Décision

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Gabarit EDJ

Jekkel c. Autorité des marchés financiers

2011 QCCS 3912

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

Nº :

500-17-042839-087

 

 

 

DATE :

 27 juillet 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MANON SAVARD, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

JOSEPH JEKKEL

 

Demandeur

c.

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 


TABLE DES MATIÈRES

1.     INTRODUCTION.. 3

2.     LES FAITS. 4

3.     LES DÉCISIONS. 7

3.1       La Première Décision. 7

3.2       La Deuxième Décision. 7

4.     LES QUESTIONS EN LITIGE.. 8

5.     L'ANALYSE.. 8

5.1       Le délai 9

5.2       Les dispositions législatives. 11

5.3       La révision judiciaire de la Première Décision. 12

5.3.1      La norme de révision. 13

a)        L'article 219 L.d.p.s.f. 14

b)       L'article 220 L.d.p.s.f. 16

c)        Le respect des règles de justice naturelle. 17

5.3.2      Premier motif : La Décision ex parte du Bureau et le droit d'être entendu dans un délai de 15 jours  17

5.3.3      Deuxième motif : le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. 18

5.3.4      Troisième motif : l'article 220 L.d.p.s.f. 20

a)        L'interprétation et l'application de l'article 220 L.d.p.s.f. 20

b)       L'applicabilité de l'article 220 L.d.p.s.f. 24

5.3.5      Conclusion à l'égard de la Première Décision. 26

5.4       La révision de la Deuxième Décision. 26

5.4.1      La norme de révision. 26

5.4.2      Premier motif : la Décision ex parte du Bureau et le droit d'être entendu dans un délai de 15 jours  27

5.4.3      Deuxième motif : le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. 28

5.5       Les conclusions déclaratoires recherchées. 31

5.6       Le recours en dommages-intérêts contre l'AMF. 33

5.7       Les honoraires extrajudiciaires. 34

5.8       L'article 15 du Tarif. 35

5.9       L'exécution provisoire nonobstant appel. 36


1.       INTRODUCTION

[1]           Joseph Jekkel (« M. Jekkel ») recherche :

Ø    la révision judiciaire de deux décisions rendues par l'Autorité des marchés financiers (« AMF »), l'une lui refusant un certificat dans la discipline de courtage en épargne collective et l'autre suspendant son certificat dans les disciplines assurance de personnes, assurance collective de personnes et planification financière; il demande l'émission d'une ordonnance enjoignant à l'AMF de délivrer ces certificats;

Ø    un jugement déclaratoire statuant sur les pouvoirs de l'AMF en vertu des articles 218, 219 et 220 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers[1] (« L.d.p.s.f. »);

Ø    une condamnation de 100 000 $ pour dommages moraux et punitifs;

Ø    une condamnation de 210 202 $ pour honoraires extrajudiciaires;

Ø    un honoraire spécial en vertu de l'article 15 du Tarif des honoraires judiciaires des avocats[2] (« le Tarif »); et

Ø    l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel.

[2]           Ce dossier est réuni aux fins d'enquête et audition avec une autre requête introductive d'instance de M. Jekkel contre le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières (« Bureau ») et l'AMF (qui s'est vu accorder le statut d'intervenante), dans le dossier no 500-17-042447-089, et pour lequel un jugement distinct est rendu ce jour.

[3]           Le Tribunal est d'avis que la décision de l'AMF de suspendre le certificat de M. Jekkel dans les disciplines assurance de personnes, assurance collective de personnes et planification financière doit être annulée; les autres conclusions recherchées par celui-ci sont rejetées.

[4]           L'analyse qui suit est fonction des dispositions législatives en vigueur au moment du prononcé des décisions de l'AMF, lesquelles ont été modifiées depuis.

 

2.       LES FAITS

[5]           M. Jekkel est inscrit auprès de l'AMF en vertu de la L.d.p.s.f. à titre de représentant dans les domaines suivants :

Ø    courtage en épargne collective;

Ø    assurance de personnes;

Ø    assurance collective de personnes;

Ø    planification financière.

[6]           Il est rattaché au cabinet Gestion de Capital Triglobal Inc. (« Triglobal ») à titre de représentant[3].

[7]           Triglobal est un cabinet inscrit auprès de l'AMF en vertu de la L.d.p.s.f. à titre notamment de cabinet de courtage en épargne collective. Cette compagnie est fondée en 1997 par M. Jekkel, qui en est le président jusqu'à 2000. À cette date, il vend la compagnie, mais y demeure toujours actif à titre de représentant.

[8]           Selon l'AMF, par l'entremise de représentants et dirigeants de Triglobal, plusieurs investisseurs québécois ont investi, entre 1997 et 2007, des sommes importantes[4] au sein de Focus Management inc. (« Focus »), dont le siège social est situé aux Îles Caïmans.

[9]           Le 20 décembre 2007, l'AMF présente au Bureau une demande contre plusieurs entreprises et individus[5], dont Triglobal et Jekkel. Cette demande est entendue ex parte.

[10]        Elle reproche plus précisément à M. Jekkel d'avoir effectué auprès d'investisseurs québécois des placements de titres d'emprunt émis par Focus, alors que cette dernière n'est pas détentrice d'un prospectus visé par l'AMF et sans qu'il ne soit lui-même inscrit à titre de courtier ou conseiller en valeurs auprès de l'AMF. Les placements effectués par son intermédiaire entre 1997 et 2007 s'élèveraient à plus de 15 M$ et les investisseurs risquent de perdre leurs investissements.

[11]        Le 21 décembre 2007, le Bureau fait droit à cette demande et rend sa décision (« Décision ex parte  »)[6] sans avoir entendu les parties affectées, en vertu l'article 323.7 Loi sur les valeurs mobilières[7] (« L.v.m. »). Cet article fait exception au principe énoncé à l'article 323.6 L.v.m. Ils se lisent comme suit :

323.6 Le Bureau doit, avant de rendre une décision qui affecte défavorablement les droits d'une personne, lui donner l'occasion d'être entendue.

323.7 Toutefois, une décision affectant défavorablement les droits d'une personne peut être rendue sans audition préalable, lorsqu'un motif impérieux le requiert.

Dans ce cas, le Bureau doit donner à la personne en cause l'occasion d'être entendue dans un délai de 15 jours.

(nos soulignements)

[12]        La Décision ex parte comprend des ordonnances de blocage, d'interdiction d'opération sur valeurs et d'interdiction d'agir à titre de conseiller en valeurs contre M. Jekkel.

[13]        Le 24 décembre 2007, M. Jekkel reçoit signification de la Décision ex parte et demande au Bureau, le 31 décembre suivant, d'être entendu « (…), et ce, dans les délais prescrits par la loi »[8]. D'autres intimés font de même.

[14]        Le Bureau tient une audience pro forma le 11 janvier 2008 au cours de laquelle M. Jekkel soulève différents moyens préliminaires, qui sont plaidés le 17 janvier suivant. Il soutient notamment que :

Ø    le délai de 15 jours à l'intérieur duquel le Bureau doit entendre une partie après l'émission d'une ordonnance ex parte en vertu de l'article 323.7 L.v.m. est impératif et le défaut du Bureau de le respecter en l'instance entraîne la nullité de la Décision ex parte; le Bureau a donc perdu compétence à son égard;

Ø    le Bureau n'avait pas compétence pour émettre la Décision ex parte en raison de l'absence de « motifs impérieux », au sens de l'article 323.7 L.v.m., justifiant l'octroi d'une ordonnance ex parte à son égard.

[15]        Ces moyens préliminaires sont rejetés par le Bureau le 30 mai 2008 (« Décision du 30 mai 2008 ») [9].

[16]        Entre temps, le 17 avril 2008, avant que le Bureau ne rende sa décision sur ces moyens préliminaires, M. Jekkel dépose une requête en révision judiciaire et jugement déclaratoire dans le dossier joint au présent dossier aux fins d'enquête et d'audition[10], dans laquelle il soulève l'absence et la perte de compétence du Bureau, pour les mêmes deux motifs que ceux invoqués de façon préliminaire devant le Bureau[11].

[17]        Parallèlement à ces procédures devant le Bureau, M. Jekkel communique avec l'AMF en janvier 2008[12] relativement au renouvellement de son certificat dans la discipline de courtier en épargne collective expiré depuis le 31 décembre 2007[13].

[18]        Le 24 janvier 2008, l'AMF avise M. Jekkel du refus de sa demande relative à son certificat dans cette discipline (« la Première Décision »)[14].

[19]        Le 8 février suivant, l'AMF suspend le certificat détenu par M. Jekkel dans les autres disciplines: assurance de personnes, assurance collective de personnes et planification financière (« la Deuxième Décision »)[15].

[20]        Malgré les représentations de M. Jekkel[16], l'AMF refuse de suspendre ou de revoir les Première et Deuxième Décisions[17] (collectivement « les Décisions »).

[21]        Le 7 mai 2008, M. Jekkel signifie la présente requête introductive d'instance.

[22]        L'AMF présente une requête en irrecevabilité en vertu de l'article 165 (4) C.p.c. invoquant notamment la tardiveté de la demande de révision judiciaire. Cette requête est rejetée le 10 juillet 2008[18].

 

3.       LES DÉCISIONS

3.1       La Première Décision

[23]        L'AMF refuse de renouveler le certificat de M. Jekkel dans le domaine de l'épargne collective à la suite de la Décision ex parte du Bureau, qui, selon elle, affecte sa probité, et dans le but de protéger le public. Elle écrit[19] :

(…)

CONSIDÉRANT la décision no 2007-033-001 rendue le 21 décembre 2007 par le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières à l'égard, entre autres, de Gestion de capital Triglobal inc. et de Joseph Jekkel;

CONSIDÉRANT le non-respect des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières;

CONSIDÉRANT l'interdiction de toute activité en vue d'effectuer une opération sur valeurs;

CONSIDÉRANT l'interdiction d'exercer l'activité de courtier et de conseiller en valeurs;

CONSIDÉRANT le fait que Joseph Jekkel est un représentant certifié rattaché à Gestion capital Triglobal inc.;

CONSIDÉRANT qu'en raison de l'ensemble des faits allégués, la probité du représentant est affectée;

CONSIDÉRANT la protection du public;

(…)

[24]        Sa décision repose sur le paragraphe 219 (1) et l'article 220 L.d.p.s.f. Elle est effective immédiatement, « sous réserve des observations ou faits nouveaux que le représentant pourrait présenter (…) ».

