Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE

 

Le

9 avril 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

178658-63-0202

182744-63-0204

192645-63-0210

200259-63-0302

DEVANT La COMMISSAIRE :

Me Francine Dion Drapeau

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Mme Lorraine Patenaude,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

M. Éric Lemay,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

105645220

AUDIENCE TENUE LE :

11 mars 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JEAN-CLAUDE BONIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE CENTRE DE RÉADAPTATION DES JEUNES DE LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

 

 

 

 

 

 

PARTIES INTERVENANTES

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

DOSSIER 178658-63-0202

[1]               Le 21 février 2002, le travailleur, monsieur Jean-Claude Bonin, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue conjointement, le 28 janvier 2002, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et la Société de l’assurance automobile du Québec (la SAAQ), à propos des séquelles permanentes.

[2]               Par cette décision, la CSST évalue à 4,80 % l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur reliée à sa lésion professionnelle subie le 12 mai 1999 et la SAAQ réfère le travailleur à sa décision du 23 juillet 1996.

DOSSIER 182744-63-0204

[3]               Le 22 avril 2002, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 12 avril 2002, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[4]               Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale rendue le 21 janvier 2002, à la suite de l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Pierre-Paul Hébert, orthopédiste et déclare, en relation avec la lésion professionnelle subie par le travailleur le 12 mai 1999, que cette lésion est consolidée le 3 octobre 2001, sans nécessité d’autres soins ou de traitements après cette date mais avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles de la classe 2 de l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail (IRSST) du Québec, lesquelles donnent droit au travailleur à une indemnité pour dommages corporels et à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur sa capacité à exercer un emploi.

DOSSIER 192645-63-0210

[5]               Le 21 octobre 2002, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue conjointement, le 3 octobre 2002, par la CSST et la SAAQ, concernant la réclamation du travailleur pour une récidive, une rechute ou une aggravation survenue le 19 février 2002.

[6]               Par cette décision, la CSST refuse la réclamation du travailleur aux motifs que la condition attestée par le médecin traitant le 19 février 2002 ne démontre pas de détérioration objective de l’état déjà connu et consolidé par le membre du Bureau d’évaluation médicale lors de son examen du 9 janvier 2002 et la SAAQ conclut qu’il n’y a pas de relation entre les problèmes à la colonne lombaire du travailleur survenus le 19 février 2002 et l’accident d’automobile puisque les blessures antérieures ont été consolidées sans séquelles le 20 juin 1996.

DOSSIER 200259-63-0302

[7]               Le 26 février 2003, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 12 février 2003, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[8]               Par cette décision, la CSST modifie sa décision initiale rendue le 8 juillet 2002 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi de représentant de commerce autonome à compter du 8 juillet 2002 et qu’il n’a plus droit, depuis cette date, à l’indemnité de remplacement du revenu.

[9]               Le travailleur est présent et représenté à l’audience de cette affaire.  L’employeur n’y est pas représenté mais la CSST et la SAAQ y sont représentées.

 

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[10]           Le représentant du travailleur avise le tribunal, dès le début de l’audience, ne plus vouloir se faire entendre sur des questions préliminaires, préférant se faire entendre au fond dans ce dossier.

 

L'OBJET DES CONTESTATIONS

[11]           Dans le dossier 178658-63-0202, le travailleur soumet que sa requête doit être acceptée et il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il demeure, en relation avec sa lésion professionnelle subie le 12 mai 1999, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique évaluée à 7,2 % comprenant un pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 2 % pour fibrose, en plus de l’instabilité lombaire et de l’atteinte sensitive de classe 2 de L5, le tout tel que son médecin expert, le docteur Gilles-Roger Tremblay, l’a établie dans ses évaluations médicales en date des 30 septembre 1999, 25 avril 2000 et 23 mai 2002.

[12]           Dans le dossier 182744-63-0204, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître, en relation avec sa lésion professionnelle subie le 12 mai 1999, qu’il demeure avec des limitations fonctionnelles de classe 4, telles que mentionnées par son expert, le docteur Tremblay, dans ses évaluations médicales en date des 30 septembre 1999, 25 avril 2000 et 23 mai 2002.  Par ailleurs, le travailleur avise le tribunal qu’il ne conteste plus les questions de la date de consolidation de cette lésion professionnelle ou de la fin des soins ou traitements de cette lésion.

[13]           Dans le dossier 192645-63-0210, le travailleur soumet que sa réclamation pour une récidive, une rechute ou une aggravation survenue le 19 février 2002 doit être acceptée pour une fibrose, une conséquence de la lésion professionnelle subie le 12 mai 1999.  Subsidiairement, il plaide que cette fibrose est une conséquence de l’accident d’automobile subi en 1968, aggravée par l’accident du travail survenu le 31 mai 1993.

[14]           Dans le dossier 200259-63-0302, le travailleur demande de déclarer qu’il n’est plus capable d’exercer l’emploi qu’il occupait lorsqu’il a subi sa lésion professionnelle du 12 mai 1999, en raison de ses limitations fonctionnelles telles que décrites par son médecin expert, le docteur Tremblay.  Subsidiairement, il soumet qu’il est incapable de refaire l’emploi convenable de représentant de commerce.  Il soumet enfin que s’il était déclaré capable, par la Commission des lésions professionnelles, de refaire cet emploi convenable, une indemnité de remplacement du revenu pour la perte de son emploi devrait alors lui être reconnue, en application des dispositions de l’article 48 de la loi.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[15]           Tant le membre issu des associations d’employeurs que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que dans le dossier 200259-63-0302, la requête du travailleur doit être accueillie et que dans le dossier 192645-63-0210 sa requête doit être rejetée. 

[16]           Quant à la reconnaissance d’un déficit anatomo-physiologique additionnel de 2 %, dans le dossier 178658-63-0202, les membres sont d’avis que cette fibrose est reliée à la discoïdectomie effectuée à la suite de l’accident d’automobile subi par le travailleur en 1967 et qu’elle ne peut pas être reliée à l’accident du travail survenu en 1993, à l’accident d’automobile survenu le 19 juin 1995 ou à la lésion professionnelle survenue le 12 mai 1999.  Il n’appartient ni à la SAAQ ni à la CSST d’indemniser le travailleur pour cette fibrose périneurale à L4-L5. Conséquemment et pour les mêmes raisons, dans le dossier 192645-63-0210, les membres sont d’avis que la réclamation du travailleur pour une récidive, une rechute ou une aggravation, en raison de la présence de la fibrose le 19 février 2002, ne peut pas être acceptée. 

[17]           En ce qui concerne la capacité du travailleur à refaire l’emploi de représentant de commerce autonome qu’il occupait lorsqu’il a été victime d’une lésion professionnelle le 12 mai 1999, dans le dossier 200259-63-0302, ces membres soumettent que la preuve démontre clairement et de façon prépondérante que cet emploi ne respecte pas ses limitations fonctionnelles.  Par ailleurs, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que ce dossier du travailleur doit être retourné à la CSST pour que soit déterminé un autre emploi convenable au travailleur, lequel respecterait les limitations fonctionnelles qui lui sont reconnues dans le dossier 182744-63-0204. 

[18]           Dans le dossier 182744-63-0204, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée car les limitations fonctionnelles de classe 2 qui lui sont reconnues sont appropriées.  Le membre issu des associations syndicales est d’avis contraire.  Ce dernier soumet que la preuve a démontré de façon prépondérante que ce sont les limitations fonctionnelles de la classe 4 et telles que le médecin expert du travailleur, le docteur Tremblay, les a décrites, qui doivent lui être reconnues en relation avec sa lésion professionnelle subie le 12 mai 1999. 

 

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]           Dans le dossier 178658, la Commission des lésions professionnelles doit décider, soit en relation avec la lésion professionnelle subie par le travailleur le 12 mai 1999, soit en relation avec l’accident d’automobile subi par lui le 19 juin 1995, s’il en résulte, pour lui, un déficit anatomo-physiologique additionnel de 2 % pour la fibrose.

