Barbier c. François |
2015 QCCQ 4832 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-22-020540-133 |
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DATE : |
Le 4 juin 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BENOIT SABOURIN, J.C.Q. |
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JEAN-RENÉ BARBIER |
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Demandeur |
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c. |
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JULIA FRANÇOIS |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur Jean-René Barbier (ci-après nommé « Barbier ») réclame 32 915,05 $ à sa belle-sœur, la défenderesse Julia François (ci-après nommée « Julia »)[1]. Il lui reproche d’avoir porté atteinte à sa réputation et d’avoir nui aux activités de l’organisme sans but lucratif qu’il préside, connu sous le nom de «Organisme Têtes Ensemble internationale S.O.S. Haїti» (ci-après nommé « Têtes Ensemble »). Il lui réclame 20 000 $ à titre de dommages moraux, non pécuniaires, 10 000 $ à titre de dommages punitifs et 2 915,05 $ en remboursement des honoraires judiciaires et extrajudiciaires qu’il a encourus pour intenter les procédures et tenir le procès.
[2] Julia conteste la demande. Elle soutient que ce qu’elle allègue dans les lettres qu’elle a transmises à Barbier est vrai et peut être prouvé. Elle ajoute que ce qu’elle écrit dans la lettre datée du 20 juin 2013, qu’elle a transmise au Conseil des Écoles Publiques de l’Est de l’Ontario (ci-après nommé le «Conseil»), est véridique. Elle n’avait pas l’intention de nuire à Barbier, mais elle tenait à informer les donateurs sollicités par Barbier pour le compte de Têtes Ensemble, de certains faits importants pour leur prise de décision de faire un don à cet organisme.
[3] Julia ajoute que Barbier n’a pas prouvé les dommages qu’il a subis. De plus, seule la lettre du 20 juin 2013 a été diffusée et seulement trois personnes en ont pris connaissance.
A) Barbier a-t-il prouvé, par preuve prépondérante, que Julia a commis une faute? Si oui, a-t-il subi des dommages en lien avec cette faute et, le cas échéant, quel est le montant des dommages auquel il a droit?
B) Barbier a-t-il droit aux dommages punitifs de 10 000 $ qu’il réclame et au remboursement de ses honoraires judiciaires et extrajudiciaires?
[4] Les faits pertinents à la solution du présent litige sont les suivants.
[5] Barbier est président de Têtes Ensemble, un organisme sans but lucratif dédié à recueillir des fonds pour soutenir le peuple haïtien.
[6] Barbier est né à Haїti, mais habite au Canada depuis 1973. Il a fondé Têtes Ensemble en 1996 avec sa défunte épouse, Renette François (ci-après nommée « Renette ») qui est née, elle aussi, à Haїti, mais qui habite au Canada depuis 1970.
[7] Têtes Ensemble amasse des fonds pour venir en aide à trois écoles et un orphelinat situés à Haїti. Têtes Ensemble a aussi supporté les sinistrés touchés par l’Ouragan Jeanne qui a déferlé sur les Gonaïves en 2004. Jusqu’à son décès le 15 septembre 2012, Renette était très impliquée dans cet organisme et faisait régulièrement des voyages à Haїti pour réaliser la mission de Têtes Ensemble.
[8] Julia est la sœur cadette de Renette. Elle vient, elle aussi, d’Haїti. Elle réside au Canada depuis 1970. Elle explique que jusqu’au mariage de sa sœur Renette avec Barbier, le 16 mars 1974, elle en est très proche et entretient d’excellentes relations avec elle. Elle affirme que suite à son mariage, ses relations avec sa sœur se sont espacées et se sont détériorées.
[9] Julia évoque que vers la fin de l’année 1990, elle a vécu quelques mois avec le couple Renette-Barbier alors qu’elle est étudiante en sciences infirmières. Elle se souvient que son séjour ne s’est pas bien passé. Elle évoque que sa sœur aurait fouillé régulièrement sa chambre durant cette période dont elle garde un souvenir amer. Elle n’a revu Renette que quelques fois entre ce séjour et le décès de cette dernière survenu le 15 septembre 2012.
[10] Julia relate les circonstances entourant la maladie, le décès et les funérailles de sa sœur Renette. Elle apprend que sa sœur est malade au mois d’août 2011. Elle est allée la voir chez elle sans pouvoir apprendre quoi que ce soit sur l’étendue de ses problèmes de santé. À l’audience, la fille du couple Renette-Barbier, Marie-France Barbier, explique qu’elle n’a été mise au courant du caractère terminal de la maladie de sa mère que quelques mois avant son décès.
[11] Julia n’a pas de nouvelles de sa sœur jusqu’à l’annonce de son décès survenu le 15 septembre 2012. Même si elle n’y a pas été personnellement invitée, elle se rend aux funérailles de sa sœur qui ont lieu le 20 septembre 2012 à Gatineau.
