Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

33-13-1658

 

DATE :

24 avril 2015

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Anouk Vidal, courtier immobilier

Membre

M. Mario Lamirande, courtier immobilier

Membre

 

 

YVES GARDNER, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

 

Partie plaignante

c.

 

NICOLAS TÉTRAULT, (D4139)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

 

Ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion relativement aux renseignements personnels contenus aux pièces p-12, p-13, p-14 et p-15 en vertu des articles 39 du Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ[1] et 95 de la Loi sur le courtage immobilier[2]

 

 

 

[1]       Les 12 et 13 janvier 2015, le Comité de discipline de l’OACIQ  (« le Comité ») se réunissait pour procéder à l’instruction de la plainte no 33-13-1658 contre l’intimé.

 

[2]       La partie plaignante, M. Gardner, était présente et représentée par Me Laurence Rey El fatih, accompagnée de Me Isabelle Martel.

 

[3]       Quant à l’intimé, il était présent et représenté par Me Danielle Oiknine.

 

 

I.          La plainte

 

[4]       La plainte datée du 2 décembre 2013 reproche à l’intimé ce qui suit : à savoir :

 

« 1. Le ou vers le 11 août 2010, concernant les immeubles sis au [...], à Montréal, l’intimé ne s’est pas assuré que la somme de 50 000 $ versée à titre d’acompte par le promettant-acheteur, Chun Sheng Huai, soit déposée dans le compte en fidéicommis d’un titulaire de permis, commettant ainsi une infraction à l’article 10 de la Loi sur le courtage immobilier ainsi qu’aux articles 43, 62 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

2. Le ou vers le 20 juin 2013, dans le cadre d’une enquête menée par le syndic adjoint, Yves Gardner, l'Intimé a faussement déclaré qu’il n’avait pas pris la somme de 50 000 $ versée à titre d’acompte par le promettant-acheteur, Chung Sheng Huai, commettant ainsi une infraction à l'article 106 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. 

3. Le ou vers le 24 août 2011, concernant l’immeuble sis au [...], à Saint-Constant, l’intimé n’a pas évité de se placer en situation de conflit d’intérêt en signant à titre de promettant-acheteur la promesse d’achat PA 51754, et ce, alors qu’il était le courtier immobilier du vendeur désigné au contrat de courtage CC 63897, commettant ainsi une infraction aux articles 2, 62 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »

 

[5]       Sauf quant à la pièce P-23, à laquelle Me Oiknine s’objectera au motif que cette pièce comporte une note manuscrite modifiant le prix de vente[3], les pièces suivantes seront introduites en preuve de consentement :

 

 

P-1 : En liasse, attestation et affidavit datés du 3 décembre 2013, faisant état de la qualité de M. Nicolas Tétrault (D4139) en tant que titulaire de permis de l’OACIQ.;

 

P-2 : Copie de l’index des immeubles, extraits du registre foncier pour la circonscription foncière de Montréal, lot 1 341 044; 

 

P-3 : Copie du registre entreprise datée du 13 septembre 2010 relativement à 9214-1472 Québec inc.;

 

P-4 : Copie d’une fiche descriptive MLS datée du 31 mars 2010 portant le numéro d’inscription 8324431;

 

P-5 : En liasse, promesse d’achat PP10852 datée du 18 juillet 2010; son Annexe A - Immeuble AA17925; son Annexe B - Immeuble résidentiel AB35730;

 

P-6 : Copie de l’avis de divulgation daté du 19 juillet 2010;

 

P-7 : En liasse, promesse d’achat PP80950 datée du 27 juillet 2010; son Annexe A - Immeuble AA48189;

 

P-8 : En liasse, promesse d’achat PP80950 datée du 28 juillet 2010; son Annexe A - Immeuble AA48189; son Annexe B - Immeuble résidentiel AB27868;

 

P-9 : En liasse, certificat de dépôt provenant d’une banque en chine; état des soldes bancaires;

 

P-10 : Copie d’une lettre datée du 10 août 2010, ayant pour objet Final agreement with buyers and sellers for the sale of business located at [...], Montréal, Québec, Canada. Modifying PP80950;

 

P-11 : Copie d’une mise en demeure datée du 7 septembre 2010, adressée à Royal Lepage du Quartier, Golden Pan Realty, Anna Reva, Nicolas Tétrault et 9214-1472 Québec, ayant pour objet Chun Sheng Huai;

 

P-12 : Copie d’une traite bancaire datée du 10 août 2010 à l’ordre de Royal Lepage du Quartier au montant de 50 000,00 $;

 

P-13 : En liasse, copie d’une assignation datée du 5 juillet 2013 de Yves Gardner à Louis Noël ; lettre réponse de BMO datée du 11 juillet 2013; copie d’une traite bancaire datée du 10 août 2010 à l’ordre de Royal Lepage du Quartier au montant de 50 000,00 $;

 

P-14 : En liasse, relevé bancaire relativement à la période se terminant le 31 août 2010 concernant le compte de 9086-4372 Québec inc.; copies de chèques;

 