3.2       La Deuxième Décision

[25]        Tout comme pour la Première Décision, l'AMF suspend le certificat dans les disciplines d'assurance de personnes, d'assurance collective de personnes et de planification financière, à la suite de la Décision ex parte du Bureau. Elle considère que « les infractions qui ont été commises sont en lien avec l'exercice des activités de représentant et que la protection du public est compromise »[20]. Ses motifs sont identiques à ceux de la Première Décision, à l'exception de ceux relatifs au rattachement à Triglobal et à la probité.

[26]        Sa décision repose sur le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. Elle est également effective immédiatement, « sous réserve des observations ou faits nouveaux que le représentant pourrait présenter (…) »[21].

 

4.      LES QUESTIONS EN LITIGE

[27]        Les questions suivantes se posent :

1.            Les demandes en révision judiciaire ont-t-elles été intentées dans un délai raisonnable?

2.            La Première Décision doit-elle être révisée?

3.            La Deuxième Décision doit-elle être révisée?

4.            Est-il opportun de se prononcer sur les conclusions déclaratoires recherchées?

5.            L'AMF a-t-elle commis une faute donnant droit à des dommages moraux et punitifs?

6.            M. Jekkel a-t-il droit au paiement de ses honoraires extrajudiciaires?

7.            L'article 15 du Tarif s'applique-t-il en l'instance?

8.            L'exécution provisoire nonobstant appel doit-elle être ordonnée?

 

5.      L'ANALYSE

[28]        Une remarque préliminaire s'impose.

[29]        Lors du procès, les parties réfèrent le Tribunal au jugement rendu par la juge Claudine Roy dans Bruni c. Autorité des marchés financiers[22]. Depuis lors, ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel[23]. Étant donné que cet arrêt traite de certaines des questions soulevées en l'instance, et dans le but de faciliter la lecture du présent jugement, le Tribunal y référera ainsi :

Ø    L'arrêt Bruni, pour référer à l'arrêt de la Cour d'appel;

Ø    Le jugement Bruni, pour référer au jugement de la Cour supérieure.

5.1       Le délai

[30]        L'AMF soulève la tardiveté des demandes de révision judiciaire et en demande le rejet pour ce seul motif.

[31]        Ce moyen a déjà été soumis au tribunal à titre de moyen préliminaire et a été rejeté[24].

[32]        Les parties le soulèvent à nouveau lors de l'audition au fond, invoquant que le juge du fond n'est pas lié par une décision sur une requête en irrecevabilité[25].

[33]        L'article 835.1 C.p.c. énonce que la requête en révision judiciaire doit être déposée dans un délai raisonnable à partir du jugement à l'étude.

[34]        Les principes applicables pour déterminer le caractère raisonnable du délai sont énoncés dans le jugement Bruni[26]. Le Tribunal les résume ainsi :

Ø    la question du délai raisonnable pour intenter un recours dépend des faits de chaque affaire;

Ø    généralement, la jurisprudence reconnaît que le délai raisonnable de l'article 835.1 C.p.c. équivaut, par analogie, au délai d'appel de 30 jours;

Ø    cette règle n'est cependant pas un dogme : le tribunal doit apprécier le caractère raisonnable du délai pris par la partie requérante pour demander la révision judiciaire;

Ø    lorsque le délai excède 30 jours, le requérant a le fardeau de démontrer des circonstances exceptionnelles le justifiant;

Ø    cette justification doit apparaître des procédures;

Ø    l'analyse de la raisonnabilité du délai doit « tenir compte de toutes les circonstances qui ont entouré tant la procédure attaquée que les faits qui se sont déroulés subséquemment »[27] et considérer les facteurs suivants:

-               la nature de l'organisme dont on attaque la juridiction;

-               la nature de l'ordonnance contestée;

-               la nature de l'erreur commise et ses conséquences;

-               la nature du droit invoqué;

-               les causes du délai;

-               le comportement du demandeur;

-               le préjudice causé aux parties par un recours tardif.

[35]        L'AMF rend les Décisions les 24 janvier et 8 février 2008. La demande de révision judiciaire est signifiée le 7 mai 2008, soit 89 jours après la dernière décision.

[36]        Entre-temps, M. Jekkel ne demeure pas inactif :

Ø    il demande à l'AMF de revoir les Décisions[28];

Ø    l'AMF maintient les Décisions le 19 mars 2008;

Ø    le 17 avril 2008, il dépose une requête en révision judiciaire à l'encontre de la Décision ex parte du Bureau.

[37]        Le Tribunal retient les éléments suivants :

Ø    M. Jekkel manifeste son intention de contester la Décision ex parte du Bureau, sur laquelle repose les Décisions, depuis le début et à la connaissance de l'AMF;

Ø    il manifeste également dans les 30 jours son intention de contester les Décisions, en demandant leur révision, bien que la procédure à laquelle il réfère est inapplicable[29];

Ø    il consulte un avocat et poursuit de façon parallèle les contestations dans le dossier impliquant les décisions du Bureau et celles de l'AMF;

Ø    il confie la gestion de son dossier à un avocat;

Ø    l'importance des Décisions puisque les certificats demandés par M. Jekkel lui permettent de gagner sa vie, sous réserve de l'ordonnance d'interdiction d'opération sur valeurs émise par le Bureau;

Ø    bien que l'AMF ait intérêt à connaître dans un délai raisonnable le caractère final de ses décisions, elle sait en l'instance que M. Jekkel conteste l'ensemble de son dossier.

[38]        Dans l'exercice de sa discrétion judiciaire et considérant les circonstances propres à ce dossier, le Tribunal conclut que les demandes de révision judiciaire ont été déposées dans un délai raisonnable.

5.2       Les dispositions législatives

[39]        Avant d'analyser les motifs de révision invoqués par M. Jekkel, il est utile de reproduire la législation applicable aux décisions prises par l'AMF en l'instance.

[40]        La délivrance, la suspension, la révocation et le renouvellement des certificats émis en vertu de la L.d.p.s.f. sont régis par les articles 218, 219 et 220[30]. Comme mentionné précédemment, la Première Décision repose sur le paragraphe 219 (1) et l'article 220 L.d.p.s.f., alors que la Deuxième Décision repose sur le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. :

218. L'Autorité peut révoquer un certificat, le suspendre ou l'assortir de restrictions ou de conditions lorsque son titulaire :

(1) fait cession de ses biens ou est sous le coup d'une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité;

(2) est déclaré coupable par un tribunal canadien ou étranger d'une infraction ou d'un acte qui, de l'avis de l'Autorité, a un lien avec l'exercice de l'activité de représentant ou s'est reconnu coupable d'une telle infraction ou d'un tel acte;

(3) est pourvu d'un tuteur, d'un curateur ou d'un conseiller.

L'Autorité peut, en outre, suspendre un certificat lorsque son titulaire ne s'est pas conformé aux obligations relatives à la formation continue obligatoire.

219. L'Autorité peut, pour chaque discipline, refuser de délivrer ou de renouveler un certificat ou l'assortir de restrictions ou de conditions lorsque celui qui le demande :

(1) a déjà vu son certificat ou son droit de pratique, dans l'une ou l'autre des disciplines visées au deuxième alinéa de l'article 13 révoqué, suspendu ou assorti de restrictions ou de conditions par le comité de discipline ou par un organisme du Québec, d'une autre province ou d'un autre état chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant;

(2) a déjà été déclaré coupable par un tribunal canadien ou étranger d'une infraction ou d'un acte qui, de l'avis de l'Autorité, a un lien avec l'exercice de l'activité de représentant ou s'est reconnu coupable d'une telle infraction ou d'un tel acte;

(3) est pourvu d'un tuteur, d'un curateur ou d'un conseiller;

(4) a déjà fait cession de ses biens ou est sous le coup d'une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité;

220. L'Autorité peut, pour une discipline, refuser de délivrer un certificat si elle est d'avis que celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer des activités dans une telle discipline ou se trouve dans une situation incompatible avec l'exercice de telles activités.

(nos soulignements)

5.3       La révision judiciaire de la Première Décision

[41]        À l'égard de la Première décision, M. Jekkel invoque que :

1.            la décision est nulle en ce qu'elle s'appuie sur la Décision ex parte du Bureau, qui est elle-même caduque, vu le défaut de ce dernier d'entendre M. Jekkel dans les 15 jours du prononcé de la décision;

2.            l'AMF a erré en concluant à l'application du paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f., le Bureau n'étant ni « un comité de discipline », ni « un organisme du Québec » ayant suspendu ou assorti son certificat ou son droit de pratique de conditions ou restrictions;

3.            l'AMF a erré en concluant à la perte de probité au sens de l'article 220  L.d.p.s.f. en ce que :

a.            l'opinion de l'AMF, sous l'article 220 L.d.p.s.f., ne peut pas reposer sur les seuls faits énoncés dans la Décision ex parte du Bureau puisque ceux-ci n'ont pas encore été tranchés de façon définitive par un tribunal[31];

b.            permettre à l'AMF d'agir sur la base de ces faits serait contraire aux règles de justice naturelle en ce que l'AMF assumerait le double rôle d'enquêteur (en déposant la demande ex parte à l'origine de la décision du Bureau) et de décideur (en refusant de renouveler le certificat);

c.            subsidiairement, l'AMF a exercé sa compétence de manière déraisonnable.

5.3.1    La norme de révision

[42]        L'AMF est une personne morale, mandataire de l'état[32].

[43]        Elle a notamment pour mission d'encadrer les activités de distribution des produits et services financiers en administrant les règles d'admissibilité et d'exercice de ces activités[33].

[44]        L'AMF exerce ses pouvoirs et fonctions, notamment, de manière à :

Ø    favoriser la confiance des personnes et des entreprises à l'égard des intervenants du secteur financier quant à leur solvabilité et à l'égard de leur compétence;

Ø    promouvoir une offre de produits et services financiers de haute qualité;

Ø    assurer la protection du public contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses et donner accès aux personnes et aux entreprises lésées à divers modes de règlement de différends[34].

[45]        L'AMF est protégée par une clause privative, énoncée à l'article 34.1 Loi sur l'Autorité des marchés financiers[35] (« L.A.m.f. ») :

34.1 Sauf sur une question de compétence, aucun des recours en vertu de l'article 33 du Code de procédure civile (chapitre C-25) ou recours extraordinaires au sens de ce code ne peut être exercé, ni aucune injonction accordée contre l'Autorité.

