LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 19 avril 1994 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Santina Di Pasquale DE MONTRÉAL RÉGION: Lanaudière DOSSIER: 36109-63-9201 AUDIENCE TENUE LE: 2 décembre 1993 AJOURNÉE LE: 10 décembre 1993 DOSSIER CSST: 0961 70402 A: Montréal GASTON VENNE 160, 65e Avenue St-Come (QC) J0K 2B0 PARTIE APPELANTE et SCIERIE ST-MICHEL INC. (FAILLITE) a/s de M. Jean Fortin, Syndic 50, Place Crémazie Ouest, # 1105 Montréal (QC) H2P 2W9 PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL 432, rue de Lanaudière Joliette (QC) J6E 7X1 PARTIE INTERVENANTE D É C I S I O N Le 22 janvier 1992, M. Gaston Venne (le travailleur) en appelle d'une décision unanime du bureau de révision datée du 23 décembre 1991.Par cette décision, le bureau de révision confirme les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 17 et le 18 avril 1991 et conclut que l'emploi de gardien de sécurité constitue un emploi convenable pour le travailleur et que l'indemnité réduite de remplacement du revenu établie par la Commission est exacte.
OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de conclure que l'emploi de gardien de sécurité ne constitue pas un emploi convenable. De plus, il prétend que l'estimation du salaire pour l'emploi de gardien de sécurité est inexacte.
LES FAITS Le travailleur, actuellement âgé de 36 ans, occupe les fonctions de bûcheron depuis l'âge de 15 ans. Il a complété sa huitième année à l'école Ste-Anne à Rawdon en 1971. Il a été promu en neuvième année avec une moyenne générale de 56,8 % . Il a commencé sa neuvième année, mais il ne l'a jamais terminée. La famille avait besoin d'argent et le travailleur mentionne qu'il n'était pas un bon étudiant. Il a commencé ainsi à travailler comme bûcheron et a exercé ce métier jusqu'au 15 avril 1987.
En effet, à cette date, le travailleur allègue avoir été victime d'un accident du travail. Il indique dans sa réclamation qu'en poussant sur un arbre, il a ressenti une douleur au dos. Un diagnostic de lombosciatalgie est posé et le travailleur est mis en arrêt de travail.
Le 20 juillet 1987, le docteur Jean-Yves Bhérer examine le travailleur et émet l'opinion suivante: «Il s'agit d'un travailleur qui s'est fait une entorse lombaire le 15 avril 1987 et cet événement a probablement fait apparaître des douleurs en relation avec une sténose du canal spinal, cette dernière étant en relation avec sa chirurgie de discoïdectomie L5-S1 de 1983.
En réponse aux questions de l'expertise: 1. L'histoire et quelques examens obtenus verbalement par le travailleur semblent démontrer qu'il ne peut actuellement reprendre le travail et qu'il sera probablement en réorientation sociale.
2. Les séquelles actuelles sont des séquelles douloureuses et d'enraidissements consécutifs à la douleur. Il n'y a pas de séquelle neurologique spécifique retrouvée lors de l'examen.
3. En ce qui regarde le retour au travail, il ne peut définitivement pas s'envisager à titre de bûcheron ni à titre de travailleur manuel mais probablement dans un travail clérical.
4. Un partage de coûts sera à être demandé dans ce dossier maintenant que nous avons l'histoire d'une sténose du canal spinal. Nous pourrons spécifier ce partage de coûts lorsque nous aurons reçu les rapports de myélographies.» En effet, il appert du dossier que le travailleur a subi une intervention chirurgicale en 1983, à savoir une discoïdectomie au niveau L5-S1.
Le 20 août 1987, le docteur Bernard écrit dans son rapport que la lésion professionnelle du travailleur est consolidée le 17 août 1987, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il suggère que le travailleur soit admis en réadaptation.
Le 19 octobre 1987, le travailleur est examiné par le docteur P.- E. Renaud, chirurgien-orthopédiste. Le docteur Renaud conclut que le travailleur présente des limitations fonctionnelles de travail léger mais qu'elles ne sont pas en relation avec le fait accidentel et qu'il n'y a aucun déficit anatomo-physiologique à prévoir en relation avec le fait accidentel.
