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[1] Le 3 octobre 2007, la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) a rendu une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier;
[3] Au paragraphe 44, nous lisons :
La preuve démontre également une certaine continuité de la symptomatologie à l’épaule droite. La travailleuse a continué à éprouver des douleurs à l’épaule gauche malgré la consolidation, le 16 avril 2003, de la lésion initialement subie, le 20 septembre 2001.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
La preuve démontre également une certaine continuité de la symptomatologie à l’épaule droite. La travailleuse a continué à éprouver des douleurs à l’épaule droite malgré la consolidation, le 16 avril 2003, de la lésion initialement subie, le 20 septembre 2001.
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JEAN-PIERRE ARSENAULT |
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Commissaire |
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Me André Laporte, avocat |
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Laporte & Lavallée, avocats |
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Représentant de la partie requérante |
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Perry et Affinia Canada corp. |
2007 QCCLP 5604 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Joliette |
3 octobre 2007 |
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Région : |
Lanaudière |
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Dossier : |
291747-63-0606 |
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Dossier CSST : |
120972393 |
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Commissaire : |
Me Jean-Pierre Arsenault |
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Membres : |
M. Luc Dupéré, associations d’employeurs |
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Guy Mousseau, associations syndicales |
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Assesseur : |
M. Guy Béland, médecin |
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Fléchère Perry |
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Partie requérante |
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Et |
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Affinia Canada corp. Brake Parts Canada inc. (Anjou) (F) |
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Parties intéressées |
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DÉCISION
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[1] Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[2] Le 13 juin 2006, madame Fléchère Perry (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et la sécurité du travail (la CSST) le 12 mai 2006, à la suite d’une révision administrative.
[3] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 3 mars 2006 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation, le 18 janvier 2006, et qu’elle n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[4] Le 27 septembre 2007, la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) tient une audience à Joliette à laquelle assistent la travailleuse et son procureur. Bien que dûment convoqué, l’employeur, Affinia Canada corp., n’est pas représenté. Brake Parts Canada inc. ayant mis fin à ses activités n’est pas davantage représenté. Lorsqu’une partie ne se présente pas à l’audience et ne fait valoir aucun motif justifiant son absence, le tribunal peut procéder à l’instruction de l’affaire et rendre une décision[2].
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] La travailleuse demande d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision rendue par la CSST, le 12 mai 2006, à la suite d’une révision administrative, et de déclarer qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 19 janvier 2005, soit la récidive, rechute ou aggravation de la lésion qu’elle a initialement subie le 20 septembre 2001. Elle demande en outre de déclarer que les diagnostics attribuables à la récidive, rechute ou aggravation sont les suivants : une tendinite de l’épaule droite, une tendinite de l’épaule gauche par surutilisation de l’épaule gauche et un dérangement intervertébral mineur (DIM) cervical.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Conformément à la loi, le soussigné a requis et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur les questions soumises au tribunal ainsi que les motifs de leur avis.
[7] Les membres sont d’avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie, que la décision de la CSST devrait être infirmée parce qu’ils estiment que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation le 19 janvier 2006. Ils considèrent toutefois que la requête de la travailleuse ne devrait être accueillie qu’en partie puisqu’il n’y a que le diagnostic de tendinite à l’épaule droite qui puisse être mis en relation avec la lésion professionnelle qu’elle a antérieurement subie le 20 septembre 2001. Quant aux diagnostics de tendinite à l’épaule gauche et de DIM cervical, ils sont attribuables à l’exacerbation de la condition personnelle - une légère bursite sous-acromiale sous deltoïdienne, une tendinite calcifiante du supra-épineux et un accrochage grade I/III[3] et une discopathie cervicale à C4-C5 et C6-C7[4] - dont elle est porteuse, et ne peuvent être mis en relation avec sa lésion.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Le tribunal doit décider si la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle le 19 janvier 2006, soit la récidive, rechute ou aggravation d’une lésion qu’elle a initialement subie le 20 septembre 2001 et si elle a droit aux prestations prévues à la loi.
[9] Le 20 septembre 2001, la travailleuse, alors âgée de 39 ans et opératrice au four et à l’emballage au service Brake Parts Canada inc. (Anjou), a été frappée à l’épaule droite par une palette qu’un collègue de travail transportait.
