Décision

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Bryant c. Benjamin

2023 QCCA 1021

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

 :

200-09-010546-221

(200-11-026757-206)

 

DATE :

10 août 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

GARY W. BRYANT

APPELANT – requérant

c.

 

DANIEL BENJAMIN

INTIMÉ – débiteur

et

 

RAYMOND CHABOT INC.

MISE EN CAUSE – syndic

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                La Cour est saisie d’une demande pour permission d’appeler et d’une demande de bene esse pour proroger le délai afin de porter en appel le jugement du 16 septembre 2022 de l’honorable Marie-Paule Gagnon de la Cour supérieure, district de Québec.  Ces demandes ont été déférées à la Cour par le juge Rancourt.

[2]                Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Gagné et Beaupré, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE la demande de prorogation du délai d’appel et PROROGE le délai pour demander la permission d’appeler du jugement du 16 septembre 2022 de l’honorable Marie-Paule Gagnon de la Cour supérieure, district de Québec;

[4]                ACCUEILLE la demande pour permission d’appeler et ACCORDE la permission d’appeler dudit jugement;

[5]                ACCUEILLE l’appel;

[6]                INFIRME ledit jugement;

[7]                DÉCLARE inadmissible une preuve complémentaire extrinsèque à celle administrée devant les tribunaux de la Caroline du Nord dans la présente affaire;

[8]                CONDAMNE l’intimé aux frais de justice, tant en première instance qu’en appel.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

 

Me Antoine Motulsky-Falardeau

THERRIEN, COUTURE

Pour l’appelant

 

Me Justin Dépatie

LANGLOIS AVOCATS

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

5 avril 2023


 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[9]                La Cour est saisie d’une demande pour permission d’appeler et d’une demande de bene esse pour proroger le délai afin de porter en appel le jugement du 16 septembre 2022 de l’honorable Marie-Paule Gagnon de la Cour supérieure, district de Québec[1]. Ce jugement autorise l’administration d’une preuve complémentaire extrinsèque afin de qualifier, aux fins de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[2] (« LFI »), une dette constatée par un jugement d’un tribunal de la Caroline du Nord qui a été reconnu et rendu exécutoire au Québec.

[10]           Deux principales questions relatives à la procédure et à la preuve en matière de faillite et d’insolvabilité se soulèvent dans le cadre de ces demandes. La première consiste à déterminer le point de départ du calcul du délai d’appel dans le cas d’une décision ou d’une ordonnance rendue en vertu de la LFI. La deuxième concerne l’admissibilité d’une preuve complémentaire extrinsèque dans le cadre de l’exercice de qualification en vertu de l’alinéa 178(1)e) LFI d’une dette constatée par un jugement.

LE CONTEXTE

[11]           À partir de 1997, l’appelant travaille comme représentant commercial aux États-Unis pour une société canadienne dirigée par l’intimé, en l’occurrence AP Industries (« AP »). Il devient actionnaire de cette société suivant les termes de son contrat de travail. En 2010, les conditions de travail de l’appelant sont substantiellement modifiées de consentement, notamment en prévoyant que ce dernier vende ses actions dans l’entreprise. Peu de temps après, la société de l’intimé rompt le lien d’emploi avec l’appelant. 

[12]           En octobre 2011, l’appelant entreprend des procédures judiciaires devant la General Court of Justice Superior Court Division de la Caroline du Nord contre AP et l’intimé. Il réclame des dommages compensatoires en vertu de six chefs de réclamations, soit : 1) Breaches of Contract or Quantum Meruit/Unjust Enrichment; 2) Breach of Covenant of Good Faith and Fair Dealing; 3) Fraud; 4) Wage and Hour Act; 5) Commissions Contract; et 6) Unfair Trade Practices. Il réclame aussi des dommages punitifs.

[13]           L’intimé a présenté une requête en irrecevabilité afin de contester la compétence des tribunaux de la Caroline du Nord à son égard. Bien que cette requête ait été accueillie en première instance, la North Carolina Court of Appeals est intervenue le 20 août 2013 afin de confirmer la compétence des tribunaux de cet état américain. L’intimé s’est ensuite défendu devant les tribunaux de la Caroline du Nord en produisant une défense écrite.

[14]           Après plusieurs péripéties procédurales, les procureurs de l’intimé se sont retirés du dossier en février 2016 et l’affaire fut éventuellement portée au rôle pour jugement sommaire par défaut de plaider. Le 31 octobre 2016, un juge de la Catawa County Superior Court, après avoir pris en compte la preuve déposée dans le dossier (y compris les pièces et les déclarations sous serment), rend un jugement condamnant solidairement l’intimé et sa société à verser 840 860,24 $ US à l’appelant (le « jugement de la Caroline du Nord »). Les conclusions de ce jugement à l’appui de cette condamnation sont les suivantes :

  1. Defendants appear to have pursued a defensive strategy of delay and further delay to resolving this case, including Bryant to incur further attorney fees would be unfairly prejudicial to Plaintiff Bryant. Ongoing and continuous delay in trying the case on its’ merits has been onerous and prejudicial to the Plaintiff.

(…)

  1. As supported by unrefuted affidavit, Plaintiff is entitled judgment for Plaintiff’s first claim of Breach of Contract and Second Claim of Breach of Covenant of Good Faith and Fair Dealing. Plaintiff’s damages are $167,581.66 in lost fixed compensation wages plus interest of $91,724.55 relating to non-payment thereof measured from the date each payment was due. Further, Plaintiff is entitled to $38,553.99 in unpaid expenses plus interest of $16,468.42 measured from July 1, 2011 (see Complaint Exh. 8). Further, Plaintiff is owed $70,000.00 that was not paid to Plaintiff pursuant to a May 2010 Email with interest measured from December 3, 2010 in the amount of $33,124.38. The total compensatory damages and interest for which Bryant is owed is $417,454.00. See First and Second Claims for Relied; also see Affidavit of Gary Bryant in Support of Summary Judgment attached at Exhibit 1, ¶¶ 4-8.
  2. Plaintiff’s First and Second Claims for Relied also amount to breaches of North Carolina’s Wage and Hour Act, for which Plaintiff is entitled to liquidated damages of $276,135.65 pursuant to N.G.G.S. §95-25.22. Defendants AP Industries and Daniel Benjamin are jointly and severally liable for Plaintiff’s damages. Dependants conduct in this lawsuit demonstrates a lack of good faith, and Plaintiffs are entitled to the maximum liquidated damages.
  3. Plaintiff is entitled to damages of $100,000.00 for Plaintiff’s claim of Fraud. See Third Claim for Relief, Complaint ¶¶ 126-132. For the period of 3 December 2010 through June 2010, Plaintiff is entitled to damages in the form of promised commissions in the amount $100,000.00, which would’ve been paid pursuant to commission for the Canadel or Bermex representations for Plaintiff’s claim of Breach of Commissions Contract and Unfair Trade Practices. See First Claim for Relief; also see Affidavit of Gary Bryant in Support of Summary Judgment attached at Exhibit 1, 10.
  4. Plaintiff is entitled to attorney fees pursuant to N.C.G.S. §66-192, N.C.G.S. §75-16.1 and N.C.G.S. 95-25.22 to costs and attorney fees in the amount of $47,270.59

[Transcription textuelle, caractères gras dans l’original]

[15]           Le 17 août 2018, l’intimé fait une proposition de consommateur en vertu de la LFI[3]. Au cours du mois de juillet 2020, l’appelant introduit devant la Cour supérieure du Québec une demande de reconnaissance du jugement de la Caroline du Nord et une demande d’autorisation de poursuivre l’intimé. Cette procédure est suivie d’un avis de suspension des procédures émis par la mise en cause Raymond Chabot inc., syndic à la proposition, selon l’article 69.2 LFI, laquelle suspension est levée partiellement par un juge de la Cour supérieure afin de permettre l’instruction sur la reconnaissance au Québec du jugement de la Caroline du Nord[4].

[16]           Le 7 septembre 2021, la juge Soldevila de la Cour supérieure, dans un jugement fort détaillé, reconnaît le jugement de la Caroline du Nord et en autorise l’exécution[5].

[17]           Un débat s’est ensuite engagé entre les parties quant à l'effet libératoire de la LFI à l’égard de la dette constatée par le jugement de la Caroline du Nord. En effet, l’acceptation d’une proposition de consommateur et son approbation par le tribunal ne libèrent la personne insolvable d’une dette ou d’une obligation visée au paragraphe 178(1) LFI que si la proposition prévoit expressément la possibilité de transiger sur cette dette ou obligation et que le créancier intéressé a voté en faveur de l’acceptation de la proposition[6]. Par ailleurs, en cas de faillite du débiteur, l’ordonnance de libération en vertu de la LFI ne libère pas le failli de certaines dettes énumérées au paragraphe 178(1) LFI, notamment de toute dette ou obligation résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits[7].

[18]           Le 23 juin 2022, le juge Alain Michaud constate que les procureurs des parties souhaitent faire décider au préalable la question de savoir si les parties peuvent administrer une preuve complémentaire extrinsèque à celle présentée au tribunal de la Caroline du Nord afin de qualifier cette dette en vertu de l’alinéa 178(1)e) LFI[8]. Une audition est tenue le 13 juillet 2022 devant la juge Marie-Paule Gagnon, laquelle rend son jugement sur cette question le 16 septembre 2022.

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[19]           La juge de première instance reconnaît que les cours d’appel de l’Alberta, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont décidé qu’aucune preuve complémentaire extrinsèque à celle administrée pour obtenir le jugement constatant une dette n’est admissible aux fins de la qualification de cette dette en vertu de l’alinéa 178(1)e) LFI[9].

[20]           Cela étant, la juge se dit liée par des décisions qu’elle estime contraires des tribunaux du Québec[10], soit les arrêts de la Cour dans Dufour c. Hamel[11] et N.V.T. c. H.Y.L.[12], mais surtout le jugement du juge Brian Riordan, j.c.s., dans l’affaire Lumascape[13]. Elle réfère aussi au jugement de la juge Silvana Conte, j.c.s., dans 9213-8923 Québec inc. c. Avecedo[14] et à celui de la juge Johanne Brodeur, j.c.s., dans Dumouchel c. Watanabe[15]. Elle conclut finalement comme suit[16] :

[22] Considérant ce constat et les enseignements de la Cour d’appel du Québec, le Tribunal est d’avis que Daniel Benjamin est en droit d’administrer une preuve complémentaire à celle disponible au juge William H. Coward pour les fins de son jugement du 31 octobre 2016, afin d’établir que les autres condamnations que celle de 100 000 $ US ne satisfont pas les critères de l’article 178(1)e) de la LFI.

