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[1] Le 20 juillet 2004, monsieur Bruno Nadeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 14 juillet 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 11 février 2004 et déclare que l’emploi de préposé à la barrière et à la cour constitue un emploi convenable pour le travailleur, emploi qu’il est capable d’occuper à compter du 9 février 2004.
[3] À l’audience tenue le 19 janvier 2005, le travailleur est présent, accompagné de son représentant. L’employeur est absent.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de déclarer que l’emploi de préposé à la barrière et à la cour ne constitue pas un emploi convenable. Comme au moment de sa détermination, il n’avait plus de lien d’emploi avec l’employeur, il soutient que la CSST n’avait pas à rechercher un emploi chez son employeur. De toute façon, il maintient que cet emploi n’est pas approprié et ne respecte pas ses qualifications professionnelles.
LES FAITS
[5] Le travailleur est soudeur depuis 1967. Il a déjà occupé un poste de superviseur de 14 soudeurs pendant deux ans. Il est à l’emploi de l’employeur depuis octobre 1993. Afin d’exercer son métier, il a suivi une formation à une école de métiers pendant 3 ans et il est allé à l’institut de Technologie de Trois-Rivières pendant une autre année. Il détient une carte de compétence.
[6] Le 29 août 2001, il est victime d’un accident du travail. Il s’inflige une tendinite à l’épaule droite lorsque la roue du chariot sur lequel il transportait une bouteille de gaz est restée bloquée. Aucun arrêt de travail n’est toutefois prescrit dans le cadre de cette lésion professionnelle. Le travailleur a continué son travail régulier tout en ayant son suivi médical.
[7] Mais, comme il a toujours très mal à son épaule et que son médecin ne veut pas lui autoriser des travaux légers, le 12 août 2002, il décide de quitter son emploi, ne se sentant plus capable d’exercer ses fonctions. Un relevé d’emploi de l’employeur confirme ce départ volontaire du travailleur. À cette date, le travailleur avait l’intention d’ouvrir un restaurant avec sa femme, ce qui ne s’est toutefois pas concrétisé.
[8] Le 23 janvier 2003, il subi une intervention chirurgicale, soit une acromioplastie de l’épaule droite. Cela est reconnue par la CSST à titre de récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 29 août 2001 et le travailleur recevra alors des indemnités de remplacement du revenu.
[9] Le 2 septembre 2003, le travailleur déménage de Laval pour aménager dans le Canton de Shefford. Le travailleur a avisé la CSST de ce changement et on lui a répondu qu’il n’y avait aucun problème, que la CSST de cette région s’occuperait à l’avenir de son dossier.
[10] Le 23 septembre 2003, l’employeur transmet par télécopieur un formulaire d’assignation temporaire au médecin traitant du travailleur lui demandant s’il autorise le travailleur à occuper un poste soit de fabrication de harnais électrique, de magasinier, d’entretien ménager ou de classement de document.
[11] Le 30 septembre 2003, le médecin traitant signe le formulaire d’assignation temporaire autorisant des travaux où le travailleur n’aura pas à manipuler des charges de plus de 10 livres, où il n’effectuera pas des mouvements répétitifs du membre supérieur droit et où il ne lèvera pas le bras droit à plus de 90° de flexion. Ce formulaire est transmis à l’employeur, par télécopieur, le lendemain, soit le 1er octobre 2003.
[12] Ce même jour du 1er octobre 2003, le médecin traitant remplit le rapport final où il est fait mention que la lésion professionnelle est consolidée et qu’elle entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[13] Entre-temps, une représentante de l’employeur entre en communication avec le travailleur afin d’envisager avec lui son retour au travail en assignation temporaire autorisé par son médecin. Le travailleur dit qu’il était étonné de cette demande car il ne travaillait plus là depuis le 12 août 2002, et ce, à la suite de son départ volontaire. Il n’avait pas l’intention d’y retourner. C’est ce qu’il a répondu à l’employeur.