[10] Cette lésion a fait l’objet d’un suivi médical qui a duré plusieurs mois. Une résonance magnétique pratiquée au cours de ce suivi médical a démontré que la travailleuse souffrait d’une discopathie aux espaces C4-C5 et C5-C6 avec hernie discale associée causant une compression médullaire de même qu’une « anomalie de signal compatible avec une déchirure partielle superficielle non transfixiante du tendon supra-épineux » et la « possibilité d’une ténosynovite de la longue portion du biceps »[5].
[11] La travailleuse a dû, par la suite, se soumettre à une intervention chirurgicale à l’épaule droite le 22 novembre 2002, soit une arthroscopie avec débridement et décompression sous-acromiale en raison d’une tendinose[6].
[12] Le 17 décembre 2002, le tribunal déterminait que le diagnostic attribuable à la lésion professionnelle de la travailleuse était celui de « contusion de l’épaule droite avec déchirure partielle du tendon du sus-épineux, ténosynovite du long biceps et entorse cervicale sur lésion discopathique préalable greffée à une condition personnelle de tendinose à l’épaule droite »[7].
[13] Le 16 avril 2003, le docteur Bernard Chartrand, médecin qui a charge de la travailleuse, signe un rapport final, aux termes duquel il reconnaît que sa lésion - une entorse cervicale (avec discopathie) et une tendinite du sus-épineux avec séquelles d’acromioplastie - est consolidée et estime qu’elle en conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il évalue le déficit anatomophysiologique (DAP) de la travailleuse à 8 % et à 1,2 % le pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie résultant de ce DAP, pour une atteinte permanente à l’intégrité physique totale de 9,2 %.
[14] Il évalue les limitations fonctionnelles de la travailleuse comme suit :
[…] Elle ne doit pas faire de travail le bras droit plus haut que l’horizontal. Pas de travail la tête en extension. Pas de travail la tête en flexion. Pas de travail avec des mouvements répétitifs de l’épaule droite ni du cou. Elle peut porter des poids de 10 à 15 livres de son membre supérieur droit, mais de façon exceptionnelle dans une même journée. Pas de travail le bras droit plus haut que l’horizontal.
[15] Le 11 juin 2003, la CSST reconnaît que la travailleuse a subi une atteinte permanente à l’intégrité physique de 9,20 % et lui verse une indemnité pour préjudice corporel déterminée sur la base de ce pourcentage.
[16] La travailleuse est par la suite admise en réadaptation : le travail qu’elle exerçait au moment de sa lésion professionnelle comporte des tâches incompatibles avec les limitations fonctionnelles qu’elle conserve de sa lésion. Elle se voit déterminer un emploi convenable d’artisane en décoration florale pour lequel un programme de formation est mis en œuvre.
[17] Le 11 avril 2005, la CSST décide que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi convenable déterminé à compter du 9 avril 2005. N’ayant fait l’objet d’aucune demande de révision, cette décision est devenue finale et irrévocable.
[18] La travailleuse n’est toutefois pas retournée sur le marché du travail. Elle dit en avoir été empêchée par l’aggravation de son état de santé.
[19] Le 9 juin 2004, elle consulte effectivement le docteur Chartrand à propos d’une « tendinite à l’épaule droite opérée ». Il prescrit des traitements de physiothérapie avec une approche de massothérapie pour huit semaines. Il constate alors une diminution plus importante de l’amplitude articulaire de l’épaule droite : l’abduction se fait à 140 degrés, donc une perte de 40 degrés, une élévation antérieure à 160 degrés pour une perte de 20 degrés et une rotation externe à 70 degrés, soit une perte de 20 degrés.
[20] La travailleuse revoit le docteur Chartrand le 7 février 2005. Il note qu’elle a essayé de suivre un cours en fleuristerie qu’elle a cessé après quatre jours : elle devait voyager plusieurs heures par jour pour se rendre à ses cours et en revenir et prendre des notes toute la journée. Elle a par la suite poursuivi sa formation en privé auprès d’une ressource plus près de son domicile. Le docteur Chartrand constate qu’elle va bien, mais qu’elle éprouve des douleurs à l’effort. Il maintient son diagnostic de tendinite post-opératoire à l’épaule droite et ajoute celui d’entorse cervicale avec hernie. Il ne prescrit aucun traitement particulier, mais indique qu’elle aurait besoin de réadaptation. Il prévoit la revoir un an plus tard.