[12] À son arrivée, elle constate que la dépouille de sa sœur n’est pas exposée. Elle n’est pas en mesure de la voir, pour une dernière fois. Elle est amère et choquée. Elle considère que les funérailles offertes à sa sœur sont inadéquates et insuffisantes. Elle est d’avis que sa sœur a été enterrée dans un cercueil de peu de valeur et, selon ses propres mots, qu’elle a été « enterrée comme une chienne ».
[13] Le 28 octobre 2012, Julia communique avec Barbier par téléphone. Elle souhaite avoir des explications sur les causes du décès de sa sœur, sur ses funérailles et sur sa succession.
[14] Barbier n’est pas dans un état pour discuter de ces sujets avec Julia et il le lui mentionne dès le début de la conversation téléphonique qui ne dure que quelques secondes. Julia n’arrive pas à passer son message à Barbier.
[15] Elle décide, le jour même, de communiquer avec la sœur de Barbier, prénommée Carole, et lui laisse un long message sur sa boîte vocale. Ce message a fait l’objet d’une transcription qui a été produite à l’audience[2].
[16] Au cours de son témoignage, Julia reconnaît l’exactitude de la transcription. Il convient de la reproduire intégralement :
« Bonjour Carole, c’est Julia qui vous appelle, normalement, je ne devrais pas appeler chez vous. René est une personne arriérée, il ne comprend rien, quant on lui parle, on dirait qu’il n’entend pas. Nous ne sommes pas héritier avec René. Notre père est mort et nous a laissé une maison et Renette voulait s’y installer et tout le monde la laissait faire. J’ai entendu que René fait de l’opposition en appelant le gérant et lui demandant de ne pas donner le terrain. Nous ne sommes pas héritiers avec René et Renette n’a pas acheté de terrain de Délince. Délince n’a pas de maison. C’est le bien de mon père. Nous avons les papiers. Dite à René de rester tranquille. René nous emmerde trop. Il a enterré Renette dans un cercueil qui coûtait 850 dollars. Il a payé cent dollars un terrain pour enterrer Renette. L’enterrement de Renette ne coûtait pas mille dollars. Dite à René que je ne vois pas qu’il est quelqu’un qui connaît le beau. C’est pour cela que personne ne fait aucun cas de lui, par ce qu’il ne connaît pas ce qu’on appelle le beau. Renette est enterrée comme une chienne. Dite à René de rester tranquille. Roche-à-Bateau, c’est mon territoire. René n’est pas un héritier de Roche-à-Bateau.. Dite lui que nous ne l’invitons pas à Roche-à-Bateau. S’il ne veut pas avoir de problèmes, dite-lui d’appeler le gérant de Renette à ne pas mettre les pieds dans la cour, par ce que je ne suis pas héritière avec René. Et personne dans ma famille n’est héritier avec René. René a ses terres dans son pays à l’Asile, qu’il aille à l’Asile s’il veut pour faire ce qu’il fait. Ils ont volé l’argent des blancs et ils ne savent pas quoi faire maintenant. Ils pensent qu’ils vont donner les terres de mon père pour l’argent qu’ils volé. Ils ont ramassé et pris l’argent des gens d’Ottawa. Et maintenant, ils pensent prendre le nôtre. Dite à René de faire son respect ok. Dite-lui de faire son respect, il est de votre famille et c’est pourquoi j’appelle chez vous.. Parlez à René et dite-lui de se respecter. Il a enterré Renette comme une chienne. Il peut prendre ce que Renette lui a laissé, mais il n’est pas héritier des biens de mon père. Passez le message pour moi Carole et je vous aimerai beaucoup si vous le faites. Comme il n’écoute pas sa mère, il n’écoute pas son père, il ne respecte personne, mais il va finir pas respecter les gens dans sa vie ok. Passe une bonne journée Carole et que Dieu vous bénisse. » (sic)
[nos soulignements]
[17] Julia explique qu’elle a laissé ce message téléphonique à la sœur de Barbier de façon à ce que cette dernière fasse le message à son frère.
[18] Dans ce message, qui n’a fait l’objet d’aucune diffusion, Julia remet en question les droits de Barbier sur certains biens de sa sœur Renette qui seraient situés à Haïti. Elle déplore la mauvaise qualité des funérailles de sa sœur. Elle remet en question tant l’intégrité de sa sœur Renette que celle de Barbier, laissant entendre qu’ils ont volé l’argent reçu dans le cadre des souscriptions organisées par Têtes Ensemble.
[19] Quelques mois plus tard, Julia réitère les propos qu’elle a tenus lors du message téléphonique du 28 octobre 2012, et ce, dans deux lettres datées respectivement des 26 décembre 2012 et 27 décembre 2013[3], lettres rédigées à la main qu’elle expédie à Barbier, au nom de sa famille.