[14] Le 3 octobre 2003, à la demande de la CSST, le travailleur se présente aux locaux de la CSST de Granby, rencontre à laquelle assistent l’agent d’indemnisation et la conseillère en réadaptation. Aux notes de cette rencontre, il est indiqué que le but est de connaître le travailleur, étant donné l’arrivée récente du dossier de la région de Laval. Le travailleur profite alors de l’occasion pour remettre le rapport final de son médecin. Il est aussi question de l’assignation temporaire que son médecin a autorisée. À ce sujet, l’agent écrit la note suivante au dossier :
Nous informons le travailleur qu’il a l’obligation de se rendre chez son employeur et de se plier à l’assignation temporaire qui a été proposée par son employeur et acceptée par son médecin traitant, à défaut de quoi il ne recevra plus d’IRR à compter de ce jour. Nous expliquons au travailleur les droits de l’employeur vs assignation temporaire. Il est surpris. Il croyait que le fait d’être déménagé faisait en sorte qu’il n’avait plus d’obligation vs un retour au travail. Il contactera son employeur dès cet après-midi et a l’intention, à regret, de se rendre chez son employeur pour effectuer les travaux légers proposés. Comme le travailleur est consolidé avec limitations fonctionnelles, nous lui expliquons qu’une démarche doit être faite pour visiter son poste de travail régulier et, s’il y a lieu entreprendre des discussions sur les possibilités d’emploi convenable chez l’employeur.
[15] Ainsi, le 6 octobre 2003, le travailleur retourne au travail chez l’employeur à la fabrication de harnais électrique.
[16] Le 7 octobre 2003, une rencontre a lieu entre le travailleur, l’employeur et la conseillère en réadaptation afin d’évaluer s’il existe un emploi convenable chez l’employeur. La conseillère constate que le poste d’assignation temporaire pourrait très bien convenir au travailleur sur la plan physique. Elle désire toutefois attendre le rapport d’évaluation médicale avant de se prononcer sur l’emploi convenable.
[17] Après une semaine et demie à la fabrication de harnais, le travailleur va voir son médecin. Il se plaint de douleurs dues à l‘exécution de cette tâche. Un certificat lui est alors remis, que le travailleur transmet à son employeur, où il est fait mention que le travailleur ne doit plus occuper ce poste. Ainsi, l’employeur change l’assignation du travailleur pour celle de préposé à la cour.
[18] Le 27 octobre 2003, le médecin traitant remplit le rapport d’évaluation médicale.
[19] Le 19 novembre 2003, la CSST rend une décision reconnaissant que la lésion professionnelle du 23 janvier 2003 entraîne une atteinte permanente de 7,40 %.
[20] Le 24 novembre 2003, la conseillère en réadaptation entre en communication avec la représentante de l’employeur. Elle apprend alors que le travailleur occupe un poste à la guérite car son médecin aurait indiqué qu’il interdirait le travail au harnais s’il continuait. Ce poste à la guérite était jusqu’alors occupé par un employé qui y allait lorsqu’il avait le temps. Comme l’employeur songe à y installer quelqu’un en permanence, la représentante interroge la conseillère quant à l’impact financier, s’il gardait le travailleur à ce poste comme emploi convenable. Le 28 novembre, la conseillère informe l’employeur que l’impact financier serait négligeable pour eux, mais que cela ferait toute la différence sur le plan humain pour le travailleur puisque s’il a ce poste, il n’aurait pas le désavantage de perdre son emploi et de se retrouver sur le marché du travail à 56 ans, après 9 ans d’ancienneté chez cet employeur.
[21] Le 9 février 2004, une rencontre a lieu afin d’évaluer l’emploi de préposé à la barrière et à la cour à titre d’emploi convenable. La note suivante est inscrite au dossier :
Vu les besoins de l’entreprise, l’employeur a décidé de créer le poste de préposé à la barrière et à la cour de façon officielle. Ce poste était auparavant occupé par des employés de l’usine lorsqu’il y avait des besoins. Cela faisait en sorte qu’il n’y avait jamais une personne en permanence à la barrière et il était parfois difficile pour les employés de se libérer de leurs tâches habituelles pour aller à la guérite. Les tâches reliées à ce poste respectent les limitations fonctionnelles en totalité. […]
[…] Dans les faits, le travailleur occupe l’emploi convenable depuis environ 2 mois et cela se passe très bien. Il a été formé pour ce poste (formulaire, routine) et il possède les qualités et compétences pour l’occuper, sans autre formation.