Tout juge de la Cour d'appel peut, sur requête, annuler sommairement toute décision rendue, ordonnance ou injonction prononcée à l'encontre du premier alinéa.

a)         L'article 219 L.d.p.s.f.

[46]        L'article 219 L.d.p.s.f. confère à l'AMF le pouvoir de refuser de délivrer, de renouveler ou d'assortir de restrictions ou de conditions un certificat.  

[47]        L'exercice du pouvoir conféré à l'AMF dépend de l'existence de l'une des normes objectives[36] énoncées à l'un des paragraphes de l'article 219 L.d.p.s.f., soit que la personne visée par le certificat :

Ø    au paragraphe 1 : a déjà vu son certificat ou son droit de pratique, dans l'une ou l'autre des disciplines visées au deuxième alinéa de l'article 13 révoqué, suspendu ou assorti de restrictions, par un comité de discipline ou un organisme du Québec, d'une autre province ou d'un autre état chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant;

Ø    au paragraphe 2 : a déjà été déclaré coupable par un tribunal canadien ou étranger d'une infraction ou d'un acte, ou s'est reconnu coupable d'une telle infraction ou acte;

Ø    au paragraphe 3 : est pourvu d'un tuteur, curateur ou conseiller;

Ø    au paragraphe 4 : a fait cession de ses biens ou est sous une ordonnance de séquestre.

[48]        Une fois l'existence de cette norme objective établie, l'exercice du pouvoir conféré à l'article 219 L.d.p.s.f. est discrétionnaire, l'article 219 prévoyant : « L'Autorité peut (…) refuser de délivrer (…) ».

[49]        Dans l'arrêt Marston c. Autorité des marchés financiers[37], la Cour d'appel énonce la norme d'intervention que la Cour du Québec doit appliquer lorsqu'elle est saisie d'un appel d'une décision de l'AMF se prononçant sur l'article 115 L.d.p.s.f.. À l'époque, cet article se lisait comme suit :

115. L'Autorité peut radier une inscription pour une discipline donnée, la suspendre ou l'assortir de restrictions ou de conditions, lorsqu'elle estime qu'un cabinet ne respecte pas les dispositions de la présente loi ou de ses règlements ou que la protection du public l'exige.

(nos soulignements)

[50]        La Cour d'appel écrit :

[34] Avant de répondre aux questions formulées par l'appelant, il y a lieu de déterminer la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions de l'AMF.

[35] La première question qui se posait concerne l'application de l'article 115 LDPSF, c'est-à-dire la possibilité de sanctionner en vertu de cette loi, un manquement de l'appelant relevant d'activités exercées par ce dernier en vertu de la LVM. Le cas échéant, l'AMF devait vérifier l'existence d'un manquement, décider de son impact sur la protection du public et établir la sanction appropriée. Enfin, le processus décisionnel de l'AMF devait comporter certaines garanties procédurales destinées à préserver les droits fondamentaux de l'appelant dont celui d'être traité équitablement par un décideur impartial.

[36] Selon la méthode d'analyse prescrite par la Cour suprême dans l'affaire Dunsmuir précitée, plus particulièrement à ses paragraphes 51 à 64, je suis d'avis que la question de l'applicabilité de l'article 115 LDPSF est sujette à la norme de la décision correcte. Il s'agit, en effet, d'une question générale de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui ne relève pas de la compétence spécialisée de l'AMF. Il en va de même pour la question du processus décisionnel de l'AMF, puisqu'elle concerne les droits fondamentaux de l'appelant.

[37] En revanche, la question de l'existence d'un manquement, de sa sévérité, de l'impact sur la protection du public et de la sanction appropriée sont toutes des décisions à l'égard desquelles l'AMF jouit d'une expertise spéciale. En ce cas, la norme de la décision raisonnable, s'applique. À cet égard, les enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt Pezim sont transposables, en faisant les adaptations nécessaires.

(références omises et nos soulignements)

[51]        Le Tribunal est d'avis que les mêmes principes s'appliquent en l'instance à l'égard de la Première Décision de l'AMF rendue en vertu du paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f.

[52]        La détermination de l'existence de la norme objective prévue au paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f., ne relève pas de l'expertise de l'AMF et n'est pas au cœur de sa mission. L'applicabilité de ce paragraphe est donc sujet à la norme de la décision correcte.

[53]        En revanche, lorsque applicable, l'exercice du pouvoir qui y est prévu relève de sa discrétion. L'AMF agit au cœur de sa mission lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. La norme de la décision raisonnable s'applique à l'égard de cet aspect de sa décision.

b)        L'article 220 L.d.p.s.f.

[54]        L'article 220 L.d.p.s.f., permet à l'AMF de « refuser de délivrer » un certificat si elle est d'avis que celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer des activités dans une discipline donnée ou se trouve dans une situation incompatible avec l'exercice de telles activités.

[55]        Selon l'arrêt Martson c. Autorité des marchés financiers[38], l'applicabilité de l'article 220 L.d.p.s.f. est sujet à la norme de la décision correcte.

[56]        Par ailleurs, lorsque l'AMF exerce son pouvoir discrétionnaire et conclut à l'absence de probité au sens de l'article 220 L.d.p.s.f., c'est la norme de la décision raisonnable qui s'applique. Dans l'arrêt Bruni[39], la Cour d'appel écrit :

[85] Sauf sur les questions rattachées aux règles de justice naturelle, la norme de contrôle applicable à la décision que rend l'intimée en vertu de l'article 220 L.d.p.s.f. est celle de la décision raisonnable, conformément à l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick. L'intimée, en effet, est un organisme multifonctionnel et polycentrique, hautement spécialisé, chargé d'une mission et de fonctions que lui confient, en exclusivité, les articles 4, 7 et 8 L.A.m.f. et protégé de surcroît par une clause privative complète (art. 18 L.A.m.f.). La question sur laquelle elle a statué (celle de l'interprétation et de l'application de l'art. 220 L.d.p.s.f.) est au cœur de cette mission spécialisée et comporte par ailleurs clairement une dose importante d'appréciation discrétionnaire. Sa décision, tant en droit qu'en fait, appelle donc en principe le plus haut degré de déférence. Si, toutefois, dans l'exercice de sa compétence, l'intimée se trouvait à statuer sur une question de droit d'importance capitale pour le système juridique, mais étrangère à son domaine d'expertise, la norme de la décision correcte serait alors applicable, par exception à ce principe.

[…]

[89] (…) aux fins de l'application de l'article 220 L.d.p.s.f., l'intimée doit déterminer l'existence d'un manquement à la probité, ce qui la force à définir ce qu'est la probité : celle-ci, conceptuellement et pratiquement, est au cœur de son enquête et de sa décision, tout autant qu'au cœur de son expertise. Compte tenu du rôle que lui assigne le législateur, l'intimée est l'instance la mieux placée pour statuer sur les exigences de la probité nécessaire à l'exercice des professions qu'elle a pour mandat d'encadrer par ailleurs.

[…]

[91] (…) Enfin, la question de droit litigieuse, qui est celle de savoir ce qu'est la probité au sens de l'article 220 L.d.p.s.f., est au centre même de la mission juridictionnelle que le législateur confie à l'intimée et n'est pas étrangère à son expertise, ne s'agissant par ailleurs pas d'une question d'importance capitale pour l'ensemble du système juridique. Il s'agit plutôt d'une question qui se situe au cœur même de sa compétence spécialisée.

[92] Il en est de même, et pour les mêmes raisons, de l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 220 L.d.p.s.f. au regard des articles 218 et 219 : c'est à l'intimée qu'il revient de fixer le sens et la portée de ces dispositions. (…)

(références omises et nos soulignements)

c)         Le respect des règles de justice naturelle

[57]        Finalement, la norme de la décision correcte s'applique à toute question relative au respect des règles de justice naturelle[40].

5.3.2    Premier motif : La Décision ex parte du Bureau et le droit d'être entendu dans un délai de 15 jours

[58]        M. Jekkel soutient que la Première Décision est nulle en ce qu'elle repose sur la Décision ex parte du Bureau, qui est elle-même caduque, en raison du défaut de ce dernier d'entendre M. Jekkel dans les 15 jours au sens de l'article 323.7 L.v.m. Il réfère le Tribunal à son argumentation dans le dossier relatif à la requête en révision judiciaire visant la Décision ex parte du Bureau (dossier 500-17-042447-089).

[59]        Au moment où l'AMF rend la Première Décision, soit le 24 janvier 2008, le Bureau ne s'est pas encore prononcé sur l'argument soulevé par M. Jekkel quant à la nullité de la Décision ex parte. Cette dernière décision est alors présumée valide.

[60]        Ultérieurement à la Première Décision, dans la Décision du 30 mai 2008, le Bureau rejette le moyen préliminaire soulevé par M. Jekkel et refuse de conclure à la nullité de la Décision ex parte.

[61]        Dans le jugement rendu ce même jour dans le dossier 500-17-042447-089, le Tribunal rejette la requête en révision judiciaire de M. Jekkel fondée sur l'interprétation de l'article 323.7 L.v.m.

[62]        La Décision ex parte est donc et a toujours été valide.

[63]        Par ailleurs, les faits mentionnés dans la Décision ex parte et qui sont reprochés à M. Jekkel, sont à la connaissance de l'AMF et sont le fruit de sa propre enquête.

[64]        Tel qu'il sera démontré ci-dessous, l'AMF pouvait agir sur la base de ces faits en vertu de l'article 220 L.d.p.s.f., peu importe qu'ils fassent ou non l'objet d'une décision.

5.3.3    Deuxième motif : le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f.

[65]        La Première Décision repose notamment sur l'article 219 (1) L.d.p.s.f.

[66]        Dans sa défense, l'AMF ne commente pas l'application de ce paragraphe en l'instance.

[67]        Aux fins de faciliter la lecture du présent jugement, le Tribunal rappelle le libellé du paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. :

219. L'Autorité peut, pour chaque discipline, refuser de délivrer ou de renouveler un certificat ou l'assortir de restrictions ou de conditions lorsque celui qui le demande :

(1) a déjà vu son certificat ou son droit de pratique, dans l'une ou l'autre des disciplines visées au deuxième alinéa de l'article 13 révoqué, suspendu ou assorti de restrictions ou de conditions par le comité de discipline ou par un organisme du Québec, d'une autre province ou d'un autre état chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant;

(2) […]

(nos soulignements)

[68]        Le Bureau n'est pas un comité de discipline. Est-il par ailleurs « un organisme du Québec (…) chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant »?

