Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

Le 13 juin 2005

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

231454-03B-0404   244281-03B-0409

 

Dossier CSST :

123562803

 

Commissaire :

Marielle Cusson

 

Membres :

Gaétan Gagnon, associations d’employeurs

 

Yves Poulin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Lise Gagné

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Entreprises Cuisine-Or

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 avril 2004, madame Lise Gagné (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue le 30 mars 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative.

[2]                Par cette décision, la révision administrative confirme la première décision rendue par la CSST les 13 novembre 2003 et 10 décembre 2003. Ces décisions sont à l'effet que la travailleuse n'est pas porteuse d'une atteinte permanente supplémentaire et qu'elle est capable d'exercer son emploi convenable de dame de compagnie pour lequel une indemnité de remplacement du revenu réduite au montant de 1,38 $ par jour est versée. (dossier 231454-03B-0404)

[3]                Le 25 septembre 2004, la travailleuse dépose une seconde requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre de la décision de la CSST en révision administrative rendue le 22 septembre 2004.

[4]                Par cette décision, la révision administrative confirme la première décision rendue par la CSST le 24 mai 2004, laquelle refusait la réclamation de la travailleuse pour une récidive, rechute ou aggravation au 23 février 2004. (dossier 244281-03B-0409)

[5]                Le 26 avril 2005, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Lévis en présence de la travailleuse et de son représentant. Entreprises Cuisine-Or (l'employeur) est absent quoique dûment convoqué. La travailleuse témoigne et des rapports médicaux sont déposés. Après discussion, il est convenu de procéder uniquement sur l'objection préliminaire soulevée par le représentant de la travailleuse quant à la validité de l'avis complémentaire émis par le docteur Jacques Levasseur.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]                Le représentant de la travailleuse soulève, en objection préliminaire, la validité du rapport complémentaire émis par le docteur Jacques Levasseur suite à l'opinion du docteur Bernard Lacasse. Il soumet que le Bureau d'évaluation médicale (BEM) aurait dû être saisi de la question médicale et que l'avis du docteur Levasseur n'est pas liant. Il prétend que la travailleuse n'a pas été informée du contenu du rapport du docteur Levasseur, ce qui va à l'encontre des articles 203 et 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi), et que l'avis de celui-ci n'est pas conforme à l'article 205.1 de la loi, sa conclusion n'étant pas étayée. Il demande que toutes les décisions rendues après la date du rapport complémentaire soient annulées, que le dossier soit retourné à la CSST pour que les procédures médicales suivent leur cours et que le droit au versement des indemnités de remplacement du revenu soit repris, à compter de novembre 2003, celles-ci ayant été cessées sans droit.


L’AVIS DES MEMBRES

DOSSIER 231454-03B-0404

[7]                Le membre issu des associations des employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont d'avis que la procédure médicale n'a pas été suivie correctement et qu'en conséquence, les décisions, relatives aux limitations fonctionnelles et à la capacité de travail, doivent être annulées et le dossier retourné à la CSST pour que la procédure médicale soit reprise, conformément à la loi. En cela, ils réfèrent principalement au fait que l'avis complémentaire du médecin ayant charge n'est d'aucune façon étayé. Il n'est pas possible de connaître les motifs du changement d'avis du médecin ayant charge. La requête de la travailleuse doit être accueillie et le droit aux indemnités de remplacement du revenu rétabli.

 

DOSSIER 244281-03B-0409

[8]                Le membre issu des associations des employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont d'avis que la décision relative à l'existence ou non d'une récidive, rechute ou aggravation au 23 février 2004 doit aussi être annulée, car prématurée. La CSST devra se prononcer à nouveau, s'il y a lieu, après que la procédure médicale ait été reprise et complétée, conformément aux prescriptions de la loi.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La Commission des lésions professionnelles doit disposer de l'objection préliminaire soulevée par le représentant de la travailleuse, à savoir si l'avis complémentaire émis par le docteur Jacques Levasseur le 29 octobre 2003, suite à l'opinion du docteur Bernard Lacasse du 1er octobre 2003, est conforme aux prescriptions de la loi. Les articles visés sont les suivants: 

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.


