Décision

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Giroux c. Magasin Best-Buy ltée

2018 QCCQ 1882

JD2786

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE  LONGUEUIL

LOCALITÉ DE LONGUEUIL

« Chambre civile »

 

N° :            505-32-035900-167                                                                                                        

 

DATE :      19 mars 2018

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

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DENIS GIROUX

                          Demandeur

c.

MAGASIN BEST-BUY LTÉE

ET LG ÉLECTRONIQUES CANADA INC.

                          Défendeurs

 

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JUGEMENT

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[1]           En 2009, Denis Giroux (« M. Giroux ») achète un réfrigérateur de marque LG chez Magasin Best-Buy Ltée (« Best-Buy ») qu’il paie 2 325,20 $. Moins de cinq ans plus tard, ce réfrigérateur cesse de fonctionner.

[2]           M. Giroux allègue que le réfrigérateur n’a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable, il réclame au vendeur Best-Buy et au fabricant LG Électroniques Canada inc. (« LG ») la somme de 4 274,16 $ représentant la valeur résiduelle du réfrigérateur et des dommages divers pour les pertes et inconvénients subis.

[3]           Best-Buy conteste la demande au motif qu’elle n’a pas été avisée du bris survenu en 2015, M. Giroux a fait affaire directement avec le manufacturier LG. Elle ne peut donc être tenue aux dommages réclamés.

[4]           Bien que dûment notifiée de la présente action, LG a fait défaut de la contester. La cause procède contre elle par défaut.

 

Questions en litige

[5]           Y a-t-il lieu d’appliquer ici l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur[1] (« la L.p.c. »)?

[6]           Dans l’affirmative, les différents chefs de réclamation sont-ils fondés?

[7]           La responsabilité du vendeur Best-Buy est-elle engagée, dans les circonstances?

Le contexte

[8]           En décembre 2009, le demandeur achète un réfrigérateur de marque LG au magasin Best-Buy, qui fait alors affaire sous le nom de Future Shop. Il le paie 2 325,20 $, taxes incluses.

[9]           Dès février 2010, le réfrigérateur fait défaut. Le vendeur et le manufacturier conviennent de le changer et lui en livrent un neuf le 7 février 2010.

[10]        Ce réfrigérateur bénéficie d’une garantie de cinq ans.

[11]        En septembre 2014, le vendeur Best-Buy effectue une réparation gratuitement : un des tiroirs est craqué, il est remplacé sans frais.

[12]        Le 17 août 2015, ce réfrigérateur cesse subitement de fonctionner, M. Giroux perd toutes les denrées qu’il contient.

[13]        Sachant que la garantie conventionnelle est expirée, M. Giroux communique avec un réparateur local qui l’informe que seuls les techniciens de la compagnie LG sont habilités à réparer son réfrigérateur.

[14]        Le 19 août, M. Giroux appelle le service de soutien technique de LG, mais malgré l’urgence de la situation il ne peut avoir un rendez-vous avant le 24 août.

[15]        Aucun technicien ne se présente à cette date. M. Giroux contacte le service à la clientèle du manufacturier, qui lui propose d’acheter une garantie prolongée d’un an au montant de 326,53 $ pour accélérer le traitement de sa demande de service.

[16]        M. Giroux se voit obligé d’accepter dans les circonstances et achète cette garantie.

[17]        Le 25 août, un technicien de LG déclare le réfrigérateur non réparable.

[18]        Le 31 août, après vérification, un autre technicien de LG l’informe que le réfrigérateur est réparable, mais la nouvelle visite de service n’aura pas lieu avant le 3 septembre suivant.

[19]        À cette date, un technicien se présente chez M. Giroux et note « boule de glace a lentrer de levaporateur donc sois un blocage de gaz, job de compresseur et job du système sceller. NEED PARTS *****2 roulette 4403jj3001a…barre 4270jj3001e COMPRESSEUR » (sic).

[20]        Le 10 septembre, le réparateur indique sur le bon de travail « vérification de l’étanchéité de système correct, installer un nouveau compresseur, la bar et les roulettes puis nettoyage de systèmes avec de l’azote correcte puis tirage au vide de système et chargé le fréon R134a et testé le réfrigérateur toute est fonctionnelle » (sic).

[21]        M. Giroux apprendra plus tard que les pièces remplacées étaient toujours couvertes par la garantie conventionnelle de sept ans plutôt que de cinq ans.

[22]        Le 20 septembre, le réfrigérateur cesse à nouveau de fonctionner, M. Giroux perd encore une fois tout son contenu.