[69]        Cette expression doit être comprise dans son contexte.

[70]        À l'époque pertinente, la discipline pour laquelle le certificat de M. Jekkel est refusé, le courtage en épargne collective, est visée au deuxième alinéa de l'article 13 L.d.p.s.f.

[71]        Selon l'article 9 L.d.p.s.f., le représentant en épargne collective est un représentant en valeurs mobilières. À ce titre, il est membre de la Chambre de la sécurité financière[41].

[72]        La Chambre de la sécurité financière a pour mission d'assurer la protection du public en maintenant la discipline et en veillant à la formation et à la déontologie de ses membres[42]. Un comité de discipline est institué au sein de cette chambre[43]. Celui-ci est saisi de toute plainte formulée contre un représentant pour une infraction aux dispositions de la L.d.p.s.f. ou de ses règlements[44]. Les dispositions du Code de profession[45] relatives à l'introduction et à l'instruction d'une plainte ainsi qu'aux décisions et sanctions la concernant s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, aux plaintes que reçoit le comité de discipline.

[73]        Au moment de la Première Décision, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière n'est saisi d'aucune plainte contre M. Jekkel, et n'a donc pas rendu une décision quant à son certificat ou droit de pratique à titre de représentant dans la discipline de l'épargne collective ou une autre discipline visée à l'article 13 L.d.p.s.f.[46].

[74]        Le rôle et les pouvoirs du Bureau sont différents de ceux exercés par un comité de discipline.

[75]        Le Bureau est institué en vertu de la L.A.m.f.[47] Il s'agit d'un tribunal quasi judiciaire, spécialisé en matière de valeurs mobilières.

[76]        En rendant la Décision ex parte, le Bureau exerce les pouvoirs suivants prévus à la L.v.m. :

Ø    une ordonnance de blocage, en vertu des articles 249 et 250 de la L.v.m. et de l'article 93 (3) L.A.m.f.;

Ø    une ordonnance d'interdiction d'opérations sur valeurs, en vertu l'article 265 L.v.m. et de l'article 93 (6) L.A.m.f.;

Ø    une ordonnance d'interdiction d'agir à titre de conseiller en valeurs, en vertu de l'article 266 L.v.m. et de l'article 93 (7) L.A.m.f.

[77]        Lorsqu'il prend une décision en vertu de ces dispositions, le Bureau n'exerce pas des fonctions qui relèvent de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant aux termes de la L.d.p.s.f. M. Jekkel n'aurait pas ce titre aux termes de cette loi que le Bureau aurait rendu la même décision à son égard.

[78]        Certes, l'ordonnance d'interdiction d'opérations sur valeurs l'empêche d'effectuer les activités permises en vertu du certificat dans la discipline d'épargne collective, compte tenu de la définition de « valeurs » au sens de l'article 1 L.v.m. qui couvre notamment les activités dans cette discipline.

[79]        Par contre, cette prohibition est indirecte et ne s'inscrit pas dans le cadre de la surveillance et du contrôle du représentant en vertu de la L.d.p.s.f.

[80]        En conséquence, le Tribunal conclut que le Bureau n'est pas un « organisme du Québec (…) chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant » en vertu de la L.d.p.s.f.

[81]        la Décision ex parte ne constitue pas une décision visée par le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f.

[82]        L'AMF ne pouvait donc rendre la Première Décision en s'appuyant sur cette disposition.

5.3.4   Troisième motif : l'article 220 L.d.p.s.f.

a)         L'interprétation et l'application de l'article 220 L.d.p.s.f.

[83]        La Première Décision de l'AMF repose également sur l'article 220 L.d.p.s.f. qui, à l'époque, rappelons-le, se lit comme suit :

220. L'Autorité peut, pour une discipline, refuser de délivrer un certificat si elle est d'avis que celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer des activités dans une telle discipline ou se trouve dans une situation incompatible avec l'exercice de telles activités.

[84]        M. Jekkel soutient que l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 220 L.d.p.s.f. doit reposer sur des faits objectifs, qui ont fait l'objet d'une analyse et ont été décidés par une entité décisionnelle tierce[48]. Selon lui, l'article 220 doit être interprété à la lumière des articles 218 et 219 de la même loi, qui prévoient la révocation, la suspension ou le non-renouvellement d'un certificat seulement dans le cas où la situation juridique du titulaire a donné lieu à une détermination finale par un tribunal. L'AMF ne pourrait ainsi agir en vertu de l'article 220 L.d.p.s.f. avant que ne soit connu l'issue du litige sur lequel elle appuie sa conclusion de perte de probité. Conclure autrement serait contraire aux règles de justice naturelle puisque l'AMF assumerait un double rôle, soit celui d'enquêteur à l'origine du litige, et de décideur sur le fond du litige en ce qui a trait à la perte de probité.

[85]        Selon M. Jekkel, au moment où l'AMF rend la Première Décision, les faits sur lesquels elle s'appuie pour conclure à la perte de probité font toujours l'objet d'un litige devant le Bureau. Ce dernier n'a rendu qu'une décision ex parte, qui n'a pas à cette date, fait l'objet d'un débat au fond.

[86]        L'AMF retient une interprétation différente de l'article 220 L.d.p.s.f. Selon elle, cet article l'autorise à agir même si la conduite sur laquelle elle appuie sa conclusion de perte de probité fait parallèlement l'objet d'un débat devant un tribunal.

[87]        Dans l'arrêt Bruni[49], la Cour d'appel conclut que l'interprétation de l'article 220 L.d.p.s.f. retenue par l'AMF est, non seulement raisonnable, mais correcte :

[92] (…) Bien que la décision 2007-PDIS-0060 ne tranche pas formellement la question des rapports entre les articles 218, 219 et 220, il en ressort que l'intimée estime pouvoir sanctionner la conduite d'un administré, conduite qui, à son avis, signale un manque de probité, même lorsque cette conduite fait parallèlement l'objet d'une poursuite pénale. Elle n'aurait donc pas à attendre l'issue de l'instance pénale. Je suis d'avis que cette interprétation de l'article 220 L.d.p.s.f. est raisonnable et, à vrai dire, correcte.

[…]

[96] L'article 220 est une disposition autonome, en effet, qui s'ajoute aux articles 218 et 219, mais n'en dépend pas : si cela devait être le cas, manifestement, il ne serait guère utile. (…)

(nos soulignements)

[88]        Le second argument de M. Jekkel selon lequel il y aurait violation des règles de justice naturelle en raison du cumul des fonctions d'enquêteur et de décideur de l'AMF est également non fondé.

[89]        Dans l'arrêt Bruni[50], en obiter, la Cour d'appel réitère la validité de la structure mise en place par la L.d.p.s.f. qui prévoit le cumul des fonctions d'enquêteur et de décideur de l'AMF, telle qu'elle l'avait déjà décidée dans Marston c. Autorité des marchés financiers[51] :

[68] Peut-on néanmoins y voir un abus parce que l'intimée est tout à la fois celle qui poursuit l'appelant au pénal et celle qui décide de son avenir professionnel? Je ne le crois pas. L'appelant, d'ailleurs, ne conteste pas cette double mission de l'intimée et ne conteste pas la validité de la structure mise en place par le législateur à cette fin. L'eût-il fait d'ailleurs qu'il n'aurait pas eu de succès, l'aménagement structurel de l'intimée correspondant aux exigences fixées par la Cour suprême, notamment dans l'arrêt 2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), et par notre cour dans Marston c. Autorité des marchés financiers.

(références omises et nos soulignements)

[90]        Ainsi, aux termes de l'article 220 L.d.p.s.f., la seule question qui demeure est celle de savoir si la décision de l'AMF de conclure à la perte de probité de M. Jekkel aux fins de la délivrance du certificat est raisonnable à la lumière des faits ayant donné lieu à la Décision ex parte du Bureau.

[91]        La Cour suprême du Canada nous enseigne que la législation sur les valeurs mobilières vise avant tout à protéger l'investisseur, mais aussi à assurer le rendement du marché des capitaux et la confiance du public dans le système[52].

[92]        Elle enseigne également que l'objet prépondérant de cette législation est de s'assurer que les représentants ou courtiers sont honnêtes et de bonne réputation afin de protéger le public contre les fraudes[53] :

D'une manière générale, on peut dire que les lois sur les valeurs mobilières visent à réglementer le marché et à protéger le public. Cette Cour a reconnu ce rôle dans l'arrêt Grogory & Co. Inc. v. Quebec Securities Commission, [1961] R.C.S. 584, dans lequel le juge Fauteux a fait remarquer (p. 588) :

[TRADUCTION] L'objet prépondérant de la loi est d'assurer que les personnes qui, dans la province, exercent le commerce des valeurs mobilières ou qui agissent comme conseillers en placement, sont honnêtes et de bonne réputation et, ainsi, de protéger le public, dans la province ou ailleurs, contre toute fraude consécutive à certaines activités amorcées dans la province par des personnes qui y exercent ce commerce.

[93]        La mission de protection de l'AMF comporte un volet préventif, qui s'incarne pour partie dans l'article 220 L.d.p.s.f.[54].

[94]        La probité est « une vertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l'honnêteté et la justice »[55] et par la loi[56].

[95]        Le Tribunal est d'avis que l'AMF pouvait raisonnablement conclure que les faits ayant donné lieu à la Décision ex parte du Bureau suffisaient à démontrer que M. Jekkel ne possède pas la probité nécessaire pour exercer des activités dans la discipline de l'épargne collective, et ce, pour les motifs qui suivent.

[96]        Le certificat dans la discipline d'épargne collective de M. Jekkel est échu depuis le 31 décembre 2007. L'AMF doit alors décider si un nouveau certificat doit être délivré.

[97]        La demande ex parte présentée par l'AMF au Bureau fait suite à une inspection sur les pratiques commerciales de Triglobal, au cours de laquelle M. Jekkel est rencontré, ainsi qu'à une révision du dossier par son service des enquêtes.[57].