P-15 : En liasse, relevé bancaire relativement à la période se terminant le 31 août 2010 concernant le compte de 9086-4372 Québec inc.; copie de chèque ; registre des opérations du compte en fidéicommis relativement au compte 1037191; copie d’une traite bancaire datée du 10 août 2010 à l’ordre de Royal Lepage du Quartier au montant de 50 000,00 $;

 

P-16 : Copie d’un reçu pour dépôt daté du 24 août 2010;

 

P-17 : Plumitif daté du 16 décembre 2014 relativement au dossier de Reva Anna et al. contre Huai Chun Sheng;

 

P-18 : Copie d’une requête introductive d’instance entre Anna Reva, Nicolas Tétrault et Klara Reva contre Chun Sheng Huai;

 

P-19 : Copie d’un jugement de la Cour Supérieure rendu le 2 août 2012;

 

P-20 : Copie de l’index des immeubles, extraits du registre foncier pour la circonscription foncière de Laprairie, lot 3 800 793;

 

P-21 : Copie d’un acte de prêt daté du 12 octobre 2005;

 

P-22 : Contrat de courtage exclusif CC63897 daté du 24 août 2011 indiquant un prix de vente de 1 950 000,00 $;

 

P-23 : Contrat de courtage exclusif CC63897 daté du 24 août 2011 portant une note manuscrite modifiant le prix de vente; (Sous objection)

 

P-24 : En liasse, promesse d’achat PA51754 datée du 24 août 2011; son Annexe à la promesse d’achat;

 

P-25 : Copie de l’avis de divulgation daté du 24 août 2011;

 

P-26 : En liasse, promesse d’achat PA41912 datée du 24 août 2011; modifications et avis de réalisation de conditions MO83851 ; Annexe G - General ; Annexe contrat de courtage période transitoire AT11674;

 

P-27 : Copie de l’avis de divulgation-location daté du 27 août 2011;

 

P-28 : En liasse, copie d’une promesse de location PL73610 datée 27 août 2011 ; Annexe G - General; modifications et avis de réalisation de conditions MO83872;

    

P-29 : En liasse, courriel de Nicolas Tétrault daté du 1er décembre 2011; lettre datée du 1er décembre 2011, adressée à Martine Fréchette, OACIQ et au Syndic de l’OACIQ ayant pour objet « Plainte formulée contre Nicolas Tétrault, courtier immobilier agréé et plainte contre Royal Lepage du Quartier ».

 

P-30 : Copie d’une lettre datée du 9 juillet 2013, à l’attention de André Turcot, ayant pour objet « Enquête par le Bureau du syndic concernant M. Nicolas Tétrault ».

    

P-31 : Copie d’une lettre datée du 9 juillet 2013, à l’attention de Nicolas Tétrault, ayant pour objet « Enquête par le Bureau du syndic ».

 

[6]       Me El fatih demandera alors au Comité la permission d’amender le chef no 3 de la plainte pour y ajouter un autre article de rattachement, soit l’article 22 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

[7]       Me Oiknine s’objectera à cette demande d’amendement et soumettra au Comité une requête verbale en irrecevabilité quant au chef no 3 de la plainte. L’avocate de l’intimé plaide que le chef no 3 est irrecevable et nul en se fondant sur la pièce P-30, soit une lettre de M. Gardner adressée à M. André Turcot en date du 9 juillet 2013.

 

[8]       Dans cette lettre, M. Gardner informe M. Turcot qu’il ne portera pas plainte contre l’intimé pour les faits mentionnés au chef no 3 et qu’en conséquence, il ferme son dossier.

 

[9]       Me Oiknine fut invitée par le Comité à lui soumettre des autorités et des précédents jurisprudentiels à l’appui de sa requête en irrecevabilité.

 

[10]    Après avoir délibéré, la demande d’amendement du syndic adjoint sur le chef no 3 de même que l’objection soulevée sur la pièce P-23 par Me Oiknine furent prises sous réserve par le Comité.


 

[11]    Quant à l’irrecevabilité du chef no 3, le Comité a considéré qu’il s’agissait beaucoup plus d’un moyen de défense au fond qu’un moyen préliminaire. Me Oiknine fut donc invitée à plaider ce moyen au fond une fois la preuve close de part et d’autre. Cela étant, lors de la reprise de l’instruction le 13 janvier 2015, Me Oiknine avisa le Comité qu’elle se désistait de cette demande.

 

[12]    Malgré ce désistement, le Comité tient à préciser qu’il aurait de toute façon rejeté la demande en irrecevabilité de l’intimé en se fondant sur le jugement suivant du Tribunal des professions.

 

[13]    Il s’agit de l’affaire Fanous c. Médecins[4], où l’on peut lire, aux paragraphes 54 à 58, ce qui suit :

 

«[54] L'appelant plaide que suite aux deux refus du syndic, Dr Deblois, l'intimé et le Comité de révision étaient « functus officio ».

