Décision

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Major c. Commission des lésions professionnelles

2007 QCCS 6981

J.L. 3736

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

 

N° :

760-05-004803-076

 

 

 

DATE :

Le 13 février 2008

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JACQUES A. LÉGER, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

Line Major

Demanderesse

 

c.

 

Commission des lésions professionnelles

et

Marché Pigeon Inc.

et

Commission de la santé et de la sécurité du travail

Défenderesses

______________________________________________________________________

 

Motifs du jugement rendu séance tenante

le 20 décembre 2007

______________________________________________________________________

 

[1]                Le Tribunal doit décider d'une requête en révision judiciaire qui conteste deux décisions par la Commission des lésions professionnelles (CLP).  La première, CLP-1, rendue le 16 mai 2006, par le commissaire Richard Hudon, rejetant un appel d'une décision de la Révision Administrative (RA) de la CSST concluant que la lésion professionnelle de Mme Major est consolidée depuis le 8 décembre 2004 et que cette dernière est, depuis lors, apte à exercer son emploi.

[2]                La deuxième, CLP-2, rendue le 26 mars 2007 par le commissaire Alain Suicco, rejette une requête en révision pour cause de CLP-1 (en vertu de l'article 429.56 de la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles (LATMP) [1].

[3]                Au soutien de sa requête en révision judiciaire de CLP-1 et CLP-2, Mme Major, (la travailleuse), soutient qu'elles comportent trois erreurs manifestes de droit et de faits, déterminantes quant à l'issue du litige et équivalant à un vice de fond, de nature à les invalider, savoir : 

i)        A commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que Dr Mehio est le médecin en charge ou traitant (paragr. 35) ;

ii)      A erronément retenu le rapport complémentaire du 17 janvier 2005, puisque non précédé d'un nouvel examen de la travailleuse ;

iii)    A erronément décidé que la travailleuse a vu (en temps utile) le rapport complémentaire du 17 janvier 2005 du Dr Mehio, lequel ce dernier a omis de lui faire parvenir.

[4]                CLP et CSST ont toutes deux comparu et contestent la requête en révision judiciaire.  Selon elles, les décisions rendues relèvent de la compétence exclusive de CLP ;  en effet, il lui appartenait de déterminer, en dernier ressort, des questions factuelles précitées, de même que de conclure sur la date de consolidation de la lésion professionnelle, en l'espèce le 8 décembre 2004.

I)  La norme de contrôle

[5]                S'agissant d'une révision judiciaire, la jurisprudence impose au Tribunal siégeant en révision de procéder d'abord et avant tout à l'analyse pragmatique et fonctionnelle, afin de déterminer la norme de contrôle qui doit s'appliquer (sauf si le Tribunal en vient à la conclusion qu'il y a excès de compétence ou un déni de justice naturelle par iniquité procédurale du tribunal inférieur).  Selon que la norme sera plus ou moins stricte, le Tribunal de révision doit faire preuve de plus ou moins de déférence à l'endroit de la décision du tribunal inférieur.

[6]                Cette analyse tient compte de quatre critères :  la présence ou non d'une clause privative, l'expertise relative du décideur administratif, l'objet de la loi ou de la disposition et, finalement, la nature de la question.

[7]                Quant au premier, la LATMP comporte une clause privative étanche ou complète à son article 429.50.  Quant à l'expertise relative, force est de reconnaître que CLP et la CSST détiennent un haut niveau d'expertise, compte tenu de la particularité des formations appelées à siéger en matière de prévention et d'indemnisation ;  c'est à CLP qu'il revient de décider de la date de consolidation de la lésion de même qu'identifier le médecin traitant.

[8]                Quant à l'objet de la loi, il s'agit d'une décision sous l'empire de la Loi constituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant différentes dispositions législatives.  CLP continue la mission de la CALP depuis le 1er avril 1998, avec l'objectif poursuivi par le législateur de « permettre à un tribunal administratif de disposer, en dernier ressort, des décisions des instances inférieures en interprétant sa loi constitutive ».  Il faut bien le reconnaître, il y a un désir du législateur d'exclure les tribunaux de droit commun du domaine de l'indemnisation des victimes d'accidents de travail et cela milite certainement en faveur d'une grande déférence à l'égard des décisions du CLP.

[9]                Quant à la nature du problème, CLP devait décider si le rapport complémentaire du Dr Mehio, donné le 17 janvier (se disant d'accord avec celui du Dr Godin) est valide et suffisant, malgré l'absence d'une nouvelle consultation avec Mme Major.  Pour se faire, elle doit interpréter sa Loi constitutive, la jurisprudence et tenir compte de la preuve, aussi bien celle qui lui est soumise que celle produite devant la RA.