[98]        Les faits suivants sont reprochés à M. Jekkel :

Ø    il a été président fondateur de Triglobal, et y est toujours rattaché à titre de représentant;

Ø    des investisseurs québécois ont investi entre 10 000 $ et 350 000 $ chacun, entre 1997 et 2007, auprès de Focus par l'entremise de représentants et dirigeants de Triglobal, dont M. Jekkel;

Ø    les placements prenaient la forme de titres d'emprunts ayant une durée et un taux de rendement variable;

Ø    ces placements sont illégaux en ce que Focus ne détient pas un prospectus visé par l'AMF, contrairement à l'article 11 L.v.m.;

Ø    ces placements se chiffrent en millions de dollars;

Ø    M. Jekkel a aidé Focus au placement de ces titres d'emprunt, et ce, pour une somme de plus de 15 M$;

Ø    il n'est pas inscrit pour agir à titre de courtier ou conseiller en valeurs, selon l'article 149 L.v.m.;

Ø    ces placements sont en péril en ce que certains investisseurs sont incapables de récupérer leur argent.

[99]        Ces faits permettent de conclure que M. Jekkel aurait procédé à la vente illégale de valeurs mises en marché sans prospectus et exercé l'activité de conseiller en valeurs sans détenir le certificat requis.

[100]     Ces gestes dénotent « un mépris ou insouciance envers la loi, ce qui est bien loin de l'honnêteté et du professionnalisme exigés de tout représentant par l'article 16 L.d.p.s.f., dans un contexte où la protection du public est un des objectifs primordiaux de la législation »[58].

[101]     Comme mentionné au paragraphe 78 du présent jugement, l'ordonnance d'interdiction d'opérer sur valeurs, émise contre M. Jekkel, l'empêche d'exercer les activités d'un représentant en épargne collective. Il existe donc une connexité entre les gestes posés par M. Jekkel en violation de la L.v.m. et les activités permises en vertu du certificat demandé.

[102]     Malgré l'invitation qui lui est faite, M. Jekkel n'apporte aucun fait nouveau justifiant l'AMF de modifier sa décision. Au contraire, il nie les faits reprochés, alors qu'il les avait reconnus lors de l'enquête de l'AMF.

[103]     Contrairement aux prétentions de l'AMF, le Tribunal ne peut évaluer la raisonnabilité de la Première Décision à la lumière de l'interrogatoire de M. Jekkel survenu en juillet 2008, tout comme il ne peut prendre en considération le témoignage de ce dernier relatif à l'action en dommages, lors du procès.

[104]     Le Tribunal doit évaluer la raisonnabilité de la décision au moment où l'AMF la rend, soit en janvier 2008[59], avant l'interrogatoire et le procès.

[105]     À la lumière des informations des faits dont elle dispose à l'époque, l'AMF peut raisonnablement conclure que M. Jekkel ne possède pas la probité nécessaire pour exercer les activités dans la discipline de l'épargne collective, et lui refuser le certificat de représentant en épargne collective venu à échéance le 31 décembre 2007.

[106]     Cette conclusion de l'AMF est l'une des issues possibles et s'appuie sur les faits à sa connaissance.

b)        L'applicabilité de l'article 220 L.d.p.s.f.

[107]     À l'époque pertinente, l'article 220 L.d.p.s.f. permet à l'AMF de refuser de délivrer un certificat pour perte de probité.

[108]     Depuis le 17 juin 2009[60], l'article 220 L.d.p.s.f. permet à l'AMF de refuser de délivrer un certificat, de renouveler un certificat, ou de l'assortir de conditions ou de restrictions, pour perte de probité.

[109]     Ainsi, après que la Première Décision ait été rendue, le pouvoir de refuser de renouveler un certificat pour perte de probité a été expressément ajouté à l'article 220 L.d.p.s.f.

[110]     Lors du procès, M. Jekkel soulève pour la première fois que l'AMF ne pouvait, en janvier 2008, exercer le pouvoir prévu à l'article 220 L.d.p.s.f. puisque M. Jekkel détenait déjà un certificat dans la discipline de l'épargne collective, qui était expiré et devait être renouvelé. Le pouvoir de refuser de renouveler le certificat pour perte de probité n'étant pas expressément prévu à l'article 220 tel que formulé à l'époque, l'AMF ne pouvait exercer le pouvoir conféré en vertu de cet article.

[111]     Le Tribunal rejette cet argument.

[112]     Certes, le législateur utilise à la fois la notion de délivrance de certificat et celle de renouvellement du certificat dans la L.d.p.s.f.[61]  Le Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat du représentant[62] fait également la distinction entre ces deux notions.

[113]     Cette distinction ne s'applique cependant pas à l'interprétation de l'article 220 L.d.p.s.f.

[114]     Le but de cette disposition est de s'assurer que le détenteur d'un certificat émis dans une discipline donnée a la probité nécessaire pour exercer les activités dans ladite discipline.

[115]     L'intention du législateur en adoptant l'article 220 L.d.p.s.f. n'est certainement pas de tolérer une probité moindre ou différente de la part du détenteur du certificat, selon que l'AMF délivre le certificat pour la première fois ou le renouvelle.

[116]     Un certificat est valide pour un an[63]. Les conditions applicables lors du renouvellement d'un certificat s'inspirent essentiellement des exigences requises lors de la délivrance initiale, à l'exception des examens et de la période de stage qu'il a déjà complétés avec succès pour obtenir le certificat initial[64].

[117]     Le certificat de M. Jekkel dans la discipline d'épargne collective est expiré depuis le 31 décembre 2007. Il n'y a donc plus de certificat en vigueur. L'AMF doit décider si elle en « délivre » un nouveau.

[118]     La notion de « délivrance » prévue à l'article 220 L.d.p.s.f. doit s'entendre à la fois de la délivrance d'un certificat, à la première occasion, que de la délivrance d'un certificat, à la suite de l'échéance du certificat.

[119]     D'ailleurs, le procureur de M. Jekkel vise tant la délivrance que le renouvellement lorsqu'il écrit à l'AMF avant qu'elle ne rende la Première Décision[65] :

Your failure and/or refusal and/or neglect to issue and/or to renew the captioned AMF Certificate are without lawful cause and/or excuse. »

[120]     L'AMF a rendu une décision correcte en concluant à l'applicabilité de l'article 220 L.d.p.s.f.

5.3.5    Conclusion à l'égard de la Première Décision

[121]     En résumé, le Tribunal conclut que l'AMF ne peut s'appuyer sur le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. pour rendre la Première Décision, mais que celle-ci peut raisonnablement reposer sur l'article 220 L.d.p.s.f.

[122]     Ayant le pouvoir en vertu de l'article 220 L.d.p.s.f. de rendre la Première Décision, et ayant raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas lieu à l'intervention de la Cour supérieure à l'égard de cette décision.

[123]     Le fait d'avoir erronément invoqué également le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. n'a pas pour effet d'invalider la Première Décision.

5.4       La révision de la Deuxième Décision

[124]     À l'égard de la Deuxième Décision, M. Jekkel invoque :

1.            la décision est nulle en ce qu'elle s'appuie sur la Décision ex parte du Bureau, qui est elle-même caduque, vu le défaut de ce dernier d'entendre M. Jekkel dans les 15 jours du prononcé de la décision;

2.            l'AMF a erré en concluant à l'application du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f., puisque le Bureau n'est pas « un tribunal canadien » et que ce dernier ne l'a pas déclaré coupable d'une infraction criminelle.

5.4.1    La norme de révision

[125]     Les paragraphes 42 à 45 du présent jugement s'appliquent mutatis mutandis.

[126]     La structure et la teneur des articles 218 et 219  L.d.p.s.f. sont similaires.

[127]     L'article 218 confère à l'Autorité le pouvoir de révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions un certificat, alors que l'article 219 lui confère celui de refuser de délivrer, de renouveler ou d'assortir de restrictions ou de conditions de certificat[66].

[128]     Tout comme à l'article 219 L.d.p.s.f., l'exercice du pouvoir conféré à l'AMF en vertu de l'article 218 L.d.p.s.f. dépend de l'existence de l'une des normes objectives[67] énoncées à l'un de ses paragraphes, soit que la personne visée par le certificat :

Ø    au paragraphe 1 : fait cession de ses biens ou est sous le coup d'une ordonnance de séquestre;

Ø    au paragraphe 2 : est déclarée coupable par un tribunal canadien ou étranger d'une infraction ou d'un acte, ou s'est reconnu coupable d'une telle infraction ou acte;

Ø    au paragraphe 3 : est pourvue d'un tuteur, curateur ou conseiller.

[129]     Ces normes objectives recoupent les mêmes notions que celles énoncées à l'article 219 L.d.p.s.f., à l'exception de celle énoncée au paragraphe 219 (1) dont on ne retrouve pas l'équivalent à l'article 218.  Il s'agit du cas du certificat ou du droit de pratique révoqué, suspendu ou assorti de restrictions, par un comité de discipline ou un organisme du Québec, d'une autre province ou d'un autre état chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant.

[130]     Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 46 à 53 du présent jugement, le Tribunal est d'avis que la norme de la décision correcte s'applique lorsque l'AMF décide de l'applicabilité du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f.

[131]     De même, lorsque applicable, l'exercice du pouvoir prévu au paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. relève de la discrétion de l'AMF. Elle agit au cœur de sa mission lorsqu'elle détermine si, « à son avis », la déclaration de culpabilité a un lien avec l'exercice de l'activité de représentant en vertu du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. et applique cette disposition.  La norme de la décision raisonnable s'applique à l'égard de cet aspect de ses décisions.

5.4.2   Premier motif : la Décision ex parte du Bureau et le droit d'être entendu dans un délai de 15 jours

[132]     Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 58 à 64 du présent jugement, le Tribunal refuse d'intervenir pour ce motif.

5.4.3    Deuxième motif : le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f.

[133]     La Deuxième Décision repose sur le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f.

[134]     Selon l'AMF, la Décision ex parte du Bureau est une décision d'un « tribunal canadien » déclarant M. Jekkel « coupable (…) d'une infraction ou d'un acte », justifiant l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de suspendre le certificat.

[135]     D'entrée de jeu, cette position étonne.

[136]     Aux fins de la Première Décision, l'AMF considère la Décision ex parte du Bureau comme étant une décision relative à un certificat ou droit de pratique en vertu du paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f.. Par ailleurs, dans la Deuxième Décision, l'AMF considère cette même décision du Bureau comme étant une décision relative à une déclaration de culpabilité en vertu du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f.