[55] L'appelant soumet que l'intimé était forclos de porter plainte puisqu'il y avait entente de facto avec lui.  Il plaide que le droit professionnel se distingue du droit public en ce que le professionnel est obligé par la loi de collaborer avec le syndic.  En d'autres mots, si rien de nouveau n'est révélé par l'enquête, un syndic ne peut se raviser sur la décision de porter plainte.

[56] Cet argument de l'appelant va à l'encontre de la philosophie du Code qui vise la protection du public.

[57] Rien dans la loi ne vient limiter le droit du syndic de déposer une plainte après avoir pris une ou des décisions préalables contraires.  Il ne peut y avoir de transaction entre le syndic et un professionnel sauf lors d'une procédure de conciliation, telle que prévue aux articles 123.6 et suivants du Code;  cette procédure associe obligatoirement la personne qui a demandé la tenue d'une enquête.

[58] Ce moyen d'appel n'est pas fondé. »

(nos soulignements)

 

[14]    Les parties se sont alors déclarées prêtes à procéder à l’instruction de la plainte sur les chefs nos 1, 2 et 3.

 

 

II.         La preuve de la partie plaignante

 

 

[15]    Comme premier témoin, Me El fatih fera entendre M. Ligang Pan, soit le courtier immobilier de M. Chun Sheng Huai.


 

[16]    M. Pan relate principalement ce qui suit :

 

·      Au mois de juin ou juillet 2010, il rencontre M. Huai. Ce dernier cherche à faire un investissement dans l’immobilier;

·      M. Pan parle anglais et mandarin. Quant à M. Huai, il ne s’exprime qu’en mandarin;

·      M. Huai prend connaissance de la fiche MLS 8324431 (P-4) et est intéressé par la propriété. Il s’agit d’un immeuble comprenant 31 logements et 6 unités commerciales;

·      Le 18 juillet 2010, au nom de M. Huai, il présente à l’intimé la promesse d’achat P-5. M. Huai offre la somme de 7 000 000 $ pour l’immeuble;

·      La clause 4.2 de cette promesse d’achat prévoit notamment qu’un acompte de 100 000 $ devra être versé à Royal Lepage du Quartier in trust;

·      M. Pan se fait dire par l’intimé que son offre est trop basse;

·      Il présente une nouvelle promesse d’achat PP 80950 (P-7) pour la somme de 7 900 000 $ qui comporte la même mention au niveau de l’acompte et qui conditionnelle notamment à « l’annulation d’une première offre acceptée par le vendeur.[5] » ;

·      M. Pan obtient un état des soldes bancaire (P-9) à la demande de l’intimé parce que ce dernier craignait que M. Huai n’ait pas suffisamment de liquidités pour procéder à l’acquisition de l’immeuble;

·      Lors d’une réunion tenue le 10 août 2010 au bureau de Royal Lepage du Quartier à Saint-Léonard, les parties exécutent la pièce P-10, soit un document intitulé « Final agreement with buyers and sellers for the sale of business located at [...], Montreal, Québec, Canada, Modifying PP 80950 » ;

·      L’article 4 de cette convention stipule:  « Buyer shall leave a non-refundable deposit of fifty thousand dollars (50 000$) to the sellers if the transaction does not go through because of the fault of the buyer or if the delays are not respected. Payable to Royal Lepage du Quartier. »

·      M. Pan s’est rendu à la banque avec M. Huai chercher la traite de 50 000 $ laquelle fut remise à l’intimé;

·      Après un certain temps, il a de la difficulté à rejoindre M. Huai et comprend que ce dernier ne voulait plus acheter la propriété;

·       

·      Il ne sait pas qu’est-ce qui s’est passé avec la traite de 50 000$;

·      En contre-interrogatoire, il nous dira que ce n’est pas lui qui a rédigé la lettre produite sous P-10 et confirmera que la somme de 50 000$ prévue à l’article 4 n’était pas remboursable.

[17]    Le deuxième témoin de la poursuite sera Mme Manon Bénard, enquêteur pour le Groupe financier BMO. Ce témoin donnera des explications relativement à la lettre produite sous P-13. Bref, elle explique que la traite de 50 000 $ a été achetée et payée par M. Huai. Le 11 août 2010, cette traite a été déposée dans le compte courant no 1036-981 de Royal Lepage du Quartier. L’on peut voir que la traite en question ne comporte pas la mention in trust ou en fidéicommis.

[18]    Le prochain témoin de Me El fatih sera Mme Maria Fernanda Carnalho, comptable  à l’emploi de Royal Lepage du Quartier du mois de juin 2010 au mois de mars 2011. C’est elle qui s’occupe de se rendre à la banque pour faire les dépôts. Elle affirmera au Comité qu’elle se fie sur le libellé de la promesse d’achat pour déterminer dans quel compte elle doit déposer un chèque reçu à titre d’acompte. Elle confirmera avoir déposé la traite de M. Huai dans le compte courant de Royal Lepage du Quartier et non pas dans le compte en fidéicommis de cette dernière.

