[1] Les appelantes, l’Association pour la protection automobile (APA) et Cathy Meilleur, portent en appel le jugement du 29 avril 2019 de la juge Chantal Lamarche de la Cour supérieure, district de Montréal, autorisant, en partie seulement, une action collective contre les intimées la Banque de la Nouvelle-Écosse et la Banque de Montréal en lien avec les frais d’administration facturés par ces dernières dans le cadre de contrats de vente à tempérament d’un bien mobilier et rejetant cette même action collective à l’égard de l’intimée la Fédération des Caisses Desjardins du Québec.
[2] Pour leur part, la Banque de la Nouvelle-Écosse et la Banque de Montréal se portent appelantes incidentes à l’encontre dudit jugement afin de faire rejeter la demande d’autorisation de l’action collective.
[3] Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Healy et Sansfaçon, LA COUR :
[4] REJETTE l’appel de l’Association pour la protection automobile (APA) et de Cathy Meilleur à l’égard de la Banque de la Nouvelle-Écosse et de la Banque de Montréal, avec frais de justice;
[5] REJETTE les appels incidents de la Banque de la Nouvelle-Écosse et de la Banque de Montréal, avec frais de justice;
[6] ACCUEILLE en partie l’appel de l’Association pour la protection automobile (APA) et de Cathy Meilleur à l’égard de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec, avec frais de justice;
[7] MODIFIE le jugement du 29 avril 2019 de la Cour supérieure comme suit :
(a) en ajoutant au paragraphe [144] dudit jugement les mots « et la Fédération des Caisses Desjardins du Québec (« Fédération Desjardins ») » après les mots « Banque de Montréal (« BMO ») » et les mots « ou à la Fédération Desjardins » après les mots « ou à la BMO »;
(b) en ajoutant au paragraphe [145] dudit jugement les mots « ou la Fédération Desjardins » après les mots « ou la BMO » chaque fois qu’ils apparaissent dans ce paragraphe;
(c) en ajoutant au paragraphe [146] dudit jugement les mots « et la Fédération Desjardins » après les mots « et la BMO » chaque fois qu’ils apparaissent dans ce paragraphe;
(d) en ajoutant au paragraphe [147] dudit jugement les sous-paragraphes b1) et e1) suivants :
d1) CONDAMNER la
défenderesse Fédération des Caisses Desjardins du Québec à payer aux Membres du
Groupe qui sont liés par un contrat de vente à tempérament de biens mobiliers avec
elle (collectivement les « Membres
du Groupe Desjardins »), l'excédent des frais d'administration, sous
quelque forme que ce soit, qui dépasse le
coût réel encouru par cette défenderesse en raison des frais qu’exige le
gouvernement ou un tiers en relation avec l'inscription d'un droit de réserve de propriété au RDPRM ou
l'administration de tel contrat au cours de la période allant du 11 juillet
2015 au 29 avril 2019, le tout avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
e1) CONDAMNER la défenderesse Fédération des Caisses Desjardins du
Québec à payer aux Membres du Groupe Desjardins faisant partie du Groupe
Consommateur (collectivement les « Membres du Groupe Consommateur Desjardins »)
la somme de 100,00 $ à titre de dommages punitifs, le tout avec intérêts
au taux légal, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
(e) en ajoutant au paragraphe [151] dudit jugement, les mots « et la Fédération des Caisses Desjardins du Québec » après les mots « et à la Banque de Montréal ».
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MOTIFS DU JUGE MAINVILLE |
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[8] L’Association pour la protection automobile (APA) et Cathy Meilleur (collectivement désignées « APA ») portent en appel le jugement du 29 avril 2019 de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Chantal Lamarche)[1], autorisant, en partie seulement, une action collective contre la Banque de la Nouvelle-Écosse (« BNE ») et la Banque de Montréal (« BMO ») en lien avec les frais d’administration facturés par ces dernières dans le cadre de contrats de vente à tempérament d’un bien immobilier et rejetant cette même action collective à l’égard de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec (« Fédération Desjardins »).
[9] Pour leur part, la BNE et la BMO, sur permission[2], forment chacune un appel incident à l’encontre dudit jugement afin de faire rejeter, à leur égard et dans tous ses aspects, la demande d’autorisation de l’action collective.
LE CONTEXTE
[10] Par la Demande modifiée pour autorisation d’exercer une action collective et pour être représentante dans sa dernière version du 1er mars 2019 (la « demande d’autorisation »), l’APA cherche à être autorisée à entreprendre une action collective contre la BNE, la BMO et la Fédération Desjardins pour l’ensemble des personnes qui ont contracté au Québec soit un contrat de vente à tempérament, soit un contrat de location d'un bien mobilier avec ces institutions financières et qui ont dû payer des frais, sous quelque forme que ce soit, en lien avec l’administration du contrat.
[11] La demande d’autorisation propose deux groupes, l’un formé de l’ensemble des cocontractants des institutions financières concernées qui peuvent invoquer les dispositions du Code civil du Québec (« C.c.Q »), l’autre formé du sous-groupe des cocontractants qui peuvent invoquer les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur (« L.p.c. »)[3]. Les groupes envisagés sont décrits comme suit à la demande d’autorisation[4] :
Groupe principal
« Toutes les personnes physiques, personnes morales de droit privé, sociétés ou associations ou autres groupes sans personnalité juridique (individuellement un « Membre » ou collectivement les « Membres ») ayant contracté au Québec qui sont liés par un contrat de vente à tempérament ou un contrat de location d'un bien mobilier avec l'une ou l'autre des Défenderesses et qui ont dû payer des frais d'administration sous quelque forme que ce soit en relation avec l'inscription d'un droit de réserve de propriété ou d'un droit résultant d'un bail au Registre des droits personnels et réels mobiliers et/ou en relation avec l'administration desdits contrats en vertu de tout tel contrat, et ce, pour la période, (la « Période Visée ») allant du 11 juillet 2015 jusqu'à la date du jugement final au mérite inclusivement ».
