Lepage et Entreprises Construction Québec ltée |
2019 QCTAT 1073 |
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APERÇU
[1] Monsieur Gilles Lepage, le travailleur, occupe un emploi de poseur de systèmes intérieurs chez Les Entreprises Construction Québec ltée, l’employeur. Le 10 septembre 1979, il subit une lésion professionnelle alors qu’il transporte un meuble et se cogne le bras droit. Un diagnostic d’épicondylite au coude droit est retenu.
[2] Cette lésion est suivie de trois récidives, rechutes ou aggravations, la dernière survenant le 3 mai 2012 alors que le travailleur est sans emploi.
[3] Le 3 avril 2017, le travailleur demande à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) de verser à son régime de retraite la part des cotisations de l’employeur, et ce, en vertu des dispositions de l’article 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi).
[4] Le 17 mai 2017, la Commission déclare qu’elle ne peut assumer la part des cotisations de l’employeur exigibles au régime de retraite offert dans l’industrie de la construction, au motif que les documents factuels et médicaux au dossier ne permettent pas d’établir que le travailleur est atteint, en raison de sa lésion professionnelle du 3 mai 2012, d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi. Cette décision est confirmée le 1er décembre 2017 à la suite d’une révision administrative.
[5] Le travailleur conteste cette décision devant le Tribunal administratif du travail (le Tribunal) et lui demande de déclarer qu’il a droit à l’application des articles 93 et 116 de la Loi et que la Commission doit assumer la part des cotisations de l’employeur à son régime de retraite, et ce, rétroactivement au mois de juillet 2011.
[6] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal détermine que le travailleur ne rencontre pas les prescriptions des articles 93 et 116 de la Loi, en ce qu’il n’est pas atteint d’une invalidité grave et prolongée qui découle de sa lésion professionnelle et qu’il est un travailleur de la construction qui ne participe plus à son régime de retraite depuis plusieurs années. Conséquemment, la Commission n’a pas à assumer la part des cotisations de l’employeur au régime de retraite du travailleur.
ANALYSE
[7] Le Tribunal doit déterminer si la Commission est tenue d’assumer la part des cotisations de l’employeur au régime de retraite du travailleur. Les dispositions de la Loi applicables sont les articles 93 et 116, qui édictent que :
93. Une personne atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée est considérée invalide aux fins de la présente section.
Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.
116. Le travailleur qui, en raison d’une lésion professionnelle, est atteint d’une invalidité visée dans l’article 93 a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion.
Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles, s’il y a lieu, et la Commission assume celle de l’employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d’assumer sa part en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa de l’article 235.
[8] Ces dispositions prévoient plusieurs conditions à leur application :
o Le travailleur a subi une lésion professionnelle.
o Cette lésion professionnelle entraîne une invalidité physique ou mentale grave et prolongée qui le rend invalide, c’est-à-dire régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et ce, pour le reste de sa vie.
o Le travailleur continue à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaille au moment où survient la lésion qui le rend invalide.
o Le travailleur doit payer sa part des cotisations exigibles.
[9] Dans le présent dossier, le Tribunal doit donc répondre à deux questions :
o Le travailleur est-il atteint d’une invalidité au sens de l’article 93 de la Loi et si oui, cette invalidité découle-t-elle de ses lésions professionnelles ?
o Un travailleur de la construction qui ne participe plus à son régime de retraite depuis plusieurs années peut-il bénéficier de l’application de l’article 116 de la Loi ?
Le travailleur est-il atteint d’une invalidité au sens de l’article 93 de la Loi et si oui, cette invalidité découle-t-elle de ses lésions professionnelles ?
[10] La lésion professionnelle du 10 septembre 1979 est consolidée le 2 juin 1980; elle entraîne un déficit anatomo-physiologique évalué à 3 % et des limitations fonctionnelles. Malgré ces limitations, le travailleur est déclaré apte à exercer son emploi habituel.