 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:

 

1°   le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2°   la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3°   l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1  à 5  du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui - ci, sans délai, du contenu de son rapport.

  La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:

 

1°   le diagnostic;

 

2°   la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3°   la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4°   l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5°   l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

[10]           D'abord, il faut rappeler que la travailleuse a été victime d'un accident du travail le 23 novembre 2002 lors d'une chute en faisant le service aux tables. Des diagnostics d'entorse lombaire et de contusion au bras gauche sont émis par le docteur Jacques Levasseur, lequel examine la travailleuse les 21 et 29 novembre 2002, 9 et 20 décembre 2002 ainsi que le 10 janvier 2003. À cette dernière visite médicale, il n'est plus question que d'entorse lombaire et une consultation est demandée auprès du docteur Jean-Maurice D'Anjou.

[11]           Le 27 janvier 2003, le docteur Jean-Maurice D'Anjou produit un rapport de consultation au docteur Jacques Levasseur. Il relate les antécédents de douleur lombaire, alors qu'il avait déjà examiné la travailleuse en 1998 pour une douleur en lombaire avec irradiation à la jambe droite, et précise qu'il y avait aussi une histoire de douleur lombaire en 1993 avec irradiation à la jambe gauche. Il fait état de son examen objectif, à savoir une limitation variable des mouvements de la colonne lombaire, mais avec absence de déficit neurologique objectif et de spasme. Il précise que la travailleuse n'a aucune séquelle de sa chute. Il suggère de poursuivre la physiothérapie pour deux semaines. Quant à l'épaule droite, il relate également des antécédents de douleur et précise que la travailleuse présente une tendinite calcifiée à l'épaule droite peu symptomatique. Il ne fait aucune recommandation pour cette épaule et estime qu'il y aura consolidation d'ici deux semaines.

[12]           Le 10 février 2003, la travailleuse consulte la docteure Anne Laliberté. Il est question d'une entorse lombaire gauche avec contusion et elle prolonge l'arrêt de travail jusqu'au 16 février 2003 avec retour progressif, à raison de 3 jours par semaine, du 17 au 23 février 2003. Le 19 février 2003, elle consulte à nouveau ce même médecin pour augmentation de la douleur avec le retour au travail. La docteure Laliberté prescrit une investigation par résonance magnétique et place la travailleuse en arrêt de travail. De nouvelles visites ont lieu les 28 février et 12 mars 2003.

 

[13]           Le 13 mars 2003, l'investigation par résonance magnétique a lieu. Le radiologiste, Pierre Grondin, interprète les résultats en faveur d'une discopathie dégénérative légère à L4-L5, L5-S1 et discrète aux autres niveaux lombaires, d'une réduction foraminale gauche significative à L4-L5 secondaire à la présence d'une hernie discale foraminale et d'une arthrose facettaire provoquant une compression de la racine L4 gauche et légère réduction de la taille du canal spinal à L4-L5 secondaire à une protrusion discale diffuse.

[14]           Le 21 mars 2003, la docteure Anne Laliberté réfère la travailleuse à la Clinique de la douleur et demande une consultation en physiatrie. Il en est de même pour les visites des 2 avril et 28 mai 2003. Le 5 juin 2003, le docteur Danie Saucier, physiatre, produit son rapport d'évaluation à l'intention de la docteure Laliberté. Il rapporte les plaintes et son examen physique fait état de limitations à l'extension et à la flexion antérieure avec éveil de douleur. Il n'y a pas de déficit neurologique, sensitif ou moteur. Les forces musculaires sont symétriques. Le docteur Saucier se prononce en faveur d'une lombosciatalgie gauche chez une patiente présentant une hernie discale foraminale L4-L5 gauche. Il recommande une prise en charge par la Clinique de la douleur.