[21] Comme prévu, le 19 janvier 2006, il revoit la travailleuse. Cette fois il parle d’aggravation et de détérioration de son état de santé. Il constate que les ankyloses à l’épaule droite se sont aggravées et que la travailleuse souffre maintenant d’une tendinite à l’épaule gauche qu’il attribue à une surutilisation de son membre supérieur gauche et d’un « DIM cervical associé ». Il prescrit une échographie des deux épaules avec infiltration et met la travailleuse en arrêt de travail.
[22] Cet examen[8] et ces infiltrations sont pratiqués le 22 février suivant. L’échographie démontre que l’épaule droite de la travailleuse est atteinte d’une « bursite sous-acromiale sous-deltoïdienne », d’une « ténosynovite du long tendon du biceps », d’une « tendinite calcifiante de l’infra-épineux », d’une « déchirure du supra-épineux versant bursal » et d’un « accrochage grade II/III ». Quant à son épaule gauche, elle présente une « légère bursite sous-acromiale sous-deltoïdienne », une « tendinite calcifiante du supra-épineux » et un « accrochage grade I/III ». Les infiltrations pratiquées améliorent l’état de santé de la travailleuse, mais les tendinites diagnostiquées aux deux épaules persistent[9].
[23] S’amorce alors un suivi médical autant pour l’épaule droite que pour l’épaule gauche. Le docteur Chartrand estime que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation. Selon lui, en acceptant de payer le coût de l’échographie et des infiltrations, la CSST accepte le fait de la récidive, rechute ou aggravation. Le docteur Chartrand fait rarement allusion au cours de ce suivi médical à la colonne cervicale de la travailleuse. Une étude électrodiagnostique et électromyographique interprétée par le docteur Richard Leclaire, physiatre, le 18 avril 2007, s’avère dans les limites de la normale. Il n’observe aucune « radiculopathie active significative au niveau du membre supérieur droit ».
[24] Il conclut son étude comme suit :
Compte tenu des données tant cliniques qu’électrophysiologiques, cette patiente présente donc une symptomatologie d’acroparesthésies[10], particulièrement au niveau de la main droite, et une brachialgie droite vraisemblablement secondaires à la condition cervicodorsale droite de même qu’à la condition de son épaule droite.
[25] Le 15 août 2006, le docteur Gilles-Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de son procureur « en relation avec une lésion professionnelle du 20 septembre 2001 et une rechute du 18 janvier 2006 ».
[26] Le 8 septembre 2006, après son examen du 15 août précédent, il signe une expertise médicale dans laquelle il exprime l’opinion suivante :
Cette patiente démontre, à l’examen clinique, une récidive, rechute ou aggravation au niveau de l’épaule droite.
Considérant l’examen du docteur Chartrand lors de la consolidation, cette patiente a perdu beaucoup plus de rotation interne et a même perdu un peu de rotation externe à l’épaule droite.
À gauche, elle a une légère perte de rotation interne mais aucun signe d’accrochage.
En conséquence donc, il y a rechute et aggravation de la tendinite de l’épaule droite.
Cette atteinte présente, au niveau de l’épaule gauche, une tendinose de l’épaule mais peu significative.
La lésion n’est pas consolidée.
Nous recommandons que cette patiente soit reprise en physiothérapie et ait de nouveau des infiltrations sous-acromiales sous-scopie à droite et nous recommandons qu’elle soit réévaluée une fois la physiothérapie terminée afin de juger s’il y a nécessité d’une nouvelle arthroscopie ou non.
À l’heure actuelle, considérant les découvertes, à l’examen clinique de l’épaule droite, d’une aggravation importante, nous jugeons que cette patiente n’a pas, à l’heure actuelle, la capacité physique d’exercer l’emploi d’artisane en décoration fleurale.
[…]
(Je souligne)
[27] Le 6 mai 2007, le docteur Lawrence Lincoln, à la suite d’une référence du docteur Chartrand, diagnostiquait des tendinites du sus-épineux aux épaules droite et gauche pour lesquelles il n’envisageait aucune chirurgie ni autres traitements.
