Lutarevich c. 9153-9171 Québec inc. (Auto dépôt Mirabel) |
2016 QCCQ 8573 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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LOCALITÉ DE |
SAINT-JÉROME |
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« Chambre civile » |
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N° : |
700-32-031217-159 |
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DATE : |
Le 2 août 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BENOIT SABOURIN, J.C.Q. |
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Irène LUTAREVICH |
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Demanderesse |
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c. |
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9153-9171 QUÉBEC INC., f.a.s.n. de Auto Dépôt Mirabel |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1]
La demanderesse Irène Lutarevich réclame 1 718 $ à la défenderesse
9153-9171 Québec inc., faisant affaire sous le nom d’Auto Dépôt Mirabel.
La somme réclamée correspond au coût d’acquisition d’une garantie
supplémentaire qui lui a été vendue par la défenderesse lors de l’achat d’une
automobile usagée de marque Chevrolet Aveo 2007. La demanderesse plaide que la
défenderesse n’a pas respecté ses obligations découlant de l’article
[2]
La défenderesse conteste la demande. Elle plaide que la demanderesse a
signé au moins neuf documents où elle confirme son accord à l’acquisition d’une
garantie supplémentaire. Elle ajoute qu’elle a respecté ses obligations
découlant de l’article
La demanderesse a-t-elle droit à la somme de 1 718 $ qu’elle réclame à la défenderesse?
[3] Le 16 février 2015, la demanderesse achète, pour sa fille Raphaella, une automobile usagée de marque Chevrolet Aveo 2007 pour la somme de 3 990 $, avant taxes. Selon le contrat[1] produit par la défenderesse, le prix de l’automobile, taxes incluses, est de 4 587,50 $. À cette somme, des frais d’administration de 499 $ ont été ajoutés ainsi que le coût d’acquisition d’une garantie supplémentaire offerte par la société Garantie Optima, soit 1 495 $ avant taxes.
[4] Au cours des formalités visant à finaliser la vente de l’automobile, la demanderesse signe le contrat de vente sur un formulaire conforme aux exigences de la Loi sur la protection du consommateur. Elle signe aussi un contrat qui constate la vente à tempérament de l’automobile et qui prévoit le financement du prix total de la transaction de 6 915,10 $ au taux de 9,39 % l’an, et ce, par 156 versements hebdomadaires de 51,38 $. Cette somme inclut des frais supplémentaires de 1 994 $, dont 1 495 $ pour la garantie supplémentaire et 499 $ pour les frais d’administration.
[5] La demanderesse signe aussi un formulaire de demande de crédit émanant de Desjardins et le contrat de garantie supplémentaire émis par la société Garantie Optima. En vertu de cette garantie, la demanderesse ajoute une protection de 24 mois ou 30 000 kilomètres sur l’automobile qu’elle vient d’acheter.
[6] À l’audience, la demanderesse relate qu’elle signe tous ces documents très rapidement, sans vraiment les lire, et ce, en présence de sa fille Raphaella. Elle ajoute que lors de la signature des documents, on ne lui a jamais parlé des garanties légales prévues par la Loi sur la protection du consommateur, et ce, ni verbalement, ni par écrit. Le représentant de la défenderesse, qui a assisté la demanderesse lors de la signature des documents, n’est pas présent à l’audience. Cet aspect du témoignage de la demanderesse n’est donc pas contredit.
[7] À l’audience, la défenderesse est représentée par monsieur Éric Monette qui a géré le dossier, et ce, après la signature des documents visant à confirmer la vente.
[8] Éric Monette reconnaît que la défenderesse a remboursé à la demanderesse les frais d’administration de 499 $ facturés lors de la transaction. Quant à la garantie supplémentaire, il refuse de la rembourser, car il estime que cette dernière a consenti à acheter cette protection, et ce, en toute connaissance de cause.
[9]
La demanderesse invoque en sa faveur l’article
« 228.1. Le commerçant doit, avant de proposer au consommateur de conclure, à titre onéreux, un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien, l’informer verbalement et par écrit, de la manière prescrite par règlement, de l’existence et du contenu de la garantie prévue aux articles 37 et 38.
Dans un tel cas, il doit également, le cas échéant, l’informer verbalement de l’existence et de la durée de la garantie du fabricant offerte gratuitement à l’égard de ce bien. À la demande du consommateur, il doit aussi l’informer verbalement de la façon pour lui de prendre connaissance de l’ensemble des autres éléments de cette garantie.
Le commerçant qui propose à un consommateur de conclure un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien sans lui transmettre préalablement les informations prévues au présent article est réputé passer sous silence un fait important et, par voie de conséquence, se livrer à une pratique interdite visée à l’article 228. »
[10]
Dans son jugement rendu dans Cloutier c. Vallée Automobile inc.[2],
le juge Pierre A. Gagnon, J.C.Q., résume les objectifs visés par le
législateur en adoptant l’article
« […]
[12] L’article
228.1. Le commerçant doit, avant de proposer au consommateur de conclure, à titre onéreux, un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien, l'informer verbalement et par écrit, de la manière prescrite par règlement, de l'existence et du contenu de la garantie prévue aux articles 37 et 38.
Dans un tel cas, il doit également, le cas échéant, l'informer verbalement de l'existence et de la durée de la garantie du fabricant offerte gratuitement à l'égard de ce bien. À la demande du consommateur, il doit aussi l'informer verbalement de la façon pour lui de prendre connaissance de l'ensemble des autres éléments de cette garantie.
Le commerçant qui propose à un consommateur de conclure un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien sans lui transmettre préalablement les informations prévues au présent article est réputé passer sous silence un fait important et, par voie de conséquence, se livrer à une pratique interdite visée à l'article 228.