[20]           Dans le dossier 182744-63-0204, la Commission des lésions professionnelles doit décider si les limitations fonctionnelles du travailleur découlant de l’événement du 12 mai 1999 consistent en des restrictions très sévères faisant partie de la classe 4, comme il le prétend ou en des restrictions modérées faisant partie de la classe 2, élaborées par l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail (IRSST), telles que reconnues par la CSST.

[21]           Dans le dossier 192645-63-0302, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi, le 19 février 2002, une récidive, une rechute ou une aggravation de sa lésion initiale subie le 12 mai 1999 ou de son accident d’automobile subi le 19 juin 1995.

[22]           Dans le dossier 200259-63-0302, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était incapable, le 3 octobre 2001, date de consolidation de sa lésion professionnelle, d’effectuer l’emploi qu’il occupait au moment de l’événement du 12 mai 1999 comme il le prétend ou s’il était capable d’effectuer cet emploi, comme l’a décidé la CSST.

 

LES FAITS

[23]           Voyons d’abord les faits pertinents dans cette affaire.  La Commission des lésions professionnelles les résume ainsi, après avoir pris connaissance du dossier, avoir entendu le travailleur et son médecin expert, le docteur Gilles-Roger Tremblay, chirurgien-orthopédiste, ainsi que le docteur Serge Ferron, chirurgien-orthopédiste, à la demande de la CSST et avoir examiné les documents versés à l’audience par le travailleur.

[24]           En ce qui concerne les faits pertinents relatifs à survenance de la lésion professionnelle du 12 mai 1999, la Commission des lésions professionnelles renvoie les parties à sa décision antérieure en date du 29 juin 2001 où ceux-ci sont relatés en détail.  Mais pour les fins du présent dossier, certains faits devront tout de même être repris ici en raison de leur pertinence.

[25]           Avant cette lésion professionnelle subie par le travailleur à l’âge de 57 ans, soit le 12 mai 1999, laquelle fut reconnue comme telle par la Commission des lésions professionnelles dans sa décision mentionnée ci-dessus, le travailleur avait été victime d’un premier accident d’automobile vers l’année 1967, en raison duquel il a dû subir une discoïdectomie L4-L5 vers l’année 1968.  À la suite de cet accident, le travailleur est retourné au travail et il a pu accomplir des tâches lourdes, dans la construction et ailleurs sans éprouver d’autres problèmes lombaires.

[26]           Le travailleur a été victime, le 31 mai 1993, d’un accident du travail reconnu par la CSST, alors qu’il était préposé à l’entretien ménager au Centre de réadaptation des jeunes de Lanaudière.  Après des soins conservateurs, l’entorse lombo-sacrée du travailleur était consolidée par son médecin à compter du 11 octobre suivant, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.  Mais le travailleur était immédiatement victime d’une récidive, d’une rechute ou d’une aggravation le 27 octobre 1993 et les soins et traitements étaient repris et le travailleur était dirigé en physiatrie au docteur Sarto Imbault qui poussait l’investigation en demandant une myélographie lombaire et une tomodensitométrie axiale lombo-sacrée ainsi qu’une étude électromyographique dont les résultats ont été versés au dossier.  

[27]           La myélographie lombaire a été effectuée le 19 mai 1994 et interprétée par le radiologiste comme révélant des manifestations d’une hernie médio-latérale droite versus des modifications post-chirurgicales à L4-L5 et la possibilité d’une hernie latérale gauche à L5-S1 avec compression du manchon radiculaire de S1.  Le même jour, la tomodensitométrie suivait cet examen et était interprétée par le radiologiste comme démontrant des modifications d’allure cicatricielle à L4-L5 à prédominance du côté droit et infirmant les suspicions de hernie à la myélographie au niveau L5-S1.

[28]           La lésion professionnelle diagnostiquée par le docteur Imbault, à cette époque, était une instabilité L4-L5 qu’il consolidait le 4 juillet 1994, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.  L’évaluation des séquelles permanentes du travailleur était effectuée par ce médecin le 12 juillet 1994 et est contenue dans son rapport d’évaluation médicale du 28 juillet 1994.  À l’examen physique, ce médecin ne constatait qu’une perte des amplitude vertébrales, soit une flexion antérieure mesurée à 70° (perte de 20°), l’extension à 20° (perte de 10°), les deux latéroflexions à 20° (perte de 10°) et la rotation droite à 16° (perte de 24°), la gauche à 17° (perte de 23°).  Ce médecin dressait le bilan des séquelles en retenant pour les séquelles antérieures un pourcentage de 3 % pour la discoïdectomie L4-L5 et pour les séquelles actuelles, uniquement constituées par l’ankylose au rachis lombaire, un pourcentage additionnel de 8 %.  Il reconnaissait aussi des limitations fonctionnelles au travailleur, soit éviter le travail en position penchée et les charges supérieures à environ 25-30 livres.

[29]           La CSST entérinait l’avis du docteur Imbault et établissait l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur à 9,90 %.  Et en raison des limitations fonctionnelles accordées par ce médecin, le travailleur était dirigé au service de la Réadaptation de la CSST et plus tard, un emploi convenable de représentant de commerce sera arrêté, par décision de la CSST le 21 octobre 1996.  Cette décision sera contestée par le travailleur.  Et à la suite d’une transaction conclue entre le travailleur et la CSST, le 14 février 1997, le travailleur partira son entreprise de vente d’articles et de vêtements adaptés pour personnes en perte d’autonomie, soit des handicapées, des personnes âgées ou des malades et cet emploi sera reconnu par la CSST comme étant l’emploi convenable du travailleur. 

[30]           Entre-temps, le travailleur était victime d’un accident d’automobile le 19 juin 1995.  Le travailleur a dû recevoir à la suite de cet événement des soins pour une entorse cervicale, une douleur au genou droit et une douleur lombo-sacrée. 

[31]           En juillet 1995, le travailleur était vu par le docteur Marc Giroux, neurochirurgien, qui demandait une tomodensitométrie lombaire de L3 à S1 après myélographie.

[32]           Cet examen était effectué le 9 novembre 1995 et révélait, selon l’interprétation du radiologiste, ce qui suit :

Niveau L3 L4 :  Normal.

 

Niveau L4-L5 :  Séquelles d’une petite laminectomie postérieure droite pour discoïdectomie.  Légère attraction du sac dural vers la droite et léger comblement partiel de la graisse épidurale en paramédian droit et dans le récessus latéral droit, probablement par du tissu cicatriciel.  Il n’y a pas de signe franc de récidive d’hernie discale.  On note aussi qu’il y a un peu d’agglomération des racines dans le sac dural et que certaines de ces racines apparaissent un peu épaissies surtout la racine S1 droite suggérant donc de légères séquelles d’arachnoidite.

 

Niveau L5-S1 :  Léger vieillissement discal diffus.  Normal par ailleurs.

(sic)

 

 

[33]           Les 6 décembre 1995 et 3 janvier 1996, le travailleur était revu par le docteur Giroux qui retenait alors un diagnostic de pachyméningite L4-L5 en relation avec l’événement du 31 mai 1993.

[34]           Par ailleurs, le travailleur était soumis à une expertise médicale effectuée par le docteur Goulet, à la demande de la SAAQ.  Les constatations de ce médecin, faites le 20 juin 1996, révélaient une flexion antérieure mesurée à 80° (soit une perte de 10°), une extension douloureuse (à 30°) mais dans les limites de la normale, de même que la rotation gauche (à 30°) et la rotation droite (à 40°) et la flexion latérale gauche (à 30°), la flexion latérale droite n’y étant pas mentionnée.  Il était précisé par ce médecin que la douleur lombaire du travailleur ne s’était pas aggravée lors de cet accident et que sa situation était la même qu’auparavant.

[35]           Se fondant sur l’expertise médicale du docteur Marc Goulet en date du 26 juin 1996, la SAAQ consolidait l’entorse cervicale du travailleur à compter du 19 juin 1996, sans atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles.