[137]     Si la Décision ex parte est une décision relative à une déclaration de culpabilité, l'AMF aurait dû justifier l'exercice de son pouvoir aux fins de la Première Décision en vertu du paragraphe 219 (2) L.d.p.s.f., qui couvre cette même notion. Pourtant, elle préfère invoquer le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. au soutien de la Première Décision.

[138]     À l'inverse, elle ne peut justifier la Deuxième Décision en considérant la Décision ex parte comme étant une décision relative au droit de pratique puisque le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. n'a pas son équivalent à l'article 218 L.d.p.s.f.

[139]     L'AMF tente donc de justifier la Deuxième Décision sur le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f.

[140]     Le Tribunal est d'avis qu'une telle interprétation du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. est incorrecte.

[141]     La Cour d'appel, dans Martson c. Autorité des marchés financiers, souligne qu'une interprétation large et libérale est de mise en la matière[68].

[142]     Mais une telle interprétation de la loi ne permet pas pour autant d'aller au-delà des choix exprimés par le législateur.

[143]     La version anglaise du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. se lit comme suit :

218. The Authority may cancel, suspend or impose restrictions or conditions on a certificate where :

(1) […]

(2) the certificate holder has been convicted by a court inside or outside Canada of an act or offence which, in the opinion of the Authority, is linked to the pursuit of the activity of representative, or has pleaded guilty to such an act or offence;

(3) […]

(nos soulignements)

[144]     Tant en anglais qu'en français, la terminologie utilisée au paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. correspond à celle généralement applicable en matière criminelle ou pénale[69] : « déclaré coupable par un tribunal canadien », « infraction », « s'est reconnu coupable », « has been convicted by a court », « offence », « has pleaded guilty ». Elle signifie que la personne a déjà été jugée et trouvée coupable des infractions reprochées[70].

[145]     La Décision ex parte du Bureau fait état de gestes qui peuvent constituer des infractions en vertu de la L.v.m.[71]. Mais, à l'étape de la Décision ex parte, le Bureau prend pour avérés les faits soumis par l'AMF[72]; ils n'ont pas encore été prouvés.

[146]     Le fardeau de preuve de l'AMF devant le Bureau n'est pas d'établir qu'une infraction a été commise, mais qu'elle a des motifs raisonnables et probables de croire qu'il y a infraction ou même possibilité d'infractions. C'est ainsi que le Bureau résume les représentations de l'AMF quant à son fardeau de preuve[73] :

L'Autorité fait valoir que le fardeau de preuve qu'elle doit remplir lors de l'ordonnance ex parte doit tenir compte du caractère embryonnaire de son enquête. Elle doit démontrer des motifs raisonnables et probables de croire qu'il y a infraction à la Loi sur les valeurs mobilières ou possibilité d'infraction à cette loi qui met en péril la sécurité du public investisseur ou l'intégrité des marchés financiers. Il doit s'agir d'une preuve prima facie. L'intérêt public prime sur les intérêts individuels qui sont affectés par les ordonnances rendues.

(références omises et nos soulignements)

[147]     Ainsi, même si le Bureau devait être considéré comme un tribunal canadien [par opposition à un « organisme du Québec » auquel réfère le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f., ce que le Tribunal ne décide pas], il n'a certes pas déclaré M. Jekkel « coupable » d'infractions. Il a pris les faits pour avérés et conclut qu'il y avait possibilité d'infractions à la L.v.m. pour rendre la Décision ex parte.

[148]     Le fait que le Bureau ait émis une ordonnance d'interdiction d'opération sur valeurs et que cette ordonnance l'empêche également d'effectuer les activités permises en vertu du certificat suspendu, toujours en raison de la définition de valeurs en vertu de l'article 1 L.v.m., ne constitue pas pour autant une déclaration de culpabilité.

[149]     En conséquence, le paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. ne s'applique pas en l'instance.

[150]     Subsidiairement, l'AMF invite le Tribunal à confirmer la Deuxième Décision au motif qu'à la date de la décision, M. Jekkel n'est plus détenteur d'une assurance responsabilité conformément à l'article 136 L.d.p.s.f., ce qui constitue un autre motif de suspension de son certificat :

136. Un représentant autonome doit, tant qu'il est inscrit, maintenir une assurance conforme aux exigences déterminées par règlement pour couvrir sa responsabilité ou, s'il existe un fonds d'assurance, acquitter la prime d'assurance fixée par l'Autorité à cette fin.

(…)

Malgré les articles 115, 117, 119, 121, 122 et 124, l'Autorité suspend ou, en cas de récidive, peut radier l'inscription d'un représentant autonome qui cesse de maintenir cette assurance ou qui fait défaut d'acquitter la prime fixée.

(nos soulignements)

[151]     Le Tribunal rejette cet argument.

[152]     La Deuxième Décision est datée du 8 février 2008. Au moment où elle rend cette décision, l'AMF sait que la police d'assurance responsabilité de M. Jekkel expire le 10 février 2008[74]. Elle n'invoque pas ce motif au soutien de sa décision. Elle ne suspend pas son inscription. D'ailleurs, la Deuxième Décision est effective immédiatement et à cette date, la police est toujours en vigueur.

[153]     Lorsque saisi d'une requête en révision judiciaire, le Tribunal détermine si le tribunal sous révision a excédé ou non sa compétence en fonction de la décision rendue, et non de la décision qu'il aurait pu rendre[75].

[154]     En conséquence, la décision de l'AMF de conclure à l'applicabilité du paragraphe 218 (2) L.d.p.s.f. en l'instance ne respecte pas la norme de la décision correcte et doit être révisée.

[155]     Le Tribunal ne peut cependant ordonner à l'AMF de délivrer le certificat dans les disciplines assurance de personnes, assurance collective de personnes et planification financière, comme demandé par M. Jekkel.

[156]     Il n'appartient pas au tribunal saisi d'une demande de révision judiciaire de rendre la décision au lieu et place de l'instance administrative. Il doit plutôt lui retourner le dossier pour qu'il soit statué conformément à la loi.

5.5       Les conclusions déclaratoires recherchées

[157]     M. Jekkel demande au Tribunal de prononcer deux conclusions déclaratoires suivantes[76] :

[…]

BY WAY OF DECLARATORY RELIEF :

4. DECLARE that, with respect to the exercise of the «discretion» conferred upon it by Sections 218, 219 and 220 of the Loi sur la distribution de produits et services financiers, Defendant, l'Autorité des marchés financiers, is prohibited from exercising such «discretion» based solely upon unsubstantiated and unproven allegations and/or information which may be in its possession from time to time;

5. DECLARE further that, with respect to the exercise of the «discretion» conferred upon it by Sections 218, 219 and 220 of the Loi sur la distribution de produits et services financiers, it is a condition precedent to the exercise of such «discretion» by Defendant, l'Autorité des marches financiers, that it be in possession of either: (a) a Final Judgment rendered by a duly constituted «Court» of competent jurisdiction (whether inside or outside of Canada]; or, (b) a Final Decision of a duly constituted  «Disciplinary Body» of competent jurisdiction [whether inside or outside of Canada].

[158]     Ces conclusions mettent en cause le principe de la coexistence d'un recours en révision judiciaire et d'un recours déclaratoire.

[159]     En principe, on l'admet l'interchangeabilité des deux types de recours[77].

[160]     Leur cumul est également reconnu en certaines circonstances[78].

[161]     Tel n'est cependant pas le cas en l'instance.

[162]     Le législateur a conféré à l'AMF le pouvoir discrétionnaire d'appliquer les articles 218 à 220 L.d.p.s.f.; il lui revient d'adjuger de leur interprétation et leur application, sous réserve du pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure.

[163]     Pour statuer sur le recours en révision judiciaire, le Tribunal doit analyser les décisions de l'AMF et la portée des articles 218 à 220 L.d.p.s.f., selon la norme de contrôle applicable.

[164]     Par le biais de ses conclusions déclaratoires, M. Jekkel invite le Tribunal à se prononcer sur ce qu'il estime être la véritable portée des articles 218, 219 et 220 L.d.p.s.f.

[165]     Or, le choix du recours procédural n'a pas pour effet d'élargir la portée du pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure[79].  Il ne lui permet pas de « dire le droit » lorsque le législateur a spécifiquement confié à un autre tribunal l'interprétation de la loi[80].

[166]     Dans l'arrêt Coulombe c. Dionne[81], la Cour d'appel écrit :

CONSIDÉRANT que même si la jurisprudence récente permet d'une manière plus large la jonction de certains recours (Procureur général du Québec c. Farrah, [1978] 2 R.C.S. 638; Vachon c. Procureur général du Québec, [1979] 1 R.C.S. 555; Société St-Jean Baptiste de Montréal c. Communauté urbaine de Montréal, [1981] C.A. 169; Voir à ce sujet: D. GRENIER, La requête en jugement déclaratoire en droit public québécois, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1995, pp. 1030 et s.) il reste, qu'en l'espèce, la jonction des deux recours ne saurait être admise, parce qu'elle aurait pour effet de permettre à l'appelante de recommencer, par le biais de sa demande en jugement déclaratoire, un procès et pourrait donc être utilisée pour tenter de casser un jugement ayant déjà disposé des moyens invoqués;

CONSIDÉRANT que la requête en jugement déclaratoire ne saurait donc avoir pour effet de permettre à la Cour supérieure de réviser un jugement autrement que selon les pouvoirs conférés à cette Cour par l'article 846 C.P.C. et selon les critères restrictifs développés au cours des récentes années par la jurisprudence de la Cour suprême.

(nos soulignements)

[167]     Le recours déclaratoire de M. Jekkel fait double emploi avec son recours en révision judiciaire sur lequel le Tribunal a déjà statué.

[168]     Le recours en jugement déclaratoire est rejeté.

5.6       Le recours en dommages-intérêts contre l'AMF

[169]     M. Jekkel réclame 50 000 $ pour dommages moraux et 50 000 $ pour dommages punitifs.

[170]     Il soutient qu'en raison des Décisions de l'AMF, qualifiées d'abusives, il est incapable de gagner sa vie, ayant toujours travaillé dans le domaine financier. Âgé de 65 ans en 2008, il ne peut se trouver un nouvel emploi. Il doit emprunter auprès de sa famille et amis pour ses frais de subsistance.

[171]     Il est humilié et a perdu certains de ses amis. Ses relations familiales sont affectées.