[15]           Le 4 juillet 2003, la docteure Anne Laliberté donne suite à la recommandation pour la Clinique de la douleur et, ce 4 juillet 2003, le docteur Danie Saucier prescrit une épidurale lombaire. Le 30 juillet 2003, le docteur Jacques Levasseur émet un rapport CSST (no 63652) faisant état du diagnostic de hernie discale et maintient l'arrêt de travail.

[16]           Le 3 septembre 2003, l'anesthésiste Marie-Chantal Côté s'adresse au docteur Jacques Levasseur par écrit, avec copie conforme à la docteure Anne Laliberté et au physiatre Danie Saucier. Ce rapport est dactylographié le 23 septembre 2003. L'anesthésiste recommande des blocs foraminaux des racines L4 et L5 gauches et un bloc facettaire, et ce, si la symptomatologie en lombaire persiste par la suite. Elle suggère également de modifier la médication. Un premier bloc des racines aura lieu le 20 octobre 2003 et un second sera prévu 4 à 6 semaines plus tard.

[17]           Le 1er octobre 2003, le docteur Bernard Lacasse examine la travailleuse à la demande de la CSST, en application de l'article 204 de la loi. Il relate le suivi médical et fait état des antécédents pertinents, soit d'une entorse lombaire consolidée en juin 2004 et pour laquelle on avait attribué un déficit anatomo-physiologique de 2 %, en raison de la persistance de limitations de mouvements, ainsi que des limitations fonctionnelles. Le docteur Lacasse fait aussi état des plaintes subjectives et des résultats de son examen objectif. Il conclut en ces termes: 

[…] 

 

Compte tenu du fait qu'aucune atteinte neurologique aux membres inférieurs de madame Gagné n'a été démontrée tant en cours d'évolution qu'au moment de la présente expertise et compte tenu du fait que la hernie discale foraminale L4-L5 gauche qui a été identifiée à la résonance magnétique du 13 mars 2003, était déjà connue depuis la tomographie axiale du 14 mars 1994, j'en viens à la conclusion que madame Gagné n'a pas présenté lors de l'événement du 23 novembre 2002, de hernie discale lombaire. En regard de cet événement, le diagnostic de hernie discale lombaire doit être rejeté.

 

La présence d'une lombalgie sans atteinte neurologique aux membres inférieurs, apparue suite à une chute et sans fracture du rachis lombaire, mène à un diagnostic d'entorse lombaire.

 

Je retiens donc chez madame Gagné, en relation avec l'événement du 23 novembre 2003, un diagnostic d'entorse lombaire.

 

[…] 

 

 

[18]           Concernant la consolidation de la lésion, le docteur Bernard Lacasse précise que l'état clinique est superposable à celui décrit par le docteur Pierre Béliveau le 31 mars 1995. Il est d'avis que la travailleuse a retrouvé son état lombaire d'avant le fait accidentel du 23 novembre 2002. Il consolide la lésion au 1er octobre 2003 et précise qu'il n'y a aucune modalité de thérapeutique supplémentaire à prévoir.

[19]           Concernant finalement l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, il maintient le déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec limitations fonctionnelles en précisant qu'il s'agit d'une diminution d'amplitude articulaire du rachis comparable à ce qui avait été évalué en 1995. Il maintient également les limitations fonctionnelles émises par le docteur Pierre Béliveau le 31 mars 1995. Il précise que les limitations fonctionnelles doivent être reconduites de façon intégrale, à savoir: 

Madame Gagné devra donc: 

 

ü        éviter de soulever et de porter des charges dépassant 10 kilos; 

ü        éviter la position assise ou debout prolongée dépassant deux heures consécutives; 

ü        éviter de monter et de descendre des escaliers ou de marcher sur des longues distances.