 

[36]           Concernant l’entreprise du travailleur partie en 1997, ce dernier dira à l’audience, qu’il pouvait compter sur les services bénévoles d’une parente qui l’aidait lors de la vente et qui voyait au contrôle de sa marchandise.  C’est cette personne qui pouvait aller faire essayer les vêtements directement dans la chambre d’une cliente qui ne pouvait pas se déplacer. 

[37]           Le travailleur expliquera qu’il couvrait un grand territoire (par exemple :  Joliette, Saint-Michel-des-Saints, Sainte-Agathe, Repentigny) pour la vente de ces vêtements.  Il se déplaçait à l’aide d’un camion motorisé, classe C, avec chauffage intérieur au gaz lui permettant d’être confortable lors de ces nombreux déplacements.  

[38]           Ce travail, dira-t-il, l’amenait à faire beaucoup de manipulation de vêtements lesquels étaient contenus dans des sacs lourds pouvant peser chacun entre 50 et 60 livres et dans des boîtes de plastique (tels des bas et des sous-vêtements) également lourdes pouvant peser chacune une quarantaine de livres.  Il y avait aussi les supports ou porte-vêtements pliants, en métal, à transporter pour accrocher les vêtements.  Ces supports pesaient 25 livres chacun et servaient à étaler sa marchandise pour favoriser ses ventes dans les divers centres où sa clientèle pouvait se trouver.  Rendu sur place, le travailleur devait aussi aménager l’espace qui lui était alloué pour présenter sa marchandise.  C’était la plupart du temps la cafétéria ou la salle à manger du centre visité, où il y avait des tables (de 40 à 50 livres) et des chaises qu’il devait déplacer et aménager à cette fin.  Il y avait aussi des paravents pour l’essayage qu’il devait aussi transporter sur les lieux.

[39]           Le travailleur devait se déplacer beaucoup et ne pouvait rester assis pour accomplir son travail.  Il devait se pencher pour prendre les mesures de vêtements vendus ou pour faire essayer les bas et les chaussettes à ces personnes, de sorte qu’il était plus souvent debout qu’assis.

[40]           Le travailleur expliquera qu’il pouvait aussi faire des ventes directement de son domicile.  Il recevait à ce moment des boîtes de vêtements d’un poids d’une centaine de livres, en provenance de Matane lesquelles lui étaient expédiées à l’aide d’un service de livraison (Purolator).  Ces boîtes, il devait les descendre dans son sous-sol où il faisait la vérification et le tri des vêtements.  Quant aux boîtes de sous-vêtements et de bas en provenance de Montréal, c’est lui qui allait en prendre livraison directement chez le fournisseur.  

[41]           C’est donc en effectuant ce travail, que le travailleur s’est à nouveau blessé au dos et cette lésion a été reconnue par la Commission des lésions professionnelles dans sa décision antérieure précitée.  C’est sur le témoignage à l’audience du docteur Gilles-Roger Tremblay et sur son expertise en date du 30 septembre 1999 que la Commission des lésions professionnelles a reconnu cette lésion professionnelle à titre de récidive, de rechute ou d’aggravation de la lésion professionnelle initiale du 31 mai 1993.

[42]           La Commission des lésions professionnelles, dans sa décision antérieure[1], reconnaissait cette aggravation survenue le 12 mai 1999, en ces termes :

Lors de l'événement de 1993, le diagnostic final retenu par le docteur Imbeault, qui évalue l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles du travailleur, est celui d'instabilité L4-L5 et un pourcentage de 9,9 % est reconnu par la CSST en relation avec cet événement.  Le travailleur a, d'autre part, des limitations fonctionnelles qui le rendent incapable d'exercer les emplois qu'il occupait avant sa lésion professionnelle.

 

Il y a un suivi médical en ce que le travailleur a subi des traitements de physiothérapie pendant le processus de réadaptation, en 1996, et qu'il témoigne qu'il devait prendre régulièrement des analgésiques, de façon plus ou moins régulière, et moins forts que ceux qui lui ont été prescrits après l'événement de mai 1999.

 

La preuve médicale prépondérante témoigne d'une relation entre l'instabilité lombaire en L4-L5 et la lombosciatalgie avec signes radiculaires tel qu'investigué par le docteur Tremblay.  Selon ce médecin, l'instabilité lombaire qui était présente et qui s'est manifestée lors de l'accident du travail de 1993 a évolué et s'est manifestée, à nouveau, à l'occasion d'un geste banal qui ne pourrait pas, à son avis, avoir provoqué l'aggravation de la pathologie du travailleur, telle qu'il la constate.

 

Cette aggravation se manifeste par des limitations de mouvement plus importantes en 1999 qu'en 1993 et par l'apparition d'une instabilité lombaire au niveau supérieur, soit en L3-L4 en raison du "chargement du niveau sus-jacent à la discoïdectomie".

 

Les preuves médicale et factuelle soutiennent la reconnaissance d'une aggravation le 12 mai 1999, de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 31 mai 1993.

 

 

[43]           Les faits sur lesquels la Commission des lésions professionnelles s’était fondée pour accepter cette aggravation sont ainsi relatés dans sa décision :

Or, à compter du 12 mai 1999, il rapporte qu'il a dû prendre des analgésiques plus forts, 3 à 4 fois par jour, alors qu'auparavant, il lui arrivait de prendre des analgésiques, au besoin et moins forts.  Interrogé par son procureur sur l'incidence d'un problème intestinal qui apparaît au dossier, le travailleur répond qu'il a été opéré, il y a environ un an, pour la maladie de Crohn mais que ses douleurs au dos ne se sont pas améliorées à la suite de cette opération.

 

Le 30 septembre 1999, le docteur Gilles R. Tremblay, chirurgien orthopédiste, signe une expertise médicale à la demande du représentant du travailleur, à la suite d'un examen effectué le 9 septembre 1999.  À ce moment, le patient présente les limitations de mouvement suivantes:  une flexion antérieure bloquée à 40 (degrés);  l'extension ne dépasse pas 20 (degrés);  les latéro-flexions droite et gauche atteignent respectivement 20 et 15 (degrés) et les rotations sont à 20 (degrés), bilatéralement.

 

Le docteur Tremblay émet l'opinion que ce patient qui a subi une discoïdectomie L4-L5, il y a plus de 30 ans, présente, lors de son examen, une lombo-sciatalgie droite qui lui paraît déficitaire.  Il note particulièrement que le travailleur "démontre des signes de mise en tension radiculaire positifs" et il constate qu'une investigation additionnelle s'impose.  Il prescrit divers examens avant de se prononcer sur l'évolution de la pathologie de son patient.

 

Le 27 septembre 1999, le docteur Roland Brassard, radiologue, procède à un examen par résonance magnétique.  Il rapporte ses observations, comme suit:

«[…]

 

Il y a des changements de discopathie à L4-L5 avec perte du signal au niveau du disque et légère perte de hauteur du disque.

 

Il y a bombement discal léger diffus.

 

Il n'y a pas d'évidence nette de fibrose ou cicatrice épidurale.

 

Il y a rétrécissement léger des foramens intervertébraux des deux côtés à L4-L5 et L5-S1 un peu plus à droite qu'à gauche.»

 

Le CT-scan du rachis lombaire pratiqué le 4 octobre 1999 révèle, pour sa part, un rétrolisthésis de L3-L4 d'au moins 3 mm "avec légère empreinte secondaire versant antérieur du sac dural".  En L4-L5, on note des "ostéophytes postérieurs prédominants en paramédian gauche".

 

Le docteur Jean-Yves Ouellet, radiologiste, fait état d'une "sténose spinale au moins grade I à II/IV", ajoutant qu'il n'est "pas possible de bien évaluer à ce niveau la dimension du sac dural étant donné la disparition de la graisse au pourtour, témoignant de fibrose".  En L5-S1, le radiologiste ne note rien d'autre qu'une légère diminution "de calibre des trous de conjugaison".

