Arneg Canada inc. |
2013 QCCLP 6474 |
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[1] Le 22 avril 2013, Arneg Canada inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 avril 2013, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 7 février 2013 et déclare que l’imputation du coût des prestations de la lésion professionnelle subie par madame Diane Desgroseillers (la travailleuse), le 6 novembre 2012, demeure inchangée.
[3] Une audience était prévue le 20 juin 2013 devant la Commission des lésions professionnelles de Saint-Jean-sur-Richelieu. L’employeur était absent, ayant préféré déposer une argumentation écrite. Le dossier est mis en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il ne doit pas être imputé du coût des prestations versées à la travailleuse par la CSST entre le 6 décembre 2012 et le 2 janvier 2013, période pendant laquelle l’assignation temporaire a été cessée en raison d’une maladie intercurrente n’ayant aucun lien avec la lésion professionnelle. Plus particulièrement, l’employeur allègue que l’imputation du coût de ces prestations l’obère injustement au sens de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS
[5] La travailleuse occupe un poste de monteur-assembleur pour le compte de l’employeur lorsqu’elle subit un accident du travail le 6 novembre 2012. À cette date, la travailleuse visse une pièce à l’aide d’une perceuse, la perceuse glisse et la mèche pénètre entre le pouce et l’index de sa main gauche.
[6] Le médecin diagnostique une plaie punctiforme à la main gauche. La travailleuse bénéficie alors d’un arrêt de travail jusqu’au 13 novembre 2012, date à laquelle le médecin qui a charge accepte l’assignation temporaire proposée par l’employeur.
[7] Le 27 novembre 2012, le médecin prolonge l’assignation temporaire tout en maintenant les traitements anti-inflammatoires et antidouleurs.
[8] Du 6 décembre 2012 au 2 janvier 2013, la travailleuse est mise en arrêt de travail par son médecin à la suite d’une chirurgie à la main droite.
[9] Le 12 décembre 2012, l’employeur dépose une demande de partage de coûts pour maladie intercurrente puisque, selon la preuve, il allègue que la travailleuse est en arrêt de travail pour une condition personnelle, soit une chirurgie à la main droite qui n’est aucunement liée à l’événement initial touchant sa main gauche. Il demande à ce que le coût des prestations versées entre le 6 décembre 2012 et le 2 janvier 2013 soit retiré de son dossier financier.
[10] En date du 4 janvier 2013, le médecin qui a charge de la travailleuse produit un rapport final dans lequel il estime la lésion professionnelle consolidée le 4 janvier 2013, et ce, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[11] Le 7 février 2013, la CSST refuse la demande de transfert d’imputation de l’employeur au motif que l’employeur n’a pas démontré qu’une maladie ou une blessure est survenue au cours de la période de consolidation de la lésion ou qu’elle a eu pour effet de la retarder. L’employeur demande la révision de cette décision, laquelle est confirmée le 4 avril 2013, d’où l’objet du présent litige.
[12] Dans sa décision, la direction de la révision administrative fait référence au coût relié à la situation de l’injustice alléguée par l’employeur. La direction de la révision administrative souligne que ce coût doit être significatif et qu’il sera jugé comme tel si la durée de la maladie intercurrente est de plus de sept jours consécutifs à compter de la date d’interruption des soins ou des traitements et que la période de prolongation de la consolidation attribuable à cette maladie intercurrente représente au moins 20 % de la période totale de consolidation. La direction de la révision administrative estime que bien que la condition personnelle de la travailleuse soit survenue en cours de consolidation, elle n’a pas causé l’interruption des traitements relatifs à la lésion professionnelle pendant plus de sept jours consécutifs puisque les éléments médicaux objectifs au dossier démontrent que la travailleuse n’avait aucun traitement pour sa lésion professionnelle, l’ensemble des traitements étant attribuable à sa condition personnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[13] En l’espèce, l’employeur demande un transfert partiel du coût des prestations versées à la travailleuse et imputées à son dossier financier à la suite de l’interruption de l’assignation temporaire en raison d’une maladie personnelle intercurrente.
[14] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit au transfert de coûts qu’il réclame en application de l’article 326 de la loi, lequel prévoit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[15] Bien que l’employeur demande l’application du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, le présent tribunal estime que ce genre de demande de transfert d’imputation relève plutôt du principe général d’imputation prévu au premier alinéa, et ce, pour les motifs suivants.