[22] Le 11 février 2004, la CSST rend une décision où elle détermine que comme le travailleur n’est pas capable d’occuper son emploi habituel, elle a évalué avec lui et son employeur si un autre emploi pourrrait convenir et elle a retenu l’emploi de préposé à la barrière et à la cour à titre d’emploi convenable, emploi dont elle considère le travailleur capable de l’exercer à compter du 9 février 2004. C’est cette décision que le travailleur conteste.
[23] Quoique le travailleur admet que cet emploi respecte ses limitations fonctionnelles, il soutient que la CSST n’aurait pas dû lui déterminer un emploi chez l’employeur, puisqu’il n’avait plus de lien d’emploi avec lui, ayant donné sa démission en août 2002. S’il a accepté de retourner chez l’employeur, c’est qu’il dit avoir été induit en erreur par la conseillère en réadaptation qui l’y a obligé, sinon il se serait vu privé de revenu.
[24] Par ailleurs, il prétend que cet emploi ne serait pas convenable pour lui puisque ses antécédents académiques et son statut socio-économique n’ont pas été tenus en compte. De plus, cet emploi ne respecte pas ses qualifications professionnelles.
[25] À ce sujet, il a décrit ce qu’il fait à cette fonction. Son lieu de travail est une petite cabane de 4 pieds par 5 pieds, chauffée. Plus souvent qu’autrement, il n’a rien à faire. Il fait des mots croisés et il fume. De temps en temps, il sort pour vérifier la réception des camions neufs qui arrivent chez l’employeur. Il fait une inspection visuelle et remplit un formulaire lorsqu’il constate que le véhicule est endommagé. Il prend en note les arrivées et les départs des véhicules de livraison et dirige les livreurs au bon endroit. Il guide les chauffeurs des concessionnaires qui ne trouvent pas leur camion. Il prend les quantités du gros réservoir à diesel et remplit le formulaire de contrôle. Il ramasse les déchets dans la cour, etc. Il évalue ne travailler que pendant un quart de la journée, alors que le reste de son temps, il ne fait rien.
[26] Depuis qu’il occupe cet emploi, le travailleur se sent dévalorisé, humainement déprécié. Il se sent humilié dans cette tâche, qui pour lui n’en est pas vraiment une. Ses compagnons de travail lui disent souvent qu’il doit trouver le temps long à faire cette job. Il ne peut que le confirmer. Il a de la difficulté à se lever le matin pour aller travailler. Il en a perdu le goût depuis qu’il occupe ce poste. S’il l’occupe toujours, c’est qu’il n’en a pas le choix, sinon on lui a dit qu’on ne l’indemniserait pas. Il précise qu’en décembre 2004, il a fait une chute sur la glace et qu’il a fait une réclamation à la CSST. Il a été 3 semaines en arrêt de travail. Durant cette période, personne ne l’a remplacé à la guérite. L’opérateur du chariot élévateur y est allé lorsqu’il avait le temps. C’était d’ailleurs cette situation qui prévalait avant son assignation.
[27] Par ailleurs, il mentionne au tribunal qu’en raison de son déménagement en septembre 2003, il se trouve à 110 kilomètres de son lieu de travail. Il se tape à tous les jours 220 kilomètres de route pour aller travailler et revenir chez lui. L’hiver, il part de chez lui à 4h30 pour être sûr d’arriver à l’heure au travail qui débute à 7 h 00. Le soir, il termine à 3 h 30 pour n’arriver chez lui que vers 5 h 00, 5 h 30.