[10]            La conclusion de CLP-1 se situe donc au cœur même de la compétence spécialisée de CLP.  Il s'agit donc d'une question mixte de faits et de droit et partant, le Tribunal supérieur doit faire montre d'un degré élevé de déférence, eu égard à ce critère.

[11]            En dernière analyse, l'application des quatre critères ci-haut milite en faveur d'un grand degré de déférence ;  le Tribunal conclut donc qu'il y a lieu ici d'appliquer en l'espèce le critère de révision le plus strict, soit la norme du manifestement déraisonnable.

II)  Contexte factuel

[12]            CLP était saisie d'une contestation soumise par la travailleuse, qui lui demande d'infirmer une décision de la CSST rendue le 18 mai 2005, et retourner le dossier à la CSST afin qu'une référence soit faite au Bureau d'Évaluation médicale (BEM).

[13]            La travailleuse est caissière lorsqu'elle subit une entorse dorsolombaire le 17 mars 2004.  Par la suite, elle consulte plusieurs médecins qui émettent divers diagnostics, lesquels sont tous refusés par la CSST.  Le 8 décembre 2004, la travailleuse est examinée par le Dr Godin, médecin désigné par la CSSTCelui-ci consolide la lésion de la travailleuse au jour de son examen, sans atteinte permanente, ni limitation fonctionnelle.  Le 15 décembre 2004, la travailleuse rencontre Dr Mehio, qui retient le diagnostic de fracture d'ostéo chondrome de l'humérus proximal de l'épaule droite et une entorse lombaire.  Le 17 janvier 2005, la CSST adresse une demande de rapport complémentaire au Dr Mehio lui joignant une copie de l'expertise pratiquée par le Dr Godin.  Une copie conforme de cette demande est aussi adressée à la travailleuse.  Le 17 janvier 2005, Dr Mehio produit son rapport complémentaire dans lequel il se dit d'accord avec les conclusions du Dr Godin relativement à l'entorse lombaire.  Le 31 janvier 2005, la travailleuse est avisée verbalement du contenu de ce rapport complémentaire.

[14]            Le 9 février 2005, Dr Mehio signe un autre rapport médical dans lequel il retient le diagnostic d'entorse dorsolombaire et de contusion à l'épaule droite.  Cependant, le 10 mars 2005, Dr Mehio produit un autre rapport avec une évaluation médicale ;  il consolide alors la lésion plus tard, soit au 9 mars 2005, avec une atteinte permanente de 2 % pour des séquelles d'entorse dorsolombaire ainsi que des limitations fonctionnelles.

[15]            Dans sa décision, CLP-1 explique ses motifs aux paragraphes 35, 36, 37, 38 et conclut à 39.  Elle présume que la travailleuse a reçu une copie du rapport complémentaire signé par son médecin traitant, puisqu'il « n'est aucunement question de ce fait lors de son témoignage ».

[16]            Le 26 mars 2007, CLP-2, en révision interne, refuse de réviser pour cause la première décision soulignant qu'aucun vice de fond n'a été démontré.

[17]            Il n'y a pas de débat sur le fait que la décision de CLP-2 en est une de révision interne, puisqu'elle confirme la décision de CLP-1 ;  le Tribunal doit donc s'en tenir à analyser CLP-1, CLP-2 devant suivre automatiquement le même sort.

Questions en litige

[18]            Le Tribunal doit déterminer si la décision rendue par CLP-1 est clairement abusive, manifestement injuste, absurde, contraire au sens commun, et sans aucun fondement, eu égard à l'ensemble de la preuve sans quoi, il n'y a pas d'ouverture à la révision judiciaire.  La conclusion que la décision est manifestement déraisonnable, au point d'être absurde, doit provenir essentiellement de l'examen des motifs donnés par le décideur inférieur.  Le Tribunal ne doit pas non plus substituer sa propre appréciation à celle de l'organisme spécialisé qu'est CLP, même si sur le fond, il ne partage pas son avis et aurait pu rendre une décision différente, eût-il entendu la cause à l'origine.

Prétentions

[19]            Première erreur :  La travailleuse soutient[2] que CLP aurait erré en concluant que Dr Mehio est le médecin à charge.