[23] Plus encore, le Tribunal partage aussi l’opinion du juge Riord[a]n selon laquelle les allégations de fraude aux termes d’une action suivie d’un jugement par défaut ne suffisent pas pour conclure à l’existence d’une dette non libérable suivant l’article 178(1)e) de la LFI et que le débiteur est autorisé à présenter une preuve afin de contrer ces allégations.

[24] Ainsi, même quant à la condamnation de 100 000 $ US, une preuve extrinsèque, minimalement pour contrer la présomption d’intention frauduleuse, qui pourrait découler du jugement du 31 octobre 2016, est admissible.

[25] Le Tribunal juge également utile de préciser qu’au Québec, aucune règle de droit n’établit que l’obtention d’un jugement par défaut fait présumer de l’admission des faits par la partie qui ne se défend pas, encore moins qu’il s’agirait ainsi d’une présomption irréfragable.

[26] Quant à l’argument de Gary W. Bryant relatif au fardeau injuste découlant de la reprise du procès au Québec, pourtant gagné en Caroline du Nord, le Tribunal répond que l’admission d’une preuve complémentaire n’aura pas ce résultat. La dette de Daniel Benjamin est constatée aux termes du jugement qui a acquis l’autorité de la chose jugée à cet égard. Des objections pourront être soulevées advenant que la preuve vise à remettre en question cette dette ou d’autres éléments pour lesquels la chose jugée pourrait être invoquée, le cas échéant, tout en sachant que le jugement de Caroline du Nord ne bénéficie pas de cette présomption absolue quant au caractère non libérable de la dette, faute d’identité de cause et d’objet. Gary W. Bryant pourra aussi invoquer les présomptions applicables, bien que réfutables, découlant du jugement. Le Tribunal ajoute que désormais, la technologie permet de minimiser les inconvénients de Gary W. Bryant pouvant découler d’une instruction au Québec.

[27] Ainsi, toute preuve complémentaire extrinsèque ne sera pas nécessairement admissible, mais il reviendra au juge du fond de trancher les objections au fur et à mesure qu’elles seront soulevées. Le Tribunal, à ce stade, ne doit pas anticiper la preuve qui pourrait être administrée et les objections qui pourront être soulevées.

[Transcription textuelle, références omises]

LES QUESTIONS EN APPEL

[21]           L’appelant identifie dans son mémoire d’appel les trois questions suivantes :

a)     Y a-t-il lieu de proroger le délai d’appel?

b)     Y a-t-il lieu d’accorder la permission d’appeler?

c)     Les parties peuvent-elles être autorisées à administrer une preuve complémentaire à celle déjà administrée devant le tribunal de la Caroline du Nord?

ANALYSE

Les délais d’appel

[22]           L’appelant soutient que les délais d’appel prévus à la LFI et ses règles d’application se calculent à compter de l’avis de jugement prévu au Code de procédure civile du Québec (« C.p.c. »). Il a tort.

[23]           Le paragraphe 183(2.1) LFI confère à la Cour la compétence pour entendre les appels dans la province de Québec dans les cas énoncés à l’article 193 LFI :

193. Sauf disposition expressément contraire, appel est recevable à la Cour d’appel de toute ordonnance ou décision d’un juge du tribunal dans les cas suivants :

193. Unless otherwise expressly provided, an appeal lies to the Court of Appeal from any order or decision of a judge of the court in the following cases:

a) le point en litige concerne des droits futurs;

(a) if the point at issue involves future rights;

b) l’ordonnance ou la décision influera vraisemblablement sur d’autres causes de nature semblable en matière de faillite;

(b) if the order or decision is likely to affect other cases of a similar nature in the bankruptcy proceedings;

c) les biens en question dans l’appel dépassent en valeur la somme de dix mille dollars;

(c) if the property involved in the appeal exceeds in value ten thousand dollars;

d) la libération est accordée ou refusée, lorsque la totalité des réclamations non acquittées des créanciers dépasse cinq cents dollars;

(d) from the grant of or refusal to grant a discharge if the aggregate unpaid claims of creditors exceed five hundred dollars; and

e) dans tout autre cas, avec la permission d’un juge de la Cour d’appel.

(e) in any other case by leave of a judge of the Court of Appeal.

[Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[24]           Quant au délai d’appel, les paragraphes 31(1) et (2) des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité[17] prévoient que l’appel ou, le cas échéant, la demande pour permission d’appeler, est formé dans les 10 jours qui suivent le jour de l’ordonnance ou de la décision du tribunal de première instance ou dans tout autre délai fixé par un juge de la Cour :

31 (1) Un appel est formé devant une cour d’appel visée au paragraphe 183(2) de la Loi par le dépôt d’un avis d’appel au bureau du registraire du tribunal ayant rendu l’ordonnance ou la décision portée en appel, dans les 10 jours qui suivent le jour de l’ordonnance ou de la décision, ou dans tel autre délai fixé par un juge de la cour d’appel.

31 (1) An appeal to a court of appeal referred to in subsection 183(2) of the Act must be made by filing a notice of appeal at the office of the registrar of the court appealed from, within 10 days after the day of the order or decision appealed from, or within such further time as a judge of the court of appeal stipulates.

 

(2) En cas d’application de l’alinéa 193e) de la Loi, l’avis d’appel est accompagné de la demande d’autorisation d’appel.

(2) If an appeal is brought under paragraph 193(e) of the Act, the notice of appeal must include the application for leave to appeal.

[25]           Bien que le paragraphe 31(1) de ces règles énonce clairement que l’appel doit être entrepris « dans les 10 jours qui suivent le jour de l’ordonnance ou de la décision », l’appelant soutient que ces 10 jours doivent être calculés à compter de l’avis de jugement un avis qui n’a d’ailleurs pas été émis dans la présente affaire – au motif que l’article 360 C.p.c. prévoit que le délai d’appel de 30 jours qui y est prévu doit être calculé à compter de la date de cet avis. L’appelant réfère d’ailleurs à certaines décisions de juges de la Cour siégeant seuls qui laissent entendre, sans le décider, que cela pourrait peut-être constituer une façon de calculer le délai d’appel en vertu de la LFI et de ses règles d’application[18].

[26]           Or, lorsqu’il y a incompatibilité entre la procédure d’appel prévue par la législation provinciale et celle prévue par la LFI et ses règles d’application, c’est le droit fédéral qui doit s’appliquer et prévaloir, comme en a d’ailleurs décidé la Cour dans l’arrêt Séquestre de Media5 Corporation[19]. Dans cette affaire, il fallait notamment décider si un appel incident en matière de faillite et d’insolvabilité pouvait être entrepris de plein droit lorsque l’appel principal était régulièrement formé. À cette fin, on y soutenait que les règles de l’appel incident énoncées aux articles 359 et 360 alinéa 2 C.p.c. pouvaient être transposées aux appels en matière de faillite et d’insolvabilité. La Cour a rejeté cette prétention vu la rédaction impérative du paragraphe 193e) LFI et de l’article 31 des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité[20] :

[23] Je ne suis pas convaincu que les règles de l’appel incident énoncées dans l’art. 359 et dans 2e al. de l’art. 360 C.p.c. peuvent être transposées aux appels en matière de faillite et d’insolvabilité prévus par la LFI, vu la rédaction impérative du par. 193e) LFI et de l’art. 31 des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité. En effet, bien que la procédure établie par la loi provinciale s’applique à un appel entrepris en vertu de la LFI, le droit d’appel lui-même, une question de compétence, relève du Parlement.

 

 

[24] Ainsi, lorsque le droit d’appel est assujetti par la LFI à une permission d’appeler qui doit être demandée dans les 10 jours du jugement, le droit provincial énoncé dans le Code de procédure civil ne peut être invoqué afin d’élargir ce droit d’appel pour exempter une partie de cette permission d’appeler ou des délais y afférents.

[Soulignement ajouté]

[27]           Par ailleurs, dans l’arrêt Droit de la famille — 222215[21], la Cour confirme que les délais d’appel prévus à la Loi sur le divorce se calculent de la date du jugement conformément aux prescriptions de cette loi et non pas de la date de l’avis de jugement prévu à l’article 360 C.p.c.[22].

[28]           En conséquence, dans la mesure où les règles prévues à l’article 360 C.p.c. ont pour effet de modifier le droit d’appel prévu au paragraphe 31(1) des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité, elles ne sauraient s’appliquer aux appels en matière de faillite et d’insolvabilité. C’est d’ailleurs en ce sens qu’a conclu la Cour d’appel de l’Ontario dans Third Eye Capital Corporation v. Ressources Dianor Inc./Dianor Resources Inc.[23] :

[124] Under r. 31 of the BIA Rules, a notice of appeal must be filed “within 10 days after the day of the order or decision appealed from, or within such further time as a judge of the court of appeal stipulates.”

[125] The 10 days runs from the day the order or decision was rendered: Moss (Bankrupt), Re (1999), 1999 CanLII 18713 (MB CA), 138 Man. R. (2d) 318 (C.A., in Chambers), at para. 2; Re Koska, 2002 ABCA 138, 303 A.R. 230, at para. 16; CWB Maxium Financial Inc. v. 6934235 Manitoba Ltd. (c.o.b. White Cross Pharmacy Wolseley), 2019 MBCA 28 (in Chambers), at para. 49. This is clear from the fact that both r. 31 and s. 193 speak of “order or decision” (emphasis added). If an entered and issued order were required, there would be no need for this distinction. Accordingly, the “[t]ime starts to run on an appeal under the BIA from the date of pronouncement of the decision, not from the date the order is signed and entered”: Re Koska, at para. 16.

[126] Although there are cases where parties have conceded that the BIA appeal provisions apply in the face of competing provincial statutory provisions (see e.g. Ontario Wealth Management Corp. v. SICA Masonry and General Contracting Ltd., 2014 ONCA 500, 323 O.A.C. 101 (in Chambers), at para. 36 and Impact Tool & Mould Inc. v. Impact Tool & Mould Inc. Estate, 2013 ONCA 697, at para. 1), until recently, no Ontario case had directly addressed this point.