[20] Il convient de reproduire intégralement le contenu de ces deux lettres[4] :
« Longueuil 26-12-2012
Monsieur Jean-René Barbier/famille François
(…)
Objet : Mise en demeure pour le patrimoine famillial
Expulsion de notre patrimoine famillial
Explication de la mort de notre sœur (Dossier médical au complet)
Je vous aurais conseillé de bien vouloir expulser votre gérant et vous de notre patrimoine famillial à Roche-à-bateau. Mr Delince François et aucun de nos héritiers liés par le liens du sang n’ont pas reçu l’autorisation de vendre ou de louer sans l’accord des autres héritiers ni de fausser des faux documents pour s’en approprier. Depuis que ma sœur qu’on aimait beaucoup t’a rencontré, elle ne faisait que des faussetés, elle était devenue une lionne affamée, une voleuse et une femme sans scrupules.
Je vous prie de bien vouloir faire attention à cette mise en demeure et de nous retourner tous les documents du patrimoine que votre femme et vous ont confisqué à vos dépens c’est un vol, vous n’avez aucun respect à nos yeux. Respectez-vous cher Monsieur.
Ne soyez pas surpris de recevoir une lettre de notre avocat d’ici 10 jours si nous ne recevons pas de réponse. (sic)
Longueuil 27-12-2013 (sic)
L’exécuteur testamentaire
Renette François/René Barbier
(…)
Objet : Mise en demeure Invasion de domicile
Récupération des documents de notre patrimoine
Expulsion de Mr Barbier de notre maison à Roche-à-bateau
Dossier médical de Madame Renette Barbier connaissant les causes
exactes de sa mort à la famille liée par le sang, l’autopsie ou autres
documents détaillés.
Cher Monsieur. Je vous aurais conseillé de bien vous porter une attention spéciale à notre lettre, sinon ne soyez pas surpris de recevoir une lettre d’avocat, d’ici 10 jours si nous ne recevons pas de réponse. La famille immédiate et éloignée a des doutes.?
1) Je vous conseille fortement d’expulser votre gérant de Roche-à-bateau de notre patrimoine famillial. Si vous avez acheté entre les mains de n’importe quel héritier, ou fausser des documents pour nous approprier des biens de mon père, pensez à garder ce document faux pour régler avec votre vendeur et nons pas héritiers qui n’ont rien signé, mes parents ne vendaient pas leurs biens. Aucune de nos héritiers liés par les liens du sans n’ont pas reçu cette autorisation de la part de nos parents selon le testament de mon père et de ma mère qui souffrait de la maladie d’Alzheimer, après sa mort ma mère a été mutilée selon la gardienne et placée dans une maison d’accueil à Gatineau. Qui l’a mutilée et qui l’a infligée de tant de souffrances à son âge seulement il y a encore un témoin vivant. Elle était chez vous pour sa pension sans l’approbation des autres enfants.
Cher Monsieur si vous avez fait du bien à ma sœur. Merci! en tout cas elle se plaignait souvent à certains membres de la famille de ses souffrances et de ta violence et qui a signé la dernière dose d’hydromorphe? en tout cas c’est une grosse décision même si c’était une question de jour à vivre?.. La famille liée par les liens du sang était là?.. Je veux vous conscientiser sur notre amour pour Renette, une fois mariée avec toi la famille ne la reconnaissait plus, souvent mal habillé dans les cérémonies, exclue dans les cérémonies, elle nous disait que tu étais violent avec elle, aucun respect pour elle, tu l’as enterré comme une démunie. Euthanasiée?..
René tu n’as aucune valeur à nos yeux, aucun respect, ma sœur qu’on aimait tant, était devenue dans son refuse à Roche-à-bateau, une voleuse de génératrice à Roche-à-bateau, une voleuse des dons appropriés par les donateurs, une femme sans scrupules, une mendiante avant sa mort. Oh oui oui tu la faisais souffrir et nous l’avons constaté ta violence à ses funérailles. Elle n’avait pas de linges. Vous êtes très irresponsable de ne pas porter d’attention à votre réputation ce qui compte le plus aux yeux de tout le monde. Demandez à n’importe qui à Roche-à-bateau, notre père était intègre, ainsi que le reste de la famille.
La maison de Roche-à-bateau est louée à 200 $ par mois d’octobre 2012 à janvier 2013 payable sur livraison. Merci!
Octobre 2012 = 200 $
Novembre 2012 = 200 $
Décembre 2012 = 200 $ + les frais moraux commis à toute la famille
Janvier 2013 = 200 $
800 $ payables à la réception de la lettre
Les documents du patrimoine confisqués par vous et votre femme auront des frais pour chaque jour accumulé.
