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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 5 décembre 2003, Hôpital Sacré-Cœur de Montréal (l’employeur) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 novembre 2003.
[2] Cette décision accueille en partie la contestation de madame Monique Bergeron (la travailleuse), infirme une décision rendue le 14 avril 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative et déclare que la lésion professionnelle subie le 6 mai 2002 par la travailleuse était consolidée le 9 août 2002, sans atteinte permanente à l'intégrité physique et sans limitations fonctionnelles; qu’elle a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 21 août 2002 à la suite d’un nouvel événement et qu’elle a été victime de récidives, rechutes ou aggravations les 23 janvier et 10 mars 2003.
[3] À l’audience tenue sur la présente requête à Joliette le 25 octobre 2004, les parties étaient présentes et représentées.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles au motif que celle-ci comporte plusieurs erreurs de faits et de droit déterminantes qui constituent des vices de fond importants. Il demande à la Commission des lésions professionnelles de convoquer à nouveau les parties pour que la preuve soit entendue de nouveau.
LES FAITS
[5] Lors de l’audience devant le premier commissaire, voici comment la travailleuse précisait l’objet du litige :
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Considérant que ses réclamations pour rechute, récidive ou aggravation résultent du fait que sa lésion professionnelle n’est pas encore consolidée, la travailleuse demande de reconnaître qu’elle a toujours droit à l’indemnité de remplacement du revenu et aux autres indemnités prévues par la loi, et ce, depuis son accident initial du 6 mai 2002. De plus, elle demande de déclarer qu’il est trop tôt pour établir si sa lésion professionnelle laisse une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[6] Les faits relatifs aux litiges sont rapportés par le premier commissaire dans sa décision aux paragraphes 7 à 14 et comportent plusieurs erreurs comme il appert des pièces déposées lors de l’audience tenue devant lui. En effet, le premier commissaire a confondu les pièces E-1 (notes de consultations du docteur Gingras, médecin conseil chez l’employeur) et T-2 (notes de consultations du docteur Villeneuve, médecin ayant charge de la travailleuse).
[7] Voici comment ces faits sont rapportés avec, en italique, les erreurs notées par les parties et le tribunal :
[7] La travailleuse, préposée aux bénéficiaires à l’Hôpital Sacré-Cœur de Montréal, consulte le docteur Villeneuve le 7 mai 2002 pour de la douleur au dos. Celui-ci diagnostique une entorse lombo-sacrée, signe l’attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi. Reliant cette lésion à un événement survenu au travail le 6 mai 2002, la travailleuse fait une demande d’indemnisation auprès de la CSST. Sur le formulaire de réclamation signé le 17 mai, elle indique que la lésion résulte d’un faux mouvement fait lors d’une manœuvre pour empêcher la chute d’une patiente qu’elle amenait à la toilette.
[8] La réclamation est acceptée par la CSST, qui indemnise la travailleuse en conséquence. À compter du 14 mai 2002, la travailleuse est en assignation temporaire, sur approbation de son médecin, le docteur Villeneuve. Le 3 juin, la travailleuse retourne à son travail régulier à raison de trois jours par semaine, mais elle continue de recevoir des traitements de physiothérapie. Elle est ensuite en vacances du 30 juin au 13 juillet. À son retour au travail, elle reprend ses traitements de physiothérapie, le docteur ajoute des traitements d’ostéopathie. La travailleuse reprend son travail régulier à plein temps le 13 août 2002, à la suggestion de son médecin [Le 13 août 2002, le docteur Villeneuve (médecin de la travailleuse) note : Vu par ostéopathe, augmentation des symptômes, douleur importante, a manqué le travail; augmentation douleur depuis les traitements d’ostéopathie; douleur lombaire basse, brûlure spasme lombaire gauche; flexion à 18 pouces du sol, lasègue=négatif; Diagnostic : lombalgie, post entorse lombaire Traitement : Indocid 100 mg; référée au physiatre Dr Imbeault.
Le docteur Gingras (médecin de l’employeur) voit la travailleuse le 9 août 2002 et ses notes indiquent : Suggestions : travailleuse avisée en relation avec CSST du 6 mai 2002, entorse lombaire consolidée sans att. Sans lim. Avec suff de soins examen négatif résonance magnétique inutile.]