[127] Relying on first principles, as noted by Donald J.M. Brown in Civil Appeals (Toronto: Carswell, 2019), at 2:1120, “where federal legislation occupies the field by providing a procedure for an appeal, those provisions prevail over provincial legislation providing for an appeal.” Parliament has jurisdiction over procedural law in bankruptcy and hence can provide for appeals: Re Solloway Mills & Co. Ltd., In Liquidation, Ex Parte I.W.C. Solloway (1934), 1934 CanLII 157 (ON CA), [1935] O.R. 37 (C.A.). Where there is an operational or purposive inconsistency between the federal bankruptcy rules and provincial rules on the timing of an appeal, the doctrine of federal paramountcy applies and the federal bankruptcy rules govern: see Canada (Superintendent of Bankruptcy) v. 407 ETR Concession Company Limited., 2013 ONCA 769, 118 O.R. (3d) 161, at para. 59, aff’d 2015 SCC 52, [2015] 3 S.C.R. 397; Alberta (Attorney General) v. Moloney, 2015 SCC 51, [2015] 3 S.C.R. 327, at para. 16.

[29]           La Cour d’appel de l’Alberta a décidé dans le même sens[24] :

[16] Rule 31 of the Rules states that a Notice of Appeal to the Court of Appeal must be filed “within 10 days after the day of the order or decision appealed from, or within such further time as a judge of the court of appeal stipulates.” Initially, the Koskas argued that their appeal was not out of time because the Notices of Appeal were filed on January 3, 2001 and the December 18th Order was not entered until January 24, 2001. During oral argument, they conceded that their Notices of Appeal were filed late. Time starts to run on an appeal under the BIA from the date of pronouncement of the decision, not from the date the order is signed and entered: Bank of Montreal v. Robertson (Trustee of), 1998 ABCA 256, [1998] A.J. No. 864; Re Moss (1999), 1999 CanLII 18713 (MB CA), 13 C.B.R. (4th) 231 (Man. C.A.).

[30]           Le délai pour déposer une demande pour permission d’appeler du jugement de première instance se calcule donc à partir de la date de ce jugement et non pas de l’avis de jugement. En conséquence, une prorogation du délai d’appel conformément au paragraphe 31(1) des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité est requise afin de permettre à l’appelant de se pourvoir devant cette Cour. 

[31]           Les critères afin d’accorder une telle prorogation ont été énoncés à quelques reprises par les juges de la Cour siégeant seuls[25]. Bien que les critères retenus se ressemblent, ils varient néanmoins d’un jugement à l’autre. Il ne semble pas que les critères applicables aient à ce jour été entérinés par la Cour. Il y a maintenant lieu de le faire. Dans un souci d’uniformité du droit canadien, il convient de retenir les critères établis à cette fin par la Cour d’appel de l’Alberta dans Koska[26], repris par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Bankruptcy of Gaffney[27] et par la Cour d’appel du Manitoba dans Western Grain Cleaning and Processing Ltd.[28].

[32]           Le critère fondamental est celui de l’intérêt de la justice. Il s’agit donc d’un test flexible qui tient compte de l’ensemble des circonstances de chaque cas. Cela étant, aux fins de décider si l’intérêt de la justice justifie d’accorder la prorogation du délai, il y a lieu de tenir compte, notamment, des facteurs suivants : 1) si le requérant avait l’intention de porter la décision en appel avant l’expiration du délai de 10 jours prévu par la loi; 2) s’il a communiqué cette intention à la partie intimée dans ce délai, soit implicitement soit explicitement et, le cas échéant, les motifs pour lesquels il ne l’a pas fait; 3) si la partie intimée subit un préjudice en raison d’une prorogation du délai; et 4) si l’appel présente des chances raisonnables de succès.

[33]           En l’occurrence, l’appelant invoque une erreur de bonne foi de son avocat qui l’a porté à croire que le point de départ du délai d’appel en l’espèce devait se calculer de la date de l’avis de jugement comme le prévoit l’article 360 C.p.c., ce qui expliquerait le caractère tardif de l’appel et le fait qu’il n’a pas avisé la partie intimée dans le délai prescrit par la LFI et ses règlements. Il soutient aussi que le mandat de porter en appel le jugement entrepris fut donné dès le 19 septembre 2022, soit trois jours après le jugement. Il ajoute que la déclaration d’appel et la permission d’appeler ont été déposées le 14 octobre 2022, avant qu’un avis de jugement ne soit émis et dans les 30 jours du jugement de première instance.

[34]           Tout en mettant l’accent sur la pondération des divers facteurs que je viens d’exposer, les tribunaux ont reconnu que la méconnaissance de bonne foi du point de départ du délai d’appel en matière de faillite et d’insolvabilité peut constituer une explication valable du retard à se manifester[29]. J’ajouterais que cela est d’autant plus vrai en l’espèce dans la mesure où la question du point de départ du délai d’appel prévu au paragraphe 31(1) des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité et le caractère transposable de l’article 360 C.p.c. n’étaient pas tout à fait élucidés par la jurisprudence de cette Cour.

[35]           Par ailleurs, l’appelant avait l’intention de porter l’affaire en appel avant l’expiration du délai prévu par la LFI n’eût été sa croyance erronée. La prolongation du délai d’appel ne causera pas préjudice à l’intimé, du moins il n’en soulève aucun dans son mémoire d’appel. Par ailleurs, l’appel présente des chances raisonnables de succès dans la mesure où les moyens soulevés sont sérieux.

[36]           Finalement, la question de l’administration d’une preuve extrinsèque à une instance antérieure afin de qualifier une dette aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI a fait l’objet d’arrêts par de nombreuses cours d’appel canadiennes. Il serait donc opportun que la Cour se prononce aussi à ce sujet. De plus, la question est importante pour le litige lui-même, car les parties ont convenu de la trancher avant de déterminer si la dette de l’intimé est libérable en vertu du paragraphe 178(1) LFI.

[37]           En conclusion, je suis d’avis qu’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai d’appel dans cette affaire et ainsi permettre la présentation de la demande pour permission d’appeler.

La permission d’appeler

[38]           Afin de statuer sur une permission d’appeler en vertu du paragraphe 193e) LFI, les facteurs suivants doivent être considérés[30] : a) si la question soulevée est importante pour la pratique; b) si la question soulevée est importante pour le litige lui-même; c) si lappel est prima facie fondé ou, au contraire, s’il est frivole; et d) si l’appel entrave indûment le progrès du litige.

[39]           Pour les motifs énoncés ci-haut, les facteurs a), b) et c) sont remplis. Quant au facteur d), il est vrai que l’appel envisagé retarde la résolution de la qualification de la dette aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI. Cela étant, les deux parties ont convenu de résoudre au préalable la question de la preuve admissible à cette fin et on doit en conclure qu’elles ont renoncé à invoquer les délais encourus pour en décider.

[40]           Je suis donc également d’avis qu’il y a lieu d’accorder la permission d’appeler.

Une preuve complémentaire ou extrinsèque peut-elle être admissible afin de qualifier une dette constatée par un jugement?

[41]           L’article 69.2 LFI, dans le cas d’une proposition de consommateur, et l’article 69.3 LFI, dans le cas d’une faillite, établissent le principe suivant lequel la proposition de consommateur ou, le cas échéant, la faillite d’un débiteur, suspend les procédures judiciaires à l’encontre de ce dernier sans qu’une intervention du tribunal ne soit nécessaire. La levée de cette suspension constitue donc l’exception à la règle et elle ne peut être accordée sans l’autorisation du tribunal selon l’article 69.4 LFI, lequel prévoit deux cas d’application : lorsque le juge estime que la suspension des procédures causera vraisemblablement un préjudice sérieux au créancier ou lorsque cela est équitable. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les cas d’application du paragraphe 178(1) LFI permettent généralement la continuation des procédures dans ces circonstances[31].

[42]           En effet, le paragraphe 178(1) LFI vise les réclamations dont le débiteur n’est pas libéré par une proposition de consommateur ou, le cas échéant, une ordonnance de libération d’une faillite. En cette matière, l’objectif de la LFI vise « la réhabilitation économique et sociale du débiteur de bonne foi »[32]. Cela étant, le paragraphe 178(1) cible certaines dettes dont, en raison de leur nature ou des circonstances dans lesquelles elles ont été contractées, le débiteur ne peut se libérer en vertu de la LFI. Le paragraphe 178(1) agit donc à titre d’exception à la libération du débiteur et vise ainsi à sanctionner le comportement répréhensible de ce dernier[33].

[43]           Il y a lieu de reproduire l’alinéa 178(1)e) LFI :

178 (1) Une ordonnance de libération ne libère pas le failli :

178 (1) An order of discharge does not release the bankrupt from

[…]

(…)

e) de toute dette ou obligation résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits, autre qu’une dette ou obligation qui découle d’une réclamation relative à des capitaux propres;

(e) any debt or liability resulting from obtaining property or services by false pretences or fraudulent misrepresentation, other than a debt or liability that arises from an equity claim;

[44]           Dans Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc., la Cour suprême rappelait récemment le fardeau de preuve applicable à l’alinéa 178(1)e) LFI[34] :

[25] Afin de satisfaire au fardeau qui lui incombe, c’estàdire démontrer que sa créance est une réclamation qui se rapporte à une dette « résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits », le créancier intéressé devra établir, par prépondérance des probabilités, les quatre éléments suivants : (i) le débiteur lui a fait une représentation; (ii) cette représentation était fausse; (iii) le débiteur savait que la représentation était fausse; (iv) cette fausse représentation a été faite dans le but d’obtenir un bien ou un service […]

[Soulignement ajouté]

[45]           Puisque la preuve de l’intention frauduleuse peut rarement être faite directement, le recours aux présomptions de fait afin de l’établir sera souvent inévitable[35]. Lorsque le créancier parvient à établir que les représentations du débiteur étaient fausses, la présomption de bonne foi est neutralisée, obligeant ainsi le débiteur à justifier sa conduite[36].

[46]           Par ailleurs, un créancier qui a obtenu un jugement constatant une dette peut aussi se prévaloir de l'alinéa 178(1)e) LFI afin de faire qualifier cette dette comme étant visée par cette disposition. Cela étant, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir quelle preuve est admissible pour qualifier la dette constatée par le jugement vu, notamment, le principe de la chose jugée. À cet égard, il ne faut pas confondre les principes entourant le fardeau de preuve applicable à la qualification d’une dette constatée par jugement aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI, avec l’admissibilité de la preuve qui peut être reçue au soutien de cet exercice.

[47]           Ainsi, pour les fins de notre affaire, il est nécessaire de statuer sur la preuve qui peut être prise en compte par un juge effectuant cet exercice de qualification aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI lorsque la dette est constatée par un jugement[37]. Il y a donc lieu, dans un premier temps, d’examiner l’approche adoptée par les cours d’appel des autres provinces canadiennes et, dans un deuxième temps, celle des tribunaux québécois.