[16] D’abord, le premier alinéa énonce le principe général en matière d’imputation suivant lequel la CSST impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident survenu à un travailleur alors qu’il est à son emploi.
[17] Quant au deuxième alinéa, il prévoit deux exceptions à ce principe. Ces exceptions s’appliquent lorsque l’imputation faite en vertu du premier alinéa a pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers ou lorsque cette imputation a pour effet de l’obérer injustement.
[18] Ainsi, dans la mesure où les prestations dont l'employeur souhaite ne pas être imputé ne sont pas dues en raison de l’accident du travail, au sens du premier alinéa, ces prestations ne devraient pas être imputées au dossier de l'employeur, et ce, en application du principe général.
[19] Par contre, si les prestations sont dues en raison de l’accident du travail, elles doivent être imputées au dossier financier de l’employeur, sauf si l’employeur démontre qu’il peut bénéficier de l’une des deux exceptions au principe général prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.
[20] Tel que mentionné, la première exception vise le transfert du coût des prestations lorsque l’accident du travail est attribuable à un tiers. La deuxième exception vise le transfert du coût des prestations lorsque l’imputation a pour effet d’obérer injustement l’employeur.
[21] La Commission des lésions professionnelles a eu à revoir la portée de l’article 326 récemment dans l’affaire Supervac 2000[2]. Il s’agissait dans cette affaire d’une demande de transfert des coûts déposée en application de l’article 326 de la loi en raison d’une assignation temporaire rendue impossible par le congédiement disciplinaire et étranger à la lésion professionnelle du travailleur. La Commission des lésions professionnelles analyse les principes d’imputation et de transfert des coûts :
[69] Au premier alinéa de l’article 326 de la loi, l’on retrouve le principe général d’imputation en matière d’accident du travail. En vertu de ce principe, la CSST impute à l'employeur « le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il était à son emploi ». Relativement aux réclamations pour maladie professionnelle, le principe général d’imputation est prévu aux premier et deuxième alinéas de l’article 328. En vertu de ce principe, la CSST impute le coût des prestations à l’employeur « pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer cette maladie ». Si le travailleur a exercé un tel travail pour plus d’un employeur, le coût est imputé proportionnellement à la durée de travail chez chacun de ces employeurs et à l’importance du danger que présentait le travail exercé.
[70] Par ailleurs, le législateur prévoit une série d’exceptions à ces principes généraux d’imputation.
[71] Parmi celles-ci se retrouvent les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi qui s’appliquent lorsque l’imputation faite en vertu du premier alinéa de l’article 326 a pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers ou de l’obérer injustement. Dans de tels cas, la CSST peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un employeur, « imputer le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités ». Nous reviendrons plus loin sur la portée plus précise de ces exceptions.
[72] D’autres exceptions sont également prévues aux articles 327, 328, 329 et 330 de la loi, lesquelles prévoient la possibilité d’un transfert ou d’un partage de l’imputation du coût des prestations dans des circonstances précises :
- l’article 327, paragraphe 1 permet le transfert du coût des prestations dues en raison d’une lésion professionnelle visée dans l’article 31 de la loi;
- l’article 327, paragraphe 2 prévoit la possibilité de transférer l’imputation du coût des prestations lorsque la lésion professionnelle ne rend pas le travailleur incapable d’exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s’est manifestée sa lésion;
- l’article 328 prévoit la possibilité d’imputer aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités le coût des prestations lorsque l’un des employeurs a disparu ou lorsque cette imputation aurait pour effet de l’obérer injustement;
- l’article 329 prévoit la possibilité d’obtenir un partage de l’imputation du coût des prestations de la lésion professionnelle lorsque le travailleur est porteur d’un handicap au moment où se manifeste sa lésion professionnelle. Il est alors possible d’imputer en tout ou en partie le coût des prestations;
- enfin, l’article 330 prévoit que la CSST peut transférer l’imputation du coût des prestations à la suite d’un désastre.
[73] À la lumière de ces principes, le tribunal croit essentiel, à ce stade-ci, de déterminer la portée réelle de la requête de l'employeur.