 

 

[20]           Le 21 octobre 2003, la CSST s'adresse au docteur Jacques Levasseur en lui demandant de fournir un rapport complémentaire. La CSST s'exprime comme suit: 

Nous vous faisons parvenir un rapport fourni par le professionnel de la santé désigné par la CSST concernant la personne mentionnée ci-dessus et qui infirme votre rapport du 30 juillet 2003.


 

Vous devez remplir le formulaire Rapport complémentaire ci-joint pour: 

 

-           signifier votre accord avec les conclusions du professionnel de la santé désigné; 

 

ou

 

-           dans le cas contraire, étayer vos conclusions.

 

Veuillez noter que vous disposez, pour ce faire, d'un délai de 30 jours suivant la réception du rapport du professionnel de la santé désigné par la CSST.

 

Si vous désirez également soumettre un rapport de consultation motivé, vous pouvez le joindre au formulaire et nous retourner les documents à l'adresse indiquée ci-dessus.

 

 

[21]           Le 27 octobre 2003, le docteur Jacques Levasseur complète le rapport complémentaire en ces termes: 

Rien à ajouter.

 

 

[22]           Le 6 novembre 2003, il ajoute ce qui suit: 

Je ne m'objecte pas à cette décision.

 

 

[23]           Le docteur Jacques Levasseur n'émet aucun rapport final et, le 17 novembre 2004, le docteur Pierre du Tremblay examine la travailleuse à la demande du représentant de cette dernière. Dans le cadre de son expertise, le docteur du Tremblay rapporte le suivi médical ainsi que la tentative de retour au travail qui s'est soldé par un échec après une seule journée. Il rapporte aussi les plaintes de la travailleuse ainsi que les résultats à son examen objectif. Il conclut en ces termes: 

[…] 

 

L'examen objectif de ce jour nous montre effectivement une limitation de mouvements au niveau du rachis dorso-lombaire, un phénomène douloureux très important surtout aux dépens des sacro-iliaques, mais absence d'atteinte radiculaire. Le diagnostic à maintenir est donc celui d'une entorse lombaire avec limitations fonctionnelles et même si les mouvements sont moins souples, le déficit anatomo-physiologique, selon les barèmes actuellement en vigueur à la CSST, demeure le même, soit 2 %. Cependant, nous croyons que madame Gagné devrait avoir une investigation un peu plus exhaustive comprenant une scintigraphie pour tenter de déterminer s'il y a ou non atteinte des sacro-iliaques et suggérer un traitement en conséquence, mais peu important si l'investigation est positive ou non. Nous croyons qu'elle demeure avec des limitations fonctionnelles qui sont plus importantes que celles émises dans le passé et que des limitations fonctionnelles de classe 2, selon la Classification canadienne des professions, devraient être émises. Ces limitations sont comme suit: 

 

Éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kilos, effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude, monter fréquemment plusieurs escaliers et marcher en terrains accidentés ou glissants.

 

De plus, elle devrait éviter les positions statiques debout ou assis prolongées au-delà de 60 minutes. Ces limitations, quant à nous, diminuent fortement sa capacité d'effectuer le travail qu'elle faisait au moment de cet accident et diminuent aussi également la capacité d'effectuer un travail de dame de compagnie, quant à nous. Nous croyons donc que l'investigation devrait être complétée et que la date de consolidation sera émise suite à cette investigation, mais cette date de consolidation et l'investigation supplémentaire ne changeront pas, quant à nous, le déficit anatomo-physiologique et les limitations fonctionnelles que nous avons émises puisque nous n'avons pas de suggestions de traitement chirurgical ou autres à suggérer.