Groupe consommateur
« Toutes les personnes physiques ayant contracté au Québec (individuellement un « Membre Consommateur » ou collectivement les « Membres Consommateurs ») qui sont liées par un contrat de vente à tempérament ou un contrat de location d'un bien mobilier avec l'une ou l'autre des Défenderesses et qui ont dû payer des frais d'administration sous quelque forme que ce soit en relation avec l'inscription d'un droit de réserve de propriété ou d'un droit résultant d'un bail au Registre des droits personnels et réels mobiliers et/ou en relation avec l'administration desdits contrats en vertu de tout tel contrat et ce, pour la période (la « Période Visée ») allant du 11 juillet 2015 jusqu'à la date du jugement final au mérite inclusivement ».
[12]
L’APA identifie les principales questions de fait et de droit en cause
comme portant sur la responsabilité des institutions financières concernées en
regard des frais d’administration qu’elles réclament en vertu de ces contrats,
lesquels (a) contreviendraient aux dispositions du Code civil du Québec portant
sur la bonne foi et l’abus de droit; et (b) contreviendraient aussi, notamment,
aux dispositions de l’article
Pour le Groupe Principal
a) Les Défenderesses ont-elles contrevenu, entre autres, aux articles 6, 7, 1375 et/ou 1437 C.c.Q. relativement aux frais d'administration exigés aux Membres du Groupe Principal pour l'inscription d'un droit de réserve de propriété ou d'un droit résultant d'un bail au Registre des droits personnels et réels mobiliers et/ou pour administrer le contrat?
b) Les Défenderesses ont-elles commis une ou des fautes génératrices de responsabilités envers les Membres du Groupe Principal?
c) Dans l'affirmative, quels sont les dommages auxquels les Membres du Groupe Principal ont droit?
Pour le Groupe Consommateur
a) Les
Défenderesses ont-elles contrevenu, entre autres, à l'article
b) Les Défenderesses ont-elles commis une ou des fautes génératrices de responsabilités envers les Membres du Groupe Consommateur?
c) Dans l'affirmative, quels sont les dommages auxquels les Membres du Groupe Consommateur ont droit?
d) Les Membres du Groupe Consommateur ont-ils droit à des dommages punitifs à raison de 100,00$ par Membre de la part des Défenderesses?
[13] Les principales conclusions recherchées par l’APA sont de deux types, soit (a) le remboursement de l’excédent des frais d’administration ainsi chargés qui dépasse le coût réel encouru par les institutions financières concernées en relation avec l’administration des contrats en cause; et (b) 100 $ par consommateur comme dommages punitifs. Les principales conclusions en regard de la BNE sont décrites ainsi dans la demande d’autorisation[6] :
CONDAMNER la
Défenderesse Banque de Nouvelle-Écosse à payer aux Membres du Groupe qui sont
liés par un contrat de vente à tempérament ou un contrat de location de bien
mobilier avec elle ( collectivement les « Membres du Groupe Scotia »)
l'excédent des frais d'administration, sous quelque forme que ce soit, qui dépasse le coût réel encouru par cette Défenderesse
en relation avec l'inscription d'un droit de
réserve de propriété ou d'un droit résultant
d'un bail au Registre des droits personnels et réels mobiliers et/ou en
relation avec l'administration desdits contrats en vertu de tout tel contrat au
cours de la période allant du 11 juillet 2015 à la date du présent jugement
inclusivement, le tout avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
CONDAMNER la
Défenderesse Banque de Nouvelle-Écosse à payer aux Membres du Groupe Scotia
faisant partie du Groupe Consommateur (collectivement les « Membres du
Groupe Consommateur Scotia ») la somme de 100,00 $ à titre de dommages
punitifs, le tout avec intérêt au taux légal plus l'indemnité additionnelle
prévue à l'article
Puisque les conclusions envisagées à l’égard de la BMO et de la Fédération Desjardins sont identiques à celles visant la BNE, il n’y a pas lieu de les reproduire.
[14] L’action collective envisagée repose sur les contrats de la BNE, de la BMO et de la Fédération Desjardins qui prévoient des réclamations en lien avec des frais d’administration de contrat, dont :
(a) le contrat de vente à tempérament de la BNE de 2017, pièce P-5D, qui prévoit que pour un financement de 35 808,96 $ sur 96 mois pour une automobile, la BNE facture 38,00 $ pour les droits de publication d’une sûreté au Registre des droits personnels et réels mobiliers (« RDPRM ») et 72,78 $ en frais d’administration de contrat, lesquels s’ajoutent aux intérêts de 3 179,14 $, pour des frais totaux de crédit de 3 289,92 $ ou 2,13 % annuellement;
(b) le contrat de vente à tempérament de la BMO de 2016, pièce P-7B, qui prévoit que pour un financement de 41 817,89 $ sur 84 mois pour une automobile, la BMO facture 106,17 $ en frais, comprenant 56,17 $ pour les frais d’inscription au RDPRM et les frais du tiers qui procède à cette inscription pour la banque et aussi des frais additionnels de 50 $ imputés pour le traitement du contrat. Lorsque ces frais sont ajoutés aux intérêts, les frais totaux de crédit sont de 2 365,75 $ ou 1,60 % annuellement;
(c) le contrat de vente à tempérament de la Fédération Desjardins de 2016, pièce P-11, qui prévoit que pour un financement de 23 811,38 $ sur 181 « quinzaines » (environ 7 ans) pour une automobile, la Fédération Desjardins facture 77 $ pour les frais d’inscription au RDPRM, les frais de transmission électronique audit registre et les frais de préparation de la réquisition d‘inscription. Lorsque ces frais sont ajoutés aux intérêts, les frais totaux de crédit sont de 3 570,52 $ ou 4,08 % annuellement.