Une attention spéciale doit être portée au carnet de banque de ma mère et l’argent du gouvernement du Canada planpansion que votre femme et vous ont approprié et signé le nom de Dalmanite François pour soutirer la somme d’environ 5.000 $ dollars canadiens.
Vous nous faites honte partout où vous passez en volant la génératrice des donateurs à Roche-à-bateau, en vous appropriant de l’argent des donateurs et autres. Attention à la malhonnêteté.
Bien à vous
La famille François. » (sic)
[nos soulignements]
[21] Dans la deuxième lettre qui est datée erronément du 27 décembre 2013, Julia va jusqu’à prétendre que Barbier aurait euthanasié son épouse Renette avec une surdose d’«hydromorphe ». Elle l’accuse d’avoir été violent avec Renette. Elle soutient que Renette et lui-même ont détourné les fonds qu’ils ont reçus des donateurs.
[22] Le 29 mai 2013, Julia mandate Me Séverin Ndéma-Moussa pour transmettre, au nom de la famille François, une mise en demeure à Barbier[5]. Cette mise en demeure concerne le patrimoine de la famille François situé à Roche-à-Bateau à Haїti. La lettre mentionne qu’un procès doit se tenir à Haїti au cours du mois de juillet suivant, procès auquel Barbier est convoqué. Dans cette lettre, Me Ndéma-Moussa reproche à Barbier d’occuper illégalement un immeuble situé à Roche-à-Bateau. De plus, des loyers sont impayés et de faux documents auraient été utilisés par Barbier, suite au décès de Renette.
[23] Julia, au nom de la famille François, mentionne qu’elle a entrepris des procédures judiciaires à Haïti et un procès en lien avec la gestion du patrimoine de la famille, situé à Roche-à-Bateau, est prévu en juillet 2013. Or, elle n’a soumis aucune preuve pour soutenir cette allégation.
[24] Barbier soutient qu’il n’a reçu que la mise en demeure de Me Ndéma-Moussa. Il n’a reçu aucune procédure judiciaire écrite, ni avis de convocation en provenance d’un tribunal haïtien. Ce procès n’avait pas encore eu lieu en date de l’audience.
[25] Lors de son témoignage, Barbier fournit des explications et répond aux accusations de Julia qui sont en lien avec la gestion du patrimoine familial. Il produit, en liasse, des photocopies de quelques documents qui portent le sceau du Tribunal de Paix de Roche-à-Bateau.
[26] Le Tribunal retient que Barbier et Julia ont des positions diamétralement opposées et contradictoires sur tout ce qui concerne le patrimoine familial situé à Roche-à-Bateau. Il n’appartient pas au soussigné de trancher un litige dont il n’est pas saisi et qui devra être soumis, pour adjudication, à un tribunal compétent à Haїti.
[27] Barbier ne répond pas aux lettres de Julia datées des 26 et 27 décembre 2012, pas plus qu’à celle de Me Ndéma-Moussa, datée du 28 mai 2013.
[28] Le 21 juin 2013, Barbier rencontre des représentants du Conseil, à l’école secondaire Gisèle-Lalonde à Orléans, en vue d’y organiser une souscription. Dans le cadre de cette rencontre, Barbier doit rencontrer le directeur de l’école, monsieur Ismael Abdi, madame Gisèle Lalonde et monsieur Pierre Laboussière.
[29] Gisèle Lalonde est connue dans la région d’Ottawa pour avoir mené la campagne qui a permis de sauver l’Hôpital Montfort, seul hôpital francophone sur le territoire ontarien. Invitée par Renette, Madame Lalonde s’est associée à Têtes Ensemble en 2004, suite au passage de l’Ouragan Jeanne.
[30] Julia a été informée de la tenue de cette rencontre. En arrivant à cette rencontre, Barbier prend connaissance d’une lettre datée du 20 juin 2013 que Julia a transmise au Conseil, à l’attention de madame Lalonde et de messieurs Abdi et Laboussière[6]. Cette lettre se lit comme suit :
« Ottawa 20/06/2013
Mr A. Abdi, Mme Gisèle Lalonde, Mr Pierre Laboussière
Conseil des Écoles publiques de l’Est de l’Ontario
Objet : La communauté haïtienne de Montréal, de l’Outaouais et d’Ottawa
Chers donateurs et Bienfaiteurs d’Haїti
Je vous demande fortement de faire une enquête approfondie sur nos enquêteurs et demandeurs de fonds qui prétendent aider les démunis en Haїti. S’il vous plaît, je vous demanderais au nom des Haїtiens de canceller le rendez-vous avec Mr René Barbier demain à 11 hres A.M. car Monsieur Jean-René Barbier n’est pas fiable et sa femme qui est décédée le 15/09/2012 était pire encore. Elle et son mari ont utilisé les dons à leur fin.