 

Enfin, le 20 mars 2000, le docteur J. Stewart, neurologue, rend compte de son examen electromyographique.  Il résume son impression diagnostique en ces termes:

«This man's history has some features of spinal stenosis.  However, the electrodiagnostic testing is entirely normal.  This does not disprove the diagnosis and indeed, he should probably have imaging studies such as a CT scan to evaluate him for the presence of spinal stenosis.»

 

Le 25 avril 2000, le docteur Tremblay complète son expertise médicale à la lumière de ces trouvailles radiologiques.  Après en avoir fait l'énumération, il est d'avis que l'état du travailleur s'est "définitivement aggravé depuis 1993".  En effet, le travailleur qui présentait une instabilité lombaire en L4-L5, lors de l'événement de 1993, a maintenant une instabilité lombaire au niveau supérieur.  Il explique ce phénomène par la présence, démontrée par la tomodensitométrie, d'un "listhésis de L3 sur L4", lequel "représente une instabilité occasionnée par le chargement anormal du niveau sus-jacent à la discoïdectomie".

 

Le docteur Tremblay attribue le constat clinique d'une mise en tension radiculaire positive, par la présence de fibrose cicatricielle au niveau L4-L5, particulièrement à droite.  Selon ce médecin, deux conditions témoignent de l'aggravation de la lésion subie en 1993, soit:  une instabilité lombaire prouvée en l'absence de fracture et une fibrose objectivée par test spécifique.  Il recommande, également, des limitations fonctionnelles supérieures à celle établies par le docteur Imbeault, en 1994.

 

Enfin, le 12 mai 2000, le docteur Tremblay répond à une question qui lui est posée par le procureur du travailleur, quant à la relation entre l'événement survenu le 12 mai 1999, celui de 1993, et la discoïdectomie subie à la fin des années 1960.  Il écrit, notamment, que la discoïdectomie n'a entraîné aucune séquelle jusqu'en 1993, alors qu'à ce moment, le travailleur a connu une aggravation de sa condition lombaire, asymptomatique avant cette date.  Enfin, l'événement banal de 1999 a entraîné, à son tour, une aggravation de la condition lombaire du travailleur en comparaison des séquelles laissées par l'événement de 1993.

 

À l'audience, le docteur Tremblay rappelle la différence qui existe entre les constatations apparaissant dans son expertise médicale du 30 septembre 1999 en comparaison du REM du docteur Imbeault de 1994, particulièrement en ce qui concerne la flexion antérieure et l'extension du rachis lombaire.

 

Contrairement à l'examen du docteur Imbeault, son examen révèle un Tripode positif du côté droit et une perte de sensibilité au niveau des dermatomes L5-S1.  Le docteur Imbeault ne relevait pas de perte de force musculaire, alors qu'il en retrouve à la dorsi-flexion du gros orteil du pied droit de même qu'une diminution de la flexion plantaire, au même pied.

 

Selon l'analyse que le docteur Tremblay fait, il y a une aggravation, depuis 1994, vérifiée tant pas les examens cliniques que radiologiques.  Il ajoute, par ailleurs, que l'instabilité lombaire qui s'est manifestée en 1993, à la suite d'un accident du travail, est une conséquence d'une discoïdectomie non réussie.  Ainsi, ce n'est pas uniquement l'entorse lombaire de 1993 qui est responsable de cette instabilité lombaire mais cette dernière s'est manifestée parce que le travailleur avait subi une discoïdectomie qui était demeurée asymptomatique jusqu'alors.

 

L'événement survenu le 12 mai 1999 n'est pas suffisant en soi, selon ce médeci pour causer une instabilité lombaire à un autre niveau mais cet événement est suffisant pour rendre symptomatique, comme en 1993, une condition d'instabilité lombaire qui est présente en raison de la discoïdectomie subie.   (sic)

 

 

[44]           À la suite de cette décision, la CSST désigne le docteur Serge Ferron pour faire l’évaluation des questions médicales suivantes :  date de consolidation, soins et traitements, existence ou pourcentage de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et existence ou évaluation des limitations fonctionnelles.  Ce médecin procède à l’examen du travailleur le 3 octobre 2001.  Dans son rapport, ce médecin relate les plaintes du travailleur de «lombagos chroniques se localisant au niveau de la jonction lombo-sacrée avec irradiation aux membres inférieurs type sciatalgie (le côté droit pire que le gauche)», de raideur matinale, de douleurs accentuées en fin de journée et augmentées lorsqu’il tousse lors d’effort de défécation et plus rarement lors de toux ainsi que de douleurs nocturnes occasionnelles.  Ce médecin inscrit aussi une pseudo-claudication antalgique après 15 minutes de marche et le fait qu’il s’agit de douleurs purement de type mécanique.

[45]           Ce médecin note entre autres, au niveau des antécédents du travailleur, une maladie de Crohn, un ACV en avril 2001, la mise en place d’un pacemaker aussi en avril 2001.  Les constatations de ce médecin, à l’examen objectif, révèlent une amplitude articulaire du rachis dorso-lombaire, aux mouvements actifs et passifs, de 70° à la flexion antérieure, de 20° à l’extension, de 25° aux rotations droite et gauche et aux flexions latérales droite et gauche.  Ce médecin situe les douleurs à la palpation et à la percussion surtout dans le territoire de L3 à S1.  Son examen de la sensation à la roulette des membres inférieurs (territoire L1 à S1) démontre une diminution dans tout le membre inférieur droit sans territoire précis.  Le reste de son examen est dans les limites de la normale. 

[46]           Ce médecin émet l’avis que le travailleur présente des séquelles de discoïdectomie L4-L5 et une maladie discale dégénérative multi-étagée du rachis sans relation avec le fait accidentel du 11 mai 1993 ni avec la rechute du 12 mai 1999.  Ce médecin reconnaît toutefois que le diagnostic d’instabilité lombaire a été retenu en relation avec la dernière lésion professionnelle, par une décision de la Commission des lésions professionnelles.  Il conclut son rapport en retenant le 3 octobre 2001, comme date de consolidation de la lésion professionnelle du 12 mai 1999, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique dont le déficit anatomo-physiologique (DAP) s’établit à 3 %, code 204 576, pour instabilité objectivée en l’absence de fracture et avec des limitations fonctionnelles qu’il décrit comme suit :

-Éviter de lever des poids de façon répétée de plus de 20 livres;

-Éviter les vibrations répétées au niveau du rachis lombaire;

-Éviter les mouvements répétés ou très fréquents de flexion, torsion, rotation du rachis lombaire.

 

 

[47]           Le 30 octobre suivant, le docteur Tremblay fournit à la CSST un rapport complémentaire, conformément aux dispositions de l’article 205.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi).  Ce médecin y indique, entre autres, quant à la fibrose périneurale, que celle-ci est présente mais pourrait être due aussi bien à la chirurgie antérieure qu’au nouvel événement.  Ce médecin ajoute, concernant les limitations fonctionnelles, qu’étant donné que le travailleur présente une instabilité lombaire segmentaire symptomatique et déficitaire et que pour prévenir toute aggravation éventuelle et toute possibilité de chirurgie invasive, ce dernier doit être restreint à des limitations fonctionnelles très strictes de classe 4, c’est-à-dire incluant la possibilité de varier les heures d’activités selon l’intensité des symptômes. Pour ce médecin, ces limitations fonctionnelles ne sont pas seulement à caractère préventif car selon lui, le travailleur serait incapable de maintenir un horaire régulier.