LE JUGEMENT D’AUTORISATION
[15]
Même si cet article n’est pas précisément invoqué dans sa demande
d’autorisation, l’APA associe étroitement l’article
[16]
La juge rejette cette prétention en se fondant, notamment, sur l’arrêt
de la Cour dans Dion c. Compagnie de services de financement automobile
Primus Canada[7],
lequel conclut que l’article
[17] Puisque les contrats de la BNE, de la BMO et de la Fédération Desjardins indiquent tous que les frais d’administration qui sont facturés comprennent d’autres composantes que les frais du RDPRM, la juge est aussi d’avis que l’action collective envisagée n’a aucune chance de succès fondée sur le moyen invoquant l’article 12 L.p.c.[10].
[18]
La juge se tourne ensuite vers le moyen de l’APA fondé sur le caractère
abusif des frais d’administration facturés, invoquant l’article
[19] L’APA soutient que les frais d’administration en cause sont abusifs et disproportionnés si on les compare soit à ceux facturés antérieurement par les institutions financières en cause, soit à ceux facturés par d’autres prêteurs. Les institutions financières concernées soutiennent plutôt que le caractère abusif ou disproportionné des frais d’administration doit être évalué à la lumière de l’ensemble des dispositions des contrats. Pour ces dernières, puisque les frais d’administration contestés sont minimes par rapport à l’ensemble des obligations respectives des parties énoncées dans les contrats, on ne peut raisonnablement conclure qu’ils sont abusifs ou disproportionnés.
[20] Analysant la preuve au dossier, la juge de première instance conclut que les frais d’administration liés au RDPRM et à ceux facturés par des tiers pour compléter l’enregistrement à ce registre « ne peuvent être qualifiés d’abusifs puisqu’il n’y a aucun profit pour les défenderesses »[11]. Il s’agit de coûts réels encourus sans marge de profit et qui échappent manifestement à la portée de l’action collective envisagée, laquelle ne vise que l’excédent des coûts réels encourus par les institutions financières au titre des frais d’administration.
[21] Toutefois, ces frais d’administration comportent aussi d’autres composantes pour lesquelles ni la BNE ni la BMO n’ont fourni des informations quant aux coûts réels assumés par celles-ci. Dans ces circonstances, la juge n’écarte pas la possibilité que les montants facturés en lien avec ces autres composantes soient excessifs par rapport aux coûts réels encourus[12].
[22] Par contre, la juge est d’avis que ce n’est pas le cas pour la Fédération Desjardins. Selon la juge, cette dernière a produit une preuve suffisante pour permettre de conclure, au stade de l’autorisation, que les frais d’administration facturés qui ne seraient pas liés à des coûts réels encourus seraient de moins de 3 $ en tout, ce qui ne saurait constituer des frais abusifs ou disproportionnés pour un contrat de financement d’une durée d’environ sept ans[13].
[23] La juge refuse aussi d’autoriser l’action collective en lien avec des contrats de location, car aucun contrat de ce type n’a été produit par l’APA et il n’existe aucune assise factuelle à l’appui des prétentions de l’APA en regard de ce type de contrat[14].
[24] L’action collective finalement autorisée par la juge ne porte donc que sur les contrats de vente à tempérament de la BNE et de la BMO et ne concerne que l’excédent des frais d’administration qui dépassent les coûts réels encourus par ces dernières[15]. S’y ajoute la réclamation pour les dommages punitifs en lien avec la violation alléguée de la L.p.c.[16].
LES QUESTIONS EN APPEL
[25] Bien que l’APA, la BNE et la BMO soulèvent diverses questions dans leurs appels et appels incidents respectifs, celles-ci se recoupent et s’entrecroisent. Il y a lieu de les regrouper comme suit :
(1) La juge de
première instance a-t-elle erré en rejetant les causes d’action collective
fondées sur les articles
(2) A-t-elle
erré en autorisant les causes d’action collective fondées sur l’article
(3) A-t-elle erré en rejetant l’action collective à l’égard de la Fédération Desjardins?
ANALYSE
[26] Il est bien établi qu’au stade de la demande d’autorisation d’une action collective, il y a simplement lieu de vérifier s’il existe une cause défendable, en tenant compte du droit applicable et des faits énoncés dans la demande, lesquels sont tenus pour avérés[17]. À ce stade, le tribunal exerce uniquement une fonction de filtrage des demandes afin d’écarter les recours insoutenables ou frivoles et ne procède pas à un examen anticipé du fond du dossier[18].
[27] En ce qui concerne la norme d’intervention en appel, la Cour n’interviendra qu’en présence d’une erreur de droit, d’une appréciation manifestement mal fondée des conditions d’autorisation énoncées dans la loi ou encore, si la juge excède son rôle au stade de l’autorisation[19].
[28] C’est avec ces principes à l’esprit que j’aborderai l’analyse.