 

 

[24]           Suivant les notes évolutives manuscrites au dossier de la travailleuse, on apprend que la CSST a discuté avec celle-ci, le 1er avril 2003, et que c'est au cours de cette discussion qu'elle a révélé avoir changé de médecin parce que le docteur Jacques Levasseur lui avait confirmé qu'elle ne pourrait plus refaire son emploi, ce avec quoi elle n'était pas d'accord. On apprend également que la docteure Anne Laliberté a transmis à nouveau le dossier de la travailleuse au docteur Jacques Levasseur et que, le 4 septembre 2003, un bilan est fait auprès de ce dernier. Les notes évolutives, au 4 septembre 2003, rapportent ce qui suit: 

Bilan fait ce jour avec D. Levasseur ce jour cf résumé au dossier.

 

-           il s'est rendu compte, à la réception du dossier transmis par D. Laliberté, de n'avoir qu'une partie des informations nécessaires pour bien comprendre ce dossier.

 

-           il estime que la condition actuelle de T. ne relève plus de la CSST et il a avisé T. que dans ce contexte, il ne lui remplirait plus de papiers « CSST ».

 

-           toutefois reverra dossier pour voir s'il peut remplir le RMF.

 

-           est d'accord cependant pour EM/204, pcq il n'est pas sûr de vouloir remplir RMF et sent que T. « ira jusqu'au bout »... encore une fois.

 

Donc EM/204 demandée, quitte à l'annuler si nous recevons RMF

 

 

[25]           Le 3 mars 2004, la travailleuse produit une nouvelle réclamation à l'effet d'avoir été victime d'une récidive, rechute ou aggravation le 23 février 2004. Le 24 mars 2004, la CSST procède à l'analyse de cette réclamation. Suivant les notes évolutives rapportant une conversation entre la travailleuse et la CSST, en date du 25 mars 2004, on apprend que la travailleuse allègue qu'il s'agit des mêmes douleurs, qui ont repris de plus belles, et qu'il ne s'est rien passé de particulier le 22 février 2004. Le 20 mai 2004, la CSST refuse la réclamation pour les motifs suivants: 

Considérant

 

-           Ø survenu de nouveau F.A., Ø lieu de considérer la présente demande en nouvel évén.

 

-           Ø de démonstration objective d'aggravation au 22-02-04, cdt de dlr résiduelle connue et régulière séqu. fonctionnelles compensées au REM.

 

-           Ø de suivi sur 4 mois entre oct 02 et fév 04.

 

-           Ø de rat de T. depuis E.O. → Nous ne pouvons affirmer qu'un rat aurait pu contribuer à aggraver la cdt de la T.

 

RRA 23-02-04 refusée.

DX:  lombosciatalgie. [sic]

 

 

[26]           Lors de l'audience, la travailleuse témoigne des circonstances l'ayant amenée à changer de médecin en février 2003. Elle confirme les motifs rapportés aux notes évolutives. Elle précise être retournée auprès du docteur Jacques Levasseur suite à un appel de la docteure Anne Laliberté. Elle témoigne ne pas avoir été contactée par le docteur Levasseur avant l'émission de son rapport complémentaire du 27 octobre 2003.

[27]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis que la preuve offerte permet d'établir un certain nombre de prémisses, à savoir: 

-                      que le médecin ayant charge à compter du 30 juillet 2003 est à nouveau le docteur Jacques Levasseur; 

-                      qu'entre le 10 janvier 2003 et le 30 juillet 2003, le docteur Jacques Levasseur n'avait pas accordé de suivi auprès de la travailleuse, cette dernière étant soignée par la docteure Anne Laliberté; 

-                      que le 4 septembre 2003, le docteur Jacques Levasseur n'avait pas en main toutes les données relatives à la condition médicale de la travailleuse puisque, à la lecture des notes évolutives à cette date, il indique que la docteure Anne Laliberté ne lui a pas fourni toutes les informations nécessaires pour bien comprendre la situation; 

-                      qu'il n'y a pas eu de visite médicale de la travailleuse auprès du docteur Jacques Levasseur, le 27 octobre 2003, aux fins des questions médicales appréciées par le docteur Bernard Lacasse; 

-                      que c'est par la CSST que la travailleuse apprend l'opinion du docteur Bernard Lacasse et le rapport complémentaire du 27 octobre 2003 du docteur Jacques Levasseur.

