Deschênes et HVAC inc. |
2016 QCTAT 1800 |
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Dossier 584467-63-1509
[1] Le 10 septembre 2015, monsieur Joël Deschênes (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 17 août 2015 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST conclut qu’elle pouvait reconsidérer la décision du 1er avril 2015 et elle confirme la décision du 13 avril 2015. La CSST déclare que le montant de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur doit être établi sur la base du revenu brut assurable de 51 220,90 $.
Dossier 586761-63-1510
[3] Le 2 octobre 2015, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 28 septembre 2015 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST infirme la décision qu’elle a initialement rendue le 30 juin 2015 et déclare qu’il y a lieu de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter du 26 juin 2015.
Dossier 587573-63-1510
[5] Le 13 octobre 2015, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 30 septembre 2015 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 28 août 2015 et déclare qu’il y a lieu de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter du 27 août 2015.
[7] Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[1] est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.
[8] De plus, depuis le 1er janvier 2016, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume les compétences autrefois dévolues à la CSST.
[9] L’audience s’est tenue à Joliette le 19 janvier 2016 en présence du travailleur qui se représente seul et H.V.A.C. inc. (l’employeur) est présent et représenté.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 584467-63-1509
[10] Le travailleur déclare au Tribunal administratif du travail que le montant de son indemnité de remplacement du revenu doit être établi selon le revenu brut annuel de 60 294.70 $ somme représentant son revenu brut pour un ferblantier apprenti troisième année, avec un taux horaire de 30, 29 $.
Dossier 586761-63-1510
[11] Le travailleur demande au Tribunal d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu’il a droit aux prestations de l’indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 587573-63-1510
[12] Le travailleur demande au Tribunal administratif du travail d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu’il a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[13] Le Tribunal administratif du travail doit déterminer le revenu brut annuel du travailleur qui servira de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à la suite de sa lésion professionnelle du 20 mars 2015. Par la suite, le Tribunal doit décider s’il y aurait lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 26 juin 2015 et du 27 août 2015.
[14] Dans un premier temps, il y a lieu de rappeler certains faits pertinents au litige. Le dossier révèle que le travailleur est un ferblantier apprenti de troisième niveau et le 20 mars 2015, il se blesse à la main en déplaçant du matériel pour l’employeur. La réclamation du travailleur est acceptée par la CSST. Le dossier révèle également qu’au moment de la survenance de l’événement le 20 mars 2015, le travailleur reçoit une indemnité de remplacement du revenu réduite à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle datant du 4 janvier 1996. Il appert que le revenu annuel brut revalorisé du travailleur pour son indemnité de remplacement du revenu réduite est de 51 220, 90 $.
[15] Les notes évolutives ainsi que l’avis de l’employeur et demande de remboursement révèlent que le travailleur a été embauché à un tarif horaire de 30,89 $ sur un contrat à durée déterminée de quatre semaines ce qui lui rapporte un revenu total de 4 942, 40 $.
[16] Lors de l’audience, le travailleur témoigne à l’effet qu’il n’avait aucune connaissance que son contrat d’embauche était à durée déterminée. Selon lui, au moment de l’embauche, dans une rencontre avec madame Yolande Ploye, le travailleur s’était informé de la continuité du travail chez l’employeur et il aurait été informé que l’employeur avait suffisamment d’ouvrage pour pouvoir le garder occupé pour l’avenir. Cependant, le travailleur précise qu’aucun contrat n’a été rédigé et qu’il ne s’agissait ici que d’une entente verbale.
[17] Le dossier révèle qu’à la lumière de cette information, la CSST rend une décision concernant la base de salaire servant au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu en retenant le montant qui avait été retenu pour le revenu annuel brut revalorisé de la récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 4 janvier 1996 soit de 51 220,90 $. Il appert que la CSST a appliqué l’article 73 de la loi pour arriver à cette conclusion.
73. Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.
L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 73.
[18] Lors de l’audience, le travailleur a plaidé que, selon lui, il avait un contrat annuel qui au tarif horaire lui aurait rapporté une base de salaire de 60 294,70 $ et qu’il demande que le Tribunal modifie la base salariale à ce montant afin qu’il reçoive les indemnités en conséquence. En effet, la règle générale pour établir le revenu brut d’un travail est prévue à l’article 67 de la loi qui indique que celui-ci est déterminé sur la base du revenu brut prévu au contrat de travail.
67. Le revenu brut d'un travailleur est
déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et,
lorsque le travailleur est visé à l'un des articles
Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011) ou de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).
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1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4; 2001, c. 9, a. 125.
[19] Cependant, puisque le contrat de travail du travailleur est à durée déterminée, il y a lieu de regarder à l’exception. Dans notre cas, l’exception est que le travailleur est prestataire d’une indemnité de remplacement du revenu réduite pour une lésion professionnelle qui précédait celle qui est survenue le 20 mars 2015.
[20] D’emblée, le Tribunal est d’avis que l’article 73 doit trouver application en l’espèce. En effet, la preuve révèle que le travailleur recevait une indemnité de remplacement du revenu réduite à la suite de sa récidive, rechute ou aggravation et que cette indemnité de remplacement du revenu a été calculée au montant de 51 220, 90 $. Par ailleurs, nonobstant les représentations du travailleur, la preuve révèle que le contrat d’embauche du travailleur pour l’employeur était un contrat a durée déterminée de quatre semaines.