Merci pour tout renseignement
communiquez avec et à ce numéro (…)
Merci. » (sic)
[notre soulignement]
« Montréal 20/06/2013
Mr A. Abdi, Mme Gisèle Lalonde, Mr Pierre Laboussière
Conseil des Écoles publiques de l’Est de l’Ontario
Objet : La communauté haïtienne de Montréal et de l’Outaouais et
la famille de Mme Renette B.
Cher Monsieur,
Suite à de nombreuses irrégularités dues au programme humanitaire géré par Monsieur et Madame Barbier Renette décédée le 15/09/2013. Je vous aurais demandé de choisir d’autres administrateurs pour que les dons puissent arriver aux haїtiens démunis. Nous aurions demandé une enquête avant de faire confiance à Mr René. L’argent ramassé et la nourriture ainsi que les vêtements ramassés ont été mis en commerce et acheté des terrains au nom de Mr et Mme René Barbier, à Laborde, à Canne, L’île-à-Vache, aux cayes, à Roche-à-Bateau, ils ont construit leur maison de vacances et comme l’étau se resserre il y a beaucoup de preuves à l’appui.
1) Un mois, après la mort de Renette Barbier Monsieur René Barbier se rendait en Haїti pour vider le dépôt de riz et autres nourritures contaminés dans la mer, comme sa femme était malade, elle n’a pas eu le temps de les vendre. La plupart des dons se trouve chez Isaii Février sur la rue Claudine à Port-au-Prince.
2) Monsieur Jean-René Barbier est en procès avec sa belle-famille pour le mois de juillet 2013, comme ils ont eu de la misère à acheter avec ce qu’ils ont ramassé comme dons, maintenant ils ont fabriqué de faux documents pour remettre la maison familiale de ses beaux-parents à la mission adventiste. Voici la lettre de sa convocation comme preuve. C’est un homme irresponsable au niveau de sa famille, son fils est dans la rue et fait partie d’une gang. L’Onu et ce Monsieur était très violent avec sa femme. Nous, comme communauté, ne voulons pas de lui, comme notre ambassadeur. Merci pour tout ce que vous faites pour Haїti.
Bien à vous. La communauté Haїtienne du Canada. » (sic)
[nos soulignements]
[31] Dans cette lettre qu’elle ne signe pas en sa qualité personnelle, mais qu’elle reconnaît avoir écrite, Julia réitère ses propos antérieurs. Elle remet en question l’honnêteté et l’intégrité de Barbier. Elle met le Conseil en garde et l’invite à ne pas collaborer avec lui. Elle soutient que le fils de Barbier fait partie d’un gang de rue.
[32] Lors de cette rencontre, et ce, malgré le contenu de cette lettre, Barbier accepte, au nom de Têtes Ensemble, un don de 4 500 $ qui a été amassé par cinq écoles franco-ontariennes dans la cadre d’une souscription organisée par Têtes Ensemble et le Conseil[7].
[33] Barbier se souvient que Gisèle Lalonde ne semble pas avoir été affectée par le contenu de cette lettre.
[34] Le 9 septembre 2013, par l’entremise de son avocat, Barbier met Julia en demeure de cesser de porter atteinte à sa réputation[8] et lui réclame des dommages-intérêts de 20 000 $. L’avocat de Barbier allègue que la lettre transmise au Conseil, par Julia, a causé des dommages considérables à son client.
[35] Barbier explique que cette lettre a porté atteinte à sa réputation et à sa crédibilité auprès du Conseil, un important partenaire de Têtes Ensemble. Têtes Ensemble a dû ralentir ses activités et son implication à Haїti. Il mentionne qu’il fait l’objet de regards désobligeants des gens qu’il fréquente dans le cadre de son travail et de ses fonctions de représentant de Têtes Ensemble.
[36] Barbier n’a pas fait entendre de témoins pour soutenir ses allégations d’atteinte à sa réputation. Ni les destinataires de la lettre transmise par Julia, le 20 juin 2013, ni les membres du conseil de Têtes Ensemble, n’ont été entendus au procès.
[37] Le seul autre témoin présenté par Barbier est sa fille Marie-France Barbier. C’est elle qui a organisé les funérailles de sa mère, funérailles qu’elle qualifie de spectaculaires et élogieuses. En 2006, elle a coproduit avec l’ONF et tourné elle-même un film sur l’œuvre et l’implication de sa mère à Haïti suite au passage de l’Ouragan Jeanne. Ce film a été présenté au cours des funérailles. Elle n’accepte pas les mauvaises critiques de sa tante Julia, qu’elle a peu vue du vivant de sa mère.
[38] À la demande de Julia, sa nièce Martha Thermonville et sa sœur Rose-Marie François ont témoigné lors du procès.