[9] Le 22 août, elle consulte le docteur Villeneuve lui indiquant que ses douleurs au dos sont revenues [les douleurs ne sont jamais disparues, voir notes de la visite du 13 août, l’ADR pour la réclamation du 21 août : « retour au travail régulier depuis le 13 août 2002. Douleurs toujours présentes. »; attestation médicale du Dr Villeneuve du 22 août : symptômes avec travail temps plein] lorsque, le 19 août, elle a eu à relever avec une collègue une patiente obèse de son lit. Le docteur Villeneuve lui signe un rapport médical et la travailleuse fait une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation, refusée par la CSST le 21 octobre 2002.
[10] Le 23 septembre 2002, le docteur Gingras, médecin-conseil chez l’employeur, qui a examiné la travailleuse à plusieurs reprises depuis le 8 mai, signe une expertise établissant que la lésion professionnelle, une entorse lombaire grade 1, est consolidée depuis le 9 août 2002 et ce, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. L’employeur demande alors de transmettre le dossier au Bureau d’évaluation médical (le BEM).
[11] Le docteur Serge Bourdua, membre du BEM, examine la travailleuse le 18 novembre 2002. Dans son rapport signé le 19 novembre, il confirme l’avis du docteur Gingras. Le 28 novembre 2002, la CSST entérine par décision l’avis du membre du BEM, déclare que la lésion professionnelle étant consolidée depuis le 9 août 2002, les traitements reçus depuis cette date ne seront pas remboursés, mais qu’elle continue de verser l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité de reprendre son emploi.
[12] Le 19 décembre 2002, ayant eu l’avis de son médecin, le docteur Imbeault indique que la lésion professionnelle n’a pas laissé d’atteinte permanente ni limitations fonctionnelles2, la CSST rend une décision déclarant la travailleuse capable de reprendre son emploi. Elle lui indique cependant qu’elle ne lui réclamera pas le remboursement des montants d’indemnité de remplacement du revenu qu’elle a reçus depuis le 9 août 2002. Il ressort du dossier que, dans les faits, la travailleuse a été indemnisée jusqu’au 26 décembre 2002.
[13] En janvier 2003, elle reprend son travail. Le 23 janvier 2003, le docteur Imbeault met à nouveau la travailleuse en arrêt de travail pour rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 janvier. La travailleuse fait donc une nouvelle demande d’indemnisation, qui sera refusée par la CSST le 17 mars 2003.
[14] Entretemps, dans un rapport médical daté du 6 mars 2003, le docteur Imbeault indique qu’il retourne la travailleuse au travail à compter du 10 mars. À cette date, la travailleuse reprend le travail, qu’elle quitte le même jour, alléguant la reprise des douleurs au dos. Elle fait une nouvelle demande d’indemnisation pour rechute, récidive ou aggravation, refusée à nouveau par la CSST le 21 mars 2003.
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2 Dans une lettre datée du 19 décembre 2002 et adressée à la travailleuse, le docteur Imbeault lui explique qu’il ne la considère pas porteuse d’une atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles, mais que selon lui, la lésion professionnelle n’est pas encore consolidée.
[8] Statuant sur la date de consolidation de la lésion initiale du 6 mai 2002, le premier commissaire rapporte tout d’abord les diagnostics qui ont été émis ainsi que les résultats des investigations qui ont démontré la présence d’une sacralisation bilatérale de L5, d’une condition dégénérative avec une discrète hernie discale postéro médiane. Il retient ensuite que puisqu’il n’y a pas eu de litige au Bureau d'évaluation médicale sur le diagnostic, c’est celui d’entorse lombaire ou lombo-sacrée qui résulte de l’accident du travail du 6 mai 2002.
