Centre hospitalier régional Trois-Rivières et Belle-Neige 2000 |
2010 QCCLP 7054 |
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[1] Le 20 juillet 2010, l’employeur, Centre hospitalier Régional Trois-Rivières dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 29 juin 2010, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 mai 2010. Elle déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par madame Guylaine Bergeron (la travailleuse) le 16 décembre 2008.
[3] Une audience se tient à Trois-Rivières le 13 septembre 2010. L’employeur y est représenté. La partie intéressée, Belle-Neige 2000 n’est pas représentée. Le représentant de l’employeur indique que la compagnie 9084-9597 Québec inc. aurait dû être convoquée à titre de partie intéressée puisque c’est elle qui détenait le contrat de déneigement du stationnement où est survenu l’accident.
[4] Dans l’éventualité où cela s’avérerait nécessaire, il demande à la Commission des lésions professionnelles de la convoquer pour qu’elle puisse faire valoir ses arguments à l’encontre de ceux invoqués par l’employeur. L’affaire est mise en délibéré le 13 septembre 2010.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit à un transfert des coûts reliés à l’accident du travail subi par la travailleuse le 16 décembre 2008 puisque cet accident est attribuable à un tiers et qu’il est injuste de lui en faire supporter le coût.
LES FAITS
[6] La travailleuse est infirmière pour le compte de l’employeur. Elle travaille au Pavillon Ste-Marie situé sur le boulevard du Carmel à Trois-Rivières.
[7] Le 16 décembre 2008, elle est victime d’un accident du travail en quittant l’établissement. Elle le décrit comme suit sur un formulaire de la CSST qu’elle remplit à l’occasion de la production de sa réclamation:
« Chute à la sortie du CH dû à la glace sur le sol. Entorse cheville drte. » [sic]
[8] Le même jour, la travailleuse rencontre un médecin, le docteur Antoniades qui pose le diagnostic d’entorse de la cheville droite.
[9] Comme la CSST accepte la réclamation soumise par la travailleuse, l’employeur formule, le 14 décembre 2008, une demande de transfert de coûts relatifs à la lésion acceptée. Il estime que l’accident du travail de la travailleuse est attribuable à l’entreprise qui, aux termes d’un contrat, effectue le déneigement des parcs de stationnement et des voies de service du Centre hospitalier et de ses pavillons extérieurs.
[10] Dans sa demande, l’employeur attribue la responsabilité de la chute de la travailleuse au mauvais entretien du stationnement qui relève de la responsabilité de l’entrepreneur, aux termes du contrat dûment signé entre les parties.
[11] Il joint par ailleurs à sa demande un relevé des variations de température et des précipitations pour les journées des 14, 15 et 16 décembre 2008, pour la région de Trois-Rivières.
[12] Ces relevés démontrent que la température était au dessus du point de congélation pour la journée du 15 décembre 2008, atteignant plus de six degrés Celsius. Elle a toutefois chuté graduellement pendant la nuit du 15 au 16 décembre pour atteindre le point de congélation vers 2 h du matin. Elle a continué de baisser par la suite.
[13] Les relevés démontrent par ailleurs qu’il est tombé plus de 14.1 millimètres de pluie au cours de la journée du 15 décembre 2008.
[14] Le 31 mars 2010, une préposée de la CSST achemine une lettre à Belle-Neige 2000 relativement à la demande de transfert formulée par l’employeur. Elle écrit ce qui suit :
« Nous vous informons que C.H. Régional Trois-Rivières a présenté une demande de transfert de l’imputation relative à un accident du travail dont a été victime Guylaine Bergeron le 16 décembre 2008.
Cet employeur soutient que vous devriez être tenu responsable de cet accident. Si tel était le cas, le coût des prestations devrait alors être imputé aux employeurs de l’unité dans laquelle vous êtes classée.
Afin que nous puissions éclaircir les circonstances de cet accident, nous vous prions de nous fournir votre version des faits, avec preuves à l’appui, dans un délai de 30 jours. À l’expiration de ce délai, nous compléterons l’étude de la demande à partir des informations que nous posséderons et une décision sera rendue en conséquence. »
[15] La préposée joint à l’envoi un résumé des circonstances de l’accident.
[16] Cette lettre est demeurée sans réponse.