[28] Le 21 juin 2007, le docteur Chartrand signe deux rapports finals, l’un pour une algie aux deux poignets qu’il attribue à des douleurs référées provenant d’une tendinite aux épaules et l’autre pour une tendinite à l’épaule droite et une à l’épaule gauche par surutilisation. Il consolide ces lésions de la travailleuse et précise qu’elle en conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles et qu’il produira un Rapport d’évaluation médicale conformément au Règlement sur le barème des dommages corporels[11].
[29] La même journée, le docteur Chartrand produit le Rapport d’évaluation médicale annoncé. Bien qu’il n’appartienne pas au tribunal de statuer sur la teneur de celui-ci, il importe de souligner que le docteur Chartrand observe une réduction de l’amplitude articulaire des deux épaules de la travailleuse et estime que le syndrome douloureux qui s’est installé à l’épaule gauche résulte d’une bursite et d’une tendinite en raison du fait que la travailleuse utilise davantage son membre supérieur gauche pour protéger son membre supérieur droit. Il considère qu’« à cause de cette dysfonction au niveau de l’épaule, il s’est installé une dysfonction au niveau cervical, sur un rachis plus fragile, on doit en convenir, à cause de la discopathie ». Il conclut ainsi :
Cependant, n’eut été de sa dysfonction au niveau des épaules, il n’y aurait probablement pas d’atteinte symptomatique au niveau du cou. Pour ce qui est des problèmes au niveau des deux membres supérieurs, au niveau distal, il s’agit compte tenu des analyses faites, d’un phénomène de douleurs référées qui originent des épaules.
[30] Par contre, il ne discute pas de l’impact de la discopathie cervicale et de la tendinite calcifiante du supra-épineux de l’épaule gauche observées chez la travailleuse sur les douleurs qu’elle éprouve et la réduction des amplitudes de chacune de ces articulations.
[31] La travailleuse a témoigné à l’audience. Après avoir fait un rappel succinct des circonstances ayant entouré les circonstances de la lésion professionnelle dont elle a été victime le 20 septembre 2001, elle a décrit les problèmes de santé qu’elle éprouvait et pour lesquels elle a consulté de nouveau le docteur Chartrand à compter du 9 juin 2004. C’est surtout à compter du 19 janvier 2006 qu’elle l’a consulté de façon plus assidue, autant pour des problèmes à l’épaule droite qu’à l’épaule gauche et des problèmes cervicaux. Bien qu’elle ressentait des craquements dans son épaule gauche avant qu’elle ne soit victime de sa lésion, elle dira n’avoir jamais ressenti de douleurs auparavant et n’avoir jamais été empêchée de fonctionner. Ses douleurs sont toutefois plus importantes à droite qu’à gauche. Elle n’aurait commencé à ressentir des malaises à l’épaule gauche qu’à la suite d’une plus grande utilisation du membre supérieur gauche pour accomplir les activités courantes de la vie quotidienne. Par contre, elle n’a pas décrit ces activités, de sorte qu’elle n’a présenté aucune preuve à propos de celles qu’elle devait réaliser avec son membre supérieur gauche. Elle s’est limitée à alléguer que la tendinite à l’épaule gauche diagnostiquée par son médecin était attribuable à la surutilisation de son membre supérieur gauche.
[32] Par contre, à partir du 19 janvier 2006, la preuve démontre qu’elle n’était plus en mesure de fonctionner adéquatement. Les douleurs qu’elle ressentait à l’épaule droite, de même que celles qu’elle éprouvait à l’épaule gauche, l’ont forcée à l’inactivité. Ces douleurs l’obligeaient en outre à se reposer davantage et à faire des siestes plus fréquemment. Bien que son médecin ait consolidé sa lésion au 21 juin 2006, elle n’a pas été en mesure de reprendre le travail. À la date de l’audience, elle était toujours inactive au plan professionnel.
