Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Côté et Alkinco inc. (F)

2016 QCTAT 1048

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossiers :

503970-02-1303      522510-02-1309

 

Dossier CNESST :

107048035

 

Joliette,

le 19 février 2016

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Guylaine Moffet

______________________________________________________________________

 

 

Gratien Côté

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Alkinco inc. (F)

 

Partie mise en cause

 

 

 

et

 

 

 

Commission des normes, de l’équité, de la santé et la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 26 août 2014, monsieur Gratien Côté (le travailleur) dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre de deux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles le 13 novembre 2013 (dossier 503970-02-1303) et le 20  janvier  2014 (dossier 522510-02-1309).

[2]           Dans le dossier 503970-02-1303 (CLP-1), le premier juge administratif rejette la contestation du travailleur et déclare qu’il n'a pas subi une lésion professionnelle les 30  juillet et 13 décembre 2012, ni le 5 juin 2013.

[3]           Dans le dossier 522510-02-1309 (CLP-1), un second juge administratif déclare irrecevable la contestation déposée le 19 septembre 2013 par le travailleur.

[4]           Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[1] (la LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.

[5]           De plus, depuis le 1er janvier 2016, la Commission de normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume les compétences autrefois dévolues de la CSST.

[6]           Le travailleur était présent lors de l’audience, le 5 novembre 2015. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail y était également représentée. La requête a été mise en délibéré à cette date.

[7]           Lors de cette audience, la soussignée était assistée par madame Suzanne Julien, membre issue des associations d’employeurs et de monsieur Alain Hunter, membre issu des associations syndicales. Toutefois, l'article 260 de la LITAT prévoit que le mandat des membres qui étaient nommés conformément au quatrième ou au cinquième alinéa de l'article 385 de la loi prend fin le 31 décembre 2015 et que ceux-ci ne terminent pas les affaires qu'ils avaient commencées. Comme la présente affaire n'était pas terminée en date du 31 décembre 2015, l'avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs n'a pas à être rapporté.

[8]           La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de membre du Tribunal administratif du travail.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[9]           Le travailleur demande la révision ou la révocation des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles les 13 novembre 2013 et 20 janvier 2014. Il invoque l’existence d’un fait nouveau inconnu de nature à modifier les décisions.

LES FAITS ET LES MOTIFS

Dossiers 503970-02-1303 et 522510-02-1309

[10]        Le Tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser les décisions rendues les 13  novembre 2013 et 20 janvier 2014. En effet, puisque le même motif est allégué pour demander que les deux décisions soient révisées ou révoquées, soit la présence d’un même fait nouveau inconnu et de nature à modifier les décisions rendues, il y a lieu de procéder à la même analyse.

[11]        Dans un premier temps, l’article 429.49 de la loi prévoit que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[12]        L’article 429.56 constitue une exception à ce principe et prévoit que dans certaines circonstances, la Commission des lésions professionnelles peut révoquer ou réviser une décision qu’elle a rendue. Cet article prévoit ceci :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[13]        En l’espèce, le travailleur invoque le premier alinéa de cet article, soit la découverte d’un fait nouveau inconnu qui, s’il avait été connu au moment des décisions, aurait justifié une décision différente.

[14]        Depuis le 1er janvier 2016, ces deux articles de la loi ont été abrogés et remplacés par les articles 49 et 51 al. 1 de la LITAT, lesquels prévoient ceci :

49. Le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'il a rendu:

 

1° lorsque est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie intéressée n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations ou se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à l'invalider.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le membre qui l'a rendu.

__________

2015, c. 15, a. 49.

 

 

51. La décision du Tribunal est sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

 

Elle est exécutoire suivant les conditions et modalités qui y sont indiquées pourvu que les parties en aient reçu copie ou en aient autrement été avisées.

 

L'exécution forcée d'une telle décision se fait par le dépôt de celle-ci au greffe de la Cour supérieure du district où l'affaire a été introduite et selon les règles prévues au Code de procédure civile (chapitre C-25).