[9] Évaluant les différents examens pour décider de la consolidation, le premier commissaire rapporte les éléments suivants qui comportent également certaines erreurs quant à la confusion entre les docteurs Gingras et Villeneuve :
[23] Devant un diagnostic d’entorse suite à un événement traumatique qui semblait assez banal, on s’est alors questionné sur la consolidation de la lésion et la travailleuse a été examinée à la demande de l’employeur le 9 août 2002 par le docteur Gingras. À cette date, la travailleuse se plaignait toujours de douleurs et même d’une détérioration. À l’examen clinique, le docteur Gingras n’a rien trouvé qui, pour lui, pouvait expliquer les allégations de douleurs : son examen est normal et il mentionne même qu’il n’a pas retrouvé de douleur à la palpation. C’est devant un tel examen qu’il déclare la lésion professionnelle consolidée. Il a examiné à nouveau la travailleuse le 26 août et le 16 septembre et, toujours, l’examen clinique était normal malgré les allégations de douleurs.
[24] Le 18 novembre 2002, la travailleuse est examinée, cette fois, par un membre du BEM, le docteur Bourdua, orthopédiste. Lui aussi rapporte un examen clinique normal, précisant notamment que les amplitudes du rachis lombaire sont préservées et qu’il n’y a aucun signe objectif d’un déficit à la colonne lombaire ni aux membres inférieurs. Son examen étant semblable à celui du docteur Gingras, il retient la date du 9 août 2002 comme date de consolidation.
[25] Ainsi, seuls les docteurs Villeneuve et Sarto Imbeault, physiatre, considèrent que la lésion n’était pas consolidée. Mais il faut souligner que le docteur Imbeault a examiné la travailleuse après la rechute du 21 août 2002. Par ailleurs, la lecture des notes cliniques du docteur Villeneuve avant la rechute du 21 août, notamment celles du 17 juillet 2002, montre aussi l’absence de signes neurologiques mais, plus important encore, indique une palpation négative, comme le mentionnait le docteur Gingras [Le docteur Villeneuve n’a pas vu la travailleuse le 17 juillet 2002; c’est le Dr Gingras qui a vu la travailleuse à cette date et qui notait une palpation négative]. Les examens cliniques du docteur Villeneuve, contemporains à la date de consolidation, corroborent donc ceux du docteur Gingras [Les notes contemporaines du Dr Villeneuve indiquent, le 30 juillet 2002 : spasme lombo-sacré droit plus grand qu’à gauche-flexion droit [sic] sol à 6 pouces du sol; le 13 août 2002 : spasme lombaire gauche-Flexion à 18 pouces du sol]. Par ailleurs, à l’examen du 19 août, le docteur Villeneuve indique dans ses notes cliniques que la travailleuse a été avisée que l’entorse lombaire était consolidée sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles, qu’il y avait eu suffisamment de soins [Le Dr Villeneuve n’a pas vu la travailleuse le 19 août 2002, c’est le Dr Gingras qui l’a vue et qui fait cette mention dans ses notes]. À la lecture des notes du docteur Gingras, il ressort donc sans équivoque que lui aussi considère que l'entorse lombaire est consolidée depuis le mois d’août 2002.
(nos soulignements)
[10] Le premier commissaire conclut ainsi quant à la date de consolidation et aux séquelles de la lésion du 6 mai 2002 :
[27] La Commission des lésions professionnelles en arrive donc à la conclusion que la preuve médicale prépondérante montre que la lésion professionnelle de la travailleuse était bel et bien consolidée en août 2002. Quant à l’existence ou non d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, la représentante de la travailleuse soutenant qu’il était trop tôt pour une telle évaluation, aucune preuve n’a été faite infirmant l’avis du docteur Daoud, membre du BEM qui a établi le 26 février 2003 que la lésion professionnelle n’avait laissé ni atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Cet avis est en conséquence maintenu, aucun des médecins de la travailleuse n’ayant procédé à une telle évaluation. Mais cette décision ne vaut que pour la lésion professionnelle initiale. Il y aurait lieu pour la CSST, compte tenu de la rechute du mois d’août qui, on le verra plus loin, résulte d’un nouvel événement qui semble avoir aggravé la condition de la travailleuse, de reprendre l’évaluation des séquelles en tenant compte de l’ensemble du dossier et des rechutes à répétition.
