Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Centre jeunesse Québec et Champagne

2013 QCCLP 5257

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Québec

3 septembre 2013

 

Région :

Québec

 

Dossier :

467878-31-1204

 

Dossier CSST :

137092136

 

Commissaire :

Pierre Simard, juge administratif

 

Membres :

Michel Piuze, associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Centre Jeunesse Québec

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Pierre Champagne

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 4 avril 2012, Centre Jeunesse Québec (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une contestation à l’encontre d’une décision rendue par le conciliateur-décideur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 3 avril 2012.

[2]           Par cette décision, la CSST accueille la plainte déposée par monsieur Pierre Champagne (le travailleur) en application de l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et ordonne à l’employeur de cumuler, au 1er juillet 2011, les crédits afférents aux congés mobiles du travailleur pour toute la période où il s’est absenté en raison de sa lésion professionnelle entre le 31 août 2010 et le 18 avril 2011, le tout en application de l’article 242 de la loi.

[3]           La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Québec, le 18 juin 2013. Les parties étaient présentes et représentées.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision contestée et de déclarer, en application de l’article 242 de la loi, que le travailleur n’a pas le droit d’obtenir les crédits afférents à ses congés mobiles pour la période concernée.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la contestation déposée par l’employeur et de maintenir la décision émise par la CSST, le tout en application de l’article 242 de la loi.

[6]           Les membres concluent qu’ils retiennent le courant jurisprudentiel à l’effet d’indiquer qu’il faut retenir la fiction juridique créée par l’article 242 et considérer le travailleur comme s’il était au travail pendant la période de référence couverte par sa lésion professionnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           La Commission des lésions professionnelles est saisie d’une contestation portant sur l’application et l’interprétation des dispositions de l’article 242 de la loi. Cet article se lit comme suit :

242.  Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.

 

Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.

__________

1985, c. 6, a. 242.

 

 

[8]           Le tribunal est bien conscient que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles concernant l’application et l’interprétation des dispositions de l’article 242 de la loi se divise en deux courants jurisprudentiels qui portent particulièrement sur les termes « s’il avait continué à exercer son emploi pendant son absence ».

[9]           Un premier courant jurisprudentiel est bien décrit dans la décision déposée par l’employeur dans l’affaire Morin et Ville de Terrebonne[2]. Sans reprendre l’intégralité du raisonnement retenu dans cette décision, le tout en référence aux décisions rendues dans des affaires similaires, il est suffisant d’indiquer que ce premier courant considère qu’il n’y a pas lieu d’appliquer une fiction à l’effet que le travailleur doit être considéré comme au travail pendant sa période d’indemnisation. Plutôt, on doit considérer que lors de son retour au travail, celui-ci doit bénéficier de conditions de travail identiques à un autre travailleur qui n’aurait pas subi de lésion professionnelle, ce qui implique que le travailleur n’a pas le droit à la récupération de salaires et d’avantages rattachés à sa période d’absence.

[10]        Dans le second courant, on retient que l’article 242 de la loi crée une fiction juridique à l’effet qu’un travailleur absent en raison d’une lésion professionnelle doit être considéré comme ayant travaillé les jours où il a été absent et qu’en conséquence il acquiert tous les droits et avantages prévus à son contrat de travail, sans que l’on puisse prétendre à une double indemnisation. Cette position est particulièrement retenue et décrite dans l’affaire Pageau et R.T.C. Chauffeurs[3] et dans l’affaire Di Tomasso et Centre Miriam[4].

[11]        Le tribunal réfère le lecteur à l’ensemble de ces causes qui ont l’insigne avantage de décrire précisément les arguments au soutien de l’une ou l’autre de ces positions.

[12]        Le tribunal tient à souligner que ces deux positions continuent de coexister en date des présentes. On peut d’ailleurs noter que la CSST a tendance à retenir la position large et libérale retenue dans le cadre du second courant jurisprudentiel portant sur l’interprétation de l’article 242 à l’effet qu’il faut créer une fiction juridique par laquelle on doit considérer que le travailleur est à son travail pendant la période où il est indemnisé pour sa lésion professionnelle.

[13]        En effet, cette position respecte les objectifs que recherche le législateur dans le cadre où l’on veut faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle.

[14]        Dès lors, la présente formation a retenu cette position, dans le passé, à plusieurs occasions.

 

[15]        Une fois ces éléments de droit précisés, rappelons que les parties, devant le conciliateur-décideur, ont procédé à certaines admissions. Plus précisément, les parties admettent que le plaignant :

1.         est un travailleur au sens de l’article 2 de la loi et qu’il occupe un poste d’agent d’intervention à temps complet chez l’employeur;

 

2.         a été victime d’une lésion professionnelle le 30 août 2010;

 

3.         a déposé une plainte le 13 avril 2011, soit dans les 30 jours de la connaissance, le 6 avril 2011, de la mesure dont il se plaint;

 

4.         a opté pour une plainte plutôt qu’un grief;

 

5.         s’est absenté du travail en raison de sa lésion professionnelle durant la période du 31 août 2010 au 11 janvier 2011, a participé chez l’employeur à une assignation temporaire de travail rémunéré durant la période du 12 janvier au 17 avril 2011 et a réintégré son poste de travail le 18 avril 2011. Ainsi, la mesure dont il se plaint aurait été subie dans les 6 mois de la date où il a exercé un droit qui lui confère la loi ou qu’il a été victime d’une lésion professionnelle.

 

6.         les parties admettent également que la banque de congés mobiles du travailleur transférée le 1er juillet 2011 totalise 19.84 heures sur une possibilité de 38.75 heures maximales, selon l’annexe R de la convention collective qui lie le travailleur à l’employeur.

 

 

[16]        À l’audience, les parties ont déposé les extraits pertinents de la convention collective et offert leur argumentation.

[17]        Le tribunal, pour les mêmes motifs que ceux développés dans la jurisprudence précitée concernant le second courant jurisprudentiel, retient cette position à l’effet que l’article 242 de la loi crée une fiction juridique qui implique que l’on doit considérer que le travailleur, pendant sa période d’indemnisation, doit être assimilé à un travailleur qui reste au travail, qui exerce son emploi, qui effectue sa prestation de travail.

[18]        Cette fiction juridique n’a pas d’effet rétroactif, mais plutôt un effet prospectif en ce que, à la date de réintégration de son emploi, il continue à recevoir son salaire et tous ses avantages aux mêmes taux et conditions.

[19]        Le tribunal n’ignore pas que dans la première position jurisprudentielle, des arguments sérieux et tout à fait intelligibles sont mis de l’avant.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la contestation déposée par Centre Jeunesse Québec, le 4 avril 2012;

CONFIRME la décision émise par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 3 avril 2012;

ACCUEILLE la plainte de monsieur Pierre Champagne;

ORDONNE à Centre Jeunesse Québec de cumuler au 1er juillet 2011, les crédits afférents aux congés mobiles de monsieur Pierre Champagne pour toute la période où il s’est absenté en raison de sa lésion professionnelle entre le 31 août 2010 et le 18 avril 2011.

 

 

__________________________________

 

PIERRE SIMARD

 

 

 

 

Me Amélie Asselin

JOLI-CŒUR, LACASSE & ASSOCIÉS

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Pier-Olivier Angers

C.S.N.

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           2012 QCCLP 1916.

[3]           C.L.P. 214799-32-0308, 12 janvier 2004, G. Tardif.

[4]           C.L.P. 402760-63-1002, 28 septembre 2010, M. Juteau.

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