[172]     Selon lui, en refusant de renouveler le certificat dans la discipline courtage en épargne collective et en le suspendant dans les autres disciplines, l'AMF aurait commis une faute lui occasionnant un préjudice sérieux. Elle aurait également commis une faute en présentant une demande ex parte devant le Bureau visant l'obtention des ordonnances de blocage, d'interdiction d'opération sur valeurs et d'interdiction d'agir à titre de conseiller en valeurs.

[173]     L'AMF bénéficie d'une immunité conférée par l'article 32 de la L.A.m.f. :

32. L'Autorité, le président-directeur général, un surintendant, le secrétaire, un membre du personnel de l'Autorité ou un agent commis par elle ne peut être poursuivi en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions,

(…)

[174]     L'AMF perd le bénéfice de cette immunité si elle fait preuve de « mauvaise foi patente, détournement de fonctions, incurie, insouciance grave ou abus de pouvoir »[82].

[175]     Rien dans la preuve ne permet pas de conclure à un tel comportement de l'AMF.

[176]     À la lumière des faits révélés par son enquête, l'AMF s'adresse au Bureau pour obtenir les ordonnances requises pour exercer sa mission de protection du public, des investisseurs et des marchés financiers.

[177]     Aux termes de la L.d.p.s.f., elle agit également avec diligence sur la base de la Décision ex parte du Bureau et des faits portés à sa connaissance.

[178]     L'AMF exerce les fonctions conférées par la L.d.p.s.f. Elle agit dans le cadre de sa mission, qui est de veiller à la protection du public relativement à l'exercice des activités régies par la L.d.p.s.f.[83].

[179]     Même si le Tribunal conclut que l'AMF a commis une erreur en appliquant les paragraphes 218 (2) et 219 (1) L.d.p.s.f. en l'instance, elle n'a pas agi de façon à perdre le bénéfice de son immunité. Il ne faut pas confondre les règles du droit administratif et celles de la responsabilité extracontractuelle d'une autorité publique[84].

[180]     Le Tribunal conclut à l'absence de faute de la part de l'AMF lui faisant perdre le bénéfice de l'immunité.

[181]     Par ailleurs, M. Jekkel ne dépose aucune preuve au soutien de sa réclamation pécuniaire, rendant impossible l'évaluation d'un quantum.

[182]     La réclamation pour dommages compensatoires et punitifs est rejetée.

5.7       Les honoraires extrajudiciaires

[183]     M. Jekkel réclame le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires au montant de 210 202 $[85] estimant que l'AMF a abusé de son droit d'ester en justice en obligeant M. Jekkel à s'adresser au tribunal pour obtenir son certificat. Il appuie sa réclamation sur les articles 54.1 C.p.c. et suivants.

[184]     En l'instance, le Tribunal confirme la Première Décision, mais annule la Deuxième Décision. L'annulation de cette dernière décision ne signifie pas pour autant que la position de l'AMF est abusive au sens de l'article 54.1 C.p.c.

[185]     Une distinction doit être faite entre une procédure mal fondée, une procédure manifestement mal fondée et une procédure abusive.

[186]     Dans l'arrêt Acadia Subaru et al. c. Michaud[86], la Cour d'appel souligne que pour conclure à l'abus, il faut des indices additionnels de blâme :

[58] When it is argued that a suit is « clearly unfounded » in law, article 54.1 C.C.P. requires a further finding of blame on the part of the litigant who brought the suit. In other words, the litigant must not only have brought a suit that is unfounded in law, he or she must have done so in a manner that is so patent, or so frivolous or dilatory as to be an abuse of process. I take guidance on this point from the reasons of Dalphond J.A. in Royal Lepage: "le fait de mettre de l'avant un recours ou une procédure alors qu'une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l'argumente, conclurait à l'inexistence d'un fondement pour cette procédure". Dalphond, J.A. also noted, echoing the sentiment of Rochon J.A. expressed in Viel, that a finding of impropriety on this basis is not to be arrived at lightly. The compass for this evaluation of impropriety is expanded at article 54.1 C.C.P. as against former article 75.1 C.C.P., to include an evaluation of the evidence filed at whatever stage of the proceedings the motion form improper proceedings is brought. At whatever stage it may be, however the additionally blameworthy character of the litigant's conduct must be shown for the claim to be declared "clearly unfounded' in law. Because Mr. Michaud has failed to show that the suit was unfounded pursuant to the criteria of article 165(4) C.C.P., it is, perforce, not "clearly unfounded" in law under article 54.1.

(nos soulignements)

[187]     Rien dans la preuve ne permet de conclure à un abus de procédure de l'AMF.

[188]     La réclamation pour honoraires extrajudiciaires est rejetée.

5.8       L'article 15 du Tarif

[189]     M. Jekkel réclame un honoraire spécial en vertu de l'article 15 du Tarif, sans par ailleurs en préciser le montant :

15. La Cour peut, sur demande ou d'office, accorder un honoraire spécial, en plus de tous autres honoraires, dans une cause importante.

[190]     À l'audience, il ne fait aucune représentation au soutien de cette réclamation.

[191]     L'octroi d'un honoraire spécial en vertu de l'article 15 du Tarif dépend de l'existence d'une « cause importante ».

[192]     Dans l'affaire Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Aztec Iron Corp[87] datant de 1978, le juge Maurice Archambault établit 10 règles et propose 23 facteurs objectifs et critères d'appréciation de l'importance d'une cause. Ces critères, généralement appliqués depuis, à l'exception d'un seul d'entre eux[88], portent notamment sur l'importance et la difficulté des questions juridiques, l'étendue du travail préparatoire, les questions de fait pertinentes, l'utilité des arguments soulevés, l'utilisation d'experts d'un domaine autre que juridique[89].

[193]     Son attribution relève de la discrétion du juge, exercée à la lumière de ces facteurs objectifs.

[194]     À la lumière de ces règles et facteurs, le Tribunal est d'avis que la présente cause ne constitue pas une cause « importante » susceptible de donner lieu à un honoraire spécial.

[195]     Il s'agit d'un dossier en révision judiciaire, en jugement déclaratoire et en dommages-intérêts, qui ne soulève pas de questions de fait et de droit inusitées et particulièrement complexes. D'ailleurs, la Cour d'appel s'est prononcée sur certaines des questions soulevées en l'instance[90].

[196]     L'enjeu est important pour M. Jekkel, mais se compare à celui de tout dossier où l'on demande la révision judiciaire d'une décision portant sur la possibilité de détenir un certificat pour l'exercice d'un travail donné. Le critère d'appréciation est de nature objective, et non pas subjective[91].

[197]     Il n'a pas requis d'études et de recherches dans un domaine autre que juridique. La présence d'experts n'est pas requise.

[198]     La preuve au soutien de l'action en dommages-intérêts se limite au seul témoignage de M. Jekkel.

[199]     Aucun élément au niveau de la préparation de ce dossier et le déroulement de l'instance ne permet de conclure à l'existence d'une cause « importante ».

[200]     Conséquemment, la réclamation pour honoraire spécial en vertu de l'article 15 du Tarif est rejetée.

5.9       L'exécution provisoire nonobstant appel      

[201]     M. Jekkel demande l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel.

[202]     Le second alinéa de l'article 547 C.p.c. prévoit que le tribunal peut entre autres ordonner l'exécution provisoire dans les cas d'urgence exceptionnelle « […] pour quelque autre raison jugée suffisante notamment lorsque le fait de porter l'affaire en appel risque de causer un préjudice sérieux ou irréparable ».

[203]     Sans être nécessairement exceptionnelle, la raison jugée suffisante s'adresse à des cas sérieux où « […] sans cette mesure, tous les droits ou certains d'entre eux, acquis à l'intimé par l'effet du jugement dont on fait appel, sont (et non pourraient être) sérieusement compromis »[92]

[204]     M. Jekkel n'apporte aucun élément justifiant cette demande.

[205]     Le délai entre le dépôt de sa requête et la présente décision ne peut justifier sa demande. Celui-ci découle surtout de son choix de jumeler une requête en révision judiciaire, qui est entendue d'urgence, à une action en dommages, qui est placée sur le rôle régulier. Son choix de procéder ainsi a sans contredit retardé le déroulement du dossier.

[206]     Le Tribunal n'ordonne pas l'exécution provisoire nonobstant appel.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la requête introductive d'instance de Joseph Jekkel;

ACCUEILLE en partie la requête en révision judiciaire;

ANNULE la décision de l'Autorité des marchés financiers du 8 février 2008 suspendant le certificat de Joseph Jekkel dans les disciplines assurance de personnes, assurance collective de personnes et planification financière;

RENVOIE le dossier à l'Autorité des marchés financiers afin qu'elle statue sur le certificat dans les disciplines assurance de personnes, assurance collective de personnes et planification financière, conformément aux dispositions de la loi;

REJETTE la requête en jugement déclaratoire et l'action en dommages-intérêts;

REJETTE la requête pour honoraires extrajudiciaires;

REJETTE la requête pour honoraire spécial en vertu de l'article 15 du Tarif sur les honoraires judiciaires des avocats;

AVEC DÉPENS, contre l'Autorité des marchés financiers.

 

 

__________________________________

MANON SAVARD J.C.S.

 

Me Luc Mannella

Mannella et Associés

Avocats de Joseph Jekkel

 

 

Me Éric Blais

Girard et al.

Avocats de l'Autorité des marchés financiers

 

 

Dates d’audience :

27 janvier au 2 février 2011

Date des dernières représentations écrites

 

10 février 2011

 



[1]     L.R.Q., c. D-9.2.

[2]     R.R.Q., c. B-1, r.13.

[3]     Pièce D-2, p.48.

[4]     Entre 10 000 $ et 350 000 $.

[5]     Outre M. Jekkel, cette procédure vise 11 intimées (entités corporatives et personnes physiques) et quatre mises en cause.

[6]     Pièce P-4 : Autorité des marchés financiers c. Gestion de Capital Triglobal inc., Société de gestion de fortune Triglobal inc., Themistoklis Papadopoulos, Anna Papathanasiou, Franco Mignacca, Joseph Jekkel, PNB Management inc., Mario Bright, Focus Management inc., Ivest Fund Ltd, Kevin Coombes, 3769682 Canada Inc., Interactive Brokers, Banque CIBC, Groupe Financier Banque TD et BPO Parisbas (Canada), 2007-BDRVM-0059.

[7]     L.R.Q., c. V-1.1. Le 4 décembre 2009, les articles 323.6 et 323.7 L.v.m. sont abrogés et se retrouvent maintenant aux articles 115.8 et 115.9 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2.

[8]     Pièce P-6.