(notre soulignement)
[11] Traitant ensuite de la présence de récidives, rechutes ou aggravations qui seraient survenues les 21 août 2002 [il s’agit plutôt du 19 août 2002], 23 janvier 2003 et 21 mars 2003, le commissaire discute de la possibilité de subir une rechute d’entorse lombaire et fait état d’une certaine jurisprudence sur cette question. Examinant le litige, il écrit :
[33] Dans la présente affaire, la travailleuse a été victime d’une entorse lombo-sacrée à la suite d’un faux mouvement pour empêcher la chute d’une patiente qu’elle amenait à la toilette. Cette lésion professionnelle a été déclarée consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Dans quelles circonstances, les réclamations pour rechute, récidive ou aggravation ont-elles été faites?
[34] Compte tenu de la jurisprudence dont il est question plus haut, il faut d’abord se demander s’il est survenu un événement particulier qui aurait provoqué la rechute, la récidive ou l’aggravation.
[35] C’est en relevant une patiente obèse de son lit le 20 août 2002 que la travailleuse a ressenti une douleur au même site que la lésion professionnelle initiale, une douleur qu’elle décrit comme irradiant dans la jambe droite : c’est ce que nous pouvons lire sur le formulaire de réclamation initiale et c’est ce que nous a confirmé la travailleuse lors de son témoignage en l’instance. Le tout est corroboré par les notes cliniques du docteur Lucien Villeneuve qui, lors de l’examen physique du 22 août 2002, indique une lombalgie importante, d’une boiterie au membre inférieur droit. De tous ces éléments, la Commission des lésions professionnelles conclut que non seulement les allégations de douleurs sont corroborées mais qu’il est survenu un événement nouveau, lors de la manipulation d’une patiente obèse (soit des circonstances similaires à la survenance de la lésion initiale). Dans les circonstances, il faut reconnaître que la travailleuse a bel et bien été victime d’une rechute, d’une récidive ou d’une aggravation le 20 août 2002.
[36] Maintenant qu’en est-il des réclamations pour rechute, récidive ou aggravation qui seraient survenues le 23 janvier 2003 et le 10 mars 2003? Contrairement à l’épisode du mois d’août 2002, la preuve ne révèle aucun événement nouveau particulier qui pourrait expliquer une rechute, une récidive ou une aggravation. Ces réclamations ont été faites sur de simples allégations de douleurs. Dans la foulée de la jurisprudence ci-haut mentionnée, il faut donc ici rechercher si des éléments de la preuve permettent de corroborer les allégations de douleurs.
[37] La Commission des lésions professionnelles note que depuis la survenance de la lésion initiale, même si on a un diagnostic d’entorse lombo-sacrée, on parle de lombalgie, le 13 août 2003, on précise qu’il s’agit d’une lombalgie postentorse lombaire. Ceci nous indique qu’il y a une condition personnelle sous-jacente, que l’examen à résonance magnétique du 6 septembre 2002 a d’ailleurs mis en lumière , qu’aurait aggravé l’entorse initiale et possiblement même l’événement du mois d’août 2002. L’entorse lombo-sacrée aurait donc une gravité plus importante que celle d’une simple entorse même si elle n’a pas laissé d’atteinte permanente. Il y a donc une fragilité assez importante résultant de la lésion professionnelle. Par ailleurs, le rapport du 4 octobre 2002 signé par le docteur Sarto Imbeault mentionne un blocage vertébral relativement important. Dans son rapport d’évolution du 21 novembre 2002, le docteur Imbeault indique que la travailleuse demeure porteuse d’un tableau douloureux lombo-sciatique droit. Dans son rapport du 13 janvier 2003, il indique que la travailleuse présente toujours un fort blocage vertébral et d’un pseudo-tripode droit sans latéralisation neurologique. Tous ces éléments corroborent fort bien la douleur alléguée par la travailleuse. Plus, l’avis d’expertise déposé en l’instance et signé par le docteur Robert Lefrançois le 2 septembre 2003 explique bien comment la douleur lombaire résultant de la lésion professionnelle peut récidiver même à court terme, quel que soit le traitement.