[48]           Le 9 janvier 2002, le travailleur est examiné par le docteur Pierre-Paul Hébert, orthopédiste et membre du bureau d’évaluation médicale, en application des articles 217 et suivants de la loi.  Ce médecin mentionne les plaintes du travailleur d’une douleur constante au bas du dos, perçue comme une ceinture de chaque côté, de l’utilisation par lui d’une canne pour ses déplacements à l’extérieur de son domicile, de son peu de tolérance à la position assise ou debout prolongée, d’un sommeil perturbé par la douleur qui le force à se lever à de multiples reprises, du fait qu’il fléchit les genoux pour ramasser les objets par terre, du fait que les manœuvres de Valsalva peuvent, de temps en temps, augmenter la douleur aux jambes et de la tendance de la douleur à irradier au niveau des deux jambes mais surtout du côté droit.  L’examen objectif de ce médecin permet de constater une contracture musculaire lombaire bilatérale, une flexion antérieure du tronc mesurée à 70° avec un indice de Schober diminué à 13.5/10, une extension à 20°, des rotations à 20° et les inclinaisons à 20°, une diminution de la sensibilité à la piqûre à la face externe de la jambe et à la face dorsale du pied droit ainsi qu’une diminution de sensibilité à la face interne de la jambe alors que la face plantaire du pied ne présente pas d’altération neurologique, l’élévation des membres inférieurs provoque une lombalgie à 30° mais la dorsiflexion forcée des deux pieds ne provoque pas de sciatalgie.

[49]           Dans sa discussion, ce médecin souligne que le docteur Tremblay, médecin du travailleur, ne s’est pas prononcé sur la date de consolidation de la lésion professionnelle, ne s’est pas opposé à l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique suggérée par le docteur Ferron mais a maintenu que les limitations fonctionnelles du travailleur sont de classe 4.  Ce médecin conclut son avis en retenant comme date de consolidation de cette lésion professionnelle, le 3 octobre 2001, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique qui comprend un pourcentage additionnel de 4 % de déficit anatomo-physiologique, soit 3 % pour une instabilité lombaire, code 204 576 et 1 %, code 112 425, pour une atteinte sensitive classe 2, de L5 droite.  Quant aux limitations fonctionnelles, ce médecin les désigne comme étant les restrictions de la classe 2 élaborées par l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec (IRSST).  Ces restrictions y sont ainsi décrites :

Le travailleur doit éviter les gestes répétés de :

-Tirer, pousser, soulever, manipuler des objets de plus de 10 kilos.

-Ramper et grimper.

-Travailler en position accroupie.

-Effectuer des mouvements de la colonne lombaire, même de faible amplitude, dans toutes les directions.

-Subir des vibrations basses à la colonne lombaire.

-Marcher sur un terrain accidenté ou glissant.

 

 

[50]           Le 21 janvier 2002, la CSST, entérinant l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, déclare que les soins ou traitements ne sont plus justifiés depuis le 3 octobre 2001 et qu’elle doit donc cesser de les payer.  Elle déclare aussi que la lésion du travailleur a entraîné une atteinte permanente et qu’il a droit à une indemnité pour dommages corporels dont la décision sera rendue prochainement.  Elle déclare enfin que les versements de l’indemnité de remplacement du revenu continueront jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité d’exercer un emploi.

[51]           Le 28 janvier 2002, la CSST rend une décision conjointement avec la SAAQ à propos des atteintes permanentes.  La CSST entérine l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Hébert, et déclare que l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique est évaluée à 4,80 %, ce qui donne droit au travailleur à une indemnité pour dommages corporels de 2 087,81 $, les intérêts non compris dans cette somme.  Quant à la SAAQ, elle déclare référer les parties à sa décision du 23 juillet 1996.  Le travailleur conteste cette décision, d’où la première requête du travailleur devant la Commission des lésions professionnelles.

[52]           Le 19 février 2002, le travailleur soumet à la CSST une réclamation pour une aggravation qu’il allègue être une fibrose.  Le rapport du médecin en date du même jour indique un diagnostic de :  hernie discale L4-L5, statut post discoïdectomie avec fibrose rachidienne, arthrose sévère lombaire, listhésis L3-L4, lombo-sciatalgie droite chronique. 

[53]           Le 28 février suivant, une rencontre du travailleur avec l’intervenante de la CSST a lieu.  Le travailleur lui déclare que sa douleur est augmentée, qu’il n’est plus capable de rester plus de 15 à 20 minutes dans la même position.  Après avoir pris note de l’expérience de travail du travailleur l’intervenante note que ce dernier pense ne plus être capable d’être représentant de commerce et ne veut plus être dans la vente à cause de ses douleurs.

[54]           Le 12 avril 2002, la CSST à la suite d’une révision administrative confirme sa décision initiale rendue le 21 janvier 2002, d’où la deuxième requête du travailleur devant la Commission des lésions professionnelles.  

[55]           Le 9 mai 2002, à la demande du représentant du travailleur, le docteur Tremblay procède à une expertise médicale complémentaire de ce dernier.  Après avoir relaté les faits du dossier, ce médecin note les dires du travailleur que son état est inchangé depuis l’examen antérieur en avril 2000.  Il relate les plaintes du travailleur d’une douleur lombaire basse irradiant à la fesse droite, à la face postérieure de la cuisse droite et à la face latérale du mollet droit, exacerbée par les positions statiques, debout ou assise et par tout effort en flexion et le fait que la douleur irradie beaucoup plus en position statique qu’en mouvement. 

[56]           À l’examen physique du travailleur, le docteur Tremblay constate une démarche avec une légère boiterie antalgique à droite, une légère douleur à la palpation du trapèze droit, une flexion antérieure du rachis lombaire douloureuse et qui bloque à 50 degrés, une extension douloureuse et qui bloque à 20 degrés, des flexions latérales et des rotations à 20 degrés, son incapacité de marcher sur la pointe du pied et sur le talon à droite à cause d’une douleur lombaire augmentée, en position assise, un tripode droit définitivement positif à 20 degrés de flexion pour une douleur se répercutant à la fesse et à la face latérale du mollet droit, un achilléen droit toujours impossible à obtenir, une atrophie de 1 centimètre du mollet droit par rapport au mollet gauche, une diminution de la sensibilité à l’ensemble du dermatome L5 et partiellement au niveau du dermatome de S1, en position assise avec les genoux pliés, une nette diminution de la dorsi-flexion du gros orteil et du pied droit par rapport aux mêmes modalités à gauche et en position de décubitus dorsal, le straight-leg raising bloque à 40 degrés d’élévation pour une douleur se répercutant jusqu’à la face postérieure de la cuisse.

[57]           L’opinion du docteur Tremblay émise dans ce rapport, se lit comme suit :

Suite à l’événement du 12 mai 1999, le diagnostic à retenir est celui d’une aggravation d’une pathologie de discoïdectomie antérieure par instabilité lombaire segmentaire.

 

À notre avis, la lésion était consolidée le 3 octobre 2001, puisqu’aucun autre traitement n’est susceptible de modifier l’état de ce patient.

 

Il y a atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique et, étant donné que nous avons maintenant des amplitudes de mouvements qui sont un peu variables chez ce patient, le vrai facteur d’aggravation, comparé à l’expertise du docteur Imbault faite antérieurement, est la présence de pachyméningite qui justifie un DAP de 2 % à l’item 204 585 et une instabilité lombaire segmentaire à l’item 204 576 justifiant 3 %.

 

À ceci, 1 % additionnel doit être accordé pour atteinte sensitive classe II de L5 qui est constante et qui est codifiée à 112 425.

 

Étant donné que ce patient a présenté maintenant une discoïdectomie lombaire réussie en 1968, une première récidive en 1990, une deuxième récidive en 1993 et une troisième récidive encore plus sérieuse en 1999, il est essentiel que ce patient ait des limitations strictes pour empêcher qu’il ne s’aggrave.

 

Ces limitations fonctionnelles doivent inclure toutes les limitations fonctionnelles suggérées par le Bureau d'évaluation médicale  mais, en plus, avoir la possibilité de varier les horaires d’activités selon l’intensité des symptômes et ceci place les limitations fonctionnelles de monsieur Bonin dans une classe IV qui est essentielle pour éviter une détérioration de son état.

 

À notre avis, chez un homme de 61 ans, des limitations fonctionnelles de classe IV correspondent à une inemployabilité totale et permanente.