 

Si cette décision contient une ordonnance de faire ou de ne pas faire, toute personne nommée ou désignée dans cette décision qui la transgresse ou refuse d'y obéir, de même que toute personne non désignée qui y contrevient sciemment, se rend coupable d'outrage au tribunal et peut être condamnée par le tribunal compétent, selon la procédure prévue aux articles 53 à 54 du Code de procédure civile, à une amende n'excédant pas 50 000 $ avec ou sans emprisonnement pour une durée d'au plus un an. Ces pénalités peuvent être infligées de nouveau jusqu'à ce que le contrevenant se soit conformé à la décision. La règle particulière prévue au présent alinéa ne s'applique pas à une affaire relevant de la division de la santé et de la sécurité du travail.

__________

2015, c. 15, a. 51.

 

 

[15]        Comme ces dernières dispositions ne modifient en aucune façon la nature du recours du travailleur, ni le droit applicable, il y a lieu de considérer qu’il s’agit de dispositions de pure procédure, qui reçoivent application dès leur entrée en vigueur, le législateur n’ayant pas prévu que tel n’était pas le cas. Ce sont donc les articles correspondants de la LITAT qui seront analysés.

[16]        En l’espèce, le travailleur invoque principalement le premier paragraphe de l’ancien article 429,56 de la loi, soit maintenant l’article 49 de la LITAT, selon lequel la décision aurait été différente si le fait inconnu avait été connu du Tribunal.

[17]        Selon une jurisprudence bien établie[2], trois critères doivent être rencontrés pour satisfaire aux exigences de la loi : la découverte du fait doit être postérieure à la décision, il ne devait pas être disponible lorsque s’est tenue l’audience devant le premier juge administratif et finalement le fait nouveau aurait été déterminant sur l’issue du litige s’il avait été connu en temps utile.

[18]        D’autre part, lorsqu’une partie demande la révision ou la révocation d’une décision en invoquant un fait nouveau inconnu, la jurisprudence a établi que le délai pour présenter la demande est de 45 jours de la connaissance de ce fait[3].

[19]        Qu’en est-il en l'espèce.

[20]        Le travailleur subit une lésion professionnelle le 24 janvier 1994 dont le diagnostic reconnu est une fracture du calcanéum gauche. Il conserve des séquelles permanentes à la suite de cette lésion. Le 12 décembre 2001, il subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle, soit une lombosciatalgie gauche, laquelle est consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitation fonctionnelle. Une nouvelle réclamation pour des séquelles de la fracture du calcanéum gauche, le 19 février 2003, est refusée et cette décision est confirmée par la Commission des lésions professionnelles le 30 avril 2007[4].

[21]        Lorsqu’un nouveau diagnostic de fracture du calcanéum est posé le 3 mai 2007, la CSST refuse de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation, et cette décision sera confirmée par la Commission des lésions professionnelles le 8 septembre 2008[5].

[22]        Une nouvelle réclamation est produite par le travailleur le 9 juin 2009, en relation avec un diagnostic d’arthrose sous-astragalienne. La CSST rejette sa réclamation au motif que le travailleur n'a pas démontré de signe d’aggravation de l’état de sa cheville. La Commission des lésions professionnelles maintient cette décision le 28 avril 2010[6].

[23]        Par la suite la CSST refuse également des réclamations pour des récidives, rechutes ou aggravations survenues les 16 décembre 2010 et 8 février 2011, en relation avec des diagnostics de douleurs thoraciques et à la hanche. Toutefois, lors de l’audience tenue le 20 juin 2011 devant la Commission des lésions professionnelles dans le dossier 428103-02-1012, concernant la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation du 8 février 2011, le travailleur demande au Tribunal de reconnaître qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 24 janvier 1994, sous la forme d'une augmentation de l’ankylose sous-astragalienne gauche. Il s’appuie sur le rapport du docteur Naji Abinader réalisé le 1er juin 2011.

[24]        Le 27 juillet 2011, la Commission des lésions professionnelles détermine[7], en fonction du diagnostic d’augmentation de l’ankylose de la sous-astragalienne gauche, que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 8 février 2011.

[25]        Le 14 septembre 2011, le travailleur produit une nouvelle réclamation alléguant une récidive, rechute ou aggravation survenue le même jour, sur la base du rapport du docteur Abinader du 1er juin 2011. Le 30 janvier 2012, la Commission des lésions professionnelles[8] déclare que le travailleur n'a pas subi de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle le 14 septembre 2011, soulignant dans la décision que le rapport du docteur Abinader a déjà été pris en compte dans la décision du 27 juillet 2011, en relation avec une réclamation antérieure.