 

L’approche des cours d’appel des autres provinces canadiennes

[48]           Je débute en traitant des arrêts de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans H.Y. Louie[38] et Cruise Connections[39].

[49]           Dans H.Y. Louie, le créancier avait intenté une demande pour résilier un contrat, alléguant que des biens facturés par le débiteur n’avaient pas été fournis. Au cours des procédures, le débiteur a finalement consenti à deux jugements (consent judgments). La fraude et les fausses représentations n’avaient pas été invoquées dans ces procédures. Alors que le créancier avait entamé d’autres procédures pour faire exécuter les deux jugements, le débiteur a déclaré faillite. Le créancier a donc intenté une demande afin que les créances découlant des deux jugements soient déclarées non libérées en vertu de la LFI puisque visées par l’alinéa 178(1)e) LFI. Le créancier soutenait ainsi que le débiteur lui avait fait des représentations frauduleuses et il souhaitait produire une déclaration sous serment à cet effet.

[50]           La majorité de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a refusé de conclure que les dettes constatées par les deux jugements étaient visées par l’alinéa 178(1)e) LFI. Le raisonnement de la majorité s’appuie sur les principes entourant la doctrine du res judicata. La majorité considère que ces principes juridiques éclairent l’analyse et permettent de conclure à un cas d’abus de procédure de la part du créancier. À la lumière des principes liés à la chose jugée, la majorité est d’avis que la tentative du créancier visant à requalifier les dettes constitue un abus de procédure vu que les jugements constatant les dettes ont été rendus sur le seul fondement d’une résiliation de contrat.

[51]           En ce qui concerne la preuve qui peut être considérée au soutien de la qualification d’une dette constatée par un jugement aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI, une revue des précédents permet à la majorité de constater que cette qualification doit se fonder sur les motifs du jugement qui constate la dette, de même que sur les procédures et les éléments de preuve qui s’y rattachent[40] :

[87] In my view, it is clear that when characterizing a judgment for the purposes of s. 178 of the BIA, a court may look to the pleadings and the circumstances that gave rise to the judgment.  Where pleadings allege a specific cause of action to which a defendant consents to judgment, a court should be loath to characterize the judgment based on allegations not made and on facts not pleaded.  This is particularly so when no evidence to the contrary is presented to the court and doubly so when, as in the present case, evidence to the contrary would not have been admissible on the pleadings before the court.

[88] When a creditor takes judgment, the cause of action arising from its claims is merged in the judgment.  To determine whether s. 178 of the BIA applies, the court characterizes the judgment.  It does so based on the pleadings and proceedings that resulted in the judgment.  When they include a claim that property was obtained by false pretences, the judgment may be characterized as within s. 178.  Where, as in the present case, such a claim was not advanced and is not otherwise supported by the prior proceedings, the judgment is not within s. 178.

[52]           La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé cette approche dans Cruise Connections, expliquant que la décision de la majorité dans H.Y. Louie repose principalement sur le concept de l’abus de procédure[41] :

[27] In H.Y. Louie, this Court did not say that a declaration under the BIA in regards to a pre-existing judgment debt was res judicata when no such declaration had previously been made. Instead, this Court used res judicata principles to illuminate how a declaration re-characterizing a consent order was, in the circumstances of that case, an abuse of process. The plaintiff had exhausted its opportunity to pursue a cause of action against the defendant in regards to the defendant’s wrongful conduct when it limited its pleadings to breach of contract and entered a consent order that was similarly limited to breach of contract. The principles of res judicata meant that the plaintiff could not launch another suit in order to adduce evidence of deceitful and fraudulent conduct and obtain judicial findings of fact, but the plaintiff still attempted to adduce such evidence and have such findings of fact made during the s. 178(1) application. This was how this Court found that res judicata principles informed the “abuse of process” analysis.

[28] In my view, H.Y. Louie stands for the following proposition: It is an abuse of process for a plaintiff to “trap” a defendant, whether intentionally or not, into consenting to a judgment with certain long-term consequences, and then subsequently apply to a court to re-characterize that judgment so that it has more severe consequences than those previously on the table (such as surviving bankruptcy), as is clear from the following passage:

[72] Simply put: two judicial officials granted consent judgments on a claim for breach of contract. The respondent sought to have another judge characterize those judgments as something they were not: judgment for obtaining property by false pretences. It did so based on evidence that likely would not have been admissible on the pleadings that gave rise to the consent judgments. In my view, taking into account the res judicata principles outlined above, that is an abuse of process.

[29] H.Y. Louie expressly confirms a court’s ability to characterize a previous judgment in a s. 178 application based on “the pleadings available to the court that made the judgment and the proceedings before it”: at para. 82 [emphasis added]. A court can therefore look to the entire context of the proceedings in the Original Action to determine whether the judgment debt can be characterized as one falling within s. 178(1).

[Soulignement dans l’original]

[53]           Dans Cruise Connections, la dette en question fut constatée dans un jugement prononcé à la suite de procédures dans lesquelles la fraude n’avait pas été alléguée. Cependant, les faits au soutien du jugement permettaient néanmoins de conclure à l’application de l’alinéa 178(1)e) LFI. Ainsi, bien que la fraude n’ait pas été invoquée afin d’obtenir le jugement constatant la dette, cette dette était néanmoins visée par l’alinéa 178(1)e) LFI compte tenu des conclusions de fait du juge qui a prononcé le jugement[42] :

[49] In my opinion, it was not necessary for the application judge to find that Mr. Szeto participated in the actual deceptive conduct himself in order for his liability for participating in the deceptive and wrongful scheme to survive bankruptcy. The judge acknowledged in the application judgment that falsifying the database entries was “deceitful”. The falsifying of the database entries was part of the scheme of which Mr. Szeto was aware and for which he was found jointly liable for conversion and conspiracy. A finding of joint liability means that Mr. Szeto is liable for the deceitful actions of his joint tortfeasors: see Osbourne.

[50] The judgment debt was therefore one that fell under the scope of s. 178(1)(e). This finding is predicated entirely on the findings of fact made by the judge in the Original Action, and therefore on the proceedings leading to the creation of the judgment debt. Therefore, there is no “abuse of process” or “unfairness” to the defendant as was at issue in H.Y. Louie.

[Soulignement ajouté]

[54]           La Cour d’appel de l’Ontario adopte une approche similaire dans Lawyers’ Professional Indemnity[43]. Dans cette affaire, un jugement par défaut constatait une dette hypothécaire. La demande introductive d’instance qui a mené au jugement ne contenait aucune allégation de fraude ou de fausses représentations de la part du débiteur. Alors que les créanciers cherchaient à faire exécuter le jugement, le débiteur a déclaré faillite. Les créanciers ont alors cherché à faire qualifier la dette aux fins de l’alinéa 178(1)d) LFI et ils ont produit une déclaration sous serment à cette fin. La Cour d’appel de l’Ontario a décidé qu’il s’agissait là d’une preuve extrinsèque qui ne pouvait être considérée aux fins de la qualification de la dette selon l’alinéa 178(1)d) LFI. Le juge Nordheimer, écrivant pour la majorité de la Cour d’appel de l’Ontario, s’exprime comme suit[44] :

[5] While I provide detailed reasons below, our decision can be explained in simple terms. The debt or liability the respondent was relying on during the s. 178(1)(d) application was the judgment debt secured by the default judgment. It was therefore the nature of that debt that the application judge should have determined on the application, not whether, in addition to the wrong that led to that judgment debt, the appellant had engaged in other conduct that would qualify under s. 178(1)(d). Properly read, the case law supports this restricted approach.

[6] To be clear, in characterizing a judgment debt under s. 178(1)(d), a judge is not confined just to the cause of action pleaded in the action that produced the judgment debt. The issue under s. 178(1)(d) relates to the substance of the judgment debt. The judge can therefore look at the material filed that led to the obtaining of the judgment debt, including the facts pleaded in support of the action that led to the judgment debt, any evidence that was presented at the time to secure that judgment debt, and any reasons that might have been given. A judge cannot, however, consider extraneous evidence not grounded in the process that produced the judgment debt. Among other reasons, it could extend the reach of the section to statute-barred claims, and violate cause of action estoppel rules.

[Soulignement ajouté]

[55]           Ainsi, les raisons qui justifient cette approche se fondent sur les principes liés à la prescription et au cause of action estoppel, comme le juge Nordheimer l’explique de façon plus détaillée dans ses motifs :

[46] In my view, the decisions of the British Columbia Court of Appeal in H.Y. Louie and in Cruise Connections, along with others, clearly establish that extraneous evidence is not admissible on an application to declare that a judgment debt falls within s. 178 of the BIA. The approach taken in British Columbia should be mirrored in this province, both in the interests of comity and for the sake of consistency, especially since the BIA is a federal statute.

[47] As I have mentioned, this approach is a principled one, given that it is the judgment debt that has to be characterized. There are also sound policy reasons for preventing s. 178(1)(d) applicants from seeking to change the foundation for a judgment debt they are seeking to enforce in the bankruptcy. First, it may well be that the claim based on the new foundation for the judgment debt would be statute-barred if advanced on its own. Limitations exist for sound policy reasons. A respondent in a s. 178(1)(d) application should not have to respond to time-barred claims. Moreover, when a lawsuit has been successfully prosecuted based on one cause of action, cause of action estoppel applies to prevent a subsequent lawsuit relating to the same loss being advanced on a different cause of action: Doering v. Grandview (Town), 1975 CanLII 16 (SCC), [1976] 2 S.C.R. 621. Permitting a different cause of action, not raised during the proceedings leading to the judgment debt, to be proved in a s. 178(1)(d) application arguably violates this rule.

[48] I conclude, therefore, that the application judge was not entitled to look at the affidavit of Tiziana Moretti that the respondents filed in support of their January 31, 2017 application. Rather, the application judge was restricted to looking at the default judgment and the pleadings, in this case the statement of claim, to determine whether the default judgment fell within s. 178(1)(d). Clearly it did not, as the statement of claim advanced a claim based solely on a mortgage default.