Première
question : les causes d’action fondées sur les articles
[29]
L’APA ne conteste pas directement le bien-fondé en droit de
l’interprétation de la juge de première instance quant à l’application de
l’article
[30]
L’article
12. Aucuns frais ne peuvent être réclamés d’un consommateur, à moins que le contrat n’en mentionne de façon précise le montant. |
12. No costs may be claimed from a consumer unless the amount thereof is precisely indicated in the contract. |
[31] À sa face même, le texte de l’article exige que les frais réclamés soient mentionnés de façon précise. Dans le cadre d’un contrat de financement, la Cour a déjà précisé que lorsque les frais réclamés sont minimes par rapport à la valeur totale du contrat et que le commerçant indique clairement dans le contrat la raison d’être de ces frais, il n’est pas nécessaire de ventiler entre chacune de ses composantes.
[32] Ainsi, dans l’affaire Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada[20], à laquelle réfère la juge de première instance, diverses actions collectives avaient été entreprises contre des sociétés de financement d’achats de véhicules automobiles afin de réclamer pour les consommateurs le remboursement des frais réclamés par ces sociétés en lien avec les droits du RDPRM et les frais des tiers qui procédaient à l’enregistrement dans ledit registre. L’action collective invoquait que les frais réclamés étaient trompeurs, car la rédaction des contrats pouvait laisser entendre qu’il s’agissait entièrement de droits prescrits par la loi aux fins du RDPRM, alors que les frais réclamés comprenaient à la fois les droits du registre et les frais des tiers qui procédaient à l’enregistrement.
[33] Le juge Schrager, rédigeant les motifs de la Cour, s’est exprimé comme suit à cet égard[21] :
[60] The trial judge decided that the law does not require, per se,
that “Autres composantes” in “Frais de crédit” be broken-down or sub-divided.
Indeed, there are many items that can fall thereunder (as provided in Section
[61] In answer to the Consumers’ submission, I believe that the judge’s
reading of Section
[Soulignement dans l’original; renvoi omis]
[34]
Il n’est donc pas nécessaire de ventiler toutes les composantes des
frais réclamés dans la mesure où le contrat n’est pas trompeur et indique
clairement que ces frais visent aussi d’autres composantes que les droits du
RDPRM. Bien que cet arrêt ait été décidé en application de l’article
[35] Ainsi, considérant le montant minime des frais d’administration réclamés respectivement par la BNE, la BMO et la Fédération Desjardins par rapport à l’ensemble des obligations énoncées dans les contrats en cause dans la présente affaire, la ventilation de ces frais en fonction des diverses composantes qu’ils couvrent n’ajouterait aucune information utile pour le consommateur et serait, au contraire, plutôt de nature à le confondre avec une série de coûts divers qui seraient eux-mêmes susceptibles d’être à leur tour ventilés.
[36]
Dans ces circonstances, la juge de première instance était en droit de
conclure que ce volet de l’action collective envisagée ne pouvait être
autorisé. Ce faisant, elle n’outrepassait pas son rôle au stade de
l’autorisation. Elle devait examiner les allégations de la demande
d’autorisation et le droit qui s’applique au litige afin de déterminer si les
faits allégués dans l’action collective envisagée paraissaient justifier en
droit les conclusions recherchées[22].
Cet exercice de filtrage lui permettait de déterminer si le recours envisagé
était manifestement mal fondé[23].
Il lui était ainsi loisible de statuer sur une question de droit si le sort de
l’action collective projetée en dépendait[24].
Il ne s’agit pas là d’une simple formalité[25].
La juge pouvait donc procéder comme elle l’a fait en regard de l’application de
l’article
[37]
L’APA soutient aussi que la juge aurait omis de se prononcer sur les
articles
[38]
Cela dit, même si la juge avait analysé séparément les causes
d’action fondées sur les articles
[39] Dans le contexte de la présente affaire, il serait frivole de soutenir que la ventilation des frais minimes en cause aurait pu avoir un effet déterminant sur la volonté des cocontractants de conclure ces contrats, d’autant plus que ces frais sont inclus dans le calcul des frais de crédit, lequel est l’élément déterminant de comparaison pour le cocontractant avisé.
[40]
Dans leurs contrats, la BNE, la BMO et la
Fédération Desjardins ont inclus les frais d’administration dans le calcul des
frais de crédit, tant en les ajoutant au montant total des frais de crédit
qu’en les incluant aux fins du calcul du pourcentage annuel du taux de crédit. Cette
façon de faire découle de l’article
[41] Cette exigence législative vise précisément à informer correctement le consommateur sur le crédit qui lui est facturé. Les frais de crédit deviennent ainsi un outil de comparaison utile permettant un choix éclairé entre les diverses propositions de financement qui pourraient se présenter, sans égard aux diverses façons dont les institutions financières structurent leurs contrats de crédit respectifs. Dans ces circonstances, l’obligation d’information fondée sur celle de bonne foi est satisfaite.