[74] Il appert de ses prétentions, de la preuve et des arguments soumis que l'employeur remet en question l’imputation de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter du 15 mars 2012, soit à la suite de l’interruption de l’assignation temporaire en raison d’un congédiement.
[75] Pour l'employeur, l’imputation de ces sommes provient d’une cause qu’il qualifie « d’étrangère » à la lésion professionnelle, soit le congédiement du travailleur qui a rendu impossible l’assignation temporaire.
[76] Dans un tel contexte, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si c’est le premier ou le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi qui doit trouver application.
[22] Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles refait également l’historique de la jurisprudence sur l’interprétation de l’article 326 de la loi pour retenir notamment ce qui suit :
[104] Le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi semble référer à un transfert total du coût des prestations. Pour en venir à cette conclusion, le tribunal se base notamment sur l’expression retenue par le législateur, soit d’imputer « le coût des prestations ».
[105] Or, si l’on compare le libellé de cet alinéa à celui de l’article 329 de la loi où il est spécifiquement mentionné que la CSST peut imputer « tout ou partie du coût des prestations », il est possible de faire une distinction importante entre la portée de ces deux dispositions.
[106] D’ailleurs, dans l’affaire Les Systèmes Erin ltée27, la Commission des lésions professionnelles s’est penchée sur la portée du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. Il apparaît pertinent d’en citer certains passages :
[26] Finalement, il importe de souligner que l’article 326 de la loi permet un transfert du coût des prestations dues en raison d’un accident du travail, et ce, aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités afin de prévenir que l’employeur ne soit obéré injustement.
[27] Cela implique, comme dans le cas de l’article 327, qu’il y a transfert de coût et non partage, comme c’est le cas en application des articles 328 et 329. Cette dernière disposition prévoit que la CSST « peut [...] imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités » alors que l’article 326 prévoit que la CSST « peut [...] imputer le coût des prestations [...] aux employeurs [...] ». Ainsi, lorsqu’il y a matière à application de l’article 326 alinéa 2, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l’employeur, un transfert devant être fait : il ne saurait être question de ne l’imputer que d’une partie du coût. C’est, en quelque sorte, tout ou rien.
[28] D’ailleurs, lorsqu’il est question d’un accident du travail attribuable à un tiers, la totalité du coût des prestations est toujours transférée ; il n’est jamais question de partage ou de transfert du coût pour une période donnée.9 Il a d’ailleurs déjà été décidé à plusieurs reprises qu’il devait obligatoirement en être ainsi.
[29] Étonnamment, lorsqu’il est question d’éviter que l’employeur soit obéré injustement, un transfert du coût des prestations pour une période donnée, soit un transfert d’une partie seulement du coût total, a régulièrement été accordé, sans, par contre, qu’il semble y avoir eu discussion sur cette question.10
[30] Avec respect pour cette position, la commissaire soussignée ne peut la partager, pour les motifs exprimés précédemment. Il en va des cas où l’on conclut que l’employeur serait obéré injustement comme de ceux où l’on conclut à un accident attribuable à un tiers : l’employeur ne saurait alors être imputé ne serait-ce que d’une partie du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail.
[31] Il importe cependant de préciser qu’il est possible, en application de l’article 326 (mais alinéa 1), de ne pas imputer à l’employeur une partie du coût des prestations versées au travailleur, pour autant que cette partie du coût ne soit pas due en raison de l’accident du travail. Un bon exemple de cette situation est la survenance d’une maladie personnelle intercurrente (par exemple, le travailleur fait un infarctus, ce qui retarde la consolidation ou la réadaptation liée à la lésion professionnelle) : les prestations sont alors versées par la CSST, mais comme elles ne sont pas directement attribuables à l’accident du travail elles ne doivent, par conséquent, pas être imputées à l’employeur. L’article 326, 1er alinéa prévoit en effet que c’est le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail qui est imputé à l’employeur.