[Soulignement ajouté]

[56]           La Cour d’appel de l’Alberta adopte elle aussi cette approche dans Johansen[45]. Dans cette affaire, une dette contractuelle fut constatée dans un jugement par défaut. À la suite de la faillite du débiteur, le créancier tente de faire qualifier la dette aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI en soumettant une déclaration sous serment invoquant la fraude. La Cour d’appel de l’Alberta confirme que cela n’est pas possible, fondant ses motifs principalement sur les principes liés à la res judicata[46] :

[30] The summary trial judge did not err in finding, in this case, that res judicata applied to the successful summary judgment. Because Mr. Johansen chose to pursue a summary disposition of the debt part of his claim without relying on the allegations of fraudulent misrepresentation and fraudulent preference, he is now estopped from relitigating the debt claim. The summary trial judge relied on the reasons of the majority in HY Louie Co Limited v Bowick, 2015 BCCA 256, where the court explained at paragraphs 63-66 that the principles of res judicata, cause of action estoppel or merger in the judgment are used interchangeably, and all bar subsequent proceedings covering the same subject matter and arising out of the same relationship between the parties, even though the second litigation may be based on a different legal description or conception of the cause. Once a final order or judgment is granted, the cause of action is extinguished such that even if there were two possible claims emanating from the same cause of action, and even if proceeding with the other claim may have been more fruitful, once judgment is rendered in one claim, the other is extinguished.

[31] For the summary trial hearing, Mr. Johansen filed an additional affidavit containing details about the alleged fraudulent behaviour. However, the summary trial judge found the additional evidence was extraneous as it was not before Master Mason and did not contribute to the basis for her judgment. The decision to exclude that evidence was correct; the evidence could not have led to a recharacterization of Master Mason’s judgment.

[32] The Ontario and British Columbia appellate courts, respectively, in Lawyers’ Professional Indemnity Company v Rodriguez, 2018 ONCA 171, and HY Louie Co Limited, held that a court cannot look at extraneous evidence on an application for a post-judgment declaration under section 178 of the BIA. A judge can look at materials filed that led to the obtaining of the judgment debt, including facts pleaded, any evidence that was presented at the time to secure the debt, and any reasons that might have been given. But evidence which was “not grounded in the process that produced the judgment debt” is extraneous evidence and cannot be considered: Lawyers’ Professional at para 6. See also, Valastiak v Valastiak, 2010 BCCA 71; Cruise Connections Canada v Szeto, 2015 BCCA 363.

[Soulignement ajouté]

[57]           En résumé, l’évolution de la jurisprudence des cours d’appel canadiennes permet de constater que l’approche privilégiée est celle voulant que seuls le jugement antérieur et l’ensemble du matériel à son soutien puissent être considérés par le juge qui qualifie en vertu de l’alinéa 178(1)e) LFI une dette constatée par un jugement.

 L’approche des tribunaux du Québec

[58]           Dans l’arrêt Dufour c. Hamel[47], la dette en cause résultait d’un prêt et fut constatée dans un jugement de la Cour supérieure. Le débiteur a fait faillite peu après le jugement constatant la dette. Bien que le créancier s’y soit opposé, le registraire a néanmoins libéré le débiteur de sa faillite. Six ans plus tard, le créancier a procédé à des saisies des biens du débiteur en se fondant sur le jugement antérieur constatant la dette. La Cour supérieure accueille l’opposition aux saisies formulée par le débiteur au motif que celui-ci fut libéré de ses dettes et que l’exception prévue par l’alinéa 178(1)e) LFI ne pouvait être invoquée à moins d’un jugement constatant le caractère frauduleux de la dette, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

[59]           Le juge Nuss, écrivant pour la majorité, rejette l’appel du créancier en concluant que la saisie ne constitue pas le véhicule procédural approprié afin de constater le caractère frauduleux d’une dette aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI[48] :

[37] En l'espèce, aucune autorité judiciaire n'a déclaré la nature frauduleuse de l'obtention du prêt qui aurait permis les saisies après jugement en vertu de l'article 178 (1) (e) de la Loi.  Au contraire, le registraire a jugé que pour les fins de la libération, le failli ne s'est pas « rendu coupable de fraude ou d'abus frauduleux de confiance », au terme de l'article 173 de la Loi.  Ce qui semble indiquer, sans le décider, que probablement il n'y avait pas eu non plus « d'obtention de biens par de fausses représentations ou des présentations erronées et frauduleuses des faits » au sens de l'article 178 (1)(e) de la Loi.  La dette ne pouvait bénéficier de l'exception de cet article lorsque les saisies ont été effectuées, puisqu'elle n'avait pas été déclarée, par jugement, être le résultat du comportement visé par l'article 178(1)(e) de la Loi et ainsi non éteinte par la libération du failli.  En conséquence, les saisies étaient illégales.

[60]           La Cour confirme à nouveau ce raisonnement dans N.V.T. c. H.Y.L.[49]. Dans cette affaire, la dette avait été constatée dans un jugement. D’avis que sa créance résultait de l’acte frauduleux du débiteur, le créancier avait engagé un recours en vertu de l’article 64 LFI afin d’obtenir l’autorisation d’exécuter le jugement malgré la faillite du débiteur. À l’audience, le créancier n’a présenté en preuve que le jugement constatant la dette. De fait, aucune autre preuve ne fut produite de part et d’autre. La juge de la Cour supérieure saisie de la question a conclu que la dette était visée par l’alinéa 178(1)e) LFI, tout en ajoutant que le débiteur « pourra toujours tenter de démontrer, là où l’exercice doit se faire, c’est-à-dire dans le cadre des procédures d’exécution, qu’il est libéré de cette dette et que l’art. 178(1)e) ne s’applique pas »[50].

[61]           La Cour intervient afin de confirmer le caractère exécutoire du jugement constatant la dette puisque celle-ci est visée par l’alinéa 178(1)e) LFI, tout en précisant que le débiteur ne pouvait présenter une preuve contraire dans le cadre des procédures d’exécution[51] :

[7] Avec les plus grands égards pour l'opinion de la juge, la Cour estime que le jugement entrepris n'est pas conforme aux enseignements de la Cour dans Dufour c. Hamel.  Suivant cet arrêt, le créancier qui veut exécuter son jugement contre son débiteur devenu un failli libéré doit, en application de l'article 69.4 L.f.i., obtenir préalablement à sa saisie une décision judiciaire qui reconnaît le caractère frauduleux de la dette au sens de l'article 178(1)e) L.f.i. à moins que cette détermination ait déjà été faite par le juge qui a statué sur l'existence et la quotité de la créance.  En somme, a-t-on décidé dans l'arrêt Dufour, le débat sur la qualification de la créance (art. 178(1)e)) se fait au stade de la requête en autorisation (art. 69.4) et non pas à l'occasion d'une opposition à la saisie pratiquée par le créancier.

[…]

[12] En conséquence, l'appel doit être rejeté puisque la conclusion du jugement de première instance constate un acte frauduleux sous réserve d'une preuve contraire qui n'a pas été faite. La saisie des biens de monsieur T... est donc permise en vertu de l'article 178(1)e) L.f.i.

[62]           Comme nous l’avons vu, la question que devait trancher la Cour dans l’arrêt Dufour c. Hamel était de savoir si un créancier qui veut se prévaloir de l'alinéa 178(1)e) LFI pour procéder à l’exécution d'un jugement, doit préalablement faire constater judiciairement le caractère frauduleux de la dette. Ainsi, même si le créancier « avait la possibilité, après la faillite, de soulever sa prétention que l’obtention du prêt était caractérisée par la fraude »[52], ce qui suppose l’ouverture d’un débat contradictoire, il s’agit là d’une remarque incidente à la question en litige dans cette affaire. On constate que la question de savoir si une preuve complémentaire extrinsèque pouvait être administrée dans le cadre de ce débat ne figure nulle part dans les motifs de l’arrêt. Il en va de même dans l’arrêt N.V.T. c. H.Y.L. Il est vrai que la Cour y écrit que le débiteur aurait pu présenter une preuve contraire lors de l’audition portant sur la qualification de la dette aux fins de l’alinéa 178(1)e)[53], mais elle ne précise pas le type de preuve qui serait admissible dans un tel cas.

[63]           Dans ce contexte, on voit mal comment les commentaires de la Cour quant à une possible preuve contraire, lesquels sont intrinsèquement reliés aux particularités procédurales de ces deux affaires, pourraient être pertinents à la question que nous devons trancher dans le présent appel. Il est donc inexact de prétendre, comme l'a fait la juge de première instance dans le jugement entrepris, que les arrêts Dufour c. Hamel et N.V.T. c. H.Y.L., auraient conclu à l’admissibilité d’une preuve complémentaire extrinsèque afin de qualifier une dette constatée par un jugement aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI. Tout au plus, ces arrêts énoncent qu’une preuve peut être présentée au stade de la qualification de la dette, sans préciser si celle-ci se limite aux procédures et à la preuve produite au soutien du jugement constatant cette dette (comme c’est le cas ailleurs au Canada) ou si une preuve plus exhaustive serait permise (contrairement à ce qui existe ailleurs au Canada).

[64]           De fait, outre le jugement de première instance dont nous sommes saisis, le seul jugement du Québec qui traite de la question de la preuve complémentaire extrinsèque est celui du juge Riordan dans Lumascape[54]. Notons d’emblée que ce jugement fut rendu bien avant les arrêts de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans H.Y. Louie et Cruise Connections, de la Cour d’appel de l’Ontario dans Lawyers’ Professional Indemnity et de la Cour d’appel de l’Alberta dans Johansen, cités plus haut. On peut raisonnablement croire que le jugement dans Lumascape aurait été différent si le juge avait eu connaissance de ces arrêts. D’ailleurs, le raisonnement de Lumascape n’a pas été suivi dans Lang v. Lapp[55], ni (contrairement à ce que laisse entendre la juge de première instance) n’a-t-il été retenu dans Dumouchel c. Watanabe[56], la preuve dans ce dernier dossier étant exclusivement constituée du jugement constatant la dette et des pièces déposées à son soutien[57].

[65]           Dans Lumascape, un jugement par défaut de la Supreme Court of Queensland fut obtenu par le créancier sur le seul fondement du Statement of Claim qu’il avait déposé. Le jugement australien ne comprenait qu’un seul paragraphe qui ne faisait aucune mention de fraude, mais le créancier soutenait que la dette pouvait néanmoins être qualifiée ainsi aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI vu que c’était la seule conclusion logique pouvant découler des allégations dans le Statement of Claim. Le juge Riordan accepte de reconnaître le jugement australien et le déclare exécutoire au Québec. Cependant, il conclut que, vu les ambiguïtés dans le Statement of Claim, l’allégation de fraude ne devait pas être retenue[58] :

[16] We agree with Pellegrino's [le débiteur] attorney that, in order to invoke the Fraud Provisions, being exceptions to the general rule, there must be convincing proof of the facts required under them.  The ambivalence in the language of the Allegations could well be enough to decide the case in Pellegrino's favour were no further evidence of fraud adduced, since the burden of proof is on Lumascape [le créancier] here.  That, however, is not enough to allow us to duck the issue of the effect of the default judgment entirely; nor do we wish to.