[26]        Le 30 juillet 2012, une attestation médicale mentionne que le travailleur ressent de la fatigabilité progressive à la cheville et une irradiation au niveau lombaire et qu’il ne peut occuper un emploi dans son domaine.

[27]        Le 5 août 2012, le travailleur produit une nouvelle réclamation sur la base de ce rapport, laquelle est refusée par la CSST le 9 octobre 2012. Il s’agit de la première décision dont devait disposer CLP-1 dans le dossier 503970-02-1303.

[28]        Le 13 décembre 2012, le même médecin que celui ayant produit l’attestation du 30 juillet 2012, pose le diagnostic de fracture du calcanéum avec séquelles et réitère les commentaires consignés à son avis précédent. Le travailleur produit donc une nouvelle réclamation à laquelle il joint cette attestation médicale. Cette réclamation est également refusée par la CSST le 20 décembre 2012. Il s’agit de la seconde décision dont devait disposer CLP-1 dans le dossier 503570-02-1303.

[29]        Au printemps 2013, de nouveaux examens sont effectués. Entre autres, une tomodensitométrie, réalisée le 1er avril 2013, est interprétée le 8 avril 2013 par la docteure Édith Bordeleau. Elle indique qu’il n’y a pas de lésion osseuse, pas d’épanchement intra-articulaire ni de signe de coalition tarsienne. Elle conclut que dans l’ensemble, le reste de l’évaluation est sans grande particularité.

[30]        À la suite d’une résonance magnétique réalisée le 10 avril 2013, on conclut à une arthrose sous-astragalienne postérieure légère ainsi qu’à une tendinose légère des tendons court et long péronier sous la malléole externe. Le 5 juin 2013, le docteur Allard pose le diagnostic de tendinose péronéenne avec proéminence osseuse du calcanéum (mal union).

[31]        Lors de l’audience devant le premier juge administratif dans le dossier 503970-02-1303, le travailleur demande de retenir le diagnostic de tendinose péronéenne bien qu’il ait été posé postérieurement aux décisions en litige.

[32]        Au nom du principe de célérité et d’accessibilité à la justice administrative dont il est tenu, le premier juge administratif dans le dossier 503970-02-1303 considère qu’il est tenu d’actualiser le dossier et se saisir du diagnostic de tendinose péronéenne.

[33]        Toutefois, l’analyse de la preuve ne permet pas à CLP-1 dans le dossier 503570-02-1303 de conclure qu’il y a détérioration de l’état de santé du travailleur et estime plutôt qu’il s’agit d’une continuité de la lésion initiale.

[34]        En ce qui concerne le diagnostic de tendinose péronéenne, CLP-1 dans le dossier 503570-02-1303 conclut qu’il ne s’agit pas, non plus, d’une détérioration de l’état de la cheville du travailleur, la preuve médicale ne permettant pas de l’établir. Le premier juge administratif s’exprime ainsi :

[79]      Revenons maintenant au diagnostic de tendinose péronéenne posé par le docteur Allard, le 5 juin 2013.

 

[80]      Au sujet de ce diagnostic, le tribunal retient l’opinion du docteur St - Pierre, suivant laquelle la tomodensitométrie ne permet pas d’appuyer le diagnostic posé par le docteur Allard, puisqu’il appert que la cheville du travailleur ne présente pas de particularité, l’astragale et l’articulation sous-astragalienne présentant un aspect pratiquement normal.

 

[81]      Par ailleurs, le tribunal souligne qu’il n’est aucunement question de mal union dans la description de la tomodensitométrie faite par la radiologiste Bordeleau.

 

[82]      Quant à la résonance magnétique, le tribunal constate qu’elle démontre effectivement une tendinose légère des tendons court et long péronier.

 

[83]      Toutefois, un diagnostic de fibrose du tendon avait déjà été posé par le docteur Lapointe en février 2011, témoignant d’une atteinte du tendon.

 

[84]      La tendinose péronéenne diagnostiquée par le docteur Allard en juin 2013 constitue-t-elle une détérioration de la fibrose constatée plus d’un an et demi auparavant? La preuve ne permet pas de répondre à cette question.