[42]
Il n’y a donc pas lieu de retenir les moyens d’appel fondés sur les
articles
Deuxième question :
les causes d’action fondées sur l’article
[43]
L’article
1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible. |
1437. An abusive clause in a consumer contract or contract of adhesion is null, or the obligation arising from it may be reduced. |
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci. |
An abusive clause is a clause which is excessively and unreasonably detrimental to the consumer or the adhering party and is therefore contrary to the requirements of good faith; in particular, a clause which so departs from the fundamental obligations arising from the rules normally governing the contract that it changes the nature of the contract is an abusive clause. |
8. Le consommateur peut demander la nullité du contrat ou la réduction des obligations qui en découlent lorsque la disproportion entre les prestations respectives des parties est tellement considérable qu’elle équivaut à de l’exploitation du consommateur, ou que l’obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante. |
8. The consumer may demand the nullity of a contract or a reduction in his obligations thereunder where the disproportion between the respective obligations of the parties is so great as to amount to exploitation of the consumer or where the obligation of the consumer is excessive, harsh or unconscionable. |
[44] La BNE et la BMO soutiennent que le caractère abusif ou disproportionné des frais d’administration en cause doit s’évaluer en fonction du contrat considéré globalement. Puisque ces frais d’administration font partie des frais de crédit et puisque les frais de crédit sont manifestement raisonnables - soit 2,13 % annuellement pour la BNE et 1,6 % annuellement pour la BMO - les prétentions de l’APA quant au caractère abusif ou disproportionné des frais d’administration compris dans les frais de crédit seraient vouées à l’échec.
[45]
Ce syllogisme ne peut être retenu en regard de l’article
[46]
L’article
[47] Il n’y a donc pas lieu de confondre deux analyses distinctes, l’une portant sur le caractère lésionnaire du contrat dans son ensemble, l’autre sur le caractère abusif ou disproportionné de l’une de ses stipulations.
[48]
Quant à l’article
[49] La lésion subjective permet à un consommateur d’invoquer le caractère abusif des obligations que lui impose le contrat : « en somme il prétend alors que le contrat est pour lui, dans les circonstances et même s'il n'y a pas nécessairement de disproportion entre les obligations, un fardeau financier excessif, une source d'embarras, une transaction inutile et trop onéreuse »[35]. Compte tenu de sa nature, le recours fondé sur la lésion subjective est peu propice à une action collective, comme le soulignait le juge Dussault dans l’arrêt Riendeau c. Cie de la Baie d’Hudson[36] :
[28] Les recours en lésion objective et subjective n’obéissent donc pas aux
mêmes règles juridiques. Si, comme le prétend l’intimée, ce sont les
règles propres aux recours en lésion subjective qui gouvernent l’appelante, sa
demande d’autorisation d’exercer un recours collectif est vouée à l’échec puisque
le tribunal a l’obligation d’examiner les circonstances propres à chaque
cas. Par contre, si elle peut intenter un recours collectif en lésion
objective, il est possible qu’elle satisfasse la première condition posée par
l’article
[50] Aux fins des présentes, c’est donc de la lésion objective qu’il doit être question. Pour pouvoir conclure à une lésion objective, deux critères doivent être satisfaits : premièrement, l'existence d'une disproportion entre la valeur des prestations respectives des parties au contrat de consommation, et deuxièmement, la constatation que cette disproportion est considérable[37].
[51] Bien qu’il puisse être possible dans certaines circonstances d’évaluer la lésion objective au stade de l’autorisation d’une action collective, encore faut-il qu’une preuve adéquate en soit faite à ce stade. Le juge Kasirer, alors à la Cour, résumait le dilemme comme suit dans l’arrêt Sibiga portant sur des frais d’itinérance en lien avec des services de téléphonie[38] :
[64] Just because a merchant offers one service at a low price does not mean that the high price he or she charges for another service at the same time is not exploitative. Moreover, the international roaming fees are “optional and accessory”, and the fees are billed as an add-on to basic monthly payments. Only at trial, when all the pricing of the different elements of the contract are properly in view, can the defence of the relative price of roaming fees as against other services contracted for by the appellant and other consumers be fully measured.
[…]
[73] The key problem facing the appellant in her effort to establish an arguable case for objective lesion is that, as is the case in many consumer actions, the appellant was not in a position to know, at this early stage, the amount or amounts of the wholesale cost of the wireless roaming service incurred by Fido or by any of the respondents.
[74] It is true that the appellant failed to bring direct proof of this base cost.
[75] The respondents produced affidavits and exhibits of their own at the authorization hearing but, not surprisingly, did not disclose the wholesale costs they face. Counsel for the appellant sought to obtain information relating to the costs of roaming services through an access to information application to the Canadian Radio and Television Commission (CRTC). This effort was unsuccessful: counsel was told that the CRTC does not possess information regarding the underlying costs because it does not require wireless service providers to file rates relating to international roaming services for approval. It was, of course, not the respondents’ burden to do so but, once again, their position is disingenuous. Had they made this information available to the first judge, he would have been in a position to evaluate the allegations of exploitation and abuse brought by the appellant on behalf of the class immediately. While it was not their burden to disprove the prima facie case, if the wholesale costs did reveal that the roaming prices were, as they suggest, not lesionary, the respondents might well have brought a quick and efficient end to the case rather than taking their chances in testing the appellant’s ability to show a prima facie case.
[76] As the appellant rightly observes, consumers very often face an informational imbalance when they allege objective lesion in that the merchant, and not the consumer, knows the wholesale cost of the good or service in issue. With respect, the judge did not sufficiently consider this fact. In consumer litigation generally, there are different ways in which courts have allowed consumer-plaintiffs to show, by indirect evidence, that the prices charged to them are exploitative based on a disparity between the consumer price and the wholesale price. These include market comparisons as well as other indicators. Such alternate means of proof should be considered by an authorization judge otherwise consumer class actions might never advance to trial.