[11] Une première récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 avril 2002 est consolidée le 4 juin 2003 et entraîne un déficit anatomo-physiologique évalué à 9 % et des limitations fonctionnelles. La Commission de la santé et de la sécurité du travail[2] détermine alors un emploi convenable de releveur de compteurs.
[12] Une deuxième récidive, rechute ou aggravation survenue le 1er mars 2006 pour laquelle un diagnostic d’épicondylite latérale au coude droit avec ostéoarthrose est posé, est consolidée le 7 mai 2007 et entraîne un déficit anatomo-physiologique évalué à 10 % ainsi que des limitations fonctionnelles. La Commission détermine alors un emploi convenable de commissionnaire.
[13] Une troisième récidive, rechute ou aggravation survenue le 3 mai 2012 pour laquelle un diagnostic d’arthrose et d’ankylose du coude droit post trauma est posé, est consolidée le 15 mars 2016 et entraîne un déficit anatomo-physiologique évalué à 16 % et de nouvelles limitations fonctionnelles[3].
[14] Le refus par la Commission d’une récidive, rechute ou aggravation de nature psychiatrique est confirmé par le Tribunal, et ce, au motif que des éléments personnels significatifs vécus par le travailleur et étrangers à sa lésion professionnelle ont joué un rôle déterminant dans l’apparition et le développement de sa dépression majeure récurrente.
[15] La Commission refuse également de reconnaître un lien entre les nouveaux diagnostics de tendinopathie et de capsulite rétractile à l’épaule droite et la lésion professionnelle au coude droit. Cette décision n’est pas contestée.
[16] Entre 2017 et 2011, le travailleur exerce un emploi convenable de commissionnaire pour une entreprise de construction. Le 22 juillet 2011, il fait l’objet d’un licenciement administratif à la suite d’une réorganisation interne dans l’entreprise. Il ne retourne plus au travail par la suite. Il est donc sans emploi au moment où survient la dernière récidive, rechute ou aggravation le 3 mai 2012.
[17] Le 18 novembre 2016, en raison de son incapacité à identifier un emploi convenable que le travailleur peut exercer à temps plein et conformément aux dispositions des articles 47 et 56 de la Loi, la Commission informe le travailleur qu’il recevra une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 68 ans, le montant de cette indemnité étant diminué de 25 % par année à compter de son 65e anniversaire de naissance. Le travailleur est alors âgé de 62 ans.
[18] Le 3 avril 2017, le travailleur demande à la Commission de verser à son régime de retraite la part des cotisations de l’employeur, alléguant que la récidive, rechute ou aggravation du 3 mai 2012 a entraîné son invalidité.
[19] La Commission refuse de reconnaître que le travailleur est atteint, en raison de sa lésion professionnelle du 3 mai 2012, d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi, sa décision de novembre 2016 découlant plutôt du faible potentiel d’employabilité du travailleur en raison notamment de sa scolarité, de ses expériences de travail antérieures principalement acquises dans le domaine de la construction, de son âge, du fait qu’il est sans emploi depuis cinq ans et qu’il se considère lui-même inapte à réintégrer le marché du travail, de son profil d’employabilité limitée, de sa condition physique résiduelle, mais aussi de ses conditions personnelles de capsulite à l’épaule droite et de dépression majeure récurrente.
[20] Le Tribunal est d’avis que l’allégation du travailleur n’est pas supportée par la preuve probante et prépondérante qui démontre plutôt que les facteurs qui empêchent le travailleur d’exercer un emploi convenable à temps plein ne sont pas liés principalement à ses lésions professionnelles et aux limitations fonctionnelles qu’elles entraînent, mais relèvent davantage de considérations purement personnelles, incluant une dépression majeure récurrente considérée comme invalidante par le psychiatre qui a charge du travailleur, condition psychique qui n’a pas été reconnue en lien avec ses lésions professionnelles. S’ajoutent également une maladie cardiaque non opérable et une condition personnelle de capsulite à l’épaule.