[17] Le 7 mai 2010, la CSST refuse la demande de transfert présentée par l’employeur. Elle conclut que l’entreprise de déneigement est un tiers, mais qu’il n’est pas majoritairement responsable de la survenance de l’accident. En outre, elle estime qu’il n’est pas injuste de faire supporter à l’employeur le coût des prestations liées à l’accident du travail survenu puisque l’accident fait partie des risques inhérents à la nature de l’ensemble des activités qu’il exerce.
[18] Le 18 mai 2010, l’employeur conteste cette décision qui est confirmée le 29 juin 2010, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige à la Commission des lésions professionnelles.
[19] Dans sa décision, la CSST confirme que la preuve ne lui permet pas de conclure à la responsabilité du tiers concerné et que l’accident fait partie des risques inhérents à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur.
[20] Dans une déclaration d’accident du travail signée par la travailleuse à la suite de l’événement, celle-ci suggère l’épandage de sable.
[21] À l’audience, l’employeur dépose l’entente contractuelle relative au déneigement de ses parcs de stationnement et de ses voies de services. Il produit par ailleurs un extrait du registre des entreprises CIDREQ révélant que la compagnie 9084-9597 Québec inc. effectue du déneigement. Il dépose aussi une décision rendue par la CSST relativement à sa classification.
[22] Par ailleurs, le tribunal a entendu le témoignage de madame Katia Shore, conseillère en ressources humaines et responsable des dossiers de santé et sécurité du travail chez l’employeur. Elle précise l’endroit où est survenue la chute de la travailleuse. Elle indique par ailleurs qu’elle a rencontré la travailleuse à la suite de l’accident subi, laquelle l’a informée de la présence de neige et de glace dans le stationnement et de l’absence de sable.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[23] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit au transfert de coûts demandé en vertu de l’article 326 de la loi relativement à l’accident du travail subi par la travailleuse le 16 décembre 2008.
[24] L’article 326 de la loi édicte ce qui suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[25] Tel que déterminé dans l’affaire Ministère des Transports et Commission de la santé et de la sécurité du travail[1], pour que le tribunal puisse faire droit à la requête introduite, l’employeur doit d’abord démontrer la survenance d’un accident du travail, lequel est attribuable à un tiers. Il doit en outre faire la démonstration qu’il est injuste de lui faire supporter les coûts de la lésion professionnelle acceptée.
[26] Dans le présent dossier, il n’est pas contesté qu’il y a eu accident du travail, le 16 décembre 2008.
[27] En outre, la CSST a reconnu que l’entreprise de déneigement constitue un tiers face à l’employeur et à la travailleuse victime de la lésion professionnelle. Cet élément n’est pas non plus contesté.
[28] Reste donc à déterminer si l’accident du travail est attribuable à ce tiers et s’il est injuste pour l’employeur d’en supporter les coûts.
[29] En vertu des principes dégagés dans l’affaire Ministère des Transports précitée[2], un accident est attribuable à un tiers lorsque ce dernier en est le principal auteur pour y avoir joué un rôle déterminant dans les circonstances qui l’ont provoqué.
[30] La Commission des lésions professionnelles y indique que l’on doit démontrer une contribution majoritaire d’une personne physique ou morale, étrangère au rapport juridique, entre le travailleur victime d’un accident du travail et son employeur. Il s’agit alors de déterminer si, dans son action ou son omission, cette personne a majoritairement contribué à la survenance des événements à l’origine de l’accident du travail.[3]
[31] Comme l’indique notre collègue Clément dans l’affaire Sears Canada inc. et Placements René J. Hamel ltée[4], « ce n’est pas parce qu’une chute survient dans un stationnement que le propriétaire ou la personne qui voit à son entretien en sont automatiquement responsables ou qu’on peut automatiquement croire que cette chute leur est attribuable de façon prépondérante. »
[32] De l’avis du tribunal, l’employeur doit démontrer, de façon probante, que l’état des lieux, le 16 décembre 2008, est responsable de la chute de la travailleuse. De plus, il doit établir que cet état des lieux, le 16 décembre 2008, résulte d’un défaut d’entretien ou d’un entretien inadéquat de la part du tiers.
[33] La Commission des lésions professionnelles n’est pas convaincue que l’employeur a établi ces éléments de façon probante et prépondérante.
[34] En effet, référant à l’affaire 2314-5758 Québec inc. et PGQ[5] portant sur le remboursement de diverses sommes retenues et de certains dommages relatifs à l’exécution d’un contrat de déneigement, le représentant de l’employeur plaide que vu les dispositions contractuelles liant l’entreprise de déneigement à l’hôpital et l’obligation de résultat qui s’impose au cocontractant, l’accident du travail lui est attribuable.