[9]     Pièce D-2.

[10]    Dossier no 500-17-042447-089.

[11]    Voir paragraphe 14 du présent jugement.

[12]    Pièce P-7.

[13]    Pièce P-1 : le certificat dans la discipline courtage en épargne collective expire le 31 décembre 2007, alors que celui dans les autres disciplines expire le 31 mai 2008.

[14]    Pièce P-10.

[15]    Pièce P-12. Le certificat dans ces disciplines était en vigueur jusqu'au 31 mai 2008.

[16]    Pièces P-11 et P-13, lettres des 30 janvier et 4 mars 2008.

[17]    Pièces P-13 et P-14, lettes des 20 février et 19 mars 2008.

[18]    Jekkel c. Autorité des marchés financiers, C.S. Montréal, 500-17-042839-087, jugement rendu séance tenante le 10 juin 2008 dont les motifs sont retranscrits le 25 juillet 2008, j. Silcoff.

[19]    Pièce P-10; décision du Directeur des pratiques de distribution par intérim du 23 janvier 2008.

[20]    Pièce P-12, lettre de l'AMF du 8 février 2008.

[21]    Pièce P-12, décision du directeur des pratiques de distribution par intérim du 8 février 2008.

[22]    2010 QCCS 353. Elles réfèrent également au jugement du juge Paul Mayer dans Mastrocola c. Autorité des marchés financiers, 2010 QCCS 1243.

[23]    Bruni c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 994. Dans l'arrêt Mastrocola c. Autorité des marchés financiers, 2010 QCCA 995, la Cour d'appel reprend dans sa majeure partie les motifs énoncés dans l'arrêt Bruni, bien que la conclusion soit différente sur un aspect du litige qui n'est pas pertinent en l'instance.

[24]    Supra, note 18.

[25]    Construction Énergie nouvelle ltée c. Va Tech Hydro Canada inc., 2009 QCCA 493, par. 6.

[26]    Supra, note 22, par. 42 à 47.

[27]    Syndicat des employés du commerce de Rivière-du-Loup (Section Émilio Boucher, C.S.N.) c. Turcotte, [1984] C.A. 316, p. 318.

[28]    Pièce P-11, lettre du 30 janvier 2008 et P-13, lettre du 4 mars 2008.

[29]    Pièce P-13, lettre du 4 mars 2008.

[30]    Le Tribunal reproduit ci-dessous le libellé des articles 218, 219 et 220 L.d.p.s.f. tels qu'ils se lisaient au moment des Décisions. Par la suite, ces articles ont été modifiés par la Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières et d'autres dispositions législatives, L.Q. 2009, c. 25 (la modification relative aux articles 218 et 220 L.d.p.s.f. sont entrées en vigueur le 17 juin 2009, alors que celle relative à l'article 219 L.d.p.s.f. est entrée en vigueur le 28 septembre 2009).

[31]    Au paragraphe 51 de la Requête introductive d'instance amendée, M. Jekkel écrit : « (…) the AMF is not entitled to form the "opinion" that an individual "…does not possess the degree of honesty ["probité"]…" required to practice his profession (…) unless and until the AMF (…) is in possession of objective, verifiable and verified facts emanating from a duly constituted, independent and credible Third Party [e.g. a Court] acting within a jurisdiction in which it has competence; »

[32]    Article 1 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2.

[33]    Id., article 4.

[34]    Id., article 8.

[35]    Id.

[36]    Bureau des services financiers c. Blanchard, C.A.M. 500-09-012988-028.

[37]    2009 QCCA 2178, par. 34 à 37.

[38]    Id.

[39]    Supra, note 23; voir également: Gagné c. Autorité des marchés financiers, 2008 QCCA 1566, par. 95.

[40]    Arrêt Bruni, supra, note 23, par. 50; Martson c. Autorité des marchés financiers, supra, note 37, par. 36.

[41]    Article 312, alinéa 5 L.d.p.s.f.

[42]    Article 312, alinéa 1 L.d.p.s.f.

[43]    Article 352 L.d.p.s.f.

[44]    Article 353 L.d.p.s.f.

[45]    L.R.Q., c, C-26.

[46]    Il appert de la décision déposée par M. Jekkel dans son cahier d'autorités que celui-ci a ultérieurement fait l'objet de plaintes disciplinaires devant le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière- voir Jekkel c. Comité de discipline de la Chambre de la sécurité, 2010 QCCS 3760.

[47]    Article 92 L.A.m.f.

[48]    Par. 49 de la requête introductive d'instance ré-amendée se lit comme suit :

In each of sub-paragraphs,1, 2 and 3 of each of Sections 218 and 219 Loi DPSF, the Quebec legislator, in his wisdom, has enacted provisions that require that the AMF [and its Agents] can only legitimately exercise the « discretion » therein conferred when there exists an objective, verifiable and verified event or fact, which emanates from a duly constituted and independent Third Party [e.g., a Court], but not, in any case, solely and merely from the AMF itself;

[49]    Supra, note 23. Dans cette affaire, l'AMF refuse de délivrer un certificat sur la base de faits ayant mené à des constats d'infraction, alors que la poursuite pénale était toujours en cours.

[50]    Id.

[51]    Supra, note 37, par. 70 à 74.

[52]    British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995) 2 R.C.S. 3, 36-37.

[53]    Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301, p. 314; Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, 589 et suiv.

[54]    Arrêt Bruni, supra, note 23, par. 97.

[55]    Définition du Le Nouveau Petit Robert, Ed. Le Robert, 2007, p. 2008, reprise dans le jugement Bruni, supra, note 22, par. 92 et dans l'arrêt Bruni, supra, note 23, par. 101.

[56]    Arrêt Bruni, supra, note 23, par. 101.

[57]    Par. 41 à 51 de la Défense.

[58]    Arrêt Bruni, supra, note 23, par. 101.

[59]    Id., par. 105.

[60]    Depuis le 17 juin 2009, l'article 220 L.d.p.s.f. énonce que  :

220. L'Autorité peut, pour une discipline, refuser de délivrer ou de renouveler un certificat ou l'assortir de conditions ou de restrictions si elle est d'avis que celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer des activités dans une telle discipline ou se trouve dans une situation incompatible avec l'exercice de telles activités

 

[61]    Voir notamment l'article 219 L.d.p.s.f.

[62]    Décision no 99.07.08, 99-07-06 (Version antérieure du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, R.R.Q., c D-9.2, r. 7).

[63]    Id., article 121.

[64]    Id., articles 126 et suiv.

[65]    Pièce P-9.

[66]    Voir les paragraphes [40] et [46] du présent jugement.

[67]    Bureau des services financiers c. Blanchard, C.A.M. 500-09-012988-028.

[68]    Supra, note 37, par. 44 à 47.

[69]    Cette terminologie est également utilisée en matière disciplinaire. Le paragraphe 219 (1) L.d.p.s.f. couvre cette notion.

[70]    On retrouve un libellé semblable dans différentes législations, dont à l'article 55.1 Code des professions, L.R.Q., c. C-26; Loi sur le courtage immobilier, L.R.Q., c. C-73.2; Loi sur les instruments dérivés, L.R.Q., c. I-14.01; Loi sur l'organisation policière, L.R.Q., c. 0-8.1; Loi sur la police, L.R.Q., c. P-13.1.

[71]    Article 11 et 148 L.v.m.

[72]    Pièce D-2, Décision du 30 mai 2008, p. 48.

[73]    Pièce D-2, Décision du 30 mai 2008, p. 46.

[74]    Pièce P-8

[75]    Le Tribunal note par ailleurs que le 17 juin 2009, l'article 218 L.d.p.s.f. a été modifié afin notamment d'y ajouter expressément le pouvoir de l'AMF de suspendre un certificat si son titulaire n'est pas couvert par une assurance conforme aux exigences prévues par règlement pour couvrir sa responsabilité. Ce pouvoir n'existait pas au moment de la Deuxième Décision.

[76]    Par. 66 de la Requête introductive d'instance re-amendée.

[77]    Marie Paré, La requête en jugement déclaratoire, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, p. 37; Collectcorp, agence de recouvrement inc. c. Tribunal administratif du Québec, [2000] R.J.Q. 1411 (C.S.) (appel principal accueilli et appel incident rejeté, [2005] R.J.Q. 2862 (C.A.), la Cour d'appel ne se prononçant pas sur cet aspect de la décision).

[78]    Marie Paré, La requête en jugement déclaratoire, id., p. 37; Nation Crie de Chisasibi c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, [1996] R.J.Q. 2354, p. 2360 (C.S.).

[79]    Marie Paré, La requête en jugement déclaratoire, id., p. 38.

[80]    Terrasses Zarolega Inc. c. Régie des installations olympiques [1981] 1 R.C.S. 94, p. 103; Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matières de lésions professionnelles) [1993] 2 R.C.S. 756; Collectcorp, agence de recouvrement inc. c. Tribunal administratif du Québec, supra, note 77, p. 4.

[81]    [1996] R.D.J. 77.

[82]    Arrêt Bruni, supra, note 23, par. 114.

[83]    Article 184 L.d.p.s.f.

[84]    Jugement Bruni, supra, note 22, par. 118, où la juge Roy réfère à l'arrêt Entreprises Sibeca inc. c. Frelighsburg (Municipalité), [2004] 3 R.C.S. 304, par. 15.

[85]    Ce montant représente les honoraires extrajudiciaires de Me Manella aux fins des deux dossiers devant la Cour supérieure joints pour fins d'enquête et d'audition, soit la présente instance et le dossier no 500-17-042447-089 (voir paragraphe 2 du présent jugement).

[86]    2011 QCCA 1037.

[87]    [1978] C.S. 266.

[88]    Agropur Coopérative c. Cegerco Constructeur inc., 2006 QCCS 4631, par. 8 et 10 - voir la doctrine et la jurisprudence qui y sont citées.

[89]    Caisse de dépôt et de placement du Québec c. Investissements Oxdon Inc., [1996] R.J.Q. 1486 (C.A.).

[90]    Arrêt Bruni, supra, note 23; Mastrocola c. Autorité des marchés financiers, supra, note 23.

[91]    Hervieux-Payette c. Sociéte St-Jean Baptiste de Montréal, 2006 QCCS 988.

[92]    Lebeuf c. Groupe SNC-Lavalin Inc., [1995] R.D.J. 366, p. 369-370; Brouillette c. Grégoire, 2010 QCCA 376, par. 6.

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