[13] Les articles
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[14] Le paragraphe e.1) de l’article
e.1) «contrat de garantie supplémentaire»: un contrat en vertu duquel un commerçant s'engage envers un consommateur à assumer directement ou indirectement, en tout ou en partie, le coût de la réparation ou du remplacement d'un bien ou d'une partie d'un bien advenant leur défectuosité ou leur mauvais fonctionnement, et ce autrement que par l'effet d'une garantie conventionnelle de base accordée gratuitement à tout consommateur qui achète ou qui fait réparer ce bien;
[15] Le législateur a adopté l’article
[16] En 2008, la Cour d’appel commente la
définition de la garantie supplémentaire que l’on retrouvait à l’époque à
l’article
[40] La
garantie supplémentaire est celle pour laquelle une contrepartie monétaire
spécifique est exigée; elle n'est pas nécessairement offerte par le fabricant
puisque la LPC décrit l'offrant comme un «commerçant». L'art.
[41] La
garantie supplémentaire est donc purement conventionnelle et non légale. L'art
[17] Ainsi, la garantie supplémentaire « se rattache à une défectuosité du bien ou à son mauvais fonctionnement ». Elle s’applique lorsque le commerçant garantit le produit contre les risques découlant de son défaut de fabrication. Autrement, il s’agit plutôt d’assurance. La Cour d’appel cite avec approbation l’auteur Jean-Guy Bergeron qui explique ce principe ainsi :
Nous croyons que la distinction faite par les tribunaux nous amène à ceci : certaines assumations de risques accessoires à un contrat d'écoulement des biens ou de services peuvent être des contrats d'assurance; quand on garantit un produit contre quelques risques que ce soit, il s'agit d'assurance; quand on garantit un produit contre les risques découlant de son défaut de fabrication, il s'agit d'une garantie.
Appliquons ce principe. Si le pneu que vous achetez est garanti contre tous les hasards de la route, il s'agit d'un contrat d'assurance. Si au contraire le pneu n'est garanti que pour les risques découlant d'un défaut de fabrication, il s'agit d'une garantie. D'ailleurs, il est normal qu'un bien ou un service puissent satisfaire les normes de sa finalité.[4]
[11] Dans Harel c. Future Shop[5], la juge Micheline Laliberté, J.C.Q., analyse la réclamation de la demanderesse qui avait payé 249,99 $ pour une garantie supplémentaire. Elle conclut au remboursement du prix payé pour la garantie supplémentaire en ces termes :
« […]
[5] CONSIDÉRANT que la demanderesse
Geneviève Harel a également prouvé avoir acheté une garantie prolongée
moyennant la somme payée de 249,99 $, et sans que le commerçant et/ou son
représentant ne lui ait fourni l'information impartie à l'article
« 228.1. Le commerçant doit, avant de proposer au consommateur de conclure, à titre onéreux, un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien, l'informer verbalement et par écrit, de la manière prescrite par règlement, de l'existence et du contenu de la garantie prévue aux articles 37 et 38.
Dans un tel cas, il doit également, le cas échéant, l'informer verbalement de l'existence et de la durée de la garantie du fabricant offerte gratuitement à l'égard de ce bien. À la demande du consommateur, il doit aussi l'informer verbalement de la façon pour lui de prendre connaissance de l'ensemble des autres éléments de cette garantie.
Le commerçant qui propose à un consommateur de conclure un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien sans lui transmettre préalablement les informations prévues au présent article est réputé passer sous silence un fait important et, par voie de conséquence, se livrer à une pratique interdite visée à l'article 228.»
[6] CONSIDÉRANT que la demanderesse a prouvé
que le vendeur de la défenderesse ne lui a jamais parlé des garanties prévues
aux articles
« 37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.»
[7] CONSIDÉRANT qu'en omettant de donner les
informations imposées par la loi précitée à la consommatrice Geneviève Harel,
le commerçant est réputé avoir passé sous silence un fait important, en
contravention à l'article
« 228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.»
[8] CONSIDÉRANT qu'en vertu de l'article
« 272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :
a) l'exécution de l'obligation;
b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.»
[12]
Le Tribunal constate que la demanderesse n’a pas été prudente en
signant, sans les lire, les neuf documents qui lui ont été soumis lors de la
conclusion du contrat de vente de l’automobile qu’elle a achetée de la
défenderesse. La lecture attentive de ces documents lui aurait permis de
constater qu’on exigeait d’elle des frais d’administration de 499 $ et
qu’on lui vendait une garantie supplémentaire. Sans la protection que lui
confère l’article
[13]
Malgré ce qui précède, le Tribunal conclut que la demanderesse a prouvé
que la défenderesse a omis de se conformer à ses obligations découlant de
l’article
[14]
La défenderesse devait prouver qu’elle a informé, verbalement et par
écrit, la demanderesse de l’existence des garanties légales, preuve qu’elle n’a
pas été en mesure de faire à l’audience. En conséquence, conformément au
troisième alinéa de l’article
[15] En conséquence, le Tribunal conclut que la demanderesse a droit à l’annulation de cette garantie supplémentaire et au remboursement de la somme qu’elle a payée à la défenderesse pour en faire l’acquisition.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ANNULE le contrat de garantie supplémentaire signé le 17 février 2015 portant le numéro 7001817 (pièce P-4).
CONDAMNE
la défenderesse 9153-9171 Québec inc., faisant affaire sous le nom d’Auto
Dépôt Mirabel, à payer à la demanderesse Irène Lutarevich la somme de
1 718 $ avec les intérêts au taux légal de 5 % l'an ainsi que
l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ BENOIT SABOURIN, j.c.q. |
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Date d’audience : |
14 juin 2016 |
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