 

 

[58]           Le 4 juillet 2002, l’intervenante de la CSST rencontre le travailleur pour analyser sa capacité à exercer l’emploi convenable de représentant de commerce, pour vérifier s’il a fait des recherches d’emploi et pour discuter de la Régie des rentes du Québec.  Il appert des notes de l’intervenante que le travailleur a vendu sa maison parce qu’il n’est plus capable de s’en occuper.  Le travailleur est convaincu n’être plus capable d’exercer l’emploi de représentant de commerce.  Ce dernier indique ne pas avoir fait de recherche d’emploi depuis la dernière rencontre bien qu’il se soit présenté le matin même chez un employeur, soit l’entreprise Patrick Morin, pour postuler un emploi qu’il n’a pas obtenu en raison de ses problèmes santé.  L’intervenante informe toutefois le travailleur qu’il est capable de faire l’emploi convenable et qu’elle aurait dû le rencontrer plus tôt mais qu’elle n’a pas pu.  Le travailleur l’informe pour sa part, avoir tout vendu son équipement et n’être plus capable de transporter le matériel. 

 

[59]           Le lendemain, 5 juillet, l’intervenante de la CSST consigne aux notes évolutives sa décision déclarant qu’après avoir tenu compte de la nouvelle condition physique du travailleur et de ses limitations fonctionnelles supplémentaires, ce dernier est toujours capable d’exercer l’emploi convenable de représentant de commerce déjà déterminé antérieurement.  Sa décision écrite est datée du 8 juillet 2002.  Le travailleur conteste cette décision et en demande la révision dans le délai prévu par la loi.

[60]           Le 3 octobre 2002, la CSST rend conjointement avec la SAAQ une décision concernant la réclamation pour une récidive, une rechute ou une aggravation survenue le 19 février 2002.  La CSST y déclare refuser la réclamation du travailleur aux motifs que sa condition attestée par son médecin traitant ce 19 février 2002 ne démontre pas de détérioration objective de son état déjà connu et consolidé par le membre du Bureau d’évaluation médicale lors de son examen du 9 janvier 2002.  La SAAQ y déclare que le travailleur n’a pas droit aux indemnités prévues par la loi faute de relation entre les problèmes du travailleur à la colonne lombaire indiqués par son médecin traitant le 19 février 2002 et l’accident d’automobile puisque ses blessures ont été consolidées et ce, sans séquelles, le 20 juin 1996.  Le travailleur conteste aussi cette décision d’où la troisième requête du travailleur devant la Commission des lésions professionnelles. 

[61]           Le 12 février 2003, la CSST à la suite d’une révision administrative, modifie sa décision initiale rendue le 8 juillet 2002 en déclarant que c’est en fonction de l’emploi que le travailleur occupait lors de la récidive, de la rechute ou de l’aggravation et des limitations fonctionnelles établies par le membre du Bureau d’évaluation médicale que la CSST devait évaluer la capacité de travail du travailleur.  Elle conclut toutefois que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 8 juillet 2002 et qu’il n’a plus droit, depuis cette date, à l’indemnité de remplacement du revenu, d’où la quatrième requête du travailleur devant la Commission des lésions professionnelles.

[62]           À l’audience, le travailleur décrit les signes et symptômes qu’il a conservés de sa lésion professionnelle du 12 mai 1999, tels que les chocs électriques dans les jambes, sa perte d’équilibre lorsqu’il est debout, ses difficultés à rester en position assise ou debout, sa douleur lombaire constante malgré la médication qu’il prend (Empracet de trois à quatre fois par jour) qui a des effets sur ses intestins, nuit à sa mémoire et provoque de la somnolence.  Le travailleur dit avoir des douleurs aux jambes qui l’obligent, depuis trois ans, à marcher continuellement avec une canne et surtout à la jambe droite, où il présente même un pied tombant depuis février 2002, ce qui lui nuit lorsqu’il marche ou lorsqu’il doit monter les escaliers.  Il décrit aussi des phénomènes d’engourdissement, allant du haut de la cuisse jusqu’au pied, dans ses deux jambes lorsqu’il est assis ou couché et qui l’obligent à se relever.  Il déclare ressentir aussi des douleurs aiguës qui l’obligent à changer de position lorsqu’il est couché ou assis.  Il déclare ne plus être capable de lever plus de cinq kilos à la fois et que c’est maintenant son épouse qui doit rentrer les sacs d’épicerie dans leur condominium.  Il déclare ne pas pouvoir maintenir la position debout plus de dix à quinze minutes ou plus de trente minutes lorsqu’il est dans sa meilleure condition physique.  Il dit ne pas pouvoir marcher plus de 15 minutes à la fois, avoir de la difficulté à se pencher pour ramasser quelque chose ou à se relever lorsqu’il a quelque chose dans les mains puisqu’il doit prendre appui sur sa canne.  Il explique ne plus pouvoir voyager comme avant parce qu’il doit s’arrêter en chemin. 

[63]           Le travailleur confirme ses déclarations à l’intervenante de la CSST l’informant qu’il ne peut plus exercer son emploi de représentant de commerce du fait qu’il ne peut plus garder la position debout longtemps ni s’accroupir, ni transporter de poids, ni préparer les commandes comme avant, ni participer à des expositions commerciales.  Il explique avoir de plus en plus de difficulté à se mouvoir et voir sa condition se détériorer de plus en plus.  

[64]           À l’audience, en plus du travailleur, le docteur Tremblay est entendu.  Ce médecin réitère essentiellement l’avis émis par lui dans ses expertises au dossier.  Ce médecin reconnaît que lors du dernier examen du travailleur en mai 2002, ce dernier présentait des signes améliorés par rapport à l’examen antérieur en septembre 1999.  Pour ce médecin, à cause de l’imagerie médicale révélant une pachyméningite au niveau L4-L5, le travailleur aurait dû bénéficier d’un pourcentage de 2 % additionnel de déficit anatomo-physiologique.

[65]           Le docteur Tremblay déclare toutefois ne pas pouvoir préciser l’origine de la fibrose mise en évidence à l’imagerie médicale effectuée le 19 mai 1994, laquelle peut découler de la discoïdectomie pratiquée en 1968 ou d’une autre cause plus récente. 

[66]           Le docteur Tremblay ne peut pas confirmer l’existence d’un pied tombant chez le travailleur lequel serait causé par une atteinte motrice de L5, puisque son examen clinique n’a pas démontré une telle atteinte motrice.

[67]           Le docteur Tremblay explique aussi pourquoi il a choisi des limitations fonctionnelles classe 4 chez le travailleur.  Il dit que c’est à cause du caractère constant de la douleur doublé d’une douleur mécanique et d’une douleur surajoutée de type inflammatoire.  Le docteur Tremblay est d’avis que le travailleur ne peut pas refaire son travail car ce travail ne respecte pas ses limitations fonctionnelles.  Il considère que ce travail implique trop de manipulations de poids et exige que le travailleur demeure en position debout de façon prolongée.

[68]           La CSST fait entendre, pour sa part, le docteur Ferron.  Ce médecin réitère essentiellement l’avis émis dans son expertise médicale au dossier.  Ce médecin ne partage pas l’avis du docteur Tremblay de l’existence d’une fibrose chez le travailleur.  Pour ce médecin, l’examen radiologique le plus fiable pour révéler la présence de fibrose est la résonance magnétique.  Or, cet examen a été demandé par le docteur Tremblay et les conclusions du radiologiste sont qu’il n’y a pas d’évidence nette de fibrose ou cicatrice épidurale au niveau L4-L5.  Ce médecin admet toutefois qu’après une chirurgie, comme la discoïdectomie, il peut toujours y avoir un peu de fibrose mais cette fibrose ici ne peut être que légère.

[69]           Le docteur Ferron dit aussi ne pas partager l’avis du docteur Tremblay en ce qui concerne les limitations fonctionnelles.  Pour lui, retenir des limitations fonctionnelles de classe 4 serait carrément exagéré.  Selon lui, le travailleur n’a rien d’autre que mal au dos et il n’y a aucun signe clinique objectif au dossier permettant de lui octroyer une classe 4.  Le docteur Ferron indique que nulle part dans le dossier, on a pu mettre en évidence une atteinte sensitive.  Il ajoute que l’étude électromyographique se serait avéré positive si tel avait été le cas.  Pour le docteur Ferron, le travailleur est capable d’exercer son emploi de représentant de commerce car ce travail respecte ses limitations fonctionnelles.