[33] Le docteur Tremblay a également témoigné à l’audience. Il estime que l’état de santé de la travailleuse tel qu’observé par le docteur Chartrand le 16 avril 2003, et décrit dans le Rapport d’évaluation médicale qu’il a signé la même date, s’est détérioré. Selon lui, sa colonne cervicale est devenue plus symptomatique et elle présente maintenant, comparativement à cette période, une diminution de l’amplitude articulaire de ses épaules, quoique la diminution de celle de gauche soit moins importante. Il est aussi d’avis que la travailleuse avait déjà commencé à ressentir des problèmes avant la survenance de l’événement du 20 septembre 2001, mais que cet événement les avait amplifiés. Il n’est pas étonné de constater que la travailleuse souffre encore d’une déchirure partielle du supra-épineux de l’épaule droite. Le type de réparation auquel s’est soumise la travailleuse ne donne jamais d’excellent résultat, de sorte qu’il n’est ni rare ni exceptionnel qu’une nouvelle déchirure se reproduise. Ce qui lui apparaît être le cas en l’espèce. Sans vraiment expliquer pourquoi, il considère que la condition de l’épaule gauche de la travailleuse est en relation avec l’événement du 20 septembre 2001. Quant à la condition cervicale de la travailleuse, il n’a guère élaboré sur la question autant dans son expertise médicale que lors de son témoignage. Au moment de son examen, il jugeait que la travailleuse n’avait pas, à cause d’une « aggravation importante » de la condition de son épaule droite, la capacité physique d’exercer l’emploi d’artisane en décoration florale.
[34] La loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et de conséquences qu’elle entraîne.
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[35] Quant à la récidive, rechute ou aggravation, la loi prévoit qu’elle peut constituer une lésion professionnelle.
[36] L'article 2 de la loi définit la lésion professionnelle comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[37] La loi ne définit toutefois pas les notions de récidive, rechute ou aggravation.
[38] La jurisprudence tant du tribunal que de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la CALP) qui l’a précédé suggère, pour apprécier ces notions, de retenir le sens courant des termes, soit la reprise évolutive, la réapparition ou la recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[12].
[39] Suivant cette jurisprudence, il n’est pas nécessaire qu’un nouveau fait accidentel survienne, mais une preuve prépondérante de nature médicale doit démontrer une relation entre la lésion initiale et la lésion alléguée par le travailleur comme constituant une récidive, rechute ou aggravation. Les critères généralement retenus pour déterminer la relation entre la lésion initiale et une récidive, rechute ou aggravation sont les suivants:
- la gravité de la lésion initiale;
- la continuité de la symptomatologie;
- l’existence ou non d’un suivi médical;
- le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;
- la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
- la présence ou l’absence d’une condition personnelle;
- la compatibilité de la symptomatologie alléguée lors de la récidive, rechute ou aggravation avec celle diagnostiquée lors de la lésion initiale;
- et le délai entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion initiale[13].
[40] La jurisprudence a également précisé qu’aucun de ces critères n’est à lui seul décisif, mais, pris ensemble, ils permettent de se prononcer sur le bien-fondé d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.
[41] Il appartient toutefois à la personne qui présente une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation de démontrer, par une preuve médicale prépondérante, l’existence d’une relation entre la lésion alléguée comme récidive, rechute ou aggravation avec celle diagnostiquée lors de la réclamation initiale[14].
[42] Qu’en est-il en l’espèce ?
LA TENDINITE À L’ÉPAULE DROITE
[43] La preuve prépondérante démontre que la lésion initialement subie par la travailleuse à l’épaule droite est réapparue. L’imagerie médicale pratiquée le 22 février 2006 a permis d’observer une nouvelle déchirure partielle du supra-épineux de l’épaule droite. C’est une déchirure similaire que l’intervention chirurgicale du 22 novembre 2002 devait avoir réparée. Comme en témoigne le docteur Tremblay, il n’est pas rare ni exceptionnel que de telles déchirures réapparaissent après ce type d’intervention.
[44] La preuve démontre également une certaine continuité de la symptomatologie à l’épaule droite. La travailleuse a continué à éprouver des douleurs à l’épaule gauche malgré la consolidation, le 16 avril 2003, de la lésion initialement subie, le 20 septembre 2001.
[45] En outre, avant la consolidation de sa lésion, elle avait dû se soumettre à une intervention chirurgicale qui l’a laissée avec un déficit anatomophysiologique de 8 % et des limitations fonctionnelles qui l’ont empêchée de reprendre le travail qu’elle exerçait au moment de sa lésion.
[46] La preuve démontre aussi l’existence d’un suivi médical tout au long du processus de réadaptation mis en œuvre pour assurer sa réinsertion professionnelle.