L’AVIS DES MEMBRES
[28] La membre issue des associations syndicales est d’avis d’accueillir la contestation du travailleur. Elle considère que la CSST n’aurait pas dû déterminer un emploi convenable chez l’employeur, puisque le travailleur n’était plus à leur emploi lors de la lésion professionnelle. De toute façon, l’emploi retenu n’est pas convenable puisqu’il s’agit d’un emploi bidon, créé de toute pièce dans le but de sauver des coûts pour l’employeur.
[29] Le membre issu des associations d’employeurs ne partage pas cet avis. Il considère que l’emploi retenu est convenable car il respecte les 4 caractéristiques prévues par la loi. Il considère que le fait que le travailleur ait déménagé relève de son choix personnel et n’a aucunement à être tenu en compte dans la détermination de son emploi convenable.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[30] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi de préposé à la barrière et à la cour est un emploi convenable pour le travailleur.
[31] Pour les fins de cette question, il est bon de rappeler qu’un travailleur qui est victime d’une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi et que son droit à cette indemnité cesse lorsqu’il redevient capable de l’exercer. Par ailleurs, il est présumé incapable d’exercer son emploi tant que sa lésion professionnelle n’est pas consolidée. Ces règles sont prévues aux articles suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
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1985, c. 6, a. 44.
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
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1985, c. 6, a. 46.
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants:
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;
2° au décès du travailleur; ou
3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
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1985, c. 6, a. 57.
[32] En l’espèce, lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle du 23 janvier 2003, soit sa récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 29 août 2001, le travailleur n’avait pas d’emploi puisque depuis le 12 août 2002, il avait rompu le lien d’emploi qui le liait à l’employeur, le relevé d’emploi de l’employeur faisant foi de cette rupture. Donc, en vertu de l’article 44, c’est l’emploi qu’il occupait habituellement qui a dû être pris en compte pour la détermination de son droit à l’indemnité, à savoir l’emploi de soudeur qu’il exerçait depuis 1967.
[33] Puis, une fois la lésion professionnelle consolidée, la CSST a dû déterminer si le travailleur avait besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou si cet objectif ne pouvait être atteint, pour devenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable. C’est l’article 47 qui le stipule :
47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.
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1985, c. 6, a. 47.
[34] La jurisprudence a déjà établi que puisque c’est par l’analyse de l’emploi à l’origine de la lésion professionnelle ou de la maladie professionnelle que le droit à l’indemnité est accordé, en vertu de l’article 44, ce sera aussi par l’analyse de cet emploi que la capacité de travail sera déterminé[2].
[35] En accord avec cette position, la Commission des lésions professionnelles considère que, comme au moment de sa lésion professionnelle du 23 janvier 2003, le travailleur n’occupait plus d’emploi, c’est l’emploi qu’il occupait habituellement qui doit être pris en compte aussi pour l’évaluation de sa capacité de travail, donc l’emploi de soudeur.
[36] La CSST a déterminé que le travailleur n’était pas capable d’exercer son emploi de soudeur, et ce, à juste titre. Là n’est d’ailleurs pas la question en litige.
[37] Donc, le travailleur étant incapable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement, la CSST est justifiée de continuer à verser des indemnités au travailleur et ce, tant qu'il a besoin de réadaptation pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, et ce, tel que le stipule l’article 47.
[38] L’emploi convenable est défini dans les termes suivants à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[39] En l’espèce, la CSST a déterminé un emploi convenable chez l’employeur en application avec l’article 170.
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.
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1985, c. 6, a. 170.
[40] Le travailleur prétend que la décision de la CSST de déterminer un emploi chez l’employeur doit être invalidée du fait qu’elle n’avait tout simplement pas à communiquer avec ce dernier pour s’enquérir de la disponibilité d’un emploi convenable dans l’entreprise, et ce, parce qu’il n’avait plus aucun lien d’emploi qui le liait à cet employeur.
[41] La Commission des lésions professionnelles partage entièrement cette position et c’est d’ailleurs la même conclusion à laquelle en est arrivé le commissaire Claude - André Ducharme dans Desgagnés Marine Services inc. et Lévesque[3].