[66]           Malgré cette conclusion qui aurait pu sceller le sort du litige, le juge Riordan ordonne néanmoins une audition afin de permettre au débiteur de présenter une preuve complémentaire extrinsèque lui permettant d’établir qu’il ne s’agit pas d’une dette résultant d’une fraude. La preuve extrinsèque est ainsi permise par le juge Riordan vu son constat voulant que le droit australien ne semble pas exiger, comme au Québec, une preuve de la part d’un créancier afin qu’un jugement par défaut soit prononcé[59]. Dans ces circonstances, le juge Riordan se dit d’avis que le jugement australien en cause ne pouvait servir de fondement pour qualifier la dette aux fins des alinéas 178(1)d) et e) LFI et qu’en conséquence, une preuve complémentaire extrinsèque pouvait être reçue à ces fins[60] :

[22] But let us get to the meat of the issue, which really becomes a double-layered question:

Do the allegations of fraud in an action on which a default judgment is rendered suffice alone to prove the facts required in order for the debt to fall under the Fraud Provisions and, if so, may the discharged bankrupt adduce evidence to try to counter those allegations?

[23] The Court replies in the negative to the first part of the question, which makes the second part of the question moot.  However, were it to be wrong in this regard, the Court would treat the default judgment as a rebuttable presumption of the correctness of the allegations in the statement of claim and allow the discharged bankrupt, who would then have the burden of proof, to present evidence to counter the presumption.

[24] A default judgment is still a judgment and it deserves the respect accorded to all judgments.  Once it is final, in the sense that all delays for appeal are expired, it cannot be challenged, except under the proper rules established for such exceptional measures.  That is part of Lumascape's argument, and the Court agrees with it.

[25] Where the Court does not see eye to eye with Lumascape is with respect to the determination of exactly what a default judgment establishes in the context of a bankruptcy and the application of the Fraud Provisions.

[26] The Judgment clearly establishes the debt for $538,546.29 (CDN); that is not contested.  However, in the absence of actual evidence having been made before a court of law, it cannot alone serve as proof of the facts required to invoke the exceptions set out in the Fraud Provisions.  There must be some adjudication on the merits, even if the terms of the eventual judgment do not deal with the point.

[…]

[31] As a result, the Court will dismiss Lumascape's objection to Pellegrino's adducing proof to counter the Allegations and declare that Lumascape must first make proof of Pellegrino's fraud in order to benefit from the Fraud Provisions.  In order to allow Lumascape the time to prepare its case, we shall postpone the hearing on the second part of the motion to a date to be set by way of a new Notice of Presentation to be served on Pellegrino.

[Notes de bas de page omises; soulignement ajouté]

[67]           La conclusion qui se dégage de Lumascape est donc qu’une preuve complémentaire extrinsèque à celle ayant mené à un jugement constatant la dette ne serait pas admissible aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI, sauf si le jugement est rendu par défaut sur la simple foi des allégations de la procédure introductive d’instance et que le tribunal n’a évalué aucune preuve lorsqu’il a prononcé le jugement.

Quelle approche la Cour doit-elle privilégier?

[68]           L’alinéa 178(1)e) LFI exige un exercice de qualification de la dette au cours duquel les parties concernées doivent être entendues. Par ailleurs, les exceptions à la libération d’un débiteur en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité doivent s’interpréter restrictivement dans cet exercice de qualification de la dette[61].

[69]           Cela étant, lorsque la dette est préalablement constatée par un jugement, la qualification de celle-ci à cette fin doit pouvoir être constatée à même les motifs et les conclusions de ce jugement, considérés à la lumière des procédures et de la preuve qui y a donné lieu. Décider autrement équivaudrait à remettre en question les principes de la chose jugée et la cristallisation des droits qui s’est opérée par le jugement constatant la dette. En effet, le jugement constatant la dette purge le droit à l’origine du recours en justice et le remplace par un titre nouveau et parfait dont l’exécution est à l’abri de toute contestation, sauf celles que la loi prévoit expressément[62].

[70]           L’autorité de la chose jugée est une présomption qui empêche que soit tranché ce qui l’a déjà été et contribue ainsi à préserver la stabilité des jugements en plus d’éviter la multiplicité des procès, la possibilité de jugements contradictoires et la remise en cause de questions déjà tranchées[63]. L’article 2848 du Code civil du Québec confère un caractère absolu à cette présomption, laquelle s’applique à ce qui a déjà été décidé dans un jugement définitif fondé sur la même cause, mue entre les mêmes parties agissant dans les mêmes qualités, lorsque la chose demandée est la même[64]. C’est ce que l’on désigne communément la « règle des trois identités ».

[71]           L’autorité de la chose jugée s’étend tout autant au dispositif formel du jugement qu’aux motifs essentiels qui s'y trouvent intimement liés[65]. Elle comprend donc les conclusions implicites qui résultent comme une conséquence nécessaire du dispositif du jugement[66].

[72]           Par ailleurs, la doctrine de la chose jugée s’applique tout autant au jugement par défaut qu’à celui qui résulte d’un procès. Comme l’explique la juge L’Heureux-Dubé, s’exprimant pour une Cour suprême unanime dans Roberge c. Bolduc, l’autorité de la chose jugée s’applique à tout jugement définitif, lequel peut avoir été rendu après contestation ou même par défaut, pourvu que la partie en défaut ait été valablement assignée[67]. Elle s’applique aussi même lorsqu’un nouveau moyen de défense est soulevé et qu’il aurait pu être invoqué lors des procédures ayant mené au jugement constatant la dette[68]. La doctrine de la chose jugée s’applique aussi au jugement étranger qui a été reconnu au Québec et qui peut être exécuté en vertu des articles 3155 à 3168 du Code civil du Québec[69].

[73]           Il découle de ces principes que le jugement qui constate une dette et qui la qualifie, soit explicitement dans ses motifs et ses conclusions, soit implicitement à la lumière des procédures et de la preuve qui ont mené au jugement, bénéficie de l’autorité de la chose jugée, dans la mesure où l’identité des parties et de cause est aussi établie. L’identité des parties et l’identité de cause se constatent aisément en l’espèce puisque l’exercice de qualification en vertu de l’article 178(1)e) LFI se fonde sur la même dette qui lie les mêmes parties que celle constatée et qualifiée dans le jugement reconnaissant la dette.

[74]           Quant à l’identité d’objet, elle est constatée lorsque la demande dans la procédure entreprise se trouve implicitement comprise dans l’objet d’un jugement antérieur. La procédure entreprise n’a pas à être absolument identique au jugement antérieur, il suffit qu’elle y soit virtuellement comprise[70].

[75]           Ainsi, lorsqu’un jugement constate qu’une dette résulte d’une fraude ou de fausses représentations, soit explicitement dans ses motifs et ses conclusions, soit implicitement à la lumière des motifs ou des procédures et de la preuve qui ont mené au jugement, il lie le tribunal saisi de la qualification de cette même dette suivant l’alinéa 178(1)e) LFI. Autrement, l’instance entreprise afin de qualifier la dette en vertu de l’alinéa 178(1)e) contribuerait à remettre en question des droits qui, en substance, ont déjà été invoqués et adjugés dans le jugement constatant la dette. Cela risquerait de contredire le jugement antérieur constatant la dette, ce qui constitue l’indice de l’identité d’objet[71]. En effet, on peine à imaginer comment on pourrait remettre en question la qualification frauduleuse d’une dette lorsque cette conclusion découle expressément ou implicitement du jugement constatant la dette.

[76]           Par ailleurs, lorsque le jugement constatant la dette ne traite ni explicitement ni implicitement du caractère frauduleux de celle-ci, on voit mal ce qui pourrait justifier de permettre à une partie de rouvrir un débat à ce sujet alors qu’il aurait dû être fait dans le cadre de linstance menant au constat de la dette. Ainsi, tant le concept de chose jugée que celui de l’abus de procédure doivent conduire le tribunal qui qualifie la dette aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI à refuser d’administrer une preuve complémentaire extrinsèque à celle ayant été invoquée au soutien du jugement constatant cette dette lorsque la fraude n’y fut pas invoquée.

[77]           Je n’exclus pas qu’il soit possible de présenter une preuve extrinsèque complémentaire dans le cas plutôt rare d’un jugement rendu par défaut lorsqu’aucun juge n’a évalué une preuve au soutien de la réclamation, comme c’était le cas dans Lumascape[72], dont j’ai traité plus haut. Dans un tel cas, le jugement ne repose sur aucune analyse ou évaluation judiciaire. Or, ce n’est manifestement pas le cas en l’espèce et il ne m’apparaît donc pas opportun pour la Cour de se prononcer sur un tel cas de figure dans le cadre du présent dossier.

[78]           Il faut déduire de ce qui précède que, sauf rares exceptions, lorsque la dette est constatée par un jugement, seuls ce jugement, les procédures et la preuve qui y ont mené sont pertinents aux fins de l’exercice de qualification que doit effectuer un tribunal selon l’alinéa 178(1)e) LFI.

[79]           Je me permets ici d’ouvrir une parenthèse sur la différence entre la chose jugée et la présomption de vérité des jugements, car c’est la confusion entre ces deux concepts qui est la source fondamentale de la mésentente entre les parties et des motifs du jugement entrepris.

[80]           Comme je l’ai déjà noté, dans la mesure où l’identité des parties et de cause est aussi établie, la jurisprudence de la Cour est claire depuis longtemps que l’identité d’objet requise pour conclure à la chose jugée résulte non seulement de ce qui est formellement énoncé dans le dispositif du jugement liant les mêmes parties, mais encore de tout ce que le juge a implicitement ou nécessairement décidé pour rendre ses conclusions. C’est ce qui est souvent désigné la chose jugée « implicite », laquelle n’est qu’un aspect d’un même concept, soit celui de la chose jugée.