[20]            Selon elle, à la date de janvier, il ne l'est pas et, par conséquent, son rapport est non liant, surtout qu'elle n'a pas été réexaminée par Dr Mehio avant qu'il ne rende son rapport complémentaire, tel que le lui a demandé la CSST après avoir reçu un rapport du Dr Godin.

[21]            Ce faisant, CLP aurait bloqué l'accès de la travailleuse au BEM afin d'arbitrer, en dernière analyse, de sa condition médicale.  C'est donc à tort que CLP aurait indiqué que Dr Mehio a une connaissance suffisante de la condition de la travailleuse, puisqu'il ne serait pas à ce moment son médecin à charge.

[22]            Deuxième erreur :  C'est à tort que CLP a accepté comme concluant, le rapport complémentaire du 17 janvier 2005 du Dr Mehio, puisqu'il n'a pas au préalable réexaminé la travailleuse qu'il n'avait vue qu'une seule fois en décembre, une semaine après Dr Godin.

[23]            Selon elle, en décembre 2004, seul Dr Valère Lachance, qui est son médecin en charge, pouvait rendre une opinion la liant.  C'est donc erronément que CLP-1 a conclu que Dr Mehio était le médecin traitant.

[24]            Troisième erreur :  CLP aurait aussi commis une erreur déterminante en affirmant que la travailleuse aurait eu suffisamment connaissance du rapport complémentaire, puisqu'elle a le droit d'en avoir connaissance sans délai avant d'être liée par tel rapport complémentaire.  À cet égard, la travailleuse invoque son droit au choix de son médecin.

[25]            De son côté, CLP soutient que la portée de la norme de l'erreur manifestement déraisonnable a été bien exprimé par la juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Domtar[3], où elle écrit en page 774 :

« Le critère de l'erreur manifestement déraisonnable constitue le pivot sur lequel repose la retenue des cours de justice.  Dans le cadre des questions relevant de la compétence spécialisée d'un organisme administratif protégé par une clause privative, cette norme de contrôle a une finalité précise:  éviter qu'un contrôle de la justesse de l'interprétation administrative ne serve de paravent, comme ce fut le cas dans le passé, à un interventionnisme axé sur le bien-fondé d'une décision donnée.

Substituer son opinion à celle du tribunal administratif afin de dégager sa propre interprétation d'une disposition législative, c'est réduire à néant son autonomie décisionnelle et l'expertise qui lui est propre.  Puisqu'une telle intervention surgit dans un contexte où le législateur a déterminé que le Tribunal administratif est le mieux placé pour se prononcer sur la décision contestée, elle risque de contrecarrer, par la même occasion, son intention première. »  (…)

[26]            La Cour supérieure ne peut intervenir que si, de toute évidence, la réponse donnée à la question soumise n'était pas possible.  Voir à ce sujet la décision de la SCFP c. Ontario[4]:

« Dans un sens, une seule réponse est possible, tant selon la norme de la décision correcte que selon celle du caractère manifestement déraisonnable.  La méthode de la décision correcte signifie qu'il n'y a qu'une seule réponse appropriée.  La méthode du caractère manifestement déraisonnable signifie que de nombreuses réponses appropriées étaient possibles, sauf celle donnée par le décideur. »

[27]            Autrement dit, CLP soutient que la Cour supérieure ne peut intervenir que si elle est convaincue que la seule réponse qui ne pouvait être donnée est celle qui l'a été.

[28]            Bref, CLP plaide que le rôle de la Cour supérieure doit se limiter à regarder la légalité du processus ayant conduit à la décision, plutôt que de s'arrêter à son bien-fondé.

[29]            Enfin, CLP soutient que c'est à bon droit que CLP-1 présume que la travailleuse a reçu une copie du rapport complémentaire du docteur Dr Mehio, puisqu'elle l'infère du fait qu'il n'en a été aucunement question dans le témoignage de la travailleuse devant elle.  C'est donc avec raison que la CSST s'est considérée liée par la conclusion du rapport complémentaire du Dr Mehio et qu'elle n'avait pas à soumettre le dossier du BEM.

ANALYSE

[30]            En l'espèce, il appartient au tribunal spécialisé qu'est CLP, et non à une cour de justice, de décider entre les solutions possibles.

[31]            Compte tenu de la preuve au dossier et des témoignages entendus, CLP a considéré que la travailleuse avait été informée des conclusions contenues au rapport complémentaire de son médecin traitant.  Peut-être qu'un autre commissaire aurait tiré une conclusion différente mais c'est le commissaire Hudon qui a entendu la preuve, le témoignage de la travailleuse et évalué le dossier.  Elle considère donc que les rapports des deux médecins ne sont pas divergents et que, de ce fait, la CSST n'avait pas à soumettre le dossier à l'arbitrage médical du BEM.