[39] Martha Thermonville appuie la version de sa tante Julia quant à la piètre qualité des funérailles de sa tante Renette. Elle relate certains faits qu’elle a elle-même constatés à Haїti, notamment qu’elle n’y a vu, sur place, ni les traces de l’implication de Têtes Ensemble, ni les résultats concrets, pour la population haïtienne, des dons qui ont été faits à cet organisme.
[40] De son côté, Rose-Marie François soutient avoir été témoin du fait que sa mère, qui est aussi celle de Julia et Renette, a été maltraitée par Renette et Barbier alors qu’elle vivait avec eux.
[41] Le recours fondé sur la diffamation découle de l’article 1457 du Code civil du Québec[9]. Le demandeur doit prouver que les propos reprochés sont diffamatoires et que celui qui les a prononcés a commis une faute. Par la suite, il doit démontrer l’existence d’un dommage lié à cette faute.
[42] Dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc.[10], la juge Marie Deschamps définit le cadre juridique en droit québécois du recours en diffamation :
« […]
[22] Il n’existe pas, au Québec, de recours
particulier pour sanctionner la diffamation. Le recours en diffamation
s’inscrit dans le régime général de la responsabilité civile prévu à l’art.
[23] L’action en diffamation fait aussi
intervenir la Charte québécoise, puisque, comme je l’ai souligné plus tôt, l’action
repose sur une atteinte au droit à la sauvegarde de la réputation, garanti à
l’art. 4 de cet instrument. L’article
[nos soulignements]
[43] Dans l’arrêt Grant c. Torstar Corp.[11], la Cour suprême du Canada rappelle que pour être diffamatoires, les propos doivent avoir été « communiqués à au moins une autre personne que le demandeur ».
[44] Dans l’affaire Prud’homme précitée[12], la Cour suprême du Canada fait siens les propos du juge Jean-Pierre Sénécal dans l’affaire Beaudoin c. La Presse ltée en ces termes :
« […]
[34] La nature diffamatoire des propos
s’analyse selon une norme objective (Hervieux-Payette c. Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal,
« La forme d’expression du libelle importe peu; c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit ». L’allégation ou l’imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte « par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique ». Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation « soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation, d’une phrase interrogative, du rappel d’une rumeur, de la mention de renseignements qui ont filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux ».
Les mots doivent d’autre part s’interpréter dans leur contexte. Ainsi, « il n’est pas possible d’isoler un passage dans un texte pour s’en plaindre, si l’ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait ». À l’inverse, « il importe peu que les éléments qui le composent soient véridiques si l’ensemble d’un texte divulgue un message opposé à la réalité ». On peut de fait déformer la vérité ou la réalité par des demi-vérités, des montages tendancieux, des omissions, etc. « Il faut considérer un article de journal ou une émission de radio comme un tout, les phrases et les mots devant s’interpréter les uns par rapport aux autres. »
[35] Cependant, des propos jugés diffamatoires n’engageront pas nécessairement la responsabilité civile de leur auteur. Il faudra, en outre, que le demandeur démontre que l’auteur des propos a commis une faute. Dans leur traité, La responsabilité civile (5e éd. 1998), J.-L. Baudouin et P. Deslauriers précisent, aux p. 301-302, que la faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites, l’une malveillante, l’autre simplement négligente :
La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire. »
[nos soulignements]
[45] Dans l’affaire Fernandez c. Marineau[13], la juge Michèle Monast, J.C.S., résume les principes de droit applicables à une action en diffamation en ces termes :
« [105] Le litige doit être décidé à la lumière
des principes de droit applicables en matière de responsabilité
extra-contractuelle. À cet égard, le Tribunal renvoie plus particulièrement aux
articles
[106] Pour décider du bien-fondé de la requête, le Tribunal doit analyser la teneur et la portée des propos contenus dans la lettre qui a été adressée par les intimés au Fonds d'indemnisation des services financiers en date du 4 septembre 2000, de même que la déclaration du 30 novembre 2000.
[107] Pour conclure au caractère diffamatoire de ces écrits, il doit en venir à la conclusion que, pris dans leur ensemble, les propos qu'ils contiennent tendent à déconsidérer la réputation de Fernandez.
[108] Si les propos ne sont pas diffamatoires, la requête doit être rejetée. Dans le cas contraire, le Tribunal doit poursuivre son analyse de la preuve et déterminer si les intimés ont commis une faute. Dans l'affirmative, ils peuvent être réputés avoir commis une faute s'ils ont communiqué ces propos diffamatoires à l'endroit de Fernandez, dans le but de lui nuire, de porter atteinte à sa réputation, et de l'exposer au mépris ou s'ils ont porté atteinte à sa réputation par témérité, négligence ou incurie. Et, dans l'un et l'autre cas, ils peuvent être tenus responsables du préjudice causé et être solidairement tenus de le réparer. »
[nos soulignements]
[46] Qu’en est-il dans le présent dossier?