[42] Dans la mesure où le travailleur n’était pas à l’emploi de l’employeur au moment de la survenance de sa rechute, récidive ou aggravation du 23 janvier 2003 et où il ne pouvait plus exercer aucun droit de retour au travail dans cette entreprise, la CSST ne devait pas communiquer avec l’employeur avant de déterminer un emploi convenable. L’exercice d’un droit de retour au travail implique qu’il existe un lien d’emploi entre un travailleur et un employeur au moment où il subit une lésion professionnelle. Ainsi, tout comme l’affaire Desgagnés, on doit comprendre qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 170 (dans l’affaire Desgagnés c’était l’article 169) lorsque le travailleur n’a pas de droit de retour au travail à faire valoir auprès d’un employeur. Tel est le cas du travailleur dans le présent dossier.
[43] Par ailleurs, le fait que le travailleur ait occupé le poste de préposé à la barrière et à la cour en assignation temporaire ne fait pas obstacle à une telle conclusion, puisque dans les faits cette occupation n’était pas conforme à la loi, puisqu’en l’absence d’un lien d’emploi, les dispositions prévues pour l’assignation temporaire à l’article 179 ne peuvent être accessibles à un ex-employeur d’un travailleur, tel l’a décidé la Commission des lésions professionnelles dans Véranda Jardin RP inc. et Fournier[4]et dans SGT 2000 inc. et Tyutyunnikov[5].
[44] De plus, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’emploi retenu chez l’employeur n’est de toute façon pas un emploi convenable puisque la preuve révèle que l’emploi de préposé à la barrière et à la cour n’existait pas chez l’employeur lorsque la CSST a amorcé le processus de réadaptation dans le présent dossier. Il s’agit d’un poste spécialement créé pour le travailleur puisqu’avant qu’il n’y soit assigné, personne en permanence ne l’occupait. Il ne nécessitait même pas la présence d’une personne en permanence puisque c’était à temps perdu que des employés y allaient. Ceci est d’autant plus vrai que le trois quart de son temps, le travailleur n’y a rien à faire. D’ailleurs, il n’a même pas été remplacé lors de son arrêt de travail en décembre 2004. Cela démontre le peu d’importance rattaché à ce poste. Cela n’est certes pas cette situation que le législateur vise lorsqu’il fait référence à un emploi convenable disponible chez l’employeur.
[45] Donc, il y a lieu de retourner le dossier du travailleur à la CSST pour qu’elle mette en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation afin de lui déterminer un emploi convenable qui respecte l’ensemble des caractéristiques d’un tel emploi, et ce, ailleurs que chez l’employeur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Bruno Nadeau, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 14 juillet 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de préposé à la barrière et à la cour n’est pas un emploi convenable pour monsieur Nadeau;
DÉCLARE que monsieur Nadeau a droit à l’indemnité de remplacement du revenu;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle mette en œuvre, en collaboration avec le travailleur et conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, un plan individualisé de réadaptation afin de lui déterminer un emploi convenable ailleurs que chez l’employeur.
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Nicole Blanchard |
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Commissaire |
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Pierre Normandeau |
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R.A.T.M.P. |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Gougeon et Canadian Tire, 111011-61-9902, 22 novembre 1999, G. Morin;
Boulay et Thomas O’ Connell inc., 127819-03B-9912, 5 juillet 2000, M. Cusson, révision rejetée, 18 janvier 2001, G. Tardif;
Alain et Agrivente enr., 165420-32-0107, 16 novembre 2001, G. Tardif;
2463-2187 Québec inc. et Mireault, 174928-04B-0112, 20 juin 2002, D. Lajoie, révision rejetée, 10 janvier 2003, M. Beaudoin.
[3] [2003] C.L.P. 848
[4] 115569-04B-9904, 24 janvier 2000, P. Simard
[5] 158046-71-0103, 28 septembre 2001, H. Rivard
AVIS :
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