[21] Or, suivant le libellé de l’article 116 de la Loi et la jurisprudence constante du Tribunal[4] traitant de son application, l’invalidité grave et prolongée doit découler des lésions professionnelles ou des suites de l’ensemble des lésions professionnelles reconnues par la Commission. Elle ne doit pas découler d’une condition personnelle.
[22] Dans l’affaire Turcotte et CHUS - Hôpital Fleurimont[5], la Commission des lésions professionnelles, aujourd’hui le Tribunal, rappelle que suivant le libellé de l’article 116, pour avoir droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de sa lésion, il est nécessaire que cette même lésion fasse en sorte que le travailleur soit atteint d’une invalidité visée à l’article 93 de la Loi.
[23] Dans l’affaire Blais et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique[6], le Tribunal nous rappelle que pour reconnaître une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi, le travailleur doit être incapable de faire son travail pour des motifs strictement reliés à sa lésion professionnelle. Or, dans cette affaire, comme dans le présent dossier, la Commission détermine que le travailleur est incapable d’occuper un emploi rémunérateur pour plusieurs motifs au-delà de ceux directement rattachés à sa lésion professionnelle.
[24] Cette décision est maintenue en révision[7], alors que le Tribunal confirme que pour être considérée aux fins de l’application de l’article 116 de la Loi, l’invalidité doit résulter de la lésion professionnelle.
[25] Suivant ces enseignements et au vu de la preuve probante et prépondérante, le présent Tribunal détermine que le travailleur n’est pas atteint d’une invalidité physique ou mentale grave qui découle de ses lésions professionnelles au sens des articles 93 et 116 de la Loi.
Un travailleur de la construction qui ne participe plus à son régime de retraite depuis plusieurs années peut-il bénéficier de l’application de l’article 116 de la Loi ?
[26] Le travailleur cesse de participer à son régime de retraite au moment de son congédiement en juillet 2011. Il ne contribue plus à ce régime par la suite. Ainsi, en avril 2017, lorsqu’il demande que soit appliqué l’article 116 de la Loi, il ne contribue plus à son régime de retraite depuis près de six ans.
[27] Dans l’affaire Turcotte précitée[8], la Commission des lésions professionnelles détermine que l’article 116 de la Loi ne peut s’appliquer lorsque l’invalidité survient à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation alors que la travailleuse n’est plus au service de l’employeur et ne participe plus à son régime de retraite :
[32] Bref, quand la travailleuse fut victime de la récidive, rechute ou aggravation du 2 juin 2010 qui l’a rendue inemployable et par ricochet invalide au sens de l’article 93, il y a bien longtemps qu’elle avait cessé de participer au régime de retraite offert dans l'établissement où elle travaillait avant de subir sa première lésion professionnelle du 14 janvier 1986.
[33] Dans ces circonstances, l’article 116 ne s’applique pas et le fait que la travailleuse a eu le loisir de procéder au rachat de quelques années de service en 2009 n’y change rien.
[27] Puis, dans l’affaire Plante et Tafisa Canada inc., le Tribunal détermine que l’article 116 de la Loi « accorde le droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement au moment d’une lésion professionnelle, il ne permet pas de réactiver la participation à un tel régime lorsque celle-ci a été interrompue en raison d’une cessation d’emploi»[9].
[28] Aussi, dans l’affaire Blais précitée[10], le Tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas droit à l’application de l’article 116 de la Loi du fait entre autres qu’il n’a pas démontré avoir continué à verser ses cotisations à son régime de retraite. Pour le Tribunal, le libellé de l’article 116 est clair : le travailleur doit avoir payé sa part des cotisations à son régime de retraite, il s’agit là d’une exigence à l’application de cette disposition. Cette position repose notamment sur le choix par le législateur des mots « continuer à participer » et « Dans ce cas ».