[47] De l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que seule la lettre du 20 juin 2013, expédiée par Julia au Conseil, doit faire l’objet d’une analyse visant à déterminer si les propos qui y sont contenus sont diffamatoires.
[48] Les autres lettres produites par Barbier n’ont fait l’objet d’aucune diffusion. Elles peuvent tout de même être utiles pour établir le contexte dans lequel la lettre du 20 juin 2013 a été expédiée au Conseil et pour apprécier la conduite, l’état d’esprit et l’intention de Julia lorsqu’elle leur transmet ladite lettre.
[49] L’analyse de la lettre du 20 juin 2013 révèle que certains propos tenus par Julia sont directement reliés aux activités de Barbier au sein de l’organisme Têtes Ensemble. Elle remet en question le fait que les dons faits à cet organisme ont servi aux fins auxquelles ils étaient destinés. Cette lettre exprime plusieurs soupçons et remet en question l’honnêteté de Barbier dans la gestion des affaires de l’organisme Têtes Ensemble. Or, le Tribunal constate que la preuve prépondérante des faits à l’origine des soupçons de Julia n’a pas été faite de façon prépondérante lors du procès.
[50] Le Tribunal constate que Julia ne s’est pas limitée à viser les activités de Barbier au sein de Têtes Ensemble. Elle y a ajouté plusieurs éléments périphériques qui relèvent exclusivement de la vie privée de Barbier.
[51] Tout d’abord, Julia réfère au litige privé existant entre la famille François et Barbier quant à des biens mobiliers et immobiliers situés à Roche-à-Bateau, à Haïti. Ensuite, Julia suggère que le fils de Barbier « vit dans la rue et fait partie d’un gang ». Elle qualifie Barbier d’homme « très violent avec sa femme ».
[52] Le Tribunal est d’avis que ces informations périphériques n’ont aucun lien direct avec l’objectif que Julia prétend poursuivre en envoyant cette lettre. La divulgation de telles informations dépasse largement ce qui est nécessaire pour informer et alerter le Conseil des soupçons qu’elle entretient sur la gestion des affaires de Têtes Ensemble.
[53]
Les propos contenus dans la lettre du 20 juin 2013 sont diffamatoires en
ce qu’ils ont été proférés dans l’intention de nuire à Barbier, de l’humilier
et de le discréditer aux yeux d’un de ses partenaires. Le Tribunal est d’avis
que le contexte révélé par l’ensemble de la preuve documentaire produite par
Barbier au procès confirme l’intention de Julia de nuire à son beau-frère et
vise à l’empêcher de poursuivre sa collaboration avec l’organisme Têtes
Ensemble. Il s’agit d’une faute au sens de l’article
[54] Barbier réclame 20 000 $ à titre de dommages-intérêts. Il n’a soumis aucune preuve de nature à établir qu’il a subi des dommages pécuniaires. Il réclame plutôt des dommages moraux non pécuniaires.
[55] Dans l’affaire Fernandez c. Marineau précitée[14], la juge Michèle Monast propose certains critères d’évaluation d’indemnité payable à titre de dommages moraux dans un contexte de diffamation :
« […]
[138] … Ceux-ci doivent être évalués selon divers critères dont la gravité de l’acte diffamatoire, l’intention de l’auteur fautif, l’ampleur de la diffusion, la condition des parties, les effets et la durée de l’atteinte sur la victime. La bonne foi n’est pas un facteur de mitigation lors de l’évaluation des dommages compensatoires. Elle doit cependant être prise en compte si des dommages punitifs sont réclamés. »
[…]
[159] Ainsi le Tribunal doit tenir compte de : (1) la gravité intrinsèque de l'acte diffamatoire, (2) sa portée particulière sur la victime, (3) l'ampleur et l'importance donnée à sa diffusion, (4) les conséquences de la diffamation sur la victime et son entourage, (5) le degré de déchéance plus ou moins considérable à laquelle la diffamation a réduit la victime par comparaison à son statut antérieur, (6) la durée éventuelle et raisonnablement prévisible du dommage causé et de la déchéance subie, (7) la contribution possible de la victime, par sa propre attitude ou sa conduite particulière à la survenance du préjudice dont elle se plaint et, (8) les circonstances extérieures qui auraient, de toutes façons et indépendamment de l'acte fautif des intimés, constituer des cause probables du préjudice allégué ou d'une partie de ce préjudice. »
[nos soulignements]
[56] La preuve présentée par Barbier pour justifier les dommages qu’il réclame n’émane que de son propre témoignage. Le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier l’importance de la diffusion des propos diffamatoires de Julia. Barbier n’a pas fait entendre les membres du Conseil qu’il a rencontrés le 21 juin 2013. Il n’a pas non plus fait entendre des membres du Conseil d’Administration de l’organisme Têtes Ensemble. De plus, Barbier ne peut réclamer, à titre personnel, des dommages pour le préjudice qui aurait pu être causé à l’organisme Têtes Ensemble dans les circonstances. En effet, dans l’arrêt Bou Malhab précité[15], la juge Deschamps rappelle ce qui suit :
« [44] Premièrement, seul un préjudice
personnel confère à l’auteur d’une demande en justice l’intérêt requis pour la
présenter. Une demande en justice ne peut être formée que par une personne qui
est apte à ester en justice (art.