Le 21 janvier 1988, l'arbitre, le docteur Bernard Séguin, orthopédiste, appelé à se prononcer sur la question de l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles émet l'avis suivant: «QUESTION NO 4: ATTEINTE PERMANENTE Après étude du dossier et des pièces médicales justificatives, nous nous devons de conclure qu'effectivement, à notre avis, il n'y a pas de déficit anatomo-physiologique relié à l'événement du 87-04-15.
Il n'y a pas non plus de contestation comme telle au dossier face à cet item. Effectivement, le docteur Renaud mentionne dans son expertise qu'il n'y a aucun déficit anatomo-physiologique à prévoir en relation avec le fait accidentel du 87-04-15. Le docteur Bernard, quant à lui, demande un déficit anatomo- physiologique et mentionne que, selon lui, il pense que ce patient est porteur d'un déficit anatomo- physiologique en rapport avec le 87-04-15. Il mentionne qu'il pense que le patient pourrait être évalué pour ce déficit anatomo-physiologique. Nous croyons qu'en l'absence de signes objectifs et subjectifs, il n'y a pas non plus de déficit anatomo- physiologique à prévoir face à l'événement du 87-04-15.
Il n'y a cependant pas eu d'expertise ou d'évaluation de ce déficit anatomo-physiologique selon les nouveaux barèmes faits par l'un ou l'autre des intervenants.
Cependant, en conclusion, nous croyons donc que cette contestation est acceptable et que le rapport du docteur Renaud infirme effectivement la demande de déficit anatomo-physiologique du médecin qui a charge.
(...) Le demandeur doit savoir que pour avoir droit à la réadaptation sociale, le patient doit être porteur d'un déficit anatomo-physiologique relevant d'un événement dont la responsabilité est imputable à la CSST. Ce patient, à notre avis, n'est pas porteur d'un déficit anatomo-physiologique face à cet événement et n'a donc pas droit à la réadaptation sociale; cependant, ceci ne fait pas l'objet d'une contestation.
En résumé, donc, aucun déficit anatomo-physiologique n'est prévu ni aucune limitation fonctionnelle en ce qui a trait à l'événement du 87-04-15.» Par décision datée du 15 février 1988, la Commission entérine l'avis de l'arbitre mais elle est contestée par le travailleur.
En juin 1988, le travailleur a été examiné par le docteur Dehnade et le docteur Bernard.
En décembre 1989, le travailleur est embauché par la firme Lombex-Lanofor à faire le travail de balayeur. Il a occupé cet emploi jusqu'au 5 mars 1990 mais il précise à l'audience que ses douleurs sont réapparues durant cette période; le travail étant trop lourd. Il a alors été assigné à son retour aux fonctions de commissionnaire. Il a été incapable de faire ce travail puisqu'il devait transporter des poids lourds. Il a été remis en arrêt de travail le 20 mars 1990 par le docteur Rémillard.
Le 18 juin 1990, le docteur Dominique Bernard écrit ce qui suit à la Commission: «La présente se veut un complément au présent rapport.
La nouvelle date de consolidation notée ici s'explique par le fait que, suite au 17/8/87, soit en novembre 87, le patient m'a reconsultée parce que son problème de lombo-sciatalgie persistait. Nous avons alors consulté la physiatrie (Dr Jean Rémillard) qui a pu, grâce à des infiltrations facettaires, corset lombaire et essai d'un TENS, améliorer encore l'état du patient. La nouvelle date de consolidation correspond donc au moment où un "plateau thérapeutique" fut atteint.
Malgré ces démarches, le patient continue toujours d'accuser une lombalgie, parfois avec sciatalgie, au moindre effort, à la marche, après quelques mouvements de flexion du tronc (ce qu'il ne présentait pas avant le 15/4/87). Il ne pourra jamais reprendre son travail de bûcheron et est même limité dans les activités de la vie quotidienne (ex: douleurs ressenties au râtelage, balayage, si prend ses enfants dans ses bras).
Il demeure donc avec les limitations fonctionnelles suivantes: - Il ne peut soulever de poids lourds.
- Il ne peut faire de flexions ou torsions répétées du tronc.
Par conséquent, le patient demeure avec des séquelles suite à cet accident du 15/4/87. Il a donc droit à un D.A.P. de 2 % comme séquelle d'entorse lombaire chronique.» Par décision datée du 21 juin 1990, la Commission d'appel infirme la décision de la Commission du 15 février 1988, déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles reliées à sa lésion professionnelle du 15 avril 1987, qu'il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu et à la réadaptation que requiert son état.