 

[85]      De plus, les différents changements notés à la résonance magnétique de mai 2013 constituent-ils réellement une détérioration de l’état de la cheville du travailleur?

 

[86]      Cette fois, la preuve nous donne un élément de réponse contenu dans l’opinion du docteur St-Pierre. En effet, le tribunal retient l’avis de ce dernier suivant lequel, en considération du délai écoulé entre la lésion initiale, survenue en 1994, et la résonance magnétique, les symptômes rapportés par le travailleur sont disproportionnés par rapport aux changements constatés.

 

[87]      Par ailleurs, même si la tendinose péronéenne observée à la résonance magnétique du mois de mai 2013 constituait une détérioration de l’état de la cheville du travailleur, la preuve médicale ne permet pas au tribunal d’établir une relation entre cette tendinose et la lésion initiale.

 

[88]      Le tribunal rappelle qu’il ne suffit pas d’affirmer qu’une telle relation existe. La seule attestation médicale du médecin posant un diagnostic est nettement insuffisante pour établir une relation entre ce diagnostic, allégué comme récidive, rechute ou aggravation, et la lésion initiale.

 

[89]      Dans ces circonstances, le tribunal ne peut conclure que les diagnostics de fracture du calcanéum avec séquelles et de tendinose péronéenne constituent des récidives, rechutes ou aggravations de la lésion initiale.

 

 

[35]        En ce qui concerne la décision du 20 janvier 2014 dont le travailleur demande également la révision ou la révocation (dossier 522510-02-1309), elle concernait une réclamation du travailleur du 8 février 2013, refusée par la CSST le 26 avril 2013 et dont le refus avait été maintenu le 25 juillet 2013, à la suite d'une révision administrative. Le travailleur avait contesté cette décision à la Commission des lésions professionnelles le 19 septembre 2013, soit en dehors du délai prévu par la loi. Dans sa décision, CLP-1 (dossier 522510-02-1309) déclare irrecevable la contestation du travailleur, estimant qu'il n'a pas démontré de motif permettant de le relever de son défaut.

[36]        Au soutien de la requête en révision ou en révocation déposée le 26 août 2014, le travailleur dépose une copie du rapport concernant la tomodensitométrie réalisée le 1er  avril 2013, mais comportant un ajout et un addendum, signée le 19 mai 2014. Ainsi, l’ajout à la conclusion précédente est le suivant : l’évaluation est sans grande particularité du point de vue de la recherche d’arthrose. Quant à l’addendum, la docteure Bordeleau y note ceci :

On note par contre les séquelles d’une ancienne fracture calcanéenne d’orientation oblique, cranio-caudale, consolidée, mais avec mal union se traduisant par la présence d’un éperon osseux au versant externe de l’ancien trait de fracture. L’éperon vient en contact intime avec les tendons courts et longs péroniers, ce qui pourrait donc entraîner des phénomènes irritatifs sur ces derniers. Il y a d’ailleurs un léger remaniement tissulaire possiblement inflammatoire dans ce carrefour.

 

 

[37]        Le travailleur affirme qu’il a reçu cette nouvelle copie aux alentours du 10 juin 2014, à la suite d’une démarche qu’il a lui-même initiée. Il s’est alors adressé à la CSST pour obtenir une nouvelle décision en raison de cette preuve de mal union. Il affirme s’être rendu aux bureaux de la CSST à trois reprises en juin et juillet 2014 afin d’obtenir une nouvelle décision. Or, le 31 juillet 2014, une lettre de la CSST lui est adressée mentionnant qu’elle ne peut donner suite à son formulaire «Réclamation du travailleur» du 29 juillet 2014 puisque la condition pour laquelle il réclame a déjà été refusée à plusieurs reprises.

[38]        Le travailleur indique que c’est ce qui l’a contraint à demander la révision ou la révocation des décisions rendues les 13 novembre 2013 et 20 janvier 2014, la CSST ayant refusé de se prononcer sur le contenu de l’addendum.