[28]           Le représentant de la travailleuse dépose un certain nombre de décisions de la Commission des lésions professionnelles au soutien de sa prétention à l'effet que l'avis complémentaire du docteur Jacques Levasseur, du 27 octobre 2003, n'est pas liant compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été émis. Il s'agit des affaires suivantes: 

Ø                  Viau et Rénovations R. Rivard[2]

Ø                  Brière et Vinyle Kaytec inc.[3]

Ø                  Bacon et General Motors du Canada ltée[4]

Ø                  Mc Quinn et Etiquette Mail-Well[5]

Ø                  Blanchet et Ferme RNB inc.[6]

 

 

[29]           À la lecture de chacune de ces affaires, il est clairement établi que le médecin ayant charge ne peut émettre un avis complémentaire en faisant fi de son obligation de motiver le pourquoi de son avis. Le fait de répondre simplement « oui » à la question de la CSST, visant à faire entériner les conclusions du médecin désigné en vertu de l'article 204, ne constitue en aucun temps un avis répondant aux prescriptions de la loi.

[30]           Dans l'affaire Viau et Rénovation, la commissaire prend position en référant à une autre affaire, soit Emond et CBC-Spie Société Coparticipation[7]. La commissaire Juteau précise que l'article 204 de la loi doit se lire en conjugaison avec les articles 205.1 et 206 et partage l'avis du commissaire Vigneault voulant que de simplement rechercher l'approbation du médecin ayant charge, par le rapport complémentaire visé à l'article 205.1 de la loi, équivaut à vider de son sens les dispositions relatives à la procédure d'évaluation médicale.

[31]           Dans l'affaire Brière et Vinyle Kaytec, le médecin ayant charge transmet des informations à la CSST à l'insu du travailleur et cette dernière retient ces données comme s'il s'agissait du rapport final prescrit en application de l'article 203 de la loi. La CSST rend une décision à l'effet que le travailleur est capable d'exercer son emploi. Aucune décision n'est rendue quant à la consolidation de la lésion et l'absence de séquelles permanentes.

 

[32]           La commissaire Landry réfère à un jugement de la Cour d'appel et rappelle l'obligation du médecin ayant charge relative à l'article 203 de la loi, à savoir que ce médecin doit informer le travailleur sans délai du contenu de son rapport. Elle précise que s'il est avéré que le travailleur ignore le contenu du rapport final, la CSST ne peut se considérer liée par lui car il y a violation de l'article 203. Il en va de même du travailleur car il y a empêchement de la finalité sous-jacente de l'article 203 de la loi, soit le droit de choisir le médecin de son choix et d'être informé du contenu du rapport. La commissaire Landry déclare irrégulière la procédure et annule la décision sur la capacité de travail car prématurée. Elle retourne le dossier à la CSST pour qu'on reprenne la procédure médicale.

[33]           Dans l'affaire Bacon et General Motors du Canada ltée, la CSST demande au médecin ayant charge de commenter l'opinion émise dans le cadre de l'article 204 de la loi. Le commissaire Clément rappelle que pour lier la CSST, la réponse du médecin ayant charge doit être claire et limpide. Référant à une autre affaire, il s'en remet à l'indication voulant qu'un médecin ne doit pas être empêché de modifier son opinion, auquel cas il doit étayer son avis pour permettre de comprendre les raisons qui l'amènent à se rallier au médecin désigné. Si tel n'est pas le cas, le litige devra être soumis au BEM.