[19]    Le Comité entendra par la suite M. André Turcot, agriculteur, concernant le chef no 3 de la plainte. Ci-après l’essentiel de sa déposition, à savoir :

 

·      Il était à l’époque propriétaire du [...], à Saint-Constant. Une partie du lot était louée par CJMS pour l’installation d’une antenne de radio. CJMS était en défaut de payer son loyer;

·      M. Turcot était lui aussi en défaut relativement à cet immeuble lequel faisait l’objet d’un préavis d’exercice. M. Turcot voulait donc le vendre;

·      C’est alors que l’intimé entre en contact avec lui. M. Tétrault avait besoin d’identifier un endroit pourvu d’une antenne radio pour une demande de permis qu’il entendait faire avec des associés au CRTC;

·      Il n’a pas de véritable discussion avec M. Tétrault et ce dernier s’empresse de lui faire signer un contrat de courtage (P-22). L’intimé lui aurait dit : « Il faut absolument que je te fasse signer un contrat de courtage. » Ce à quoi M. Turcot acquiesce;

·      Il reconnaît la pièce P-24, soit la promesse d’achat que lui a présentée l’intimé le 24 août 2011. Les promettant-acheteurs sont : « Nicolas Tétrault, Rajiv Pancholy et Paul Tietelman pour une compagnie à être désignée. »

·      Le même jour, soit le 24 août 2011, l’intimé remet un formulaire d’Avis de divulgation Achat-Vente-Échange à M. Turcot (P-25);

·      Dans la section III du formulaire intitulée « Nature de l’intérêt du titulaire », l’intimé écrit :  « Je suis le courtier immobilier agréé de l’acheteur et du vendeur, je suis aussi un des acheteurs VIA une compagnie dont je suis ou serai actionnaire et je suis en conflit d’intérêts. Je connais le vendeur depuis 2000 et le vendeur sera mon associé probablement dans CJMS 1040 AM et d’autres projets. » (nos soulignements);

·      Selon M. Turcot, M. Tétrault voulait sécuriser le terrain afin de soutenir sa demande auprès du CRTC;

·      Finalement, M. Turcot n’a jamais vendu sa propriété et l’immeuble fut repris en paiement malgré un engagement pris par l’intimé lorsque le dossier était rendu à la Cour.

[20]    Par la suite, le syndic adjoint M. Yves Gardner a été entendu. Il témoigne plus particulièrement sur le chef no 2 de la plainte et sa rencontre du 20 juin 2013 avec l’intimé, à savoir :

·      Lors de la rencontre du 20 juin 2013, il demande à l’intimé de donner sa version des faits sur la somme de 50 000 $ reçue à titre d’acompte de M. Huai;

·      Cet entretien a été enregistré et transcrit par un sténographe officiel (P - 33). M. Gardner nous indique dans la transcription les endroits où il considère que l’intimé lui a faussement déclaré ce qu’il avait fait avec la somme de 50 000 $;

·      Il réfère plus précisément le Comité aux pages 11 à 16 de la pièce P-33 où l’intimé lui déclare à plusieurs reprises qu’il n’a pas « pris » la somme de 50 000 $;

·      Que lors de cette rencontre, l’intimé a reconnu ne pas avoir déposé la somme de 50 000 $ dans le compte en fidéicommis de Royal Lepage du Quartier[6].

 

[21]    Voilà l’essentiel de la preuve administrée par la partie plaignante.

 

 

III.        La preuve de l’intimé Nicolas Tétrault

 

[22]    M. Tétrault a témoigné pour sa défense.

 

[23]    L’intimé déclare sous serment ce qui suit :

 

·      Sur le chef no 2, l’intimé relate que le 20 juin 2013, il a effectivement dit à M. Gardner qu’il n’avait pas pris le 50 000 $. Il explique que lorsqu’il a dit qu’il n’avait « pas pris » l’argent au syndic adjoint, il voulait tout simplement dire qu’il n’avait pas bénéficié de l’argent;

·      Relativement à cette entrevue, il dit que sa mère était alors atteinte d’un cancer, qu’il était très proche de celle-ci et qu’il ne possédait pas tous ses sens à ce moment;

·      Il rajoute qu’il avait à ce moment plusieurs immeubles en vente et qu’il a offert à M. Gardner de lui faire parvenir les documents pertinents;

·      Quant à la propriété sur la rue Bishop, il nous dit qu’il n’était pas familier avec « l’approche chinoise » de faire des affaires, que son associée Eva Reva vient d’une famille très riche et qu’il a déjà été conseiller du premier ministre du Québec;

·      Il revient sur la traite de 50 000 $ et se disculpe en disant qu’il ne faisait pas les dépôts et qu’il avait engagé un CGA pour s’occuper de ce type de tâches;

·      Quant au chef no 3, il déclare que ses associés sont des « gens très très sérieux » et qu’il a « une feuille de route très très forte pour son âge. »;

·      Fait important, il nous déclare détenir une preuve d’écoute électronique qui le disculpe;

·      Il produit sous la cote I-1 un jugement du juge Kevin Downs de la Cour supérieure[7] qui casse la saisie avant-jugement entreprise par lui, Anna Reva et Klara Reva à l’encontre des biens de M. Huai. Curieusement, l’avocate de M. Huai dans ce dossier est aujourd’hui l’avocate de l’intimé dans le présent dossier;