9 Voir notamment : General Motors du Canada ltée et C.S.S.T. [1996] C.A.L.P. 866, révision rejetée, 50690-60-9304, 20 mars 1997, E. Harvey; Centre hospitalier/Centre d’accueil Gouin-Rosemont, C.L.P. 103385-62-9807, 22 juin 1999, Y. Tardif; Ameublement Tanguay inc. et Batesville Canada (I. Hillenbrand), [1999] C.L.P. 509; Aménagements Pluri-Services inc. et Simard-Beaudry Construction inc., C.L.P. 104279-04-9807, 26 novembre 1999, J.-L. Rivard; Provigo (Division Maxi Nouveau concept), [2000] C.L.P. 321, Société immobilière du Québec et Centre jeunesse de Montréal, [2000] C.L.P. 582, Castel Tira [1987] enr. (Le) et Lotfi Tebessi, C.L.P. 123916-71-9909, 18 décembre 2000, D. Gruffy, Stone Electrique MC., [2001] C.L.P. 527.
10 Ville de St-Léonard et C.S.S.T. C.A.L.P. 73961-60-9510, 27 mars 1997, F. Dion- Drapeau; C.S.S.T. et Échafaudage Falardeau inc., [1998] C.L.P. 254; Abitibi Consolidated inc. et Opron inc., C.L.P. 35937-04-9202, 4 mars 1999, B. Roy (décision accueillant la requête en révision).
[nos soulignements]
[107] La soussignée souscrit au raisonnement et aux motifs retenus dans cette décision de même qu’à l’interprétation qui en est faite du second alinéa de l’article 326 de la loi.
[108] De plus, un autre élément permet au tribunal de conclure que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi vise un transfert total des coûts et non un transfert partiel. Il s’agit du délai prévu pour effectuer une telle demande.
[109] En effet, le législateur a spécifiquement prévu que l'employeur doit présenter sa demande dans l’année suivant la date de l’accident. Ceci s’explique, de l’avis du tribunal, par le fait que les demandes de transfert total de coûts visent généralement des motifs liés à l’admissibilité même de la lésion professionnelle. C’est clairement le cas à l’égard des accidents attribuables à un tiers et le libellé même de cet alinéa ne permet pas de croire qu’il en va autrement à l’égard de la notion d’obérer injustement. D’autant plus que l’application de ce deuxième alinéa à des demandes de transfert partiel a donné lieu à des interprétations variées de cette notion « d’obérer injustement » et mené à une certaine « incohérence » relativement à l’interprétation à donner à cette notion et à la portée réelle de l’intention du législateur.
[110] La soussignée est d’opinion que le législateur visait clairement, par les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, les situations de transfert total du coût lié à des éléments relatifs à l’admissibilité même de la lésion professionnelle, ce qui justifie d’ailleurs le délai d’un an prévu au troisième alinéa de cet article. S’il avait voulu couvrir les cas de transfert partiel de coûts, le législateur aurait vraisemblablement prévu un délai plus long, comme il l’a fait à l’égard de la demande de partage de coûts prévue à l’article 329 de la loi qui ne vise pas des situations directement reliées à l’admissibilité mais plutôt celles survenant plus tard, en cours d’incapacité.
[111] Ceci semble d’autant plus vrai que la plupart des demandes de transfert total de coûts, liées principalement à l’interruption de l’assignation temporaire ou à la prolongation de la période de consolidation en raison d’une situation étrangère à l’accident du travail, surviennent fréquemment à l’extérieur de cette période d’un an puisqu’elles s’inscrivent au cours de la période d’incapacité liée à la lésion professionnelle. Il s’agit donc là d’un autre élément militant en faveur d’une interprétation selon laquelle les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi visent un transfert total et non un transfert partiel.
[112] Dans le cas à l’étude, puisqu’il ne s’agit pas d’une demande de transfert total, le tribunal en vient à la conclusion qu’il faut l’analyser en vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[23] À l’instar de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Supervac 2000[3], le présent tribunal est donc d’avis que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi vise le transfert total des coûts et que les demandes de transfert partiel de coûts relèvent plutôt de l’application du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[24] La Commission des lésions professionnelles a également rendu une autre décision[4] traitant d’une demande de transfert partiel de coûts déposée en raison d’une assignation temporaire cessée par la survenance d’une invalidité non reliée à la lésion professionnelle. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles retient aussi que les demandes de transfert partiel pour maladie intercurrente doivent être analysées à la lumière du premier alinéa de l’article 326 de la loi.