[39]        En premier lieu, il y a lieu de se prononcer sur le délai pour demander la révision ou la révocation de la décision. En effet, le travailleur soutient qu'il a reçu la copie du rapport amendé aux alentours du 10 juin 2014, alors que la requête en révision ou en révocation est déposée au Tribunal le 26 août 2014, soit en dehors du délai de 45 jours considéré par la jurisprudence.

[40]        Toutefois, le travailleur a témoigné qu'il s’était rendu à trois reprises aux bureaux de la CSST afin qu’elle tienne compte de l’addendum à la tomodensitométrie du 1er  avril  2013 et rédigé le 19 mai 2014. Devant le refus de cette dernière de tenir compte de cette information, le travailleur indique qu'il n'a eu d’autre choix que de demander la révision ou la révocation des décisions qui auraient dû en tenir compte, si cette information avait été connue en temps utile.

[41]        La CSST a argumenté qu’il s’agit d’un choix stratégique du travailleur de tenter d’obtenir une nouvelle décision plutôt que de présenter une requête en révision ou en révocation des décisions rendues et qu’à ce titre, il ne peut s’agir d'un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir respecté le délai.

[42]        Or, la soussignée n’est pas de cet avis. En effet, le travailleur a d’abord rapidement tenté d’obtenir une nouvelle décision sur la base de la nouvelle information contenue à l’addendum. Ce n’est que lorsqu’il a compris que la CSST ne traiterait pas sa demande, à la réception de la lettre d’information de l’organisme datée du 31 juillet 2014, qu'il a compris qu’il devait plutôt demander la révision ou la révocation des décisions antérieures. Il s’est d’ailleurs exécuté dans un délai de moins d'un mois de la réception de cette lettre.

[43]        La soussignée estime que dans de telles circonstances, le travailleur a produit sa requête dans un délai raisonnable et qu'elle est donc recevable.

[44]        Quant à la notion de fait nouveau sur la base de laquelle le travailleur produit sa demande, selon la jurisprudence pour réussir dans son recours en révision ou en révocation, le travailleur doit démontrer trois éléments de façon prépondérante, soit la découverte d'un fait nouveau, la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale et le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige s’il avait été connu en temps utile.

[45]        En l’espèce, le travailleur a obtenu un rapport amendé le 10 juin 2014, soit treize mois après sa rédaction initiale. De plus, dans l’addendum au rapport original amendé, la radiologiste décrit un élément qu’elle n’avait pas décrit dans la première version, soit celle qui était disponible lorsque CLP-1 dans le dossier 503970-02-1303 a rendu sa décision.

[46]        Contrairement à ce qu’a soutenu la CSST lors de l’audience, il ne s’agit pas d'une opinion différente, mais véritablement d'un élément qui était présent lors de l’examen par tomodensitométrie, mais qui n’avait pas été décrit par la radiologiste. En effet, le premier rapport ne décrit que la région astragalienne et sous-astragalienne et ne mentionne aucunement ce qui est observé au niveau de la région calcanéenne. Ainsi, l’information qui est consignée à l’addendum est un élément de preuve et non simplement une opinion différente de ce qui avait déjà été mentionné dans le rapport.

[47]        D’ailleurs, c’est la radiologiste ayant rédigé le rapport initial qui a amendé le rapport et rédigé l’addendum. Dans ces circonstances, la soussignée considère que bien que la tomodensitométrie ne constitue pas un fait nouveau, l’information contenue au rapport amendé constitue un fait nouveau qui était non-disponible lors de l’audience et que le travailleur ne pouvait donc obtenir.

[48]        Les deux premiers éléments sont donc rencontrés. Comme troisième élément, le travailleur doit établir que le fait nouveau aurait eu un effet déterminant sur le sort du litige.

[49]        En l’espèce, il est mentionné à l’addendum que l’ancienne fracture calcanéenne consolidée avec mal union se traduit par la présence d’un éperon osseux qui vient en contact intime avec les tendons courts et longs péroniers. Selon la radiologiste, ceci peut entrainer des phénomènes irritatifs sur ces tendons et elle décrit également un léger remaniement tissulaire possiblement inflammatoire dans ce carrefour.