[34]           Le commissaire Clément constate, à son dossier, que le médecin ayant charge n'a fait qu'inscrire les mots « date:  consolidé » dans le cadre de son rapport complémentaire. Le commissaire conclut qu'il ne s'agit nullement d'une conclusion étayée au sens de l'article 205.1 de la loi et qu'en plus, le médecin ayant charge n'a pas examiné le travailleur, ce qui ne permet pas de comprendre à quelle date ce médecin réfère lorsqu'il mentionne « date:  consolidé ». En conséquence, le commissaire s'en remet au dernier rapport CSST valide du médecin ayant charge, estime que la lésion n'est pas consolidée, que l'article 46 de la loi s'applique et que le travailleur a droit de continuer à recevoir les indemnités de remplacement du revenu conformément à l'article 44 de la loi libellé comme suit: 

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[35]           Dans l'affaire Mc Quinn et Étiquettes Mail Well, la Commission des lésions professionnelles revient sur l'obligation d'étayer l'avis émis par le médecin ayant charge dans le cadre d'un rapport complémentaire et de l'obligation de ce dernier de compléter le rapport final, en application de l'article 203 de la loi, d'informer le travailleur du contenu de son rapport et de l'acheminer à la CSST.

[36]           Le commissaire Tremblay est d'avis que le médecin ayant charge n'a pas étayé son opinion en mentionnant uniquement le mot « d'accord » à son rapport complémentaire même s'il fait mention du résultat du CT-Scan. Le commissaire Tremblay est d'avis que cela ne rencontre pas les exigences de clarté, puisqu'il est difficile de comprendre pourquoi le médecin change d'avis.

[37]           Le commissaire Tremblay est aussi d'avis que le rapport complémentaire n'est pas liant parce que la procédure de l'article 212 de la loi n'a pas été respectée. Il précise que l'obligation du médecin ayant charge d'informer le travailleur du contenu de son rapport n'est pas une simple formalité mais bien une exigence de fond compte tenu des conséquences qu'a l'opinion du médecin ayant charge. Il indique que cette étape est le seul moment où le travailleur a l'occasion de faire valoir son point de vue et d'exercer le droit qui est dévolu à l'article 192 de la loi d'avoir recours au médecin de son choix. Le commissaire Tremblay retourne le dossier à la CSST afin que la procédure médicale soit poursuivie et annule la décision découlant de l'avis complémentaire émis par le médecin ayant charge.

[38]           Dans Blanchet et Ferme RNB inc., il est aussi question de l'application de l'article 205.1 de la loi. On revient à l'obligation du médecin ayant charge de motiver son opinion alors que sa seule signature au bilan médical, entérinant les conclusions du médecin désigné par la CSST, ne constitue pas une opinion étayée. Encore une fois, la décision rendue après l'avis complémentaire et basée sur cet avis est déclarée prématurée, le dossier est retourné à la CSST pour que la procédure médicale suive son cours et le droit aux indemnités de remplacement du revenu soit repris.

[39]           Dans le cas qui nous occupe, il est clair que le médecin ayant charge n'a ni respecté l'article 205.1 de la loi ni donné suite à son obligation relative à l'article 203 de la loi. Son rapport complémentaire n'est pas étayé, puisqu'il ne fait que répondre « Rien à ajouter ». Cela ne permet pas de comprendre pourquoi il change d'avis quant à l'opinion qu'il avait préalablement émise le 30 juillet 2003, à savoir que la lésion n'est pas consolidée et que le diagnostic est celui de hernie. Quant à l'ajout du 6 novembre 2003, faisant suite à l'intervention de l'agent de la CSST, à savoir « Je ne m'objecte pas à cette décision », cela ne permet pas non plus de comprendre le pourquoi du changement de son opinion émise le 30 juillet 2003.