[29] Dans la décision rendue en révision de cette affaire[11], le Tribunal s’exprime ainsi :
[60] En outre, le libellé même de l’article 116 est éloquent quant au fait qu’un travailleur « a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion » et que « Dans ce cas », il « paie sa part des cotisations exigibles » [nos soulignements] pour que la Commission soit appelée à assumer la part de l’employeur, l’interprétation retenue par le premier juge administratif ne pouvant certes être qualifiée de déraisonnable et encore moins d’irrationnelle.
[30] Enfin, dans l’affaire très récente Archambault et Les Constructions Lachapelle inc.[12], le Tribunal confirme que pour bénéficier de l’application de l’article 116 de la Loi, la preuve doit démontrer que le travailleur a continué à participer à son régime de retraite.
[31] Le présent Tribunal partage la position exprimée dans ces décisions.
[32] Le Tribunal est aussi d’avis que l’article 116 de la Loi ne s’applique pas au travailleur de la construction, notamment en raison de la présence à cet article du mot « établissement ». Ce terme, ainsi que celui de « chantier de construction », sont ainsi définis à la Loi sur la santé et la sécurité du travail[13] (la LSST), à laquelle nous renvoie l’article 2 de la Loi :
« établissement » : l’ensemble des installations et de l’équipement groupés sur un même site et organisés sous l’autorité d’une même personne ou de personnes liées, en vue de la production ou de la distribution de biens ou de services, à l’exception d’un chantier de construction ; ce mot comprend notamment une école, une entreprise de construction ainsi que les locaux mis par l’employeur à la disposition du travailleur à des fins d’hébergement, d’alimentation ou de loisirs, à l’exception cependant des locaux privés à usage d’habitation.
« chantier de construction » : un lieu où s’effectuent des travaux de fondation, d’érection, d’entretien, de rénovation, de réparation, de modification ou de démolition de bâtiments ou d’ouvrages de génie civil exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied d’œuvre, y compris les travaux préalables d’aménagement du sol, les autres travaux déterminés par règlement et les locaux mis par l’employeur à la disposition des travailleurs de la construction à des fins d’hébergement, d’alimentation ou de loisirs ;
[33] Ainsi, le législateur a expressément exclus les chantiers de construction de la notion d’établissement.
[34] Dans Y.L. et Compagnie A précitée[14], la Commission des lésions professionnelles, après avoir établi que le travailleur n’a pas continué à participer à son régime de retraite tel que requis par l’article 116 de la Loi, retient qu’il ne peut non plus se prévaloir de cette disposition du seul fait qu’il est un travailleur de la construction. À ce sujet, elle écrit :
[96] Mais, même si le travailleur avait fait cette preuve, il fait face à une difficulté encore plus sérieuse. En effet, l’article 116 de la loi réfère à la notion d’établissement. Or, la définition retenue par le législateur de ce terme réfère à celle inscrite dans la LSST.
[…]
[106] Le tribunal est d’avis qu’il doit nécessairement s’en tenir au choix du législateur de retenir les mêmes définitions des termes établissement et chantier de construction pour la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi) ou pour la loi sur la santé et la sécurité du travail (la LSST).
[107] Or, la notion d’établissement dans la LSST écarte spécifiquement celle de chantier de construction. En retenant les mêmes définitions, le tribunal voit dans le choix du législateur une volonté de distinguer le travailleur de la construction du travailleur en général.
[Transcription textuelle]
[35] Cette position est exprimée dans plusieurs décisions du Tribunal[15], notamment dans la récente affaire Archambault précitée[16] :
[24] Le législateur, en précisant que cet article vise la participation « au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion » a donc choisi d’exclure les travailleurs exécutant leur travail sur des chantiers de construction.