[Soulignement ajouté; renvois omis]
[52] Dans la présente affaire, la juge de première instance pouvait constater l’ensemble des montants facturés dans les contrats contestés de la BNE et de la BMO étant donné que ceux-ci y étaient dénoncés dans la demande d’autorisation. Par contre, ni la BNE ni la BMO ne lui ont présenté une preuve complète quant à leurs coûts liés aux frais d’administration facturés dans ces contrats. Or, la juge a conclu que des contrats comparables auprès d’autres institutions financières tendaient à démontrer le caractère abusif des frais d’administration ainsi facturés aux consommateurs[39] :
[103] En l’espèce, la BNE ne fournit pas cette information dont parle la Cour
d’appel [dans Sibiga], soit ses propres coûts pour l’utilisation des
services d’un tiers pour l’inscription au RDPRM et pour l’administration du
Contrat de vente à tempérament, le cas échéant. Le Tribunal doit donc comparer
les frais de 72,78 $ aux frais de 4 $ à 12 $ chargés par les
autres commerçants et conclure que les demanderesses démontrent prima facie
une cause défendable à l’égard de l’article
[104] Quoique la BMO fournisse un peu plus d’information, le Tribunal retient de sa preuve qu’elle charge des frais en lien avec l’administration du Contrat de vente à tempérament d’environ 25 $ qui ne sont pas des frais que lui facturent des tiers alors que selon les comparables présentés par les demanderesses, les trois entreprises ne chargent aucuns frais en lien avec l’administration du contrat.
[105] Il semble donc exister une disproportion supérieure à celle rapportée par la Cour d’appel dans Sibiga.
[106] Le Tribunal estime que les demanderesses démontrent prima facie
une cause défendable à l’égard de l’article
[Renvois omis]
[53] Vu ces conclusions et compte tenu des enseignements de l’arrêt Sibiga, il n’y a pas lieu d’intervenir dans la décision de la juge d’autoriser le recours collectif à l’égard de la BNE et de la BMO.
Troisième question : le refus d’autoriser l’action collective à l’égard de la Fédération Desjardins
[54] Quant à la Fédération Desjardins, elle a effectivement soumis, au stade de l’autorisation, une preuve de ses coûts en lien avec les frais d’administration contestés. La juge a retenu cette preuve, mais son analyse à l’égard de celle-ci est laconique, sinon inexistante, n’en traitant pas vraiment dans son jugement. Ses seuls propos à cet égard sont les suivants[40] :
[99] En l’espèce, rappelons que les défenderesses facturent les frais suivants :
[…]
➢ La Fédération : 77 $ pour les frais de publication et de transmission électronique au RDPRM et les frais de préparation de la réquisition d’inscription. Selon la déclaration sous serment déposée par la Fédération, ces frais comprennent le Tarif gouvernemental de 37 $. L’excédent de 40 $ est pour la majeure partie composée de frais payés par la Fédération à des tiers pour différents services informatiques reliés à l’inscription au RDPRM. Le Tribunal considère que moins de 3 $ sont attribués à d’autres frais d’administration reliés au RDPRM.
[…]
[108] Connaissant les frais payés par la Fédération à des tiers, montant qu’elle refile aux consommateurs, le Tribunal évalue à moins de 3 $ les frais facturés aux consommateurs.
[109] Le Tribunal conclut que les demanderesses ne démontrent pas que ces frais de moins de 3 $ pour un contrat d’une durée de sept ans désavantagent le consommateur d’une manière excessive et déraisonnable ou encore qu’ils sont excessifs, abusifs ou exorbitants. La Fédération a certainement des coûts administratifs rattachés à l’administration de ces contrats, par exemple, le salaire des employés, dont la tâche est l’administration de ces contrats. De plus, la LPC ou le C.c.Q. ne lui interdit pas de faire quelques profits que ce soit.
[110] Le Tribunal estime que les demanderesses ne démontrent
pas que le critère du paragraphe
[Renvois omis]
[55] Sibiga nous enseigne qu’au stade de l’autorisation d’une action collective, un juge peut, dans certaines circonstances, permettre à une partie qui s’oppose à l’autorisation de présenter une preuve afin de contrer les prétentions à l’appui de la demande[41]. Cela étant, cette preuve ne doit pas être susceptible d’être contestée quant à sa véracité, sa portée ou sa force probante puisque, dans de telles circonstances, le juge qui agit au stade de l'autorisation se substituerait alors au juge du fond, ce qu’il ne peut pas faire.
[56] Les décisions de la Cour suprême et celles de cette Cour, prononcées depuis que le jugement de première instance fut rendu dans la présente affaire, apportent d’ailleurs des précisions importantes sur cette question qui, si elles avaient été connues de la juge de première instance, l’auraient sûrement menée à traiter autrement le dossier.
[57] Ainsi, bien que le juge Kasirer énonce dans Sibiga que la preuve de certains coûts peut être présentée par celui qui s'oppose à la demande au stade de l’autorisation, encore faut-il que cette preuve soit à la fois claire, certaine et déterminante. À cet égard, dans l’affaire Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin[42], le juge Kasirer, s’exprimant pour la majorité de la Cour suprême, laisse entendre que malgré qu’une preuve pertinente puisse effectivement être soumise par celui qui s’oppose à l’autorisation de l’action collective, une telle preuve ne doit pas mener à un débat sur sa suffisance[43].
[58] Cette approche concorde avec celle exprimée par le juge Brown pour les juges majoritaires dans l'arrêt L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J.[44] voulant qu’un juge doive, à l'étape de l'autorisation, éviter de se prononcer sur le bien-fondé de l’action collective envisagée en regard des faits[45] :
[55] Je n’en dirai pas davantage en l’espèce sur ces notions complexes
d’« organisations » ou de « corporations » religieuses,
d’« église » ou de « congrégation ». Certes, le tribunal peut
trancher une pure question de droit au stade de l’autorisation si le sort de
l’action collective projetée en dépend; dans une certaine mesure, il doit
aussi nécessairement interpréter la loi afin de déterminer si l’action
collective projetée est « frivole » ou « manifestement non
fondée » en droit : Carrier, par. 37; Trudel c. Banque
Toronto-Dominion,
[…]
[58] Le fardeau qui incombe au demandeur au stade de l’autorisation consiste
simplement à établir l’existence d’une « cause défendable » eu égard
aux faits et au droit applicable : Infineon, par. 65 et 67; voir
aussi Vivendi, par. 37; Marcotte c. Longueuil (Ville), par. 23.
