 de la loi, afin d’évaluer la condition physique du travailleur. La convocation indique que le travailleur doit se présenter au bureau du docteur Patrick Kinnard le 31 août 2012, à 11 h, à Québec. Il est également mentionné dans ce document que l’employeur assume les coûts de cet examen ainsi que les dépenses engagées par le travailleur pour s’y rendre.

[15]        Le 24 août 2012, le représentant du travailleur[6] transmet une correspondance au gestionnaire de l’employeur dans laquelle il indique que le travailleur doit rencontrer son médecin le 20 septembre 2012 et qu’il sera disponible pour participer à une évaluation médicale à compter du 21 septembre 2012. Le 27 août 2012, le gestionnaire de l’employeur transmet une correspondance au représentant du travailleur dans laquelle il indique que le rendez-vous prévu pour le 31 août 2012, avec le docteur Kinnard, est maintenu.

[16]        Dans une autre correspondance, datée du 28 août 2012, le représentant du travailleur informe le gestionnaire de l’employeur que le travailleur ne se présentera pas à l’évaluation médicale requise par l’employeur. Il précise dans ce document que la capacité de travail sera décidée par le médecin du travailleur et que l’évaluation de celle-ci se fera uniquement le 20 septembre 2012.

[17]        Le 31 août 2012, le travailleur ne s’est pas présenté à l’examen médical requis par son employeur. Le même jour, le gestionnaire de l’employeur a demandé à la CSST de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[18]        Le 6 septembre 2012, la CSST rend sa décision à l’effet de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 septembre 2012. Cette décision sera maintenue en révision administrative le 19 octobre 2012. Il s’agit de la décision à l’étude par le tribunal.

[19]        À l’audience, le travailleur a témoigné et a affirmé qu’il a bien reçu l’avis de convocation à un examen médical requis par le gestionnaire de son employeur pour le 31 août 2012. Il était disponible le 31 août 2012, toutefois, il se sentait stressé et a mandaté un avocat afin que l’examen médical requis par son employeur ait lieu après son rendez-vous prévu auprès de son médecin le 20 septembre 2012.

[20]        Le 20 septembre 2012, le docteur Gosselin, médecin qui a charge du travailleur, a prescrit un retour au travail régulier pour le 24 septembre 2012. Le travailleur a rencontré le docteur Kinnard le 11 octobre 2012.

[21]        À ce stade, le tribunal dispose de toute la preuve utile pour disposer du litige dans le présent dossier.

[22]        L’employeur peut exiger que le travailleur se soumette à un examen médical auprès de son médecin désigné, comme le prévoit la loi. Le travailleur a l’obligation de se soumettre à cet examen. La CSST peut suspendre l’indemnité de remplacement du revenu si le travailleur fait défaut de se présenter à cet examen, à moins qu’il fasse la démonstration d’un motif valable.

[23]        Dans le présent dossier, le travailleur ne s’est pas présenté à l’examen médical requis par son employeur pour le seul motif qu’il se sentait « stressé » et qu’il voulait que cet examen ait lieu après son rendez-vous prévu avec son médecin le 20 septembre 2012.

[24]        La loi ne définit pas ce qu’est une raison valable au sens de l’article 142. De l’avis du soussigné, une analogie peut être faite avec le cadre d’analyse retenu par la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles[7] afin d’apprécier un « motif raisonnable » pour relever une partie de son défaut de contester une décision dans les délais prévus à la loi.

[25]         Une raison valable est une « notion large et elle permet de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si le travailleur a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion »[8].

[26]        L’omission ou le refus de se présenter à l’examen médical requis par l’employeur, en raison d’engagements médicaux[9], des conditions climatiques particulières[10], une erreur commise de bonne foi[11], peut être considéré comme des raisons valables au sens de la loi.

[27]        Dans le présent dossier, le travailleur ne peut invoquer l’erreur puisqu’il connaissait le jour, l’heure et le lieu où il devait rencontrer le médecin désigné de l’employeur. Par ailleurs, la preuve ne fait état d’aucune cause qui empêchait le travailleur de se présenter à l’examen médical requis par l’employeur. Il était disponible le 31 août 2012 et avait la capacité de se présenter à l’examen.

[28]        Le tribunal est d’avis que le motif invoqué par le travailleur n’est pas une raison valable. Le comportement du travailleur équivaut à de la négligence par rapport à ses obligations en vertu de la loi. Il a omis de faire ce qu’il devait faire alors qu’il n’avait aucun empêchement.

[29]        Puisque le travailleur a refusé de se soumettre à l’examen médical requis par son employeur, sans raison valable, la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 septembre 2012.

[30]        Dans les circonstances, la requête du travailleur est rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Mario Guay, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 7 septembre 2012.

 

 

__________________________________

 

Paul Champagne

 

 

 

 

Me Mark-André Archambault

LEBLANC LAMONTAGNE ET ASSOCIÉS

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Stéphane Larouche

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Manufacture Lingerie Château inc. et Duverglas, C.L.P. 352066-71-0806, 21 juillet 2009, G. Robichaud.

[3]           Barkley et Service Sani-Tri Cogeisi inc., C.L.P. 422805-08-1010, 7 avril 2011, S. Lemire.

[4]          Prévost Car inc. et Lamothe, C.L.P. 155022-03B-0102, 4 septembre 2001, G. Marquis, révision    rejetée, 17 décembre 2001, P. Simard.

[5]           Par l’entremise de l’Association de la construction du Québec qui gère ses dossiers de santé et de sécurité du travail.

[6]           Le travailleur était alors représenté par Me Sylvain L. Roy, avocat.

[7]           Vallier Roy et C.U.M., [1990] C.A.L.P. 916.

[8]           Précitée, note 7.

[9]           Perron et Fini Avant-Guard inc., C.L.P. 376740-07-0904, 29 juin 2010, P. Sincennes.

[10]         Dupont et Via Rail Canada inc., 2011 QCCLP 6801.

[11]         Raymond et Épicerie Georges & Fils, C.L.P. 169310-07-0109, 12 mars 2002, M. Langlois; Nieri et Société des transports de Montréal, C.L.P. 159913-71-0104, 25 mars 2003, L. Couture.

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