 

LES MOTIFS

DOSSIER 178658-63-0202

[70]           Dans ce premier dossier, la Commission des lésions professionnelles doit décider du pourcentage de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique découlant de l’événement du 12 mai 1999.

[71]           On retrouve à l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi), les cinq sujets sur lesquels l’avis du médecin traitant ou celui du membre du Bureau d’évaluation médicale, le cas échéant, lie la CSST en vertu des articles 224 ou 224.1 de cette même loi.  Ces articles disposent :

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1°  le diagnostic;

2°  la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

3°  la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

4°  l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

5°  l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

            Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

            Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

            La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[72]           Trois médecins spécialistes ont fait l’examen du travailleur pour déterminer si des séquelles permanentes venaient s’ajouter aux séquelles antérieures découlant de la lésion professionnelle initiale subie le 31 mai 1993.  Il s’agit des docteurs Tremblay, Ferron et Hébert, tous des orthopédistes.

[73]           Le docteur Tremblay  a admis à l’audience que le docteur Hébert avait lui-même accordé un pourcentage de 3 % pour l’instabilité lombaire et un pourcentage de 1 % pour une atteinte sensitive classe 2, de L5 droite.  Il ne reste donc en litige que le pourcentage de 2 % prévu par le docteur Tremblay pour la pachyméningite à L4-L5.

 

[74]           Sur cette question, la Commission des lésions professionnelles retient du témoignage du docteur Tremblay qu’il lui est impossible de préciser l’origine de cette fibrose cicatricielle, laquelle a été mise en évidence au niveau L4-L5, lors de la tomodensitométrie qui a suivi la myélographie lombaire effectuée le 19 mai 1994. 

[75]           Dans son avis écrit supplémentaire, en date du 30 octobre 2001, le docteur Tremblay indiquait toutefois que la fibrose périneurale pouvait être due aussi bien à la chirurgie antérieure qu’au nouvel événement, comme il l’a confirmé à la Commission des lésions professionnelles à l’audience.  Le docteur Tremblay n’a cependant pas pu lui préciser, à quelle cause, autre que la chirurgie de 1968, cette fibrose cicatricielle pourrait de toute façon être rattachée. 

[76]           La cause pourrait-elle être l’événement du 31 mai 1993, lorsqu’il a versé l’eau d’une chaudière dans un évier difficile d’accès?   

[77]           La Commission des lésions professionnelles souligne immédiatement ici que les séquelles permanentes découlant de l’événement initial du 31 mai 1993 ont déjà été évaluées par le docteur Imbault le 12 juillet 1994, soit après la tomodensitométrie lombaire, et ce médecin n’a pas retenu de pourcentage additionnel pour cette fibrose cicatricielle à L4-L5.  La Commission des lésions professionnelles ne pourrait d’ailleurs pas remettre en cause, ici, l’évaluation faite par ce médecin, qui était le médecin traitant du travailleur à cette époque, faute d’avoir été saisie d’une contestation de la décision de la CSST entérinant cet avis du docteur Imbault.

[78]           La Commission des lésions professionnelles doit conclure, après examen de toute la preuve au dossier, que la fibrose cicatricielle, mise en évidence en mai 1994, ne peut pas être rattachée à l’événement survenu le 19 mai 1999.  En effet, cette fibrose existait déjà au moment de cet événement.  Cette fibrose ne peut pas non plus, pour la même raison, découler de l’accident d’automobile dont le travailleur a été victime le 19 janvier 1995. 

[79]           La Commission des lésions professionnelles est plutôt d’avis que cette fibrose, qu’elle soit légère ou pas, est reliée à la discoïdectomie pratiquée en 1968.  Or, cette chirurgie a dû être effectuée à la suite d’un accident d’automobile subi par le travailleur en 1967.  Malheureusement à cette époque, la Loi sur l’assurance automobile du Québec (L.Q. 1977, c. 68) n’avait pas encore été adoptée.  Le travailleur ne peut donc pas espérer obtenir compensation de la SAAQ pour les séquelles permanentes découlant de cet événement.  Sa requête pour l’octroi d’un pourcentage additionnel de 2 % de déficit anatomo-physiologique pour cette fibrose cicatricielle, doit donc être rejetée.

 

DOSSIER 192645-63-0210

[80]           La Commission des lésions professionnelles croit plus approprié d’examiner la question qui lui est soumise dans ce troisième dossier en raison de l’effet de sa décision rendue ci-dessus dans le premier dossier.

[81]           Le travailleur a soumis le 19 février 2002, une réclamation pour une aggravation en raison de la présence de cette fibrose cicatricielle à l’imagerie médicale.  Il ne s’agit donc aucunement d’une récidive ou d’une rechute mais uniquement d’une aggravation de sa condition.

[82]           Il est toutefois difficile d’accueillir cette réclamation du travailleur, lorsque la Commission des lésions professionnelles vient de décider du lien de causalité entre cette fibrose cicatricielle et l’événement personnel subi par le travailleur en 1967.

[83]           La Commission des lésions professionnelles ne peut pas se baser non plus sur la preuve d’une aggravation de la condition lombaire du travailleur puisque ce n’est pas ce qui ressort de l’examen effectué par le docteur Tremblay le 9 mai 2002. 

[84]           Au contraire, selon l’examen clinique du docteur Tremblay, la condition du travailleur se serait plutôt améliorée par rapport à l’examen antérieur du 9 septembre 1999.  Les amplitudes articulaires du rachis lombaire se sont améliorées à tous les mouvements.  Bien que le tripode soit positif à 20 degrés de flexion alors qu’il l’était à 40 degrés avant, l’atrophie du mollet a diminué de 0,8 centimètre et la flexion plantaire du gros orteil droit est maintenant comparable à celle du gros orteil gauche.

[85]           La Commission des lésions professionnelles ne peut que conclure, dans ces circonstances, à l’absence, le 19 février 2002, d’une aggravation de la condition lombaire du travailleur et doit rejeter sa requête dans ce dossier.

DOSSIER 182744-63-0204

[86]           Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit décider quelle évaluation des limitations fonctionnelles doit être retenue en relation avec l’événement du 12 mai 1999.  Les mêmes trois experts se sont penchés sur cette question.  La Commission des lésions professionnelles a aussi entendu les docteurs Tremblay et Ferron sur cette question.

 

[87]           Le docteur Tremblay a examiné le travailleur à deux reprises et il a retenu la classe 4 dans le cas du travailleur.  Ce médecin a expliqué son avis par la présence chez le travailleur d’une douleur lombaire constante, doublée d’une douleur mécanique et d’une douleur surajoutée de type inflammatoire.  Il a aussi expliqué que le fait de soumettre le travailleur à des efforts plus grands que ce qui est prévu dans la classe 4, soit des poids limités à cinq kilogrammes, était susceptible de lui causer une aggravation de sa condition physique lombaire, laquelle en est une, à son avis, précaire.

[88]           La Commission des lésions professionnelles a aussi examiné avec soin les déclarations antérieures du travailleur ainsi que son témoignage à l’audience.  Ce dernier lui est apparu très crédible et sincère.  Sa version des faits est constante.  Et rien dans la preuve soumise ne permet de mettre en doute sa crédibilité. 

[89]           La Commission des lésions professionnelles retient des déclarations du travailleur que ce dernier présente une douleur lombaire constante et que cette douleur s’aggrave au fil du temps.  Cette douleur l’oblige à prendre des médicaments tels des Empracets qui nuisent à ses intestins fragiles, le travailleur étant porteur d’une condition personnelle, soit une maladie de Crohn.  La mémoire du travailleur, son sommeil et sa concentration en sont également affectés.  Le travailleur souffre également d’une douleur irradiée aux jambes et surtout à sa jambe droite.  De plus, la station debout ou assise ne peut être tolérée par lui plus de trente minutes pas plus que la marche d’ailleurs et cela lorsqu’il est dans sa meilleure forme physique, car autrement il ne peut rester debout plus de quinze minutes.  Le travailleur dit souffrir de plus en plus de perte d’équilibre, bien qu’aucune atteinte motrice n’ait pu être mise en évidence par le docteur Tremblay pour expliquer ce phénomène.  Le travailleur marche avec une canne et doit prendre appui sur celle-ci lorsqu’il est debout ou pour se relever d’une position accroupie.  Le travailleur a déclaré ne plus être capable de soulever un sac d’épicerie dont le poids dépasse cinq kilogrammes et que c’est maintenant son épouse qui doit transporter leurs sacs d’épicerie. 