[32]            Le Tribunal est d'avis qu'en fait, CLP n'accorde pas de crédibilité aux rapports subséquents du Dr Mehio qui semblent des rapports de complaisance (voir paragr. 38 CLP-1).  Selon la travailleuse, un autre point de vue favorable à sa position aurait pu être retenu.  Le Tribunal n'a pas en l'espèce à choisir quel point de vue est le plus raisonnable.

[33]            Dans un autre ordre d'idée, le fait que les avis des membres[5] issus des associations d'employeurs et des associations syndicales, qui jouent un rôle « partisan » auprès du Commissaire, vont dans le même sens que l'avis des commissaires, constitue un élément qui démontre que la décision n'est pas manifestement déraisonnable.  Cet élément s'ajoute aux facteurs associés à la démonstration de l'absence d'erreur manifestement déraisonnable.

[34]            Le Tribunal est d'avis qu'il appartient à CLP en dernier recours, et non devant une cour de justice, de disposer des questions relatives aux lésions professionnelles de même qu'à la procédure d'évaluation médicale, en vertu de sa compétence stricto sensu aux fins de la LATMP.  Il est à noter que la nature de la question soumise à la Cour suprême dans Domtar en était une de droit.[6]  A fortiori, s'agissant ici d'une question d'appréciation de la preuve factuelle et médicale, la retenue judiciaire doit être encore plus grande.

[35]            La Cour ne doit pas, en principe, chercher à faire sa propre opinion à l'égard de la question soumise au tribunal spécialisé[7].

[36]            Donc, une intervention judiciaire n'est pas justifiée lorsque la solution à laquelle en est arrivé le tribunal n'est pas absurde, clairement abusive, manifestement injuste, contraire au sens commun ou encore sans aucun fondement, eu égard à l'ensemble de la preuve.

[37]            En l'espèce, le Tribunal est d'avis que les trois erreurs plaidées par la travailleuse ne permettent d'aucune manière d'arriver à la conclusion que l'intervention judiciaire soit justifiée.

[38]            En effet, la solution à laquelle en est arrivé CLP-1 est au cœur du processus d'évaluation médicale que doit décider CLP ;  il s'agit d'un régime d'évaluation médicale autonome pour permettre de statuer rapidement sur le litige.  Il y a lieu donc d'obtenir une deuxième opinion rapidement pour clore le débat.  C'est l'objectif que visent les articles 199 et suivants de la LATMP.

[39]            Dans ce processus, la travailleuse consulte un médecin qui peut (ou non) devenir son médecin traitant.

[40]            Il n'est pas loisible au travailleur de choisir successivement un ou plusieurs autres médecins, s'il n'est pas satisfait de la conclusion de celui qui en a la charge.  C'est la contre-partie au fait que la CSST doit s'en remettre au rapport du médecin responsable du travailleur.

[41]            L'objectif du législateur est de s'assurer de la finalité d'une décision du médecin traitant pour mettre un terme au processus et, accessoirement, éviter la recherche d'un médecin complaisant.

[42]            Quant à la première erreur, le Tribunal est d'avis que l'inférence tirée par la CLP-1 que Dr Mehio est le médecin en charge est loin d'être absurde ni déraisonnable.  En effet, dans le rapport du Dr Godin, qui a examiné la travailleuse le 8 décembre 2004, il fait lui-même état qu'elle doit voir Dr Mehio une semaine plus tard.  Rien donc de surprenant que la CSST envoie, en janvier 2005, à ce dernier le rapport du Dr Godin lui demandant un rapport complémentaire.  Vu la proximité de l'examen qu'a fait Dr Mehio en décembre, il n'est certainement pas essentiel qu'il refasse un autre examen de la travailleuse avant de rendre son rapport complémentaire le 17 janvier, par lequel il confirme son accord avec les conclusions du Dr Godin.

[43]            D'ailleurs, CLP-1 explique très bien[8] pourquoi elle considère que Dr Mehio est le médecin traitant ;  ce que confirme la note du Dr Godin que la travailleuse doit bientôt voir le Dr Mehio ; enfin, surtout le fait qu'en février/mars 2005, la travailleuse choisit librement ce même Dr Mehio comme son médecin traitant.  Cette fois, il rend un rapport contradictoire, occultant tout simplement son rapport complémentaire du 17 janvier.