Le 31 juillet 1990, un deuxième arbitre, le docteur Bernard Perrault, chirurgien-orthopédiste, émet l'avis suivant en relation avec l'événement du 20 mars 1990: «SUJET DE CONTESTATION NO 1 - DIAGNOSTIC L'examen de ce jour du patient de même qu'après avoir pris connaissance de l'ensemble de toutes les notes disponibles au dossier, j'estime qu'il y a lieu de maintenir le diagnostic suggéré par les divers médecins soit statut post-discoïdectomie lombaire.
SUJET DE CONTESTATION NO 2 - CONSOLIDATION: J'estime qu'il y a lieu de maintenir la date de consolidation suggérée par le docteur Renaud soit le 2 mai 1990.
SUJET DE CONTESTATION NO 3 - TRAITEMENTS: Il n'existe chez ce réclamant aucune justification de maintenir les traitements de physiothérapie. Son état est stable et je ne vois aucune justification de maintenir des traitements de médecine douce.
SUJET DE CONTESTATION NO 4 - ATTEINTE PERMANENTE Il n'existe aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique en rapport avec les événements ayant pu survenir le 20 mars 1990.» Le 20 août 1990, le travailleur est examiné par le docteur Sylvain Laporte. Le docteur Laporte conclut ainsi dans son rapport daté du 20 août 1990: «Évidemment ce requérant avait des altérations personnelles comme un spondylolise du côté contra- latéral. Il a subi une discoïdectomie L5-S1 sans que l'on ait pu établir de relation avec l'accident de 1982. Nous le croyons affligé d'une instabilité lombo- sacrée post-entorse lombo-sacrée. Nous croyons que du point de vue pratique il ne pourra pas reprendre les activités initiales. Il devra donc être rééduqué, réhabilité et réorienté vers des travaux relativement légers. Une greffe antérieure pourrait vraisemblablement pallier aux récidives auxquelles il aura à faire face à l'occasion de manoeuvre en apparence relativement simples et imprévues. Le pronostic à notre point de vue est sombre malgré que la symptomatologie peut à certains moments apparaître assez banale. Ce requérant a eu à l'occasion de 1987- 04-15 une aggravation d'un syndrome antérieur dont la relation n'avait pas été établie avec un accident au travail. Cette lésion en est une d'instabilité, elle est compliquée d'une ankylose du segment lombo-sacré jusque là inexistante.
«SÉQUELLES ACTUELLES Hernie discale 204157 3 % Un espace Instabilité objectivée en 204576 3 % l'absence de fracture Pachyméningite objectivée 204585 2 % par tests spécifiques ANKYLOSE INCOMPLÈTE PERMANENTE DE LA COLONNE DORSO-LOMBAIRE Flexion antérieure Degrés Degrés 207608 3 % perdus retenus 20 70 Extension 20 10 207635 2 % Flexion latérale droite 0 30 207699 0 % Flexion latérale gauche 0 30 207733 0 % Rotation droite 0 30 207779 0 % Rotation gauche 0 30 207813 0 % SÉQUELLES ANTÉRIEURES Hernie discale 204157 3 % Un espace Pachyméningite objectivée 204585 2 %» par tests spécifiques Le 13 mars 1991, un troisième arbitre, le docteur Martinez, neurochirurgien, émet l'opinion suivante: «SUJET DE CONTESTATION NO 4 - ATTEINTE PERMANENTE: N'ayant pas des éléments évidents d'aggravation du tableau clinique qui, aujourd'hui, me semble strictement absent de phénomènes à caractère radiculaire que l'on voit dans une pachydurite, et je ne vois pas l'existence d'un pourcentage d'APIPP relié à un phénomème d'entorse chez un patient qui avait une condition de status post-discoïdectomie, il faudra considérer que le docteur Sylvain Laporte appuie l'incapacité du patient sur la base d'une discoïdectomie et que même le patient nous déclare que le phénomène douloureux qui a amené à sa discoïdectomie n'avait pas été considéré comme un accident de travail.
Le fait que le patient a eu une entorse le 15 avril 1987, ne peut pas être relié à ce phénomène de pachydurite et, dans les circonstances, nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de considérer un pourcentage d'APIPP.» Les notes évolutives de la Commission pour le 17 avril 1991 se lisent ainsi: «Rencontre avec T.
M'avise qu'il est sobre depuis 2 semaines AA, le moral va très bien. Le T désire rester comme cela. Semble responsable.