[35] Certes, comme l’indique le juge Landry dans l’affaire précitée, l’exécution d’un contrat de déneigement comporte de sérieuses exigences qui ont comme principal objectif la sécurité des usagers utilisant l’espace déneigé.
[36] Toutefois, malgré l’obligation importante qui résulte de ce type de contrat, l’employeur n’est pas dispensé pour autant, lors de l’application de l’article 326 de la loi, de prouver que l’accident survenu est attribuable au tiers. En cette matière, il ne doit pas se contenter de déposer le contrat le liant à l’entreprise de déneigement et souligner les obligations qui lui incombent. Il doit dans les faits, démontrer les manquements concrets de son cocontractant.
[37] Il doit par ailleurs écarter la responsabilité du travailleur impliqué dans l’accident du travail pour lequel il demande un transfert de coûts.
[38] En l’espèce, la preuve de l’employeur est insuffisante pour que le tribunal puisse conclure que l’accident du travail est attribuable à l’entreprise de déneigement à qui il avait confié un contrat.
[39] D’une part, les données climatiques déposées au dossier pour les journées des 15 et 16 décembre 2007 démontrent que la température a varié au cours des heures précédant l’accident du travail. D’autre part, ces données démontrent des précipitations au cours de la même période. En outre, la température s’est refroidie peu à peu pendant la nuit précédant la survenance de l’accident du travail et est demeurée stable jusqu’au moment de l’accident.
[40] Dans les circonstances, la présence de glace le 16 décembre 2008 à 6 h 15 n’est pas surprenante. L’apparition de cette glace résulte d’un phénomène météorologique récent. Ainsi, il est difficile de conclure à la négligence dont aurait pu faire preuve le tiers au cours de la journée du 16 décembre 2008 en l’absence de la démonstration de d’autres éléments impliquant sa responsabilité directe.
[41] Certes, aux termes du contrat, il lui incombait de s’assurer que les voies d’accès soient maintenues sans neige, glace ou verglas en tout temps et dès que la situation le requérait. Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, eu égard aux phénomènes météorologiques décrits, le tribunal ne peut conclure à sa négligence dans l’entretien du stationnement où est survenu l’accident.
[42] Par ailleurs, rien dans la preuve ne démontre que la travailleuse n’a pas elle-même contribué à la survenance de l’accident.
[43] L’employeur n’a pas administré de preuve sur le type de soulier qu’elle portait au moment de l’événement, la démarche qu’elle empruntait pour se rendre à son poste de travail, l’absence dans ses mains d’objets qui auraient pu gêner ses mouvements. L’employeur n’a pas démontré non plus l’absence de fausse manœuvre de la part de la travailleuse et n’a pas prouvé qu’elle avait agi de façon prudente eu égard aux conditions météorologiques prévalant au moment de l’accident.
[44] Bref, vu tous ces éléments, le tribunal estime que l’employeur n’a pas fait état du contexte dans lequel est survenu l’accident de sorte qu’il lui est difficile de conclure que le défaut d’entretien par le tiers est la cause majoritaire de l’accident.[6]
[45] Quoi qu’il en soit, même si la Commission des lésions professionnelles en venait à la conclusion que le tiers a contribué majoritairement à la survenance de la lésion, elle estime que la preuve ne permet pas de conclure qu’il est injuste de faire supporter à l’employeur les coûts de la lésion professionnelle survenue, eu égard aux critères retenus dans l’affaire Ministère des Transports précitée[7] :
« - les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient;
- les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, comme par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, règlementaire ou de l’art;
- les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi. »
[46] En effet, dans le présent dossier, le tribunal estime que l’activité à laquelle se livrait la travailleuse, le 16 décembre 2008, s’inscrit dans le cadre des activités normales et courantes de l’employeur.
[47] Tel qu’il appert du dossier, la travailleuse utilise en effet son véhicule pour se rendre au travail et le stationne dans l’espace réservé à cette fin par le centre hospitalier. Le soir venu, après sa prestation de travail, la travailleuse doit retourner chez elle. Elle doit donc marcher du Pavillon jusqu’au stationnement où est située son auto. Cette activité exercée par la travailleuse au moment de la survenance de l’accident s’inscrit dans le cadre de son travail normal et est nécessaire au fonctionnement des activités de l’employeur. Cette activité fait partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur.