·      De façon générale, il place le blâme sur tous les autres intervenants impliqués dans les dossiers de la rue Bishop et du Rand Saint-Régis;

·      En contre-interrogatoire, Me El fatih lui pose des questions sur son expérience académique et professionnelle;

·      Il déclare qu’en 2001, il a été élu conseiller à la Ville de Montréal et qu’il est l’instigateur de la Commission Charbonneau;

·      Il explique qu’il est actionnaire majoritaire de Royal Lepage du Quartier tout en demeurant flou sur la date à laquelle il serait devenu majoritaire;

·      Sûr de lui, il déclare qu’il n’est « pas un vendeur de bungalows comme 98 % de vos courtiers. »;

·      Lorsque questionné sur le prix de vente de 4 950 000 $ qui figure sur le contrat de courtage CC 63897  (P-23), il déclare que ce document a été fait pour fins de statistiques auprès de Royal Lepage Canada et pour générer une belle visibilité pour le bureau;

·       

·      Questionné sur sa rencontre avec M. Gardner, il termine en disant qu’il « n’avait rien à foutre de l’OACIQ » et qu’il n’avait « pas la tête à ça », il « voulait juste sauver sa mère ». 

 

IV.       Les plaidoiries

 

[24]    Me El fatih débute son argumentaire sur le chef no 3. Elle plaide que le contrat de courtage vise la mise en marché d’un immeuble et que dans un tel contexte, le courtier immobilier se doit de conseiller le mieux possible son client. Ainsi, selon la procureure de la partie plaignante, M. Tétrault représentait le vendeur, les acheteurs, était lui-même l’un des acheteurs et promettait de s’associer avec le vendeur une fois la vente réalisée.

 

[25]    Bref, selon Me El fatih, l’intimé portait trop de chapeaux dans le cadre de cette transaction. Étant donné qu’il savait pertinemment qu’il voulait acheter et/ou se servir du terrain à des fins autres que la vente de cet immeuble, il ne pouvait agir dans le meilleur intérêt de M. Turcot.

 

[26]    La partie plaignante est donc d’avis que l’intimé a commis une faute déontologique en exécutant un contrat de courtage avec M. Turcot parce que ce faisant, l’intimé se plaçait simultanément en situation de conflit d’intérêts.

 

[27]    Non seulement l’intimé a reconnu qu’il était en conflit d’intérêts[8], mais la preuve révèle qu’il n’a absolument rien fait pour mettre réellement en marché l’immeuble et tenter de le vendre à un tiers.

 

[28]    Me El fatih soumet également que l’avis de divulgation P-25 exécuté par l’intimé ne constitue pas « un chèque en blanc » lui permettant d’agir dans une situation qu’il reconnaît lui-même comme problématique.

 

[29]    Ainsi, selon la partie poursuivante, dans de telles circonstances, l’intimé devait s’abstenir de signer un contrat de courtage avec M. Turcot.

 

[30]    Quant au chef no 1, Me El fatih nous fait remarquer que c’est l’intimé qui rédige la pièce P-10 et qu’à l’article 4 de cette convention, l’intimé ne prévoit aucunement que le dépôt de 50 000 $ doit être versé dans le compte en fidéicommis de l’agence. Il s’agit d’une obligation stricte et en conséquence, M. Tétrault devait s’assurer que ladite somme soit déposée dans le compte en fidéicommis de son agence. Il  ne peut surtout pas se défendre en blâmant son employée, Mme Maria Fernanda Carnalho.

 

[31]    Sur le chef no 2, Me El fatih termine en soumettant que la transcription sténographique est claire. L’intimé n’a pas été franc avec M. Gardner et il est manifeste qu’il ne voulait pas collaborer à l’enquête du syndic adjoint sur la question de la somme de 50 000 $.

 

[32]    Quant à Me Oiknine, elle débutera son argumentation avec une analyse des pièces pertinentes.

 

[33]    En outre, selon l’avocate de l’intimé, la pièce P-10 ne prévoit pas que la somme de 50 000 $ devait être déposée dans le compte in trust de l’agence. Puisque la pièce P-10 envisageait une vente d’actions, il ne s’agissait pas d’une vente couverte par la Loi sur le courtage immobilier. De plus, étant donné que l’acompte a été déposé dans le compte courant de l’agence, comment le syndic adjoint peut-il prétendre que l’intimé a pris l’argent?

 

[34]    Pour Me Oiknine, « it was a commercial deal. » Son client était en droit de se fier sur ce fait. Non seulement la traite n’a pas été déposée dans son compte de banque personnel, mais c’est Mme Carnalho qui a fait le dépôt à la banque. De plus, puisque l’acompte était non remboursable, cette somme n’avait pas à être déposée dans le compte en fidéicommis de l’agence.

 

[35]    Quant au conflit d’intérêts prévu au chef no 3, le procureur de l’intimé prétend que M. Turcot était au courant de la situation considérant que l’intimé lui avait divulgué le conflit d’intérêts dès le départ.