[47] L’imagerie médicale - la résonance magnétique pratiquée le 16 mars 2002 -, n’a pas démontré que la travailleuse était porteuse d’une condition personnelle à l’épaule droite.
[48] La symptomatologie alléguée lors de la récidive, rechute ou aggravation est la même que celle éprouvée lors de la lésion initiale.
[49] Le délai entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée, compte tenu de la continuité de la symptomatologie, et la lésion initiale n’est pas déraisonnable.
[50] Le tribunal conclut donc que la travailleuse a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 19 janvier 2006 et qu’elle a droit aux prestations prévues à la loi.
LA TENDINITE À L’ÉPAULE GAUCHE
[51] Pour ce qui est de la tendinite à l’épaule gauche, la travailleuse soumet que cette lésion est attribuable à la surutilisation de son membre supérieur gauche en raison de l’incapacité de son membre supérieur droit. Elle devait donc réaliser les activités courantes de la vie quotidienne avec son membre supérieur gauche. Selon elle, son médecin traitant et son médecin expert, son membre supérieur gauche compensait l’incapacité de son membre supérieur droit et c’est ce qui a provoqué la tendinite diagnostiquée à l’épaule gauche.
[52] Par contre la travailleuse n’a soumis aucune preuve quant aux activités de la vie quotidienne qu’elle devait réaliser avec son membre supérieur gauche.
[53] La preuve démontre plutôt qu’elle était passablement inactive compte tenu des douleurs qu’elle éprouvait. Elle devait se reposer davantage et faire des siestes quotidiennement.
[54] Elle a soumis plusieurs décisions du tribunal et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles traitant de la reconnaissance à titre de lésions professionnelles[15] de lésions attribuables à la surutilisation du membre opposé par compensation. Dans chacun des exemples jurisprudentiels évoqués, la preuve offerte démontrait clairement que la personne avait effectivement surutilisé le membre opposé au point d’en subir une nouvelle lésion. Avec égard pour l’opinion contraire, le tribunal estime qu’une telle démonstration ne lui a été faite dans la présente affaire.
[55] De surcroît, la travailleuse est porteuse d’une tendinite calcifiante du supra-épineux à l’épaule gauche. De l’avis du tribunal, il s’agit d’une condition personnelle dont la particularité est de se manifester avec l’âge. D’ailleurs, cette condition avait commencé à se manifester bien avant la survenance de sa lésion professionnelle puisqu’elle éprouvait, lors de la mobilisation de son épaule, une sensation d’accrochage.
[56] En conséquence, le tribunal estime que la tendinite diagnostiquée à l’épaule gauche de la travailleuse n’est pas une conséquence de la lésion professionnelle qu’elle a subie le 20 septembre 2001 et ne peut bénéficier du processus de réparation prévu à la loi.
LE DÉRANGEMENT INTERVERTÉBRAL MINEUR
[57] Le tribunal arrive à la même conclusion quant au dérangement intervertébral mineur diagnostiqué par son médecin.
[58] Certes la travailleuse a subi une entorse cervicale lors de la survenance de la lésion du 20 septembre 2001.
[59] Bien que la travailleuse ait conservé de cette blessure une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, la preuve démontre qu’elle est également porteuse d’une condition personnelle à la colonne cervicale. La résonance magnétique pratiquée peu de temps après la survenance de sa lésion a clairement démontré la présence d’une discopathie aux espaces intervertébraux C4-C5 et C5-C6 avec hernie discale associée.
[60] Il n’a pas été démontré que cette lésion dégénérative était attribuable à la lésion professionnelle de la travailleuse. Cette dégénérescence discale existait bien avant que ne survienne sa lésion professionnelle.
[61] Il est malheureusement dans l’ordre des choses que ce type de lésion dégénérative se manifeste davantage et devienne de plus en plus symptomatique avec le vieillissement.
[62] Le long silence médical entre l’entorse cervicale diagnostiquée à la suite de la lésion professionnelle de la travailleuse et le diagnostic de dérangement intervertébral mineur observé par le docteur Chartrand près de cinq ans plus tard milite en faveur de la simple manifestation d’une condition personnelle qui va en s’aggravant.