[40]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis que l'opinion du médecin ayant charge, émis dans son rapport complémentaire du 27 octobre 2003, est d'autant plus difficile à saisir que préalablement, à ce rapport complémentaire, il avait indiqué, au médecin de la CSST, qu'il ne détenait pas toute l'information nécessaire à une bonne compréhension de la situation de la travailleuse. Or, il émet son rapport complémentaire sans même revoir la travailleuse, la privant ainsi de toute discussion possible avec lui en vue d'un avis complémentaire bien motivé. Il l'a privée également de son droit, conformément à l'article 192 de la loi, de choisir son médecin. Enfin, c'est par l'agent de la CSST que la travailleuse apprend le contenu du rapport complémentaire et du rapport du médecin désigné, ce qui est également contraire à la procédure médicale prévue à la loi.

[41]           Dans le cas sous étude, tout comme dans certaines affaires déposées par le représentant de la travailleuse, le médecin ayant charge n'a pas émis de rapport final, conformément à l'article 203 de la loi. Encore une fois, la procédure médicale est bafouée. En conséquence, les décisions découlant de cette mauvaise procédure doivent être considérées prématurées, puisque l'avis complémentaire, lui-même incorrect, ne peut servir de rapport final.

[42]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis que la CSST doit reprendre la procédure médicale auprès du médecin ayant charge afin d'obtenir un avis étayé, conformément à l'article 205.1 de la loi, et, s'il y a lieu, envoyer le tout au BEM. Elle doit d'ici là rétablir le droit aux indemnités de remplacement du revenu  à compter du moment où elle y a mis fin.

 

DOSSIER 244281-03B-0409

[43]           La Commission des lésions professionnelles doit disposer de la question de la récidive, rechute ou aggravation  au 23 janvier 2004.

[44]           Au moment de l'audience, il a été convenu de ne pas discuter de cette question et de rappeler les parties en audience, s'il y a lieu, c'est-à-dire si la Commission des lésions professionnelles n'accueillait pas la première question relative à l'invalidité de l'avis complémentaire et de la procédure médicale.

[45]           Or, la Commission des lésions professionnelles partage l'opinion du représentant de la travailleuse quant à l'invalidité de l'avis complémentaire et de la procédure médicale.

[46]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles estime que toute discussion sur l'existence ou non d'une récidive, rechute ou aggravation au 23 février 2004 est prématurée et la décision y faisant état doit aussi être annulée. La CSST devra à nouveau se pencher sur cette question, après que la procédure médicale ait été faite en conformité avec la loi.


 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DOSSIER 231454-03B-0404

ACCUEILLE la requête déposée par madame Lise Gagné (la travailleuse) le 2 avril 2004; 

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative le 30 mars 2004; 

DÉCLARE nulles les décisions rendues par la CSST les 13 novembre 2003 et 10 décembre 2003, car prématurées; 

DÉCLARE que la travailleuse a toujours droit aux indemnités de remplacement du revenu  à compter du moment où la CSST y a mis fin; 

RETOURNE le dossier à la CSST afin que la procédure d'évaluation médicale soit reprise et poursuivie conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi).

 

DOSSIER 244281-03B-0409

ACCUEILLE la requête déposée par la travailleuse le 25 septembre 2004; 

ANNULE la décision rendue par la CSST en révision administrative le 22 septembre 2004; 

DÉCLARE prématurée la décision de la CSST rendue le 21 mai 2004 quant à l'existence ou non d'une récidive, rechute ou aggravation au 23 février 2004.

 

 

__________________________________

 

Marielle Cusson

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Jacques Ricard

JACQUES RICARD, AVOCAT

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          C.L.P. 185176-71-0205, 21 novembre 2002, F. Juteau.

[3]          C.L.P. 215828-62A-0309, 18 juin 2004, J. Landry.

[4]          C.L.P. 226939-04-0402, 17 novembre 2004, J.F. Clément.

[5]          C.L.P. 201087-62A-0303,-C, 15 février 2005, N. Tremblay.

[6]          C.L.P. 239411-03B-0407, 17 février 2005, G. Marquis.

[7]          C.L.P. 128111-09-9912, 19 juin 2000, Y. Vigneault.

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