 

[36]    Dans un tel contexte, Me Oiknine nous dit qu’il ne peut y avoir de faute déontologique de la part de l’intimé.   

 

V.        Analyse et décision

A.           Le droit applicable

 

[37]    L’article 10 de la Loi sur le courtage immobilier  (L.R.Q., c.73.2) stipule ce qui suit :

 

Art. 10. Toute somme reçue par un courtier dans l'exercice de ses fonctions et qui ne lui appartient pas doit être versée dans un compte en fidéicommis, selon les conditions et modalités prévues par règlement de l'Organisme.

Les intérêts produits par les sommes détenues en fidéicommis et qui ne sont pas réclamés par la personne à qui ces intérêts appartiennent doivent être versés au fonds de financement établi en vertu de l'article 47, selon les conditions et modalités prévues par règlement de l'Organisme. »

 

[38]    Les articles 2, 22, 43, 62, 69 et 106 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité prévoient :

 

« Art. 2.  Le titulaire de permis doit éviter de se placer en situation de conflit d'intérêts et, s'il ne peut l'éviter, il doit le dénoncer sans délai et par écrit aux intéressés.

Art. 22.  Le titulaire de permis qui souhaite acquérir un intérêt direct ou indirect dans l'immeuble ou l'entreprise qu'il est chargé de vendre, louer ou échanger en vertu d'un contrat de courtage doit, avant de déposer sa proposition de transaction, mettre fin au contrat de courtage. Toutefois, il ne peut mettre fin au contrat de courtage en vue de l'acquérir ou le louer tant qu'il y a des transactions en cours sur l'immeuble ou qu'il collabore avec un autre titulaire de permis en vue de la réalisation de la transaction sur l'immeuble.

Art. 62.  Le courtier ou le dirigeant d'agence doit exercer ses activités avec prudence, diligence et compétence, et faire preuve de probité, de courtoisie et d'esprit de collaboration. Il ne doit commettre aucun acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession.

Le courtier ou le dirigeant d'agence doit aussi maintenir de saines pratiques.

Art. 43.  Le titulaire de permis doit, lorsqu'il agit à titre d'intermédiaire dans le cadre d'une opération de courtage visée à l'article 1 de la Loi sur le courtage immobilier (chapitre C-73.2), recommander le versement d'un acompte raisonnable.

Un tel acompte ne peut être déposé que dans le compte en fidéicommis d'un titulaire de permis.

 Art. 69.  Le courtier ou le dirigeant d'agence ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession.

Art. 106.  Le courtier ou le dirigeant d'agence ne doit pas faire d'exagération, de dissimulation ou de fausse déclaration lorsqu'il fournit des renseignements ou des documents lors d'une inspection, d'une enquête tenue par le syndic ou le syndic adjoint, par le service d'assistance ou par le comité d'indemnisation ou lors d'une procédure de médiation, d'arbitrage ou de conciliation menée par l'Organisme.»

(nos soulignements)

 

[39]    Dans un premier temps, le Comité est d’avis que la preuve documentaire déposée dans le présent dossier démontre à elle seule la commission par l’intimé des trois (3) infractions reprochées.

 

[40]    Cette preuve prépondérante, jumelée avec l’absence d’une véritable défense, a convaincu le Comité que l’intimé avait enfreint ses obligations déontologiques.

 

Le chef no 1

 

[41]    Suivant la preuve documentaire, il est manifeste que l’intimé a reçu l’acompte de 50 000 $ de M. Huai dans le cadre de ses fonctions de courtier immobilier et que cette somme ne lui appartenait pas.

 

[42]    Dans le contexte de la transaction projetée, l’intimé devait s’assurer que cette somme soit déposée dans le compte en fidéicommis de Royal Lepage du Quartier. De plus, l’argument soutenu en défense à l’effet que la pièce P-10 ne mentionnait pas que la traite devait être libellée au nom de Royal Lepage du Quartier in trust ne peut tenir.

 

[43]    En effet, permettre un tel raisonnement serait contraire à l’article 10 de la Loi sur le courtage immobilier. Or, il est clair que les parties à un contrat ne peuvent convenir de déroger à une disposition législative d’ordre public qui vise la protection du public[9].

 

[44]     Quant à la prétention de l’intimé qu’il s’agissait d’une transaction commerciale[10], soulignons que les règles déontologiques ont préséance sur les règles du droit civil.