[81]           C’est ainsi que dès 1926, dans son arrêt Pesant c. Langevin, s’appuyant sur la doctrine française, la Cour explique d’abord que « si deux objets sont tellement connexes que les deux débats qui se font à leur sujet soulèvent la même question concernant l'accomplissement de la même obligation, entre les mêmes parties, il y a chose jugée »[73]. Ainsi, « si un droit a été affirmé ou nié dans un procès, il y aura identité d’objet, si dans un nouveau procès on remet en question le même droit, alors que ce serait pour en tirer une autre conséquence […] C’est ainsi qu’il a été jugé que, si de nouvelles réclamations sont fondées sur un titre dont le premier arrêt a donné l’interprétation, ce dernier a force de chose jugée dans la nouvelle instance entre les mêmes parties »[74].

[82]           La Cour y explique ensuite que « la chose jugée résulte non seulement de ce qui est formellement énoncé dans le dispositif du jugement, mais encore de tout ce que le juge a implicitement ou nécessairement décidé en formulant sa sentence » et que « ce n’est pas méconnaître le principe suivant lequel les motifs d’un jugement n’ont pas l’autorité de la chose jugée, que de faire état de ces motifs pour décider qu’une question a été implicitement traitée dans le dispositif »[75].

[83]           Comme je l’ai déjà noté, la jurisprudence subséquente de la Cour a constamment suivi ces enseignements[76]. C’est ce qui est venu à être désigné la chose jugée dite « implicite ».

[84]           Cela étant, il n’existe aucune différence dans l’application de la chose jugée dite « implicite » et celle de la chose jugée dite « explicite », ces deux idées étant regroupées aux fins du droit civil sous le concept unique de la chose jugée. Comme l’a noté, avec raison, le juge Morissette dans l’arrêt Nasifoglu, la chose jugée « implicite » est fort bien implantée en droit civil et elle est soumise au même régime juridique que la chose jugée « explicite », ce qui fait en sorte que les exceptions que l’on reconnaît en common law à la notion de issue estoppel qui permettent de l’écarter et qu’illustre la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Danyluk[77], ne s’appliquent tout simplement pas en droit civil, qu’il s’agisse de la chose jugée dite « implicite » ou de celle dite « explicite »[78].

[85]           Cela étant, il ne faut pas confondre la chose jugée « implicite » avec ce qui est généralement, mais maladroitement, désigné la présomption de vérité des jugements. Cette dernière présomption, de création prétorienne, s’applique lorsque l’identité des parties ou l’identité de cause est absente, ce qui exclut la chose jugée bien que l’identité d’objet puisse être établie en tout ou sur une partie. Cette présomption est apparue dans le droit civil québécois afin de résoudre la question de l’autorité probatoire d’une condamnation criminelle antérieure aux fins d’une instance civile se rapportant aux mêmes faits, laquelle a longtemps divisé les tribunaux[79]. La Cour a tranché dans l’arrêt Ali[80] que l’introduction d’une preuve d’un verdict de culpabilité peut, selon les circonstances, permettre au juge civil de tirer les conclusions qui s’imposent relativement au fait que l’acte reproché a bel et bien été commis. Ainsi, sans attribuer à la condamnation pénale l’autorité de la chose jugée, le juge civil est libre, selon les circonstances, d’en tirer les conclusions et les présomptions de fait appropriées.

[86]           Les tribunaux ont depuis repris cette présomption pour l’appliquer aux jugements civils et aux décisions des tribunaux administratifs[81]. L’application de la présomption de vérité des jugements a d’ailleurs fait l’objet d’une analyse approfondie dans le récent arrêt SNC-Lavalin inc. c. Lafarge Canada inc.[82].

[87]           Or, contrairement à la chose jugée, la présomption de vérité des jugements peut être repoussée par une preuve contraire[83]. C’est ainsi d’ailleurs qu’il faut comprendre l’arrêt Desgagné c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail[84], lequel repose avant tout sur la présomption de vérité des jugements lorsque l’absence d’identité de cause ne permet pas d’invoquer la chose jugée[85], et non pas sur une répudiation du caractère absolu de la chose jugée, y compris de la chose jugée dite « implicite », laquelle est prévue par l’article 2848 C.c.Q.

[88]           Je ferme la parenthèse.

CONCLUSION

[89]           Je suis donc d’avis qu’il y a lieu pour la Cour d’adopter une approche similaire à celle des cours d’appel de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’Ontario quant à la preuve admissible afin de qualifier aux fins de l’alinéa 178(1)e) LFI une dette constatée par jugement, mais j’arrive à ce même résultat pour des motifs fondés sur des principes propres au droit civil, dont celui de la chose jugée.

[90]           Il en découle qu’il y a lieu pour la Cour d’accueillir l’appel. En l’occurrence, la seule preuve admissible aux fins de la qualification selon l’alinéa 178(1)e) LFI est le jugement de la Caroline du Nord et l’ensemble du matériel à son soutien.

[91]           Pour ces motifs, je propose donc que la Cour accueille la demande de prorogation des délais d’appel, la demande pour permission d’appeler, de même que l’appel et qu’elle infirme ainsi le jugement de première instance afin de refuser l’administration d’une preuve complémentaire extrinsèque à celle administrée devant les tribunaux de la Caroline du Nord dans la présente affaire, avec les frais de justice à l’appelant, tant en appel qu’en première instance.

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 


[1]  Bryant c. Benjamin, C.S. Québec, no. 200-11-026757-206, 16 septembre 2022, Gagnon, j.c.s. (le « jugement de première instance »). La demande pour permission d’appeler et pour prorogation des délais a été déférée à la formation par le juge Rancourt : Bryant c. Benjamin, 2022 QCCA 1484.

[2]  Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3.

[3]  Jugement de première instance, par. 2.

[4]  Bryant c. Benjamin, C.S. Québec, no 200-11-026757-206, 2 octobre 2020, Parent, j.c.s.

[5]  Bryant c. Benjamin, C.S. Québec, no 200-11-026757-206, 7 septembre 2021, Sodevila, j.c.s.

[7]  Id., alinéa 178(1)e).

[8]  Jugement du 23 juin 2022 du juge Alain Michaud au procès-verbal de ce jour dans le dossier 200-11-026757-206.

[9]  Jugement de première instance, par. 16-19.

[10]  Id., par. 11-15.

[11]  Dufour c. Hamel, [2000] R.J.Q. 1986, 2000 CanLII 2427 (C.A.). 

[12]  N.V.T. c. H.Y.L., 2002 CanLII 61085 (QC CA).

[13]  Lumascape Lighting Industries Pty Ltd. c. Pellegrino, 2009 QCCS 4103.

[14]  9213-8923 Québec inc. c. Acevedo, 2018 QCCS 5.

[15]   Dumouchel c. Watanabe, 2019 QCCS 1805. La juge de première instance indique dans ses motifs que ce jugement fut rendu par la juge Myriam Lachance (par. 15 de ses motifs), alors que c’est la juge Johanne Brodeur qui l’a rendu.

[16]  Jugement de première instance, par. 22-27.

[17]  Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité, C.R.C., ch. 368, par. 31(1), 31(2).

[18]  Nibasumba c. Lévesque, 2018 QCCA 1960 (Gagnon, j.c.a.), note infrapaginale 5; Proposition de 9253-4122 Québec inc., 2019 QCCA 94 (Bich, j.c.a.), note infrapaginale 4.

[19]  Séquestre de Media5 Corporation, 2020 QCCA 942, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada refusée, no. 39421.

[20]  Id., par. 23-24.

[21]  Droit de la famille — 222215, 2022 QCCA 1719.

[22]  Id., par. 39.

[23]  Third Eye Capital Corporation v. Ressources Dianor Inc./Dianor Resources Inc., 2019 ONCA 508, par. 124-127.

[24]  Koska (Bankrupt) v. Alberta Treasury Branches, 2002 ABCA 138, par. 16.

[25]  Sundan (Syndic de), 2006 QCCA 842, par. 11 (Dalphond, j.c.a.); Pierre Roy & Associés inc. c. Moneyconnect, détenteur de titres inc., 2009 QCCA 1561, par. 4-9 (Rochon, j.c.a.); Poitras c. Poirier, 2012 QCCA 1937, par. 3 (Dutil, j.c.a.); Gestion 496465 inc. c. Farand, 2014 QCCA 1105, par. 5 (Kasirer, j.c.a.); Bouchard c. Labelle Marquis inc., 2016 QCCA 1343, par. 2-4, (Saint-Pierre, j.c.a.); Eddy Robitaille Maçonnerie inc. c. Proulx, 2017 QCCA 559, par. 2-3 (Morissette, j.c.a.).

[26]  Koska (Bankrupt) v. Alberta Treasury Branches, 2002 ABCA 138, par. 18.

[27]  Bankruptcy of Gaffney, 2007 BCCA 182, par. 20.

[28]  Western Grain Cleaning and Processing Ltd. v. L.C. Taylor & Co. Ltd., 2005 MBCA 68, par. 21.

[29]  Eddy Robitaille Maçonnerie inc. c. Proulx, 2017 QCCA 559 (Morissette, j.c.a.), par. 3; Menzies Lawyers Professional Corporation v. Morton, 2015 ONCA 553, par. 5-7; Knight v. Knight (Trustee of)., 1990 CanLII 530 (BC CA), par. 6; Bankruptcy of Gaffney, 2007 BCCA 182, par. 21.

[30]  Lloyd W. Houlden, Geoffrey B. Morawetz & Janis P. Sarra, The 2022 Annotated Bankruptcy and Insolvency Act, Toronto, Thompson Reuters 2022, p. 1134, citant Power Consolidated (China) Pulp Inc. v. British Columbia Resources Investment Corp., 1988 CarswellBC 615, 19 C.P.C. (3d) 396 (C.A.B.C.); Med Finance Co. S.A. v. Bank of Montreal, 1993 CanLII 270, 24 B.C.A.C. 318 (C.A. B.C.); Farm Credit Canada v. Gidda, 2015 BCCA 236, par. 12. Ces facteurs sont constamment repris par les juges de la Cour siégeant seuls : Barabé c. N. Séguin inc., 2022 QCCA 1199, par. 14 (Kalichman, j.c.a.). Voir aussi : Watermark Ltd. c. Joseph M. Basa Consultant Corp., 2022 QCCA 932, par. 4 (Hogue, j.c.a.); Norbourg Groupe financier inc. (Syndic de), 2006 QCCA 752, par. 18-20 (Chamberland, j.c.a.); PricewaterhouseCoopers inc. c. Guay inc., 2006 QCCA 48, par. 13 (Morin, j.c.a.).