[23]        Le 21 septembre il loge un appel de service et le 24 septembre, le technicien se rend chez lui. Dans son bon de travail, il indique « travaux effectués récupération de fréon puis vérification de réfrigérateur problème blocage totale dans le tube capillaire, testé le compresseur le mécanisme de compression endommagé, pas de compression, puis essayer de débouché le tube capillaire avec de l’azote, le tube capillaire et bloqué totalement, réfrigérateur pas réparable alors demande d’échange si possible » (sic).

[24]        Pour chaque rendez-vous avec un technicien, M. Giroux manque soit une journée de vacances soit une journée de travail.

[25]        Estimant que le réfrigérateur livré en février 2010 n’a pas eu une durée raisonnable eu égard notamment à son prix, M. Giroux adresse une mise en demeure au manufacturier LG et au vendeur Best-Buy, par son avocat, reprenant les faits décrits plus haut et leur réclame 4 252,01 $.

[26]        Par la présente action, M. Giroux réclame au manufacturier LG la somme de 4 252,01 $, soit principalement la valeur résiduelle du réfrigérateur (1 950,48 $), le remboursement de la garantie prolongée qui s’est avérée inutile (326,53 $) de même qu’une compensation pour les denrées perdues lors des deux pannes, la privation de l’usage du réfrigérateur et les pertes de temps et de salaire en raison des nombreux appels de service.

[27]        Il ne réclame à Best-Buy que la valeur résiduelle de ce réfrigérateur.

 

Y a-t-il lieu d’appliquer ici l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur ?

[28]        La Loi sur la protection du consommateur reçoit ici application, plus particulièrement les articles 37 et 38 :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[29]        Le vendeur Best-Buy ne conteste pas les prétentions de M. Giroux à l’effet que le réfrigérateur n’a pas eu une durée de vie raisonnable, eu égard à son prix et aux conditions d’utilisation de ce bien.

[30]        Le représentant du manufacturier LG, Faten Sidhom (« M. Sidhom »), des services exécutifs de la compagnie, reconnait dans les courriels échangés avec M. Giroux que la durée de vie du réfrigérateur est de 10 ans.

[31]        Par conséquent, vu la preuve non contredite que malgré les tentatives de réparations en août et en septembre 2015, l’appareil n’est plus réparable, M. Giroux peut exercer le présent recours en vertu des articles 54 et 272 L.p.c. :

54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l'article 37, 38 ou 39.

Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l'article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a) l'exécution de l'obligation;

b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c) la réduction de son obligation;

d) la résiliation du contrat;

e) la résolution du contrat; ou

f) la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[32]        Vu les dispositions de l’article 272 L.p.c., M. Giroux peut donc demander la réduction de son obligation à savoir la réduction du prix de vente payé en 2009 pour le réfrigérateur livré en 2010, et des dommages-intérêts.

M. Giroux a-t-il droit au montant réclamé?

[33]        La somme de 4 252,01 $ réclamée se répartit comme suit :

-      Valeur résiduelle du réfrigérateur                                                         1 950,48 $

-      Remboursement de la garantie prolongée qui s’est avérée inutile        326,53 $

-      Denrées perdues lors de la première panne                                          325,00 $

-      Denrées perdues lors de la deuxième panne                                        250,00 $

-      Privation de l’usage du réfrigérateur, les pertes de temps

      et inconvénients                                                                                      500,00 $

-      Perte de salaire due aux absences répétées du travail afin

      d’accommoder les techniciens                                                              900,00 $

[34]        Le Tribunal analyse séparément chacun des chefs de réclamation.

Valeur résiduelle du réfrigérateur (1 950,48 $)

[35]        Selon la preuve prépondérante, M. Giroux paie le réfrigérateur 2 325,20 $ pour son réfrigérateur, acheté en décembre 2009, et remplacé sans frais en février suivant.

[36]        Tenant compte qu’il a pu l’utiliser pendant cinq ans et vu l’admission du manufacturier LG quant à la durée de vie utile de dix ans, le Tribunal lui accorde la somme de 1 162,60 $ à titre de réduction du prix de vente.

Remboursement de la garantie prolongée (326,53 $)

[37]        La preuve non contredite est que M. Giroux achète la garantie prolongée en août 2015, sur la foi des représentations du manufacturier à l’effet que son dossier serait traité plus rapidement. Il s’avère que cette garantie prolongée était inutile, puisque les pièces changées par le technicien étaient toujours sous le couvert d’une garantie conventionnelle, tel qu’il apparait du bon de travail du 10 septembre.