[notre soulignement]
[57] Le Tribunal ne doute pas que les allégations de Julia contenues dans la lettre du 20 juin 2013 aient causé des désagréments à Barbier, notamment en l’obligeant à se justifier et y répondre.
[58] Par ailleurs, en l’absence d’une preuve plus élaborée des dommages que prétend avoir subis Barbier, le Tribunal doit user du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour les arbitrer dans les circonstances.
[59] Le Tribunal estime qu’un montant de 3 000 $ est adéquat et suffisant pour compenser les dommages subis par Barbier, et ce, en l’absence d’une preuve que les propos diffamatoires ont fait l’objet d’une plus large diffusion.
[60]
L’octroi de dommages exemplaires ou punitifs découle de l’application de
l’article
« 49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs. »
[notre soulignement]
[61] Pour obtenir de tels dommages, Barbier devait prouver qu’il a été victime d’une atteinte illicite et intentionnelle à ses droits protégés par la Charte. L’objectif de l’octroi de tels dommages est de dissuader, prévenir et sanctionner une telle atteinte.
[62]
Les propos de Julia contenus dans la lettre du 20 juin 2013 constituent
une atteinte illicite et intentionnelle aux droits de Barbier qui sont protégés
par l’article
« 4. (Charte) Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
3. (C.c.Q.) Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.
Ces droits sont incessibles. »
[63]
Dans l’évaluation du montant des dommages punitifs, le Tribunal doit
considérer les critères prévus à l’article
« 1621. Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers. »
[64]
Certains éléments requis par l’article
[65] Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que l’octroi de dommages-intérêts punitifs est nécessaire dans le cadre du présent dossier. En effet, le présent jugement doit avoir un effet dissuasif. Le Tribunal doit affirmer, de façon claire, que la conduite de Julia dans le présent dossier était inacceptable.
[66] Usant du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour établir le montant des dommages punitifs, le Tribunal arbitre ce montant à 2 000 $.
[67] Quant à la réclamation de frais et d’honoraires judiciaires et extrajudiciaires, le Tribunal est d’avis qu’elle ne satisfait pas les critères de l’arrêt Viel[16] rendu par la Cour d’appel. En effet, le comportement de Julia dans le cours du déroulement du présent litige n’a pas été abusif. De plus, Barbier n’a pas été en mesure de démontrer un quelconque abus de procédure de sa part.
[68] Vu ce qui précède, la réclamation des honoraires judiciaires et extrajudiciaires est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande en partie.
CONDAMNE Julia
François à payer à Jean-René Barbier la somme de 3 000 $ à titre de
dommages-intérêts avec les intérêts calculés au taux de 5 % l'an,
plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
CONDAMNE Julia
François à payer à Jean-René Barbier la somme de 2 000 $ à titre de
dommages-intérêts punitifs avec les intérêts calculés au taux de
5 % l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
LE TOUT, avec dépens.
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__________________________________ BENOIT SABOURIN, j.c.q. |
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Me Yohan Forcier |
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BBK AVOCATS INC. |
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Avocat du demandeur |
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Me Joseph Dullin Jean |
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Avocat de la défenderesse |
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Dates d’audience : |
9 et 10 décembre 2014 |
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[1] L'utilisation du nom de famille, du prénom, d'un diminutif ou d'un acronyme a pour but d'alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.
[2] Pièce P-8.
[3] Il semble y avoir une erreur dans la date de la deuxième lettre.
[4] Pièce P-2.
[5] Pièce P-3.
[6] Pièce P-4.
[7] Le don a fait l’objet d’une nouvelle brève publiée dans le quotidien Le Droit d’Ottawa, le 2 juillet 2013, (pièce P-9).
[8] Pièce P-5.
[9]
Prud’homme c. Prud’homme,
[10]
[11] 2009 3 R.C.S. 640.
[12] Supra, note 9.
[13]
[14] Supra, note 13.
[15] Supra, note 10.
[16]
Viel c. Entreprises Immobilières du Terroir Ltée.,