Avais parlé des différents possibilités E.C. a déjà rencontré C.O. de la CFP. Me remet choix identifiés.
Plusieurs d'entre eux ne correspondent pas aux C.F.
Avons établi d'un commun accord, que le T. serait en mesure de faire le travail de gardien de sécurité. Ceci correspond aux C.F. du T . D'après le T, il est possible de se trouver un emploi dans ce secteur. Le T contactera son ancien E. La scierie St-Michel pour évaluer possibilité d'embauche. Si identifié au T tous les endroits où il pourra faire ses demandes d'emploi.
Date de capacité 1 mai 91 Revenu E.C. 18 500 $ selon normes en vigueur IRR réduite LSFO8143, LSFO 8149 demandée.» (sic) Le même jour, la Commission rend une décision et déclare l'emploi de gardien de sécurité comme emploi convenable à compter du 1er mai 1991. Le 18 avril 1991, la Commission rend une deuxième décision et estime le revenu brut annuel de cet emploi à 18 500 $. Le travailleur conteste ces décisions. Elles sont confirmées par le bureau de révision. Le travailleur conteste également cette décision, d'où le présent appel.
Par décision datée du 25 avril 1991, la Commission entérine l'avis de l'arbitre du 13 mars 1991 et conclut à l'absence d'une atteinte permanente. Le travailleur a contesté cette décision mais une entente semble être intervenue entre les parties le 9 décembre 1991.
Les notes évolutives de la Commission pour le 29 avril 1991 se lisent ainsi: «Appel de l'avocat T, M. Laporte. Celui-ci nous demande d'offrir au T. formation secondaire V. Selon lui, il ne pourra jamais occuper l'emploi de gardien de sécurité.
Me dit que le T a de la "difficulté" à écrire. Je l'informe qu'être gardien de sécurité ne signifie pas obligatoirement rédaction de rapport.
(...) Si vérifié avec Jean Rousseau, responsable Recherche d'emploi, des possibilités d'embauche. Celui-ci m'informe que Sec V n'est pas un critère pour se trouver un emploi dans ce secteur.
De plus, il m'assure qu'il pourra aider le T dans sa démarche de recherche d'emploi. Il pourra lui offrir un "support" particulier. M. Rousseau m'informe qu'il a autant de chance à se trouver un emploi de gardien de sécurité, qu'un autre travailleur. La preuve: M.
Rousseau a "placé" un travailleur accidenté, secteur de la Construction, comme gardien pour la compagnie Pinkerton. Salaire conforme au décret (18 500). T.
Plein (dossier # 099548687) (responsable embauche : Hélène Molard 935-6311) Notre décision sur E.C. est donc conforme aux normes.
M. Rousseau avait fait les démarches auprès de cette compagnie. Scolarité n'est donc pas un critère d'embauche mais c'est plutôt le sens des responsabilités.
Appel à l'avocat - lui ai expliqué notre situation - lui ai confirmé un suivi de la part de M. Rousseau, resp. recherche d'emploi.
Nous ne reconsidérerons pas notre décision E.C.» Le 23 décembre 1991, le bureau de révision infirme les décisions de la Commission du 10 septembre 1990 et du 1er octobre 1990 et déclare que le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation le 5 mars 1990 et que l'évaluation médicale du 20 août 1990 produite par le docteur Sylvain Laporte est recevable vu le jugement rendu par la Commission d'appel le 21 juin 1990.
A l'audience, le travailleur déclare que c'est la conseillère qui lui avait suggéré l'emploi de gardien de sécurité mais qu'il était d'accord. Il explique également que la Commission l'a mis en contact avec la firme Progeco pour l'aider à se trouver un emploi. Il a rencontré M. L'Espérance qui lui a remis une liste d'employeurs, soit des agences de sécurité, et une autre liste pour qu'il puisse occuper la fonction de commissionnaire pour les buanderies. Il s'est rendu à presque toutes les entreprises qui se retrouvent sur la liste, environ une trentaine et à bien des endroits, on exigeait un diplôme de secondaire V. On lui disait qu'il y avait beaucoup de personnes sur le marché avec plus d'expérience et un diplôme de secondaire V. Cette recherche d'emploi s'est étendue sur environ une semaine.