[50]        Ainsi, dans la mesure où le premier juge administratif dans le dossier 503970-02-1303 accepte de disposer du diagnostic de tendinose péronéenne, l’élément décrit à l’addendum peut avoir un effet déterminant sur l’issue du litige puisque la mal union se traduisant par l’éperon osseux décrit par la radiologiste entre en contact avec les tendons péroniers et pourrait être à l’origine de la tendinose péronéenne. De plus, le premier juge administratif souligne spécifiquement que la radiologiste ne décrit pas de mal union dans son rapport.

[51]        Ainsi, il y a lieu de révoquer la décision du 13 novembre 2013 (dossier 503970-02-1303) et de reconvoquer les parties afin que les contestations du travailleur portant sur les récidives, rechutes ou aggravations alléguées par ce dernier les 30 juillet, 13  décembre 2012 ou le 5 juin 2013 soient entendues à la lumière de cette nouvelle preuve.

[52]        En ce qui concerne la décision du 20 janvier 2014 dont le travailleur demande la révision ou la révocation (dossier 522510-02-1309), la requête du travailleur avait été déclarée irrecevable en raison du délai pour la présenter et l’absence de motif raisonnable. Or, la présence d'un fait nouveau inconnu lorsque cette décision a été rendue n’est d’aucun effet sur l’issue de cette décision. En effet, le fait nouveau n’a aucun impact quant à l’appréciation par le premier juge administratif du délai pour présenter la requête ou du motif raisonnable pour excuser le retard.

[53]        En fait, ce n’est pas parce que l’addendum ne se retrouvait pas au rapport de la tomodensitométrie que la requête n’a pas été présentée dans le délai, mais parce que le travailleur a tardé à la déposer, sans présenter un motif qui soit considéré comme raisonnable par le premier juge administratif dans le dossier 522510-02-1309. Or, il appartenait à ce dernier d’apprécier cette preuve et la décision sur cet aspect est motivée, cohérente et s’appuie sur la preuve.

[54]        De plus, même si le troisième alinéa de l’article 49 de la LITAT pouvait être considéré en l’espèce, aucun vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider n’a été allégué ni démontré.

[55]        Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la requête en révision ou en révocation à l’encontre de la décision du 20 janvier 2014 (dossier 522510-02-1309).

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

Dossier 503970-02-1303

ACCUEILLE la requête en révocation présentée par monsieur Gratien Côté, le travailleur, à l’encontre de la décision rendue le 13 novembre 2013 par la Commission des lésions professionnelles;

RÉVOQUE la décision rendue le 13 novembre 2013 par la Commission des lésions professionnelles; et

CONVOQUERA les parties à une nouvelle audience afin que soit statué le bien-fondé de la contestation déposée par le travailleur le 5 mars 2013.

Dossier 522510-02-1309

REJETTE la requête en révision ou en révocation présentée par monsieur Gratien Côté, le travailleur.

 

 

__________________________________

 

Guylaine Moffet

 

 

 

M. Gratien Côté

Pour lui-même

 

 

Me Sarah Hébert

PAQUET TELLIER

Pour la partie intervenante

 

 



[1]          RLRQ, c. T-15.1.

[2]           Bourdon et Genfoot inc., 89786-62-9706, 15 juin 1999, P. Perron, (99LP-68), révision judicaire rejetée, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Provigo Dist. (Maxie Cie) et Briand, 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Toiture P.L.M. et Carrier, 331688-64-0711, 15 juillet 2009, P. Perron.

[3]           Arbour et Banque nationale du Canada, 104372-63-9808, 27 septembre 1999; Desmarais et Les aliments Carrières inc., 144661-62B-0008, 21 août 2002, L. Boucher; Hôpital Rivière-des-Prairies et Charest, 280372-63-0601, 6 février 2008, L. Nadeau, (07LP-302), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-17-041567-085, 8 décembre 2008, j. Le Bel, requête pour permission d'appeler rejetée, 09-02-12, C.A. Montréal, 500-09-019270-099.

[4]           Côté et Alkinco inc., 221347-02-0311, 30 avril 2007, J.-M. Hamel.

[5]           Côté et Alkinco inc., 332564-02-0711, J.-M. Hamel.

[6]           Côté et Alkinco inc., 398742-02-1001, 28 avril 2010, J. Grégoire.

[7]           Côté et Alkinco inc., 2011 QCCLP 5185.

[8]           Côté et Alkinco inc., 2012 QCCLP 623.

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