Il s’agit d’un « seuil peu élevé » : Infineon, par. 66.
En effet, le demandeur n’a qu’à établir une simple « possibilité »
d’avoir gain de cause sur le fond, pas même une possibilité
« réaliste » ou « raisonnable » : Infineon,
par. 80, 100, 101, 130, 136 et 144; Charles, par. 70; Theratechnologies
inc. c. 121851 Canada inc.,
[59] Le juge Schrager, bien que dissident pour d’autres motifs dans l’affaire Godin c. Aréna des Canadiens inc.[46], s’exprime au même effet :
[54] Sans les reprendre un à la fois, je prends acte des jugements de la Cour cités avec approbation par le juge Brown. L’état du droit est donc tel qu’il est possible pour un juge siégeant au stade de l’autorisation d’une action collective de statuer sur une question d’interprétation statutaire. Toutefois, l’analyse devrait se limiter aux questions de droit ne requérant pas l’administration d’une preuve. En ce sens, les tribunaux doivent se garder de statuer ou d’analyser la preuve présentée puisque cette analyse devrait plutôt se faire sur le fond.
[Soulignement ajouté; renvoi omis]
[60] Ce constat fut récemment repris par le juge Sansfaçon dans Pilon c. Banque Amex du Canada[47], lequel énonce correctement et de façon plus précise l’état du droit applicable :
[12] Le juge peut, à l’étape de l’autorisation, statuer sur une question d’interprétation statutaire à la condition que l’analyse ne requière pas l’administration d’une preuve, étant entendu qu’il doit se garder de statuer ou d’évaluer la preuve présentée puisque cette analyse doit plutôt se faire sur le fond. Il peut cependant, lorsque cela est nécessaire pour trancher la question de droit et décider si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées, considérer ceux qui sont allégués par le requérant, lesquels sont alors tenus pour avérés. Le choix de statuer ou de plutôt déférer au juge du fond relève alors de la discrétion du juge.
[Soulignement ajouté; renvois omis]
[61] Cette approche a des conséquences sur la preuve que peut présenter une partie qui s’oppose à l’autorisation de l’action collective, comme l’a récemment souligné la juge Hogue dans Durand c. Subway Franchise Systems of Canada[48] :
[51] Cette preuve [soit celle déposée par la partie qui s’oppose à la demande d’autorisation] doit en effet être essentielle, indispensable et limitée à ce qui permet de démontrer sans conteste que les faits allégués sont invraisemblables ou faux. Elle ne doit pas avoir pour effet de forcer la tenue d’un débat contradictoire sur une question de fond ou, dit autrement, entraîner la tenue d’un procès avant le procès.
[52] Si la preuve déposée est susceptible d’être éventuellement contredite par le requérant, le juge de l’autorisation doit faire preuve de prudence et ne pas tenir pour acquis qu’elle est vraie. Il doit se rappeler qu’il ne doit tenir pour avérés que les faits allégués par le requérant et non pas ceux allégués par l’intimé, même lorsque la preuve produite par ce dernier démontre prima facie l’existence de ces faits.
[53] À ce stade, le fardeau du requérant en étant un de logique (également qualifié de fardeau de démonstration) et non de preuve, il n’a d’ailleurs pas à offrir une preuve prépondérante de ce qu’il avance, mais bien, tout au plus, une « certaine preuve » et n’a pas l’obligation de contester la preuve que l’intimé dépose, ni d’y répondre. D’ailleurs, il n’est souvent pas en mesure de le faire puisqu’il n’a pas toujours toute la preuve en main, une bonne partie de celle-ci pouvant être en possession de l’intimé.
[54] Bref, la preuve déposée par un intimé au soutien de sa contestation ne change pas le rôle du juge de l’autorisation qui peut, certes, trancher une pure question de droit et interpréter la loi pour déterminer si l’action collective projetée est frivole, mais qui ne peut, pour ce faire, apprécier la preuve comme s’il y avait eu un débat contradictoire ou encore présumer vraie celle déposée par l’intimé alors qu’elle est contestée ou simplement contestable.
[Soulignement ajouté; renvois omis]
[62] L’ensemble de cette jurisprudence est déterminant en l’espèce. Ainsi, pour résumer, bien qu’une partie qui s’oppose à l’autorisation d’une action collective puisse, dans certaines circonstances, déposer une preuve au stade de l’autorisation, cette preuve ne doit pas être susceptible d’être contestée quant à sa véracité, sa portée ou sa force probante. Le but visé est d’éviter que l’affaire fasse l’objet d’un procès à l’étape de l’autorisation, laquelle ne vise qu’à écarter les demandes frivoles ou manifestement non fondées en droit.
[63] En l’espèce, l’APA conteste la portée et la force probante de la preuve présentée par la Fédération Desjardins, notamment en regard des frais d’une entreprise externe qui permet l’utilisation de sa passerelle électronique sous un contrat de services. Étant donné que la preuve de la Fédération Desjardins fut déposée sous le sceau de la confidentialité, il n’est pas opportun d’identifier l’entreprise ni les montants qu’elle facture pour ces services.