[38]        M. Giroux a donc droit au remboursement de ce montant payé inutilement (326,53 $).

Denrées perdues lors des deux pannes (325,00 $ + 250,00 $)

[39]        Selon la description que fait M. Giroux du réfrigérateur, il s’agissait d’un appareil d’une capacité assez grande, tant la partie réfrigération que la partie congélation.

[40]        Tenant compte qu’il contenait des denrées pour nourrir une famille de deux adultes et occasionnellement pour leurs trois enfants, et vu le témoignage crédible et non contredit de M. Giroux, le Tribunal lui accorde le montant réclamé de 575,00 $.

Privation de l’usage du réfrigérateur, perte de temps et inconvénients, perte de salaire (500,00 $ + 900,00 $)

[41]        Le témoignage crédible et non contredit de M. Giroux est à l’effet qu’il a dû être présent à la maison à plusieurs reprises afin d’accommoder les techniciens chargés d’effectuer les réparations, alors qu’il semble que le ou les techniciens qui en étaient chargés aient changé d’opinion quant à savoir si le réfrigérateur était réparable ou non.

[42]        Le Tribunal a déjà indemnisé M. Giroux pour la privation de l’usage du réfrigérateur, mais il lui accorde la somme de 500,00 $ quant au temps perdu et pour les inconvénients en raison de la nécessité d’être présent lors des appels de service.

[43]        Quant à la perte de salaire alléguée, M. Giroux n’appuie sa réclamation d’aucune preuve documentaire. Puisque le Tribunal l’a déjà indemnisé pour les pertes de temps, il ne lui accorde pas de montant à ce poste de réclamation.

[44]        Le montant total auquel M. Giroux a droit est donc de 2 237,60 $.

La responsabilité du vendeur Best-Buy est-elle engagée, dans les circonstances?

[45]        M. Giroux reconnait qu’il ne communique pas avec le vendeur Best-Buy en août 2015 puisque la garantie conventionnelle est expirée. Il traite directement avec le manufacturier LG.

[46]        Best-Buy encourt une responsabilité in solidum (solidarité imparfaite) avec le manufacturier, vu l’article 54 de la L.p.c. cité plus haut.

[47]        Certes, M. Giroux n’a pas avisé par écrit Best-Buy des problèmes survenus en août et septembre 2015, ni de mise en demeure. Le Tribunal estime cependant qu’il s’agit d’une exception aux principes voulant que l’absence d’un avis ou d’une mise en demeure est fatale, puisque Best-Buy n’encourt pas de dommages du fait de l’absence de ces avis. En effet, le manufacturier a tenté sans succès de réparer le réfrigérateur, Best-Buy n’a pas démontré qu’elle aurait mieux réussi.

[48]        Par conséquent, elle doit être tenue solidairement envers M. Giroux du paiement de la somme de 1 950,48 $.

[49]        Le Tribunal se prévaut des dispositions de l’article 328 du Code de procédure civile (« C.p.c. ») :

328. Le jugement qui porte condamnation doit être susceptible d’exécution. Ainsi, la condamnation à des dommages-intérêts en contient la liquidation et la condamnation solidaire contre les auteurs d’un préjudice détermine, pour valoir entre eux seulement, la part de chacun dans la condamnation si la preuve permet de l’établir.

[50]        Ainsi, le Tribunal détermine la part de responsabilité de chaque partie défenderesse, pour ne valoir qu’entre elles, à raison de 100 % pour le manufacturier LG et 0 % pour le vendeur Best-Buy.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[51]        ACCUEILLE en partie l’action du demandeur;

[52]        CONDAMNE les défenderesses solidairement à payer au demandeur la somme de 1 162,60 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code Civil du Québec à compter du 15 novembre 2015, date de la mise en demeure;

[53]        DÉTERMINE, pour ne valoir qu’entre elles, la part respective des défenderesses dans cette condamnation à 100 % pour la défenderesse LG Électroniques Canada inc. et 0 % à la défenderesse Best-Buy Ltée;

[54]        CONDAMNE LG Électroniques Canada inc à payer au demandeur la somme de 1 401,53 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code Civil du Québec à compter du 15 novembre 2015, date de la mise en demeure;

[55]        CONDAMNE les défenderesses solidairement à payer au demandeur les droits de greffe de 100,00$.

 

 

 

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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.



[1]     RLRQ, c. P-40.1.

AVIS :
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