A également témoigné à l'audience, M. Luc Joël, conseiller en emploi au centre d'emploi fédéral. Il rencontre des clients qui sont à la recherche d'emploi. Il explique qu'actuellement, les employeurs sont plus exigeants. A titre d'exemple, il explique que pour être gardien de sécurité pour Pinkerton, on demande un secondaire V ou l'équivalent, une formation en sécurité, un bon français parlé et écrit et d'être en bonne santé.
Il ajoute qu'en fonction du code national des professions on exige quelques années de secondaire pour être gardien de sécurité cependant, il faut tenir compte du contexte économique.
Selon le témoin, les chances pour le travailleur de se faire embaucher par des agences de sécurité sont nulles. Il faut rédiger des rapports et les comprendre. Compte tenu des capacités du travailleur, il est d'avis qu'il ne serait pas embauché par une agence mais il pourrait être embauché par une entreprise ou un particulier.
M. Joli relate que sur une période d'un an et demi il n'y a eu que trois offres d'emploi reçues au bureau d'emploi de Joliette pour le poste de gardien de sécurité. Cependant, il précise qu'aucun employeur n'est tenu de passer par les centres d'emploi et que seulement 15 à 20 % des employeurs s'adressent au centre d'emploi.
A également témoigné à l'audience, M. Jean Rousseau, coordonnateur au service de support à l'emploi de la Commission depuis 1988.
Il s'occupe de l'ensemble des dossiers où il y a eu détermination d'emploi convenable. Le dossier du travailleur lui a été référé à cause d'un problème personnel qu'il vivait en même temps que son accident du travail. M. Rousseau dépose à l'audience les notes évolutives qu'il a rédigées entre le 10 juin 1991 et le 12 décembre 1991.
Les extraits les plus pertinents de ses notes se lisent ainsi: VOIR I-1: «10 juin 91: Appel R Intéressé IRE Dit j'ai pas d'instruction Faudrait m'aider pour savoir quoi faire etc. le réfère Projeco 13 juin: OK refuse Projeco int 2 juillet: Le R serait présenté . 10 hr (alcool) . depuis 1 sem. période rechute - serait prêt pour cure - parle avec Edith problème connu, prêt à payer de... en période de réad.
- donne mandat d'orienter R de sa rechute et de l'encadrer et l'éblayer IRE.
21 septembre Suivi Progeco . Le gars oui/ il boit.
. même alcoolique . mais fonctionnel . il est à l'heure sérieux dans ses démarches.
1e le mandat 0 (finiales R) Va vérifier si constant dans démarches. On verra.
16 septembre : Le 2e mandat est donné suite au rapport SHI/TOP avec relance 4 décembre Marco - liste fait pour chauffeur livreur.
- encore sur l'effet de l'alcool fin nov.
fonctionnel mais pas toujours attentif.
- va au minimum de ses efforts (dysfonctionnel faut le pousser).
- a eu beaucoup d'efforts pour rencontrer le client.
12 décembre: Aurait dit comme quoi aurait eu 1 réunion avec possibilité de pension avec la CSST.
Aurait lettre d'avocat dans le dossier où on voulait savoir de informations concernant la possibilité de réintégration.» M. Rousseau explique à l'audience que le travailleur a été référé à Projeco et que le 2 juillet 1991, il s'est présenté à leurs bureaux sous l'effet de l'alcool. Ils ont donc décidé de lui offrir une cure de désintoxication mais il a fait une rechute.
Le témoin relate que si on réfère un travailleur à un organisme et il se présente en état d'ébriété, on ne peut l'aider.
Dans ce dossier, le témoin relate que le salaire a été déterminé en fonction du décret. Lorsque le décret ne s'applique pas, ils appliquent un taux aux environs du salaire minimum. En l'espèce, il considère que le travailleur pouvait être gardien de sécurité selon le décret.
M. Rousseau admet que le travailleur peut être considéré comme un salarié de classe A seulement, d'après le décret. L'article 4.07 du même décret précise que le salarié de classe A a droit à une rémunération de 8,75 $ l'heure. L'article 1.00 du décret définit ainsi le salarié classe "A": «e) "salarié de classe A": salarié qui exécute les tâches que détermine l'employeur, sans qu'une classe supérieure ne soit applicable et qui est particulièrement affecté à l'une ou plusieurs des tâches suivantes: i) acheminer des personnes à destination; ii) surveiller des salariés d'un client de l'employeur; iii) diriger la circulation; iv) donner des renseignements; v) dresser les contraventions pour infractions par un automobiliste; vi) patrouiller; vii) contrôler les laissez-passer; viii) recueillir et enregistrer les objets trouvés; ix) surveiller afin de prévenir le vol à l'étalage; x) fouiller; xi) prévenir le vol, le feu et le vandalisme.» En contre-preuve, le travailleur explique qu'il ne s'est plus présenté en état d'ébriété après l'incident dont a parlé M.