[31]  Léger c. Ouellet, 2011 QCCA 1858, par. 22. Voir aussi : Gaastra v. Tri-Link Consultants Inc., 2012 ABQB 271, par. 4 et 6, confirmé par Gaastra v. Watts, 2012 ABCA 262; MG Electric Ltd. v. (CSE) Control Systems Engineering Inc., 2004 MBQB 145, confirmé par MG Electric Ltd. v. (CSE) Control Systems Engineering Inc., 2004 MBCA 178; Denis Brochu, Précis de la faillite et de l’insolvabilité, 6e éd., Montréal, LexisNexis, 2022, p. 563; Jacques Deslauriers, La faillite et l’insolvabilité au Québec, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 279, no 914.

[32]  Tringle c. Potvin, 1996 CanLII 6256 (QC CA).

[33]  Lloyd W. Houlden, Geoffrey B. Morawetz & Janis P. Sarra, The 2022-2023 Annotated Bankruptcy and Insolvency Act, Toronto, Thomson Reuters, 2022, p. 773; Jacques Deslauriers, La faillite et l'insolvabilité au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 2e éd., 2011, no 2160; Cruise Connections Canada v. Szeto, 2015 BCCA 363, par. 15.

[34]  Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc., 2021 CSC 53, par. 25.

[35]  Laurentide Finance Co. c. Cusson, [1973] C.A. 328, p. 331; Gagné c. Tremblay, 2007 QCCA 647, par. 12; Dupuis c. Cernato Holdings Inc., 2019 QCCA 376, par. 38; Arrangement relatif à Consultants SM inc., 2020 QCCA 438, par. 35.

[36]  Ibid.

[37]  Je précise que je ne traite pas ici de la preuve requise pour l’exercice de qualification lorsque la dette n’est pas constatée par un jugement.

[38]  H.Y. Louie Co. Limited v. Bowick, 2015 BCCA 256 (« H.Y. Louie »).

[39]  Cruise Connections Canada v. Szeto, 2015 BCCA 363 (« Cruise Connections »).

[40]  H.Y. Louie Co. Limited v. Bowick, 2015 BCCA 256, par. 87-88.

[41]  Cruise Connections Canada v. Szeto, 2015 BCCA 363, par. 27-29.

[42]  Id., par. 49-50.

[43]  Lawyers’ Professional Indemnity Company v. Rodriguez, 2018 ONCA 171 (« Lawyers’ Professional Indemnity »).

[44]  Id., par. 5-6.

[45]  Johansen v. Wallgren, 2021 ABCA 234 (« Johansen »).

[46]  Id., par. 30-32.

[47]  Dufour c. Duhamel, [2000] R.J.Q. 1986, 2000 CanLII 2427 (QC CA).

[48]  Id., par. 37.

[49]   N.V. T. c. H.Y.L., 2002 CanLII 61085 (QC CA).

[50]  Id., par. 5, reproduisant un extrait du jugement de première instance porté en appel.

[51]  Id., par. 7 et 12.

[52]  Dufour c. Duhamel, [2000] R.J.Q. 1986, 2000 CanLII 2427 (QC CA), par. 32.

[53]  N.V. T. c. H.Y.L., 2002 CanLII 61085 (C.A.), par. 10.

[55]  Lang v. Lapp, 2017 BCSC 670, par. 42-48.

[56]  Dumouchel c. Watanabe, 2019 QCCS 1805, par. 5.

[57]  Cependant, il faut noter que dans 9213-8923 Québec inc. c. Avecedo, 2018 QCCS 5, la juge a accepté une preuve extrinsèque bien que la dette était constatée dans un jugement par défaut.

[58]  Lumascape Lighting Industries Pty Ltd. c. Pellegrino, 2009 QCCS 4103, par. 16.

[59]  Id., par. 17-20.

[60]  Id., par. 22-26 et 31.

[61]  Proposition de Fuoco, 2023 QCCA 448, par. 23, citant Alberta (Procureur-général) c. Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 R.C.S. 327, par. 79. Le juge Hamilton est dissident, mais pas sur ce point. Voir également : Martin v. Martin, 2005 NBCA 32, par. 10-11; Alberta Securities Commission v. Hennig, 2021 ABCA 411, par. 25.

[62]  William Millénaire inc. c. Conceria Cadore, s.r.l., 2008 QCCA 703, par. 16; Saviva Holdings Ltd. c. 169350 Canada inc., 2009 QCCA 745, par. 45.

[63]  Jean-Paul Beaudry ltée c. 4013964 Canada inc., 2013 QCCA 792, par. 36; Doyon c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, 2007 QCCA 542, par. 37.

[64]  Commission de la construction du Québec c. Électricité Tri-Tech inc., 2022 QCCA 1392, par. 22; Meubles Léon ltée c. Option consommateurs, 2020 QCCA 44, par. 72; Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l., srl c. Lixo Investments Ltd., 2015 QCCA 513, par. 19; Jean-Claude Royer et Catherine Piché, La preuve civile, 6e éd, Montréal, Yvon Blais, 2020, p. 763,  no 978.

[65]  Ellard c. Millar, 1929 CanLII 55 (C.S.C.), [1930] R.C.S. 319, p. 326; Srougi c. Lufthansa German Airlines, 2003 CanLII 47967 (QC CA), [2003] R.J.Q. 1757 (C.A.), par. 44-45; Nasifoglu c. Complexe  St-Ambroise inc., 2005 QCCA 559, par. 12-13; Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l., srl c. Lixo Investments Ltd., 2015 QCCA 513, par. 20-21. Voir aussi : Contrôle technique appliqué ltée c. Québec (Procureur général), 1994 CanLII 5595 (QC C.A.); Relais signal ltée c. Pavage et aménagement paysager Antonio Borsellino inc., 1991 CanLII 3511 (QC CA), par. 12-15; Vachon c. Vachon, (1978) C.A. 515; Liberty Mutual Insurance Co. c. Commission des normes du travail du Québec, [1990] R.D.J. 421 (C.A.), 1990 CanLII 3700 (QC CA), par. 17; Pesant c. Langevin, (1926) 41 B.R. 412; Jean-Claude Royer et Catherine Piché, La preuve civile, 6e éd, Montréal, Yvon Blais, 2020, p. 773, par. 988.

[66]  Contrôle technique appliqué ltée c. Québec (Procureur général), 1994 CanLII 5595 (QC C.A.); Pesant c. Langevin, (1926) 41 B.R. 412, p. 421. Voir aussi : Pierre-Basile Mignault, Le droit civil canadien, t. 6, Montréal, C. Théoret, , 1902, p. 105-106. Les autorités de la note précédente s’appliquent également au soutien de cet énoncé.

[67]  Roberge c. Bolduc, [1991] 1 RCS 374, p. 406-407; Markel Insurance Company of Canada c. Travelers du Canada, 1986 CanLII 3837 (QC CA), [1986] R.D.J. 516 (C.A.), p. 519; Syndic de Dupuis, 2020 QCCA 379, par. 31-44; Banque Nationale du Canada c. Société Rodaber ltée, 1998 CanLII 13035 (QCCA), J.E. 98-1765, (C.A.), p. 12-13. Le professeur Ducharme est du même avis; voir à ce sujet : Léo Ducharme, Précis de la preuve, Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 246, no 614.

[68]  Werbin c. Werbin, 2010 QCCA 594, par. 8; Tremblay c. Centre Hi-Fi Chicoutimi (9246-9352 Québec inc.), 2021 QCCA 546, par. 27; Souscripteurs du Lloyd's c. SNC Lavalin inc., 2021 QCCA 833, par. 39; Syndic de Dupuis, 2020 QCCA 379, par. 31-44; Montréal (Service de police de la Ville de) (SPVM), 2016 QCCA 430, par. 48; Ghanotakis c. Laporte, 2013 QCCA 1046, par. 17-20.

[69]  Mutual Trust Company c. St-Cyr, 1996 CanLII 6010 (QC C.A.), par. 30-32; Adoption — 11117, 2011 QCCA 1129, par 79; Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 236, par. 590.

[70]  Aubé c. Fournier, 2020 QCCA 1749, par. 39, citant Pesant c. Langevin (1926), 41 B.R. 412, p. 421.

[71]  Ibid.

[72]  Lumascape Lighting Industries Pty Ltd. c. Pellegrino, 2009 QCCS 4103.

[73]  Pesant c. Langevin, (1926) 41 B.R. 412, p. 421.

[74]  Id., p. 422.

[75]  Id., p. 423. Voir aussi Ellard v. Millar, [1930] S.C.R. 319, p. 326.

[76]  Voir notamment : Relais signal ltée c. Pavage et aménagement paysager Antonio Borsellino inc., 1991 CanLII 3511 (QC CA), [1992] R.D.J. 252 (C.A.), p. 255-256; Contrôle technique appliqué ltée c. Québec (Procureur général), 1994 CanLII 5595 (QC CA), [1994] R.J.Q. 939 (C.A.), p. 943-944, Srougi c. Lufthansa German Airlines, [2003] R.J.Q. 1757, 2003 CanLII 47967 (QC CA), par. 44; Nasifoglu c. Complexe St-Ambroise inc., 2005 QCCA 559, par. 12-13; Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l., srl c. Lixo Investments Ltd., 2015 QCCA 513, par. 20, 45; Al Arbash International Real Estate Company c. 9230-5929 Quebec inc., 2016 QCCA 2092, par. 91-95.

[77]  Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460.

[78]  Nasifoglu c. Complexe St-Ambroise inc., 2005 QCCA 559, par. 68-70.

[79]  Voir notamment à cet égard : Guillaume Laganière, « La présomption de vérité découlant d’une décision antérieure : réalité ou fiction? », (2021) 55 RJTUM 751.

[80]  Ali c. Compagnie d'assurance guardian du Canada, 1999 CanLII 13177 (QC CA), p. 16-18.

[81]  Voir notamment P.G. c. V.C., 2023 QCCA 858, par. 52-54; Lezoka c. Ville de Montréal, 2023 QCCA 632, par. 11; Groupe Estrie-Richelieu, compagnie d'assurances c. Centre d'appel d'urgence des régions de l'Est du Québec (CAUREQ), 2021 QCCA 362, par. 15.

[82]  SNC-Lavalin inc. c. Lafarge Canada inc., 2023 QCCA 939, par. 118-137.

[83]  Union des consommateurs c. Bell Canada, 2012 QCCA 1287, par. 62; Weynant c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2020 QCCA 795, para. 10.; P.G. c. V.C., 2023 QCCA 858, par. 55.

[84]  Desgagné c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2019 QCCA 341.

[85]  Id., par. 43.

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