[48] Ces différents éléments ont d’ailleurs déjà été analysés dans l’affaire Cafétérias Monchateau[8]. La Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit :
« […]
[26] Le tribunal ne croit pas que l’imputation au dossier de l’employeur des coûts inhérents à la lésion professionnelle en cause lui fasse supporter injustement ces sommes.
[27] Lors de l’accident, la travailleuse accédait à son lieu de travail comme elle doit le faire nécessairement tous les jours, peu importe la saison. Tous les employés au service de l’employeur doivent faire de même et accéder à leur lieu de travail respectif.
[28] Le risque de faire une chute en accédant à son lieu de travail est donc inhérent aux activités de l’employeur puisqu’il s’agit d’un risque particulier d’une manière étroite et nécessaire à ses activités.
[29] La jurisprudence considère qu’on doit tenir compte des risques inhérents à l’ensemble des activités d’un employeur et non seulement à ses activités principales.
[30] Même si l’employeur en cause est classé dans une unité regroupant des cafétérias ou des traiteurs et même si la travailleuse ne s’est pas blessée en exerçant une activité principale, il n’en reste pas moins que le fait d’accéder à son lieu de travail est une activité accessoire et inhérente aux activités de l’employeur sans laquelle personne n’exécuterait ses fonctions principales.
[31] Comme l’affaire Ministère des Transports déjà citée le rappelle, les risques inhérents à l’ensemble des activités d’un employeur s’évaluent « entre autre » à la lumière de l’unité de classification à laquelle il appartient et non pas exclusivement en ce sens.
[32] Le travail effectué par la travailleuse l’amène immanquablement à accéder à son lieu de travail tous les jours. Le risque de chute survenant à l’occasion de cette activité est donc lié d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur.
[33] En conséquence, l’analyse du caractère injuste d’une imputation ne repose pas sur l’appréciation des seuls risques principaux généralement associés à la mission principale d’un employeur, mais bien sur l’appréciation des risques qui sont inhérents à l’ensemble des activités exercées par cet employeur3.
[34] Il est évident qu’une chute sur un trottoir ne fait pas partie de la raison d’être de l’employeur. Cependant, ce sont les risques particuliers inhérents à l’ensemble de ses activités qu’on doit regarder, dans le contexte dans lequel s’exerce ces activités. Comme les activités de l’employeur font en sorte que ses travailleurs doivent accéder à des postes de travail se trouvant chez ses divers clients, il y a par le fait même des risques pour les travailleurs devant ainsi se déplacer d’effectuer certaines chutes. Il n’est donc pas injuste pour l’employeur d’avoir à supporter le coût des prestations versées à la travailleuse4.
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3 NV électrique inc. et Construction Première, C.L.P. 213557-61-0308, 15 décembre 2003, G. Morin.
4 Corps canadiens des commissionnaires, C.L.P. 212709-71-0307, 5 avril 2004, L. Couture; Chomedy Ford ltée et CSST, 297526-71-0608, 9 mai 2007, G. Robichaud.
[…] »
[49] Dans une autre affaire impliquant un hôpital[9], le tribunal reprenait les mêmes éléments au regard d’une chute survenue dans le stationnement de l’employeur dont l’entretien était confié à un tiers :
[…]
[31] L’employeur opère un hôpital, ce qui fait en sorte que les gens qui y travaillent doivent inévitablement accéder à leurs lieux de travail après s’être rendus à l’établissement de l'employeur à l’aide du transport en commun, d’un véhicule automobile, etc.
[32] La travailleuse en l’espèce venait de stationner son véhicule dans le stationnement mis à sa disposition par son employeur contre paiement de frais retenus à même sa rémunération.
[33] Il fait donc partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l'employeur qu’un employé qui arrive au travail glisse ou chute .
[34] L’employeur mentionne que le fait qu’un travailleur tombe sur une plaque de glace ne constitue pas un risque particulier relié à son activité.
[35] Le tribunal ne peut retenir cette prétention. Les accidents du travail ne font jamais partie des activités d’un employeur. La question qu’on doit se poser est plutôt si l’événement tel qu’il survient s’inscrit dans les risques inhérents de l’entreprise. Or, il est évident qu’une infirmière doit se rendre à l’établissement de l'employeur après avoir stationné son véhicule. L’activité exercée au moment de l’accident s’inscrit de toute évidence dans les risques inhérents aux activités de l'employeur.