[90]           La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance des classes de limitations fonctionnelles telles que décrites dans le document préparé par l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail et dont se sont servis les trois experts pour évaluer les limitations fonctionnelles du travailleur.

[91]           La Commission des lésions professionnelles constate d’abord que le travailleur doit nécessairement être limité à un travail léger dont le poids maximum à soulever ne dépasse pas cinq kilogrammes ou dix livres.  De plus, en raison du caractère constant et mixte (de type mécanique et inflammatoire) de sa douleur lombaire, les restrictions de la classe 1 ou 2 ne semblent pas appropriées.  Pour cette raison, la Commission des lésions professionnelles ne peut pas retenir l’avis du docteur Ferron ni celui du docteur Hébert à qui le travailleur s’était également plaint des problèmes relatés ci-dessus.

[92]           Si l’on examine maintenant les restrictions de la classe 3 ou de la classe 4, telles qu’élaborées au document de l’IRSST on peut croire, en fonction des caractéristiques de ces deux classes qu’elles conviennent mieux à la condition du travailleur que les classes 1 et 2 retenues respectivement par les docteurs Ferron et Hébert.

[93]           En effet, la classe 3 prévoit des restrictions sévères et se lit dans ledit document de l’IRSST, en ces termes :

En plus des restrictions des classes 1 et 2, éviter les activités qui impliquent de :

 

Soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 5 kg, marcher longtemps, garder la même posture (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes, travailler dans une position instable (ex : dans des échafaudages, échelles, escaliers) et effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs (ex : actionner des pédales).

 

Exemple : cas de lombalgie de type mixte (i.e. mécanique et inflammatoire, dont la douleur est déclenchée par des postures prolongées autant que par des efforts), avec ou sans irradiation aux membres inférieurs et pouvant s’accompagner d’une sensation de faiblesse ou de dérobade d’un ou des deux membres inférieurs.

 

 

[94]           L’exemple donné correspond aux raisons données par le docteur Tremblay en ce qui concerne son choix des limitations fonctionnelles de la classe 4.  Ce médecin a indiqué que la douleur du travailleur avait un caractère constant doublé d’une douleur mixte de type mécanique et inflammatoire.  Ce médecin a aussi précisé que la classe 4 comprenait toutes les caractéristiques des classes inférieures dont la classe 3. 

[95]           Le docteur Ferron a parlé, pour sa part, des plaintes du travailleur d’une douleur lombaire chronique.  Le docteur Hébert a aussi noté les plaintes du travailleur d’un sommeil perturbé par la douleur.

[96]           Quant aux déclarations du travailleur, ce dernier a fait état des ses problèmes de mémoire et de concentration tant à la CSST qu’à la Commission des lésions professionnelles.

[97]           Et bien sûr, la condition du travailleur ne va pas continuer à s’améliorer avec le temps.  Son témoignage à l’audience va d’ailleurs plutôt dans ce sens. 

 

[98]           Pour l’octroi de restrictions très sévères de la classe 4, il y est mentionné « le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration qui s’avèrent incompatibles avec tout travail régulier » selon le document de l’IRSST.  Il y est aussi indiqué que le travailleur pourrait toutefois envisager une activité dont il peut contrôler lui-même le rythme et l’horaire.  Le travailleur avait d’ailleurs choisi un emploi de ce type en 1997, sans toutefois avoir vraiment estimé les poids qu’il aurait à manipuler pour effectuer ses ventes de vêtements adaptés. 

[99]           Quant à l’exemple donné pour cette classe 4, c’est le suivant :

Cas de lombalgie, avec ou sans irradiation aux membres inférieurs, dont le niveau de douleur est élevé et continu, comme dans le cas d’un syndrome douloureux lombaire chronique ou dans le cas d’une chirurgie vertébrale au dos, avec résultat insatisfaisant.

 

 

[100]       De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cet exemple correspond tout à fait à la situation du travailleur qui lui a été décrite à l’audience, laquelle n’a pas été contredite.

[101]       Après avoir examiné toute la preuve soumise, la Commission des lésions professionnelles est d’avis de retenir les limitations fonctionnelles qui ont été accordées au travailleur par le docteur Tremblay, soit des restrictions très sévères de la classe 4.  Ces restrictions semblent plus conformes à la condition physique du travailleur, laquelle a été décrite par lui à tous les médecins évaluateurs.  Sa requête dans ce dossier doit donc être acceptée.

DOSSIER 200259-63-0302

[102]       Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable de reprendre l’emploi convenable de représentant de commerce autonome qu’il occupait au moment de sa lésion professionnelle.

[103]       Après examen de toute la preuve soumise, la Commission des lésions professionnelles retient également les prétentions du travailleur dans ce dossier.

[104]       L’emploi qu’il occupait le 12 mai 1999 obligeait le travailleur à manipuler beaucoup de matériel, de vêtements, de boîtes, de porte-vêtements pliants, de paravents, de tables et de chaises, dont les poids dépassent de beaucoup les limitations fonctionnelles de classe 4 qui lui ont été reconnues dans la décision qui précède.  Ce seul élément suffit à conclure à son incapacité d’exercer son emploi antérieur de représentant de commerce autonome.

[105]       La Commission des lésions professionnelles retient aussi que le travailleur ne peut plus demeurer debout ou assis de façon prolongée.  Il pourrait difficilement voyager sur un grand territoire comme il le faisait auparavant.  Il aurait aussi de la difficulté à rester debout longtemps pour présenter, ou à s’accroupir pour faire essayer, ses vêtements à sa clientèle constituée de personnes handicapées.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DOSSIERS 178658-63-0202 ET 192645-63-0210

REJETTE les requêtes du travailleur, monsieur Jean-Claude Bonin, dans ces dossiers;

CONFIRME la décision rendue le 28 janvier 2002 conjointement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l’assurance automobile du Québec;

DÉCLARE que l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur découlant de la lésion professionnelle du 12 mai 1999 est évaluée à 4,80 %;

CONFIRME la décision rendue le 3 octobre 2002 conjointement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l’assurance automobile du Québec;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi le 19 février 2002 de lésion professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE qu’il n’y a pas de relation entre les problèmes à la colonne lombaire du travailleur survenus le 19 février 2002 et l’accident d’automobile survenu le 19 juin 1995.

DOSSIERS 182744-63-0204 ET 200259-63-0302

ACCUEILLE les requêtes du travailleur, monsieur Jean-Claude Bonin, dans ces dossiers;

INFIRME en partie la décision rendue le 12 avril 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que les limitations fonctionnelles découlant de l’événement du 12 mai 1999 sont des restrictions très sévères, de la classe 4, telles qu’élaborées par l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec;

INFIRME en partie la décision rendue le 12 février 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’était pas capable de reprendre son emploi de représentant de commerce autonome à compter du 8 juillet 2002 et qu’il avait toujours droit à l’indemnité de remplacement du revenu en relation avec sa lésion professionnelle du 12 mai 1999.

 

 

 

 

Francine Dion Drapeau

 

Commissaire

 

 

 

 

Laporte & Lavallée

(Me André Laporte)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

Panneton, Lessard

(Me Myriam Sauviat)

 

Représentante de la CSST

 

 

Gélinas & Associés

(Me Denis Émond)

 

Représentant de la SAAQ

 

 



[1]          122970-63-9909, 2001-06-29, R.M. Pelletier, p.11.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.