[38] Il faut donc conclure que même si la lésion professionnelle a été déclarée consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, l’entorse ou les entorses subies en 2002 ont été plutôt sérieuses et expliquent les rechutes, récidives ou aggravations de 2003 même en l’absence d’un événement particulier. Comme les allégations de douleurs sont corroborées par les nombreux examens médicaux, la Commission des lésions professionnelles conclut que ces douleurs sont réelles et reliées à la lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles ne retient pas l’avis du docteur Jean-Marie Gingras entendu en témoignage. De toute évidence, le docteur Gingras ne croit pas à l’existence de la douleur alléguée par la travailleuse.
(nos soulignements)
[12] L’explication du docteur Lefrançois, qui fut demandée lors de l’audience du 16 septembre 2003, vu un passage nébuleux de son expertise, a été produite le 29 septembre 2003.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[13] Le représentant de l’employeur soumet qu’il y a tellement d’erreurs dans la décision, tant aux faits qu’au droit applicable, que la Commission des lésions professionnelles ne peut que conclure que celles-ci ont eu un effet déterminant quant au sort des litiges.
[14] Les erreurs du commissaire relatives aux examens du médecin traitant et du médecin de l’employeur, les dates de visites médicales rapportées de façon incorrecte ont eu une influence déterminante sur ses conclusions, notamment quant à la date de consolidation de la lésion du 6 mai 2002.
[15] Les conclusions du commissaire quant à l’existence de récidives, rechutes ou aggravations sont manifestement erronées puisqu'il semble ici créer une « nouvelle sorte » de lésion professionnelle, soit une récidive, rechute ou aggravation avec nouvel événement. Ce type de lésion n’est pas prévu à la loi et c’est une erreur de droit déterminante en l’espèce. S’il y a nouvel événement et qu’il est imprévu et soudain, c’est un accident du travail. Si l’événement est considéré banal, comme le mentionne le commissaire, alors il n’y a pas d’accident. Si les critères pour une récidive, rechute ou aggravation ne sont pas présents comme le conclut également le commissaire, il ne peut y avoir une telle lésion.
[16] En conséquence, il demande d'annuler cette décision et de retourner le dossier devant un autre commissaire de la Commission des lésions professionnelles pour que celui-ci statue à nouveau sur les dossiers.
[17] La représentante de la travailleuse n’a rien à ajouter et concourt aux motifs du représentant de l’employeur.
L’AVIS DES MEMBRES
[18] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis qu’il y a matière à révoquer la décision rendue le 4 novembre 2003 puisque celle-ci comporte plusieurs erreurs manifestes qui ont eu un effet déterminant sur les litiges. Il y a en effet des erreurs flagrantes quant aux faits (notes de consultations des médecins) et erreur quant à la règle de droit applicable en matière de récidive, rechute ou aggravation. Comme il est impossible de reprendre le dossier dans le cadre de la présente requête, il y aura lieu de convoquer à nouveau les parties pour qu’il y ait une nouvelle audience.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[19] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il fut démontré un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue le 4 novembre 2003.
[20] L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
[21] Dérogeant à ce principe, l’article 429.56 de la loi a expressément prévu que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue, mais dans certaines circonstances seulement :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
[22] Pour pouvoir procéder à la révision de la décision rendue par le premier commissaire, il appartenait donc à l’employeur de démontrer l’existence de l’un ou l’autre des motifs prévus à cet article.
[23] Le représentant de l’employeur invoque les dispositions du troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi en ce qu’il reproche à la décision du premier commissaire de comporter des vices de fond ou de procédure de nature à l’invalider.
[24] La Commission des lésions professionnelles, de jurisprudence constante, rappelle que la partie qui demande la révision doit démontrer que la décision attaquée comporte une erreur manifeste de fait ou de droit qui est déterminante sur l’issue du litige. La Commission des lésions professionnelles ajoute également qu’il peut y avoir erreur manifeste lorsque la décision méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[2].
[25] Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles estime, à la lumière des représentations des parties et des faits révélés par la preuve, qu’il y a des erreurs manifestes dans la décision sous étude.