[63] D’ailleurs, le médecin expert retenu par la travailleuse n’a émis aucune opinion sur la relation entre le DIM cervical diagnostiqué par le médecin traitant de la travailleuse et la lésion professionnelle antérieurement subie par la travailleuse.
[64] Pour ces motifs, le tribunal estime qu’il n’y pas de relation entre ce diagnostic posé par le médecin traitant de la travailleuse et sa lésion professionnelle. À cet égard, lorsqu’il signe les rapports finals du 21 juin 2007, le docteur Chartrand ne fait plus allusion à ce diagnostic, ne retenant que ceux de tendinites aux épaules et algie aux poignets référées, provenant de ces tendinites.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée au tribunal par madame Fléchère Perry, la travailleuse, le 13 juin 2006;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 12 mai 2006;
DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle, le 19 janvier 2006, soit une récidive, rechute ou aggravation de la lésion qu’elle avait initialement subie le 20 septembre 2001 et qu’elle a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que le diagnostic attribuable à la récidive, rechute ou aggravation du 19 janvier 2006 est celui de tendinite à l’épaule droite;
DÉCLARE que cette lésion est consolidée le 21 juin 2007 sans soins ou traitements additionnels; et
RETOURNE le dossier de la travailleuse à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle apprécie si la travailleuse conserve, de cette récidive, rechute ou aggravation, une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles additionnelles à celles qui lui avaient été déjà reconnues.
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JEAN-PIERRE ARSENAULT |
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Commissaire |
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Me André Laporte |
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Laporte & Lavallée, avocats |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001.
[2] Article 429.15 de la loi.
[3] Voir l’opinion émise à la suite de l’échographie pratiquée à l’épaule gauche le 22 février 2006 à la page 157 du dossier soumis à l’attention du tribunal.
[4] Voir la copie du protocole d’imagerie médicale contenue apparaissant aux pages 113 et suivantes du dossier soumis à l’attention du tribunal.
[5] Précitée, note 4.
[6] Voir la copie du protocole opératoire à la page 140 du dossier soumis à l’attention du tribunal.
[7] Perry et Brake Parts Canada inc. et Brake Parts Canada inc. et Perry, C.L.P., 189205-63-0208 et 189249-72-0208, 17 décembre 2002, P. Perron.
[8] Voir la copie du compte-rendu de l’échographie des épaules de la travailleuse aux pages 156 et suivantes du dossier soumis à l’attention du tribunal.
[9] Voir le contenu du rapport médical du 8 mars 2006 qui fait partie de la pièce T-1 produite par la travailleuse.
[10] Paresthésie des extrémités, Note(s) : Les acroparesthésies nocturnes des mains, fréquentes surtout chez les femmes après 40 ans, sont habituellement l'expression d'une compression du nerf médian dans le canal carpien. Le grand dictionnaire terminologique, Office québécois de langue française, [En ligne], http://www.granddictionnaire.com (Page consultée le 28 septembre 2007).
[11] (1987) 119 G.O. II, 5576.
[12] Lapointe et Cie Minière Québec Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Morel et Le Centre Routier inc., [1989] C.A.L.P. 1181; Marshall et Adam Lumber inc., [1998] C.L.P. 853.
[13] Lapierre et Pharmacie Jean Coutu et Commission de la santé et de la sécurité du Travail - Laurentides, C.L.P. 144884-64-0008, 23 avril 2001, L. Nadeau.
[14] Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19 ; Leblanc et Prud’homme & Frères ltée, 40863-63-9206, 19 août 1994, A. Leydet.
[15] Sénéchal et Scierie Arsène Lévesque, C.A.L.P., 78380-01-9604, 17 janvier 2997, J.-G. Roy; Mergui et Toolique inc. et Importations Axmod, C.A.L.P., 29474-60-9106, 22 juin 1993, M. Zigby; Lachaine et Studio Thomas Wallace inc. (fermé), C.L.P., 151525-71-0011, 10 juillet 2001, H. Rivard; Giguère et Alimentation Giguère inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Chaudières-Appalaches, C.L.P., 162806-03B-0106 et 162807-03B-0106, 4 février 2002, C. Lavigne; Hotte et Service Travail-Maison, C.L.P., 186919-64-0206, 22 octobre 2002, J.-F. Martel; Barbeau et E. D. Brunet & Fils ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P., 297304-07-0608, 13 juillet 2007, M. Langlois.
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