[64] Cela étant, la preuve soumise par la Fédération Desjardins laisse entendre, à première vue du moins, que ce contrat de service est géré par les « Services des Cartes Desjardins » pour la Fédération Desjardins. L’APA en tire l'inférence que les frais réclamés en lien avec ce contrat de service porteraient sur autre chose que les contrats de vente à tempérament en cause dans l’action collective envisagée. L’APA ajoute que les services fournis paraissent aussi porter sur autre chose que les frais d’administration, tels que décrits dans les contrats de vente à tempérament de la Fédération Desjardins, soit les frais de transmission électronique au RDPRM et les frais de préparation de la réquisition d’inscription.
[65] Le contrat de service est de rédaction complexe et nébuleuse à maints égards. L’APA soutient, avec raison, qu’il est difficile de faire le lien entre les services envisagés dans ledit contrat et les contrats de vente à tempérament qui sont l’objet de l’action collective envisagée, d’autant plus que les détails précis des services fournis par l’entreprise externe font l’objet d’une entente accessoire confidentielle qui n’est pas dans le dossier.
[66] Finalement, la répartition des coûts encourus selon ce contrat de service aux fins des contrats de vente à tempérament en cause ne ressort pas clairement de la preuve déposée, les tableaux et calculs soumis à cette fin étant effectivement quelque peu obscurs.
[67] Dans ces circonstances, on ne peut raisonnablement conclure que la preuve déposée par la Fédération Desjardins ne serait pas susceptible d’être contestée au fond, à tout le moins sur sa portée et sa force probante. Il en résulte, pour les motifs déjà exprimés, que la juge de première instance n’aurait pas dû prendre en compte cette preuve aux fins de décider de la demande d'autorisation de l'action collective.
[68] La Fédération Desjardins pourra sûrement faire valoir ses moyens au fond et présenter alors à cette fin la même preuve accompagnée ou non d’une preuve additionnelle. Il appartiendra au juge du procès de l’évaluer à la lumière de l’ensemble de la preuve qui sera alors soumise par les parties.
CONCLUSION
[69] Je propose donc à la Cour de rejeter l’appel de l’APA à l’égard de la BNE et de la BMO et de rejeter les appels incidents de ces dernières, avec frais de justice dans chaque cas.
[70] Par contre, je propose d’accueillir en partie l’appel de l’APA à l’égard de la Fédération Desjardins, avec frais de justice, et de modifier les conclusions du jugement de première instance afin que le recours collectif soit autorisé à l’égard de cette dernière selon les mêmes paramètres que ceux du recours collectif autorisé contre la BNE et la BMO.
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ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
[1]
Association pour la protection automobile c. Banque de la
Nouvelle-Écosse,
[2]
Association pour la protection automobile (APA) c. Banque de
Nouvelle-Écosse,
[3] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.
[4] Demande modifiée pour autorisation d’exercer une action collective et pour être représentante, 1er mars 2019, p. 26.
[5] Id., p. 27.
[6] Id., p. 28-29.
[7]
Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada,
[8] Jugement de première instance, par. 54-59.
[9] Id., par. 60-66.
[10] Id., par. 67-74.
[11] Id., par. 100.
[12] Id., par. 101-106.
[13] Id., par. 107-110.
[14] Id., par. 111.
[15] Id., par. 112.
[16] Id., par. 113-114.
[17]
L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J.,
[18]
Marcotte c. Longueuil (Ville de),
[19]
L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., supra, note 17,
par. 10-12; Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin,
[20] Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada, supra, note 7.
[21] Id., par. 60-61.
[22]
Par.
[23] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., supra, note 17, par. 56; Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, supra, note 19, par. 53.
[24] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., supra, note 17, par. 55.
[25] Id., par. 62.
[26] Jugement de première instance, par. 46.
[27]
Argumentation des appelantes dans leur mémoire d’appel, par. 53 : […]
Une quatrième cause d’action, accessoire à la Cause sur l’article 12,
fondée sur les articles
[28]
Banque de Montréal c. Bail,
[29]
Ibid.; Gestion Biltmore inc. c. Fiducie familiale 2D,
[30]
Didier Lluelles et Benoît Moore,
[31]
Ford du Canada Ltée c. Automobiles Duclos inc.,
[32]
Québec (Procureur général) c. Kabakian Kechichian,
[33]
Didier Lluelles et Benoît Moore, supra, note 30, no 1829;
Masson c. Telus Mobilité,
[34]
Union des consommateurs c. Magasins Best Buy ltée,
[35] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, supra, note 31, no 275; Gareau Auto inc. c. Banque canadienne impériale de commerce, supra, note 34, p. 1096.
[36]
Riendeau c. Cie de la Baie d’Hudson,
[37]
Union des consommateurs c. Magasins Best Buy ltée, supra, note
34, par. 48-55; Jasmin
c. Société des alcools du Québec,
[38] Sibiga c. Fido Solutions inc., supra, note 17, par. 64 et 73-76.
[39] Jugement de première instance, par. 103-106.
[40] Id., par. 108-110.
[41] Sibiga c. Fido Solutions inc., supra, note 17, par. 75, reproduit ci-haut.
[42] Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, supra, note 19.
[43] Id., par. 72.
[44] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., supra, note 17.
[45] Id., par. 55 et 58.
[46]
Godin c. Aréna des Canadiens inc.,
[47] Pilon c. Banque Amex du Canada, supra, note 19, par. 12.
[48] Durand c. Subway Franchise Systems of Canada, supra, note 19, par. 51-54.
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