[26] Au niveau des faits, le premier commissaire a interverti les notes médicales des docteurs Villeneuve et Gingras, ce qui, à sa face même, a nettement influencé le commissaire dans ses conclusions, surtout lorsque l’on connaît le poids accordé par la loi au médecin qui a charge d’un travailleur. On peut en effet constater que le premier commissaire estime déterminant que le docteur Villeneuve ait eu un examen négatif le 17 juillet 2002 alors que ce médecin n’a pas vu la travailleuse. On constate qu’au contraire, les examens des 30 juillet et 13 août 2002 faits par le docteur Villeneuve établissent des signes objectifs, soit un spasme et une flexion nettement limitée. De plus, le premier commissaire tient en compte le fait, à la suggestion de son médecin, que la travailleuse aurait repris le travail, ce qui ne se retrouve pas dans la preuve soumise. D’autres dates et examens sont erronément attribués à l’un ou l’autre de ces médecins, comme il a été démontré dans la section des faits.
[27] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ces erreurs manifestes ont eu un effet déterminant sur le sort de la décision puisque tous ces éléments entraînent sa conclusion concernant le litige portant sur la date de consolidation de la lésion, sans atteinte permanente à l'intégrité physique et sans limitations fonctionnelles. Cette conclusion entraîne ensuite tout un raisonnement quant aux récidives, rechutes ou aggravations alléguées dont il devait disposer, raisonnement qui, avec respect, comporte aussi des erreurs, notamment lorsque le premier commissaire conclut que la jurisprudence sur la récidive d’entorse exige la présence d’un nouvel événement pour conclure à la survenance d’une telle lésion. C’est là, comme l’a soulevé le représentant de l’employeur, créer une nouvelle lésion professionnelle qui n’est pas prévue à la loi.
[28] Il aurait plutôt dû analyser le dossier en regard des critères établis de longue date par la jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la C.A.L.P.) et de la Commission des lésions professionnelles, soit qu’une récidive, rechute ou aggravation s’entend dans le sens d’une « reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d'une lésion ou de ses symptômes »[3]. Il n'est pas nécessaire qu'un nouveau fait survienne, accidentel ou non, et plusieurs paramètres ont été élaborés avec le temps pour aider le décideur dans l’examen d’un tel type de lésion professionnelle. L’appréciation de l’ensemble des éléments factuels et médicaux, concernant la relation et la détérioration de la condition de la travailleuse, auraient dû être discutés.
[29] En concluant qu’il y avait une récidive, rechute ou aggravation sans examiner les critères pertinents et l’attribuant à la présence d’un nouvel événement le 20 août 2002, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision est d’avis qu'il y a eu erreur de droit manifeste, entraînant des conséquences sur le sort du litige dont le premier commissaire était saisi.
[30] Dans les circonstances, il y a suffisamment d’erreurs constituant des vices de fond au sens du troisième paragraphe de l’article 429.56 et il y a donc des motifs qui invalident la décision.
[31] Le représentant de l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de tenir une nouvelle audience sur les litiges soumis par la travailleuse, ce à quoi ne s’objecte pas la représentante de celle-ci. La Commission des lésions professionnelles rappelle que lorsqu’elle siège en révision, elle peut rendre la décision qui aurait dû être rendue puisque la révision ne constitue pas une deuxième chance pour les parties de refaire la preuve ou de peaufiner celle-ci. Normalement, l’étude du dossier, des pièces déposées et l’écoute des enregistrements de l’audience permettent à la Commission des lésions professionnelles de rendre cette décision.
[32] Cependant, dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles a écouté les enregistrements et ceux-ci sont de piètre qualité, inaudibles même et les témoignages ne peuvent être adéquatement examinés. Le tribunal estime qu’il n’a d’autre choix que de convoquer à nouveau les parties pour qu’elles soient entendues sur les présents litiges.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Hôpital Sacré-Cœur de Montréal, le 5 décembre 2003;
RÉVOQUE la décision rendue le 4 novembre 2003 par la Commission des lésions professionnelles ;
CONVOQUERA les parties pour être entendues à nouveau.
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Luce Boudreault |
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Commissaire |
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Me Lysanne Dagenais |
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LYSANNE DAGENAIS, AVOCATE |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Jean Beauregard |
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LAVERY, DE BILLY, AVOCATS |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Voir Produits forestiers Donohue et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ; Communauté urbaine de Montréal et Les Propriétés Gunter Kaussen et Ville de Westmount, [1987] R.J.Q. 2641 .
[3] Lapointe et Compagnie Minière Québec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19 .