[21] Le témoignage du travailleur à cet effet n’a pas été suffisant afin de démontrer qu’il avait un contrat d’embauche indéterminé. Ne serait-ce que pour ce motif, le Tribunal est d’avis que l’article 73 doit trouver application et c’est à bon escient que la CSST a déterminé que la base de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu du travail est de 51 220, 90 $. En effet, le travailleur n’a pas été en mesure de faire la démonstration qu’il aurait été en mesure de gagner un revenu annuel brut supérieur à celui qui a été déterminé par la CSST.
[22] Concernant les deux autres dossiers, le Tribunal administratif du travail retient les éléments suivants. L’article 142.2 alinéa a de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[2] prévoit ce qui suit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[23] En l’espèce, le dossier révèle que l’employeur a voulu convoquer le travailleur à une évaluation médicale en conformité avec les articles 209, 210 et 211 de la loi, le 26 juin 2015 à 15 h. L’avis de convocation envoyé au travailleur révèle qu’il est indiqué qu’il est demandé au travailleur d’arriver environ 15 minutes avant l’heure prévue de son rendez-vous afin de procéder à l’inscription. Or, lors de l’audience, le travailleur déclare que ce dernier est arrivé en retard à son rendez-vous prévu à 15 heures d’environ une douzaine de minutes. Il affirme que lorsqu’il s’est présenté sur place, on l’a avisé que le médecin avait déjà quitté et que son rendez-vous avait été annulé. Il appert que l’employeur a communiqué avec la CSST afin de demander la suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur.
[24] Le Tribunal remarque que l’avis de convocation qui a été transmis au travailleur indique clairement l’endroit, l’heure et le médecin expert qui allait procéder à l’évaluation, mais il n’y a aucune indication de numéro de téléphone afin que le travailleur puisse communiquer avec la clinique médicale où l’évaluation doit avoir lieu. Le travailleur dans son témoignage affirme qu’il a eu un problème en se déplaçant et qu’il s’est perdu et qu’il a été incapable de rejoindre la clinique afin de les aviser de son retard.
[25] D’emblée, le Tribunal est d’avis que les motifs allégués par le travailleur sont suffisants pour accueillir sa requête. En effet, les motifs allégués par l’employeur à l’effet que son retard a dû occasionner des frais sont un non sens.
[26] De l’avis du Tribunal, il aurait été bien mieux pour le médecin expert de l’employeur d’attendre quelques minutes afin de procéder à l’expertise le jour même lorsque le travailleur s’est présenté avec quelques minutes de retard plutôt que de simplement annuler le rendez-vous et le remettre à une autre date. Ceci a causé beaucoup d’inconvénients pour toutes les parties.
[27] Selon le Tribunal, ce n’est pas une façon appropriée de procéder à une évaluation médicale au sens de la loi. D’une certaine façon, le travailleur, à lui seul, a le fardeau de pouvoir répondre à tous les critères exigés.
[28] Il est de connaissance d’office que les retards font partie de la vie courante et ce n’est pas au travailleur d’en subir tous les inconvénients comme dans le cas en l’espèce en ayant ses indemnités de remplacement du revenu suspendues parce qu’il a été en retard au rendez-vous d’une douzaine de minutes surtout pas dans un contexte d’évaluation médicale demandée par l’employeur alors qu’encore une fois, il est de connaissance publique qu’il y a souvent des retards dans les services médicaux.
[29] Pour cette raison, le Tribunal est d’avis d’accueillir la requête du travailleur.
[30] Cependant, concernant la deuxième décision de la CSST de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur parce que ce dernier qui a omis de se présenter à son rendez-vous médical du 27 août 2015, cette fois-ci le rendez-vous avait été fixé au même endroit avec le même médecin expert à 9 h 30 le matin.
[31] Lors de son témoignage, le travailleur a expliqué qu’il avait eu un rendez-vous en ergothérapie le jour même et que celui-ci l’a retardé. Cependant, il appert que les heures indiquées par le travailleur ne correspondent pas à l’avis de convocation qui a été transmis. Interrogé à ce sujet, le travailleur n’a pas été en mesure d’offrir une explication raisonnable qui justifiait les raisons pour lesquelles il est arrivé considérablement en retard à ce rendez-vous pour une évaluation avec le docteur Dionne. La preuve révèle plutôt que le travailleur s’est présenté à son rendez-vous médical avec un retard d’au-delà de 45 minutes. Dans le contexte actuel et considérant que c’était une seconde tentative, le Tribunal ne peut pas être sympathique envers le travailleur.
[32] Lors de l’audience, le travailleur a indiqué qu’il s’est déplacé par camion au lieu de prendre le transport en commun, mais encore une fois aucune explication n’a été donnée pourquoi il s’est présenté si tard à son rendez-vous.
[33] Concernant ce dossier, le Tribunal est d’avis qu’il y avait lieu de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu puisque le travailleur n’a pas été en mesure d’offrir un motif raisonnable justifiant son retard.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
Dossier 584467-63-1509
REJETTE la requête de monsieur Joël Deschênes, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 août 2015 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que les revenus bruts annuels du travailleur doit être établi à 51, 220,90 $ aux fins du calcul de son indemnité de remplacement du revenu à la suite de son accident du travail du 20 mars 2015.
Dossier 586761-63-1510
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Joël Deschênes;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 septembre 2015 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 26 juin 2015.
Dossier 587573-63-1510
REJETTE la requête du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 septembre 2015 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’il y avait lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 27 août 2015.
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Marco Romani |
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Me Pierre Méthot |
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LEBLANC LAMONTAGNE ET ASSOCIÉS |
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Partie défenderesse |
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Date de la dernière audience : 19 janvier 2016 |
AVIS :
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