[44]            D'ailleurs, cette option ou démarche que se réserve la travailleuse de choisir selon la convenance du moment que Dr Mehio n'est pas en janvier 2005 son médecin traitant, mais qu'il le devient plus tard, va à l'encontre de l'objectif de finalité d'un rapport médical prévu dans la LATMP.

[45]            Quant à la deuxième erreur, soit l'absence d'examen fait par Dr Mehio préalablement à son rapport complémentaire du 17 janvier 2005, encore ici, le Tribunal est d'avis que la décision ne comporte aucune erreur manifestement déraisonnable.

[46]            L'article 205.1 ne requiert aucune obligation légale qu'il y ait un nouvel examen de la travailleuse avant qu'un rapport complémentaire ne soit produit.  Évidemment, s'il n'y a pas d'examen, il faut que cela soit raisonnable, eu égard aux circonstances.

[47]            Or, en l'espèce, il n'est certes pas déraisonnable qu'il n'y ait pas eu de nouvel examen, puisque le précédent a eu lieu à la mi-décembre, soit sept jours après que la travailleuse ait été examinée par Dr Godin.

[48]            D'ailleurs, comment pourrait-on conclure au caractère manifestement déraisonnable de l'absence d'examen par le médecin traitant préalablement à son rapport complémentaire, si l'article 220 de la LATMP ne requiert même pas que le BEM, qui est l'instance décisionnelle de dernier essor pour la décision médicale, ne soit pas lui-même tenu d'examiner la travailleuse ?

[49]            Par conséquent, le Tribunal conclut que cette deuxième erreur reprochée est sans fondement.

[50]            Enfin, pour la troisième erreur, soit l'absence de motivation sans délai du rapport complémentaire de la travailleuse, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas non plus ouverture à révision judiciaire.  D'une part, il n'y a aucune preuve que la travailleuse n'ait pas été avisée du rapport complémentaire du Dr Mehio ;  d'autre part, même si tel était le cas, il ne s'agit pas là d'une erreur déterminante sur l'issue du litige.

[51]            En l'espèce, le Tribunal estime que c'est donc à bon droit que CLP-1 a présumé « que la travailleuse a reçu copie du rapport complémentaire du Dr Mehio, parce qu'il n'est aucunement question de ce fait dans son témoignage »(sic) (paragr. 36).

[52]            À cela s'ajoute une indication assez claire que la travailleuse a été avisée, tel qu'en fait foi la note de l'agent au dossier en page 20 du dossier constitué « la T pas certaine avec Dr Mehio ».  Le Tribunal est d'avis que la seule conclusion à tirer de cette note au dossier et c'est celle qu'a présumé CLP-1.

[53]            Finalement, le Tribunal ne trouve rien de déraisonnable au fait que CLP-1 ait choisi de rejeter le rapport contradictoire produit par le Dr Mehio du 10 mars 2005, alors qu'à ce moment la travailleuse considère qu'il est son médecin traitant.

[54]            Cette conclusion de CLP-1 de ne pas lui donner de force probante est parfaitement justifiée dans les circonstances, et rentre dans les prérogatives de CLP de ne pas le retenir.  Cela est parfaitement raisonnable et justifié, eu égard à l'ensemble de la preuve et à la lumière des motifs explicités dans CLP-1.

[55]            En conséquence, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a aucune matière à révision judiciaire qui ressorte des deux décisions CLP-1 et CLP-2.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[56]            REJETTE la requête en révision judiciaire de la décision rendue les 16 mai 2006 et 26 mars 2007, par CLP-1 et CLP-2 respectivement.

[57]            LE TOUT sans frais.

 

 

 

__________________________________

Jacques A. Léger, j.c.s.

 

Mes Isabelle Denis et Pierre Leduc

Gaboury, Leduc, avocats

Pour la demanderesse

 

Me Luc Côté

Levasseur Verge

Pour la CLP

 

Date d’audience :

19 décembre 2007

 



[1] Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP) L.R.Q., c. A-3.001.

[2] Voir paragr. 36.

[3] Domtar inc. c. Québec  (CALP), [1993] 2 R.C.S. 756 .

[4] SCFP c. Ontario, [2003] C.S.C. 29 , paragr. 159-164.

[5] Voir paragr. 14, décision CLP-1.

[6] Il s'agit en fait de l'interprétation de l'art. 60 LATMP.

[7] Voir à cet effet Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] CSC 20 , paragr. 50-51.

[8] Voir CF paragr. 21.

AVIS :
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