[45]    Sur cette question, il convient de citer l'arrêt Tremblay c. Dionne[11] et plus particulièrement les passages suivants:

[42]   D'abord, le droit disciplinaire est un droit sui generis (Code des professions, art. 59.2 et 152; Béchard c. Roy, reflex, [1975] C.A. 509; Béliveau c. Avocats (Corporation professionnelle des), [1990] D.D.C.P. 247 (T.P.), requête en révision judiciaire rejetée, Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, C.S., Mtl, no reflex, 500-05-004734-917, 24 mai 1991, J.E. 91-1508, confirmé par 1992 CanLII 3299 (QC CA), [1992] R.J.Q. 1822, à la p. 1825 (C.A.), autorisations de pourvoi à la C.S.C. rejetées avec dépens, [1993] 1 R.C.S. v; Mario GOULET, Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Cowansville, Yvon Blais, 1993, p. 23) qui obéit à ses propres règles, empruntées parfois au droit pénal, parfois au droit civil (Guy PÉPIN, « Concordances et dissonances entre les fautes civile et déontologique », Les journées Maximilien-Caron 1994, Le défi du droit nouveau pour les professionnels, Montréal, Thémis, 1995, p. 107). En droit disciplinaire, « la faute s'analyse comme la violation de principes de moralité et d'éthique propres à un milieu et issus de l'usage et des traditions » (Yves OUELLETTE, « L'imprécision des codes de déontologie professionnelle », (1977) 37 R. du B. 669, p. 670). Ensuite, les lois d'organisation des ordres professionnels sont des lois d'ordre public, politique et moral ou de direction qui doivent s'interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés (Pauzé c. Gauvin, 1953 CanLII 65 (SCC), [1954] R.C.S. 15; Fortin c. Chrétien, 2001 CSC 45 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 500, paragr. 8 et 21; Coté c. Rancourt, 2004 CSC 58 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 248, paragr. 10; J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2005, p. 211 et suiv., no 144). Ainsi, pour analyser le comportement de l'intimé sur le plan déontologique, il faut se reporter non seulement à la Loi sur les ingénieurs précitée, mais aussi aux normes contenues au CDI adopté conformément à l'article 87 du Code des professions. Ces normes s'inscrivent dans l'objectif de protection du public prévue à l'article 23 de ce Code et visent à « maintenir un standard professionnel de haute qualité » à son endroit (Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins, [1995] R.D.J. 301 (C.A.)). Conformément à cet objectif, ces textes législatifs et réglementaires ont préséance sur les termes d'un contrat ou d'une règle ou pratique administrative et doivent recevoir une application large (Loi d'interprétation, L.R.Q., c. I-16, art. 41). Les normes déontologiques ne visent pas à protéger l'ingénieur, mais bien le public. »

(nos soulignements)

 


Le chef no 2

 

[46]    Quant à ce chef, le Comité est d’avis que l’intimé, par ses réticences et ses demi-vérités, l’intimé a tenté de laisser croire au plaignant qu’il n’avait pas déposé la somme de 50 000 $ dans le compte courant de son entreprise. Encore une fois, la preuve documentaire à l’appui de ce chef démontre clairement que l’intimé « a pris » ladite somme puisque celle-ci a été déposée dans le compte de banque d’exploitation de son entreprise. Ce compte d’exploitation sert notamment à faire les transactions bancaires courantes de l’entreprise exploitée par l’intimé.

 

[47]     Le Comité ne retient pas comme concluante la version de l’intimé lorsqu’il déclare au Comité qu’il voulait dire à M. Gardner qu’il n’a pas bénéficié de l’argent de M. Huai.

 

[48]    De l’avis du Comité, l’intimé ne pouvait affirmer ce qui précède à M. Gardner puisqu’il est clair que son entreprise a profité de ladite somme de 50 000 $ car celle-ci s’est retrouvée dans le fonds de roulement de son agence avec d’autres sommes appartenant à celle-ci. Que l’intimé soit actionnaire minoritaire ou majoritaire ne change rien à la proposition qui précède. De plus, l’intimé était l’un des signataires autorisés à la banque relativement au compte courant dans lequel le dépôt fut effectué.

 

[49]    Ainsi, dès le dépôt bancaire, le caractère fongible de l'argent a fait en sorte que le dépôt de M. Huai a été confondu avec d'autres sommes appartenant à l’agence.

 

[50]    Il s’en suit qu’en cas de faillite de Royal Lepage du Quartier, la somme déposée dans le compte bancaire de cette dernière et appartenant à M. Huai serait un bien du failli et ferait également partie de la masse et du gage commun des créanciers[12].

 

[51]    C’est notamment pour cette raison que la Loi sur le courtage immobilier prévoit à son article 10 que le dépôt « de toute somme » doit être effectué dans le compte en fidéicommis d’un titulaire de permis.

 

Le chef no 3

 

[52]    La demande d’amendement de Me El fatih visant à rajouter comme article de rattachement l’article 22 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité sera accordée.

 

[53]    Le chef no 3 vise la situation d’un courtier qui souhaite acheter un immeuble pour lequel il détient un contrat de courtage.

 

[54]    Or, dans la présente affaire, le Comité partage entièrement l’avis de la partie plaignante que l’intimé a non seulement failli à son obligation de réellement mettre en marché l’immeuble de M. Turcot afin qu’il soit vendu à un tiers, mais que l’intimé a uniquement agi en fonction de ses propres intérêts.  

 

[55]    La preuve présentée de part et d’autre établit clairement que la promesse d’achat présentée par l’intimé et ses partenaires visait essentiellement à appuyer la demande de permis que l’intimé voulait présenter au CRTC.