[…] »
[50] Si le fait de se rendre à l’établissement de l’employeur pour accomplir ses tâches et de stationner son véhicule dans un stationnement prévu à cet effet fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur, le retour à la maison en fait également partie.
[51] Par ailleurs, ces activités inhérentes à l’entreprise impliquent et comportent certains risques, tels ceux présents au moment du fait accidentel.
[52] En effet, au Québec, il n’est pas rare qu’en hiver il tombe de la neige ou de la pluie et que des redoux surviennent. Conséquemment, avec les variations de température fréquentes, de la glace peut se former s’il y a accumulation de neige ou de grésil. Elle peut aussi résulter du réchauffement de la température suivi d’une baisse.
[53] Ainsi, les probabilités qu’un tel événement survienne, dans le contexte des activités exercées par la travailleuse lors de l’accident, sont bien réelles.
[54] Quant aux circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, la Commission des lésions professionnelles estime qu’elles n’ont rien d’extraordinaire, d’inusité, de rare ou d’exceptionnel. Tel qu’indiqué ci-haut, l’accident est survenu à l’occasion d’un changement dans les conditions météorologiques. Ces changements climatiques n’ont rien d’exceptionnel au Québec.
[55] D’ailleurs, lors de l’audience l’employeur a soumis sept cas de chute d’une travailleuse dans ses stationnements, survenue dans des circonstances similaires, au cours d’une même année. Il a également soumis de la jurisprudence[10] impliquant une travailleuse à son emploi.
[56] Compte tenu de ces éléments et pour les motifs qui précèdent, le tribunal écarte la jurisprudence soumise par le représentant de l’employeur[11], d’autant plus qu’il s’agit de cas d’application de la règle dégagée dans l’affaire Ministère des Transports précitée et que les faits dans ces affaires diffèrent de ceux du présent dossier.
[57] Vu tous ces éléments, le tribunal estime qu’aucune contravention spécifique à une règle identifiée dans l’affaire Ministère des Transports précitée n’a été démontrée et n’a joué un rôle déterminant dans la survenance de l’accident.
[58] Dans ces circonstances, le tribunal conclut que l’imputation à l’employeur des coûts résultant de l’accident survenu à madame Guylaine Bergeron ne serait pas injuste, au sens de l’article 326 de la loi et de la jurisprudence majoritaire du tribunal en découlant, même si le tiers y avait contribué de façon majoritaire.
[59] Conséquemment, la requête de l’employeur n’est pas bien fondée et les coûts des prestations résultant de l’accident doivent demeurer imputés à son dossier
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Centre hospitalier Régional Trois-Rivières, l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 29 juin 2010, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la totalité du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par madame Guylaine Bergeron, la travailleuse, le 16 décembre 2008, doit être imputée au dossier de l’employeur.
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René Napert |
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Me Patrice Boudreau |
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JOLI-CŒUR, LACASSE & ASS. |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] [2007] C.L.P. 1804 , formation de trois commissaires.
[2] Voir note 2.
[3] Voir Ministère des Transports précité note 2.
[4] 296247-04-0608, 7 février 2007, J.-F. Clément.
[5] C.S. 565-05-000004-979, 4 juillet 2000, j. Landry (JE2000-1538).
[6] Agence de personnel L. Paquin inc. et Santragest inc., 126248-62A-9911, 1er mai 2000, N. Lacroix,
[7] Voir note 2 précitée.
[8] 383174-31-0907, 9 février 2010, J. F. Clément.
[9] Hôpital Maisonneuve-Rosemont, 362820-62-0811, 15 décembre 2009, J.-F. Clément.
[10] C.H. Régional Trois-Rivières., 392241-04-0910, 23 février 2010, J.-A. Tremblay.
[11] Assurances Générales Caisses Desjardins inc. et Déneigement Transport Excavation LR, 363015-31-0811, 2 juin 2009, J.-L. Rivard; Hôpital l’Enfant-Jésus et les Entreprises Antonio Barrette, 359197-31-0809, 17 juin 2009, C. Lessard; Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont et Gestiparc Canada inc., 321266-61-0706, 16 octobre 2008, D. Martin; C.H. Régional Trois-Rivières., 392241-04-0910, 23 février 2010, J.-A. Tremblay.
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