[36] Une autre indication de l’exclusion des travailleurs de la construction de l’application de l’article 116 de la Loi est la référence que l’on y retrouve à l’article 235 de la Loi, qui prévoit que le travailleur qui s’absente de son travail en raison d’une lésion professionnelle continue de participer au régime de retraite offert dans l’établissement de son employeur. L’employeur assume aussi sa part des cotisations exigibles, et ce, jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice du droit au retour au travail du travailleur. Après ce délai, la Commission assume la part de l’employeur, tel que prescrit par l’article 116.
[37] Tel que déterminé dans l’affaire Y.L. et Compagnie A[17] précitée, cette référence à l’article 235 a son importance du fait que cette disposition se trouve dans la section I du chapitre IV de la Loi qui, conformément au deuxième alinéa de l’article 234, ne s’applique pas au travailleur de la construction. Ce travailleur est plutôt couvert par la section II du chapitre VII de la Loi qui traite de manière spécifique des droits qui lui sont conférés.
[38] Or, dans cette section, on ne retrouve aucune disposition similaire à celle du deuxième paragraphe de l’article 235 de la Loi. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles en conclut que le travailleur de la construction ne bénéficie pas du droit prévu à cet article de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaille pendant la durée prévue pour l’exercice de son droit au retour au travail.
[39] Aussi, tel que mentionné plus haut, le travailleur ne travaille pas dans un « établissement » au sens des articles 116 et 235 de la Loi, mais plutôt sur un « chantier de construction ».
[40] Le Tribunal s’est également prononcé sur ce sujet dans l’affaire Ouellet et Constructeur GPC (Syndic de)[18]. Traitant de la référence à l’article 235 inscrite au second alinéa de l’article 116 de la Loi, il écrit :
[39] Or, le second alinéa de l’article 116 ajoute que, pendant la période où l’employeur est tenu d’assumer sa part en vertu du second paragraphe du premier alinéa de l’article 235, la CSST sera dispensée de ce paiement.
[40] Il en ressort donc que l’article 116 se trouve à être le prolongement des droits prévus à l’article 235 paragraphe 2° de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. […]
[…]
[73] Il résulte donc de ces définitions que le législateur a spécifiquement exclu les chantiers de construction et, qu’en conséquence, à l’intérieur même de l’article 116, le législateur réitère, par ce biais, la distinction spécifiquement énoncée à l’article 234.
[74] Dès lors, force nous est de conclure que les travailleurs de la construction ne peuvent bénéficier des dispositions des articles 235 paragraphe 2 et 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[41] Ainsi, dans le présent dossier, la preuve probante démontrant que le travailleur est un travailleur de la construction qui, au surplus, a cessé de participer à son régime de retraite en juillet 2011, soit avant la récidive, rechute ou aggravation de mai 2012 et donc bien avant sa demande à la Commission en avril 2017, le Tribunal détermine que les conditions d’application de l’article 116 de la Loi ne sont pas rencontrées.
[42] Le travailleur fait parvenir au Tribunal un document émanant de la Commission de la construction du Québec (la CCQ) intitulé « Participation au régime de retraite des salariés qui sont prestataires de la CNESST ». On y réfère à l’article 116 de la Loi ainsi qu’à l’article 8 du Règlement sur les régimes complémentaires d’avantages sociaux dans l’industrie de la construction[19]. Dans ce document, on invite le travailleur qui souhaite se prévaloir de ces dispositions à fournir à la CCQ une confirmation écrite de la Commission indiquant qu’il est atteint d’une invalidité au sens de l’article 93 de la Loi, qu’il désire continuer à participer à son régime de retraite, qu’il s’engage à verser à ce régime les cotisations déterminées par la convention collective qui lui est applicable et que la Commission s’engage à verser les cotisations de l’employeur exigibles.
[43] Le Tribunal souligne qu’en matière de contribution à un régime de retraite, le travailleur de la construction bénéficie effectivement d’un autre régime légal, celui prévu à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction[20] (la Loi R-20). La possibilité pour ce travailleur devenu invalide au sens de l’article 93 de la Loi de continuer à contribuer à son régime de retraite, est prévue à l’article 8 du Règlement mentionné au paragraphe précédent et adopté sous l’égide de la Loi R-20. Tel que mentionné dans l’affaire Archambault précitée[21], cette question relève de la CCQ.