 

[56]    Ce faisant, l’intimé a préféré ses propres intérêts à ceux de M. Turcot qui devait vendre rapidement l’immeuble compte tenu des procédures judiciaires instituées contre lui.

 

[57]    Qui plus est, l’intimé lui-même reconnaît qu’il est dans une situation de conflit d’intérêts[13] lorsqu’il rédige l’avis de divulgation requis en vertu de l’article 18 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

[58]    En terminant sur cette question, le Comité fait sien l’extrait ci-après d’une décision du Comité présidé par Me de Niverville dans l’affaire OACIQ c. Turenne[14], à savoir :

 

 « [67] En guise de conclusion, le Comité tient à souligner que le présent dossier constitue l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire lorsqu’un courtier immobilier procède à la vente de sa propre résidence;

[68] Un courtier doit alors redoubler de vigilance et s’assurer de suivre à la lettre les diktats de la loi et des règlements surtout en présence d’acheteurs pointilleux qui cherchent à tirer profit de cette situation pour le moins périlleuse où le courtier joue à l’équilibriste entre, d’une part, la protection de ses intérêts financiers et, d’autre part, le respect de ses obligations déontologiques;

[69] D’ailleurs, contrairement à d’autres professions , l’article 18 du Règlement  impose des obligations au courtier «qu’il soit ou non dans l’exercice de ses fonctions» , cela dénote l’intention du législateur de protéger le public sans égard au contexte dans lequel la transaction pourrait être conclue;

[70] Bref, le courtier doit non seulement éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts mais il doit également éviter toute forme d’apparence de conflit d’intérêts susceptible de porter atteinte à son image et à celle de la profession en général;

[71] Sans en faire une règle absolue, le Comité estime que pour ce genre de transaction, il est préférable de confier la vente de l’immeuble à une autre agence et de mandater un courtier indépendant, évitant ainsi de prêter flanc à la critique et aux plaintes disciplinaires qui peuvent en résulter; »

(nos soulignements)

 

[59]    Tout comme dans la précédente affaire, le Comité est d’opinion que l’intimé aurait dû redoubler de vigilance et s’abstenir d’agir comme courtier immobilier relativement à la vente de l’immeuble de M. Turcot. Bref, non seulement l’intimé pouvait éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts, mais dans les circonstances de cette affaire, il devait le faire.

 

 

VI.       Conclusion

 

[60]    Quant au chef no 1, l’intimé sera donc reconnu coupable sous ce chef d’avoir contrevenu à l’article 10 de la Loi sur le courtage immobilier et un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé sur les autres dispositions législatives et règlementaires à l’appui de ce chef.

 

[61]    Relativement au chef no 2, l’intimé sera trouvé coupable  d’avoir contrevenu à l’article 106 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

[62]    Finalement et quant au chef no 3, l’intimé sera reconnu coupable d’avoir enfreint l’article 2 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité  et un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé sur les autres dispositions règlementaires à l’appui de ce chef.

 

[63]    Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé sera donc trouvé coupable sur chacun des chefs de la plainte.

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 10 de la Loi sur le courtage immobilier;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 106 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 3 pour avoir contrevenu à l’article 2 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation;

RÉITÈRE l’ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion rendue séance tenante relativement aux renseignements personnels contenus aux pièces P-12, P-13, P-14 et P-15 en vertu des articles 39 du Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ[15] et 95 de la Loi sur le courtage immobilier[16];


DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

 

 

____________________________________

Mme Anouk Vidal, courtier immobilier

Membre        

 

 

____________________________________

M. Mario Lamirande, courtier immobilier

Membre

 

Me Laurence Rey El fatih

Procureure de la partie plaignante

 

Me Danielle Oiknine

Procureure de la partie intimée

 

 

Date d’audience: 12 et 13 janvier 2015

 



[1] Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ, RLRQ, C-73.2, r 6;

[2] Loi sur le courtage immobilier, LRQ, c C-73.2;

[3] Cette objection sera retirée par Me Oiknine plus tard au cours de l’instruction du dossier;

[4] 2011 QCTP 228 (CanLII);

[5] La clause 8.1 stipule entre autres : « This offer is conditional to the 30 days cancellation of the first offer accepted by the seller. »;

[6] Voir à ce sujet P-33, à la page 12 lignes 19 à 24;

[7] Voir la pièce P-19 ou Reva c. Huai, 2012 QCCS 3797;

[8] Voir la pièce P-25;

[9] OACIQ c. Langlois, 2012 QCCS 1901 (CanLII), confirmé par 2014 QCCA 77 (CanLII);

[10] «It was a commercial deal » comme l’a dit le procureur de l’intimé;

[11] 2006 QCCA 1441;

[12] Groupe Sutton-Royal inc. (Syndic de), 2013 QCCS 5934;

[13] Voir la pièce P-25;

[14] OACIQ c. Turenne, 2014 CanLII 69404 (QC OACIQ);

 

[15] Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ, RLRQ, C-73.2, r 6;

[16] Loi sur le courtage immobilier, LRQ, c C-73.2;

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.