Rousseau. Il dit ne plus prendre d'alcool depuis avril 1991; cependant, en contre-interrogatoire, il affirme que c'est depuis six mois qu'il ne prend plus d'alcool.
MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider dans un premier temps si l'emploi de gardien de sécurité constitue un emploi convenable pour le travailleur . Dans un deuxième temps, elle doit statuer sur l'indemnité réduite de remplacement du revenu établie par la Commission le 18 avril 1991.
L'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) définit ainsi l'emploi convenable: «emploi convenable»: un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; Par ailleurs, l'article 171 de la loi édicte ceci: 171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
En l'instance, le travailleur exerce le métier de bûcheron et ce, depuis l'âge de 15 ans. Il est peu instruit et n'a pas d'autre expérience sur le marché du travail. Le travailleur a subi une discoïdectomie et il a des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de faire un travail manuel.
L'emploi convenable qui lui a été attribué par la Commission est celui de gardien de sécurité. La Commission allègue que le travailleur peut effectuer le travail d'un salarié de classe A tel que décrit dans le décret sur les agents de sécurité et ont même calculé le montant de l'indemnité réduite à partir de la rémunération prévue dans ce décret.
La liste des tâches que peut être appelé à exécuter un salarié de classe A inclut entre autres, donner des renseignements, dresser les contraventions pour infractions par un automobiliste, recueillir et enregistrer les objets trouvés, fouiller, acheminer des personnes à leurs destinations, etc.
Or, l'emploi de gardien de sécurité respecte-t-il la capacité résiduelle du travailleur? Cette notion de capacité résiduelle exige de s'en remettre aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
Comte tenu de la description de l'emploi et compte tenu des limitations fonctionnelles du travailleur, la Commission d'appel est d'avis que le travailleur est apte à exercer l'emploi de gardien de sécurité. En conséquence, l'emploi déterminé respecte la capacité résiduelle du travailleur.
La Commission d'appel doit par ailleurs déterminer si l'emploi permet d'utiliser les qualifications professionnelles du travailleur.
Il est en preuve que l'emploi de gardien de sécurité exige généralement quelques années d'études secondaires, sans qu'il soit nécessaire d'avoir en mains un diplôme de secondaire V.
Cependant, la preuve révèle également que bien qu'un diplôme de secondaire V ne soit pas exigé dans tous les cas un travailleur qui ne l'a pas a toujours moins de chances dans le contexte économique actuel de se faire embaucher.
A cet effet, M. Rousseau a relaté à l'audience que la personnalité du travailleur entre en ligne de compte et peut venir combler à un manque de scolarité dans certains cas.
En l'instance, le travailleur a complété sa huitième année avec une moyenne générale de 58 %. Il dit avoir de la difficulté à lire et écrire. En plus, la Commission d'appel a eu l'occasion d'entendre le travailleur à l'audience et de l'interroger et elle est d'avis que celui-ci n'a pas les capacités requises pour effectuer le travail de gardien de sécurité. Bien qu'elle soit d'accord avec les propos de M. Rousseau à l'effet qu'un diplôme de secondaire V n'est pas toujours requis, elle est d'avis, comme lui d'ailleurs, qu'une carence au niveau scolaire peut être compensée par des acquis personnels. Cependant, chaque cas en est un d'espèce et lorsqu'on applique ce facteur d'équivalence, il faut évaluer tant les qualités du travailleur que ses déficiences afin de déterminer si un emploi lui est convenable.
La Commission d'appel est convaincue que le travailleur n'a pas les qualifications professionnelles suffisantes pour exercer cet emploi.
Troisièmement, la Commission d'appel doit déterminer si l'emploi de gardien de sécurité présente une possibilité raisonnable d'embauche.
La Commission d'appel s'exprimait ainsi quant à ce critère dans l'affaire Lajoie et Système Intérieur Laval Inc. et C.S.S.T., no.