[44] Au surplus, le Tribunal n’est pas lié par le contenu du document émanant de la CCQ, non plus d’ailleurs par des politiques ou orientations de la Commission.
[45] Ainsi, pour les motifs évoqués plus haut, le Tribunal conclut que le travailleur ne peut bénéficier des dispositions de l’article 116 de la Loi et que la Commission n’a donc pas à assumer la part de l’employeur des cotisations au régime de retraite offert dans l’industrie de la construction.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
REJETTE la contestation de monsieur Gilles Lepage, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail rendue le 1er décembre 2017 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’est pas atteint d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée en raison de ses lésions professionnelles au sens des article 93 et 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que le travailleur ne peut bénéficier des dispositions prévues à l’article 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à assumer la part de l’employeur des cotisations au régime de retraite offert dans l’industrie de la construction.
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Ann Firlotte |
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Monsieur Gilles Lepage |
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Pour lui-même |
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Date de l’audience : 4 octobre 2018 |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Depuis le 1er janvier 2016, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, la Commission, assume l’ensemble des compétences qui étaient autrefois dévolues à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Afin d’éviter toute confusion et dans le but d’alléger la présente décision, le Tribunal emploie le terme générique de Commission pour désigner ces deux organismes.
[3] Éviter de : 1) soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive des charges de plus de deux kilogrammes, les charges devant être soutenues le plus près du corps; (2) soulever toute charge avec le membre en extension; (3) faire tout mouvement répétitif sollicitant le coude droit; (4) utiliser une échelle ou un échafaudage; (5) subir des vibrations ou des contrecoups au membre supérieur droit (direct ou avec instrument); (6) s’accrocher ou s’agripper avec le membre supérieur droit; (7) lancer avec le membre supérieur droit.
[4] Voir à cet effet : Demers et Centres Jeunesse de Montréal, C.L.P. 305083-61-0612, 12 septembre 2007, S. Di Pasquale; Dumont et Cégep Lévis-lauzon, C.L.P. 329479-03B-0710, 31 mars 2009, R. Savard; Y.L. et Compagnie A, C.L.P. 392274-71-0910, 16 juin 2010, M. Gagnon-Grégoire; Dostie et Métallurgie Castech inc., 2014 QCCLP 2535; Bellemare et Commission scolaire des Navigateurs, 2015 QCCLP 2420; Blais et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2018 QCTAT 472 (confirmée en révision, 2018 QCTAT 4597).
[5] 2013 QCCLP 1547.
[6] Précitée, note 4.
[7] Précitée, note 4 (décision en révision).
[8] Précitée, note 5.
[9] 2017 QCTAT 515, paragraphe 29.
[10] Précitée, note 4. Voir également : Y.L. et Compagnie A, précitée, note 4.
[11] Blais et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, précitée, note 4 (décision en révision).
[12] 2019 QCTAT 330.
[13] RLRQ, c. S-2.1.
[14] Précitée, note 4.
[15] Voir à cet effet : Ouellet et Constructeurs GPC inc. (Syndic de), C.L.P. 117232-02-9905, 20 septembre 2000, P. Simard; Barber et Peintre & Décorateur HW inc., C.L.P. 254505-72-0502, 21 avril 2006, S. Arcand; Y.L. et Compagnie A, précitée, note 4; Vallée et Construction & Rénovation M. Dubeau inc., 2016 QCTAT 4375 (confirmée en révision, 2017 QCTAT 2907).
[16] Précitée, note 12.
[17] Précitée, note 4.
[18] Précitée, note 15.
[19] c. R-20, r. 10, article 8.
[20] RLRQ, c. R-20, article 1.
[21] Précitée, note 12.
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