[25] Il en va de même dans la décision impliquant Centre de santé et de services sociaux de Rivière-du-Loup[5] rendue depuis peu. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles accorde le transfert du coût des prestations versées et imputées au dossier de l’employeur pour la période où il lui a été impossible de maintenir la travailleuse en assignation temporaire en raison d’une invalidité étrangère à la lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles reprend l’analyse développée par le juge administratif dans la décision Commission scolaire des Samares[6] et applique le principe général édicté au premier alinéa de l’article 326 de la loi pour conclure que l’employeur ne doit pas être imputé du coût des prestations dues en raison d’un accident personnel sans lien avec l’accident du travail reconnu.
[26] En résumé, la lecture de l’article 326 de la loi amène le présent tribunal à conclure qu’en vertu du premier alinéa, un employeur peut demander que les coûts qui ne sont pas dus en raison de l’accident du travail ne lui soient pas imputés puisque l’imputation à son dossier de ces coûts contrevient au principe général d’imputation édicté par la loi. Une telle demande vise nécessairement un transfert partiel des coûts.
[27] Aux fins de statuer sur la présente requête, le tribunal doit donc déterminer si le coût des prestations versées à la travailleuse et imputées au dossier de l’employeur, pour la période du 6 décembre 2012 au 2 janvier 2013, est dû en raison de l’accident du travail subi par la travailleuse le 6 novembre 2012.
[28] C’est à l’employeur que revient le fardeau de démontrer que le coût des prestations versées et imputées durant cette période n’est pas dû en raison de l’accident du travail de la travailleuse.
[29] Qu’entend le législateur lorsqu’il fait référence au « coût des prestations dues en raison d’un accident du travail »?
[30] La Commission des lésions professionnelles a également analysé la notion de « prestations dues en raison de » dans l’affaire Supervac 2000[7], le tout à la lumière des définitions provenant de dictionnaires et de la jurisprudence pour retenir les principes suivants :
[122] À la lumière des définitions énoncées plus haut et des décisions auxquelles il est fait référence, le tribunal est d’avis que l’utilisation du terme « due en raison d’un accident du travail » que l’on retrouve au premier alinéa de l’article 326 de la loi présuppose qu’il doit exister un lien direct entre l’imputation des prestations versées et l’accident du travail.
[123] Ainsi, toute prestation imputée qui n’est pas due en raison d’un accident du travail devrait être retirée du dossier financier de l’employeur.
[31] Le présent tribunal souscrit entièrement à ce raisonnement.
[32] En l’espèce, l’employeur s’est déchargé de son fardeau de démontrer que les prestations versées à la travailleuse entre le 6 décembre 2012 et le 2 janvier 2013 ne sont pas reliées directement à l’accident du travail qu’elle a subi le 6 novembre 2012, mais plutôt à une condition personnelle de la travailleuse qui l’a empêchée de poursuivre l’assignation temporaire dûment autorisée par son médecin. N’eût été de cette condition personnelle, la travailleuse aurait selon toute vraisemblance continuer l’assignation temporaire et la CSST ne lui aurait versé aucune indemnité de remplacement du revenu.
[33] En l’occurrence, la travailleuse était en assignation temporaire à compter du 13 novembre 2012 en raison de son accident du travail. Ses indemnités de remplacement du revenu sont temporairement suspendues durant cette période. La travailleuse a cependant bénéficié de ses indemnités de remplacement du revenu du 6 décembre 2012 au 2 janvier 2013 en raison de l’invalidité découlant d’une chirurgie qui n’est pas reliée à sa lésion professionnelle.
[34] Le tribunal ne remet pas en question le droit de la travailleuse aux indemnités de remplacement du revenu, lequel a toujours continué d’exister tant que son incapacité à exercer son emploi est due à la lésion professionnelle. Toutefois, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et son imputation au dossier financier de l’employeur, pour la période du 6 décembre 2012 au 2 janvier 2013, découle d’une invalidité qui est étrangère à l’accident du travail du 6 novembre 2012.
[35] Le tribunal est donc d’avis que le coût des prestations versées à la travailleuse et imputées au dossier de l’employeur durant cette période doit être transféré.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de Arneg Canada inc., l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 avril 2013, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse pour la période du 6 décembre 2012 au 2 janvier 2013 en raison de sa lésion personnelle.
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Claire Burdett |
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M. Gérald Corneau |
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GCO SANTÉ ET SÉCURITÉ INC. |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
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