36889-60-9202, 21 décembre 1993, Laurent McCutcheon, commissaire: «Déjà, à plusieurs reprises, la Commission d'appel s'est prononcée sur cette notion de possibilité raisonnable d'embauche. Il ressort alors de la jurisprudence que la possibilité raisonnable d'embauche ne signifie pas que l'emploi convenable déterminé par la Commission doive être disponible pour le travailleur1.
Par ailleurs, s'il n'est pas nécessaire que l'emploi convenable déterminé par la Commission soit disponible pour le travailleur, la possibilité raisonnable d'embauche doit malgré tout être présente.
La Commission d'appel est d'avis que pour répondre à ce critère, le travailleur doit être dans une situation où il est compétitif dans sa recherche d'emploi. Il doit présenter un profil d'emploi comparable aux autres travailleurs qui recherchent un emploi semblable à celui déterminé par la Commission.» Il est évident que le travailleur n'est pas compétitif dans sa recherche d'emploi puisqu'il n'a pas les qualifications professionnelles requises. Le critère de la possibilité raisonnable d'embauche n'est donc pas rencontré.
Enfin, la Commission d'appel est d'avis que les conditions d'exercice de l'emploi convenable ne présentent pas de danger compte tenu de la lésion professionnelle.
De l'ensemble de la preuve, la Commission d'appel conclut que l'emploi de gardien de sécurité ne constitue donc pas un emploi convenable pour le travailleur. La preuve présentée par la Commission relativement à un problème d'alcoolisme du travailleur n'est pas pertinente en l'espèce. La Commission d'appel avait à décider si l'emploi de gardien de sécurité constitue un emploi convenable pour le travailleur et elle a répondu par la négative.
Le fait que le travailleur a possiblement un problème d'alcool ne change rien à la détermination d'un emploi convenable. La Commission aurait pu suspendre ou mettre fin au plan individualisé de réadaptation si le travailleur refusait de 1 Tanguay et Isolation Noma Inc. [1992] CALP 628 .
Tremblay et Constack Int. ltée [1992] CALP 1081 .
Roy et Arno Électrique ltée [1993] CALP 552 .
Quérion et Minnova inc., 12106-62-8906, 13-01-93, madame Joëlle L'Heureux, commissaire.
collaborer, ce qui n'a pas été fait.
Enfin, la Commission reproche au travailleur de ne pas avoir fait une recherche sérieuse. Le travailleur est incapable de citer le nom d'un seul employeur, il ne mentionne que le nom d'une buanderie. Il a fait des applications aux seuls endroits qui sont indiqués sur la liste préparée par la firme Projeco.
La Commission d'appel, après avoir entendu le témoignage du travailleur à ce sujet, estime qu'il est crédible et sincère lorsqu'il nous dit qu'il ne se rappelle pas des noms des employeurs où il a fait des demandes d'emploi. En effet, ce témoignage démontre que le travailleur ne serait pas compétitif sur le marché du travail pour ce type d'emploi. La possibilité raisonnable d'embauche dans le domaine de gardien de sécurité est presque nulle de l'avis du tribunal. Par conséquent, la Commission d'appel conclut que le travail de gardien de sécurité n'est pas un emploi convenable pour le travailleur.
Vu la conclusions auxquelles en arrive la Commission d'appel quant à l'emploi convenable, il s'ensuit que la question de l'indemnité réduite de remplacement du revenu devient sans objet puisqu'elle doit être calculée en fonction du salaire attribué à l'emploi convenable.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE l'appel du travailleur; INFIRME la décision du bureau de révision du 23 décembre 1991; DÉCLARE que l'emploi de gardien de sécurité ne constitue pas un emploi convenable; RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu'elle détermine un nouvel emploi convenable pour le travailleur, après avoir mis en oeuvre un plan de réadaptation; DÉCLARE que l'appel portant sur la question de l'indemnité réduite de remplacement du revenu est devenu sans objet.
___________________________ Santina Di Pasquale commissaire André Laporte & ass.
(Me André Laporte) 596, boul. Manseau, # 2 Joliette (QC) J6E 3E4 (représentant de la partie appelante) Chayer Panneton (Me Carole Bergeron) 432, De Lanaudière Joliette (QC) J6E 7X1 (représentante de la partie intervenante) JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR LES PARTIES 1) Brazeau et Garage Robert Rainville Inc., B.R.P. 61116499, 6 juillet 1993; 2) Ricard et Proulx et C.S.S.T. C.A.L.P. 12937-05-8904, 29218- 05-9105, 24 avril 1992.
AVIS :
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