Décision

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Ferron et Coop. Fédérée de Québec

2007 QCCLP 3684

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

21 juin 2007

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

300322-04-0610

 

Dossier CSST :

129484911

 

Commissaire :

Me Guylaine Tardif

 

Membres :

Ginette Vallée, associations d’employeurs

 

Robert Goulet, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Alain Ferron

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Coop. Fédérée de Québec

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 5 octobre 2006, monsieur Alain Ferron (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue en révision par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 27 septembre 2006.

[2]                Par cette décision, la CSST accueille la demande de révision produite par Coopérative Fédérée de Québec (l’employeur), infirme sa décision initiale et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût de remplacement des lunettes brisées le 3 avril 2006.

[3]                L’audience s’est tenue à Trois-Rivières, le 18 juin 2007, en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur n’était ni présent ni représenté à l’audience. Le procureur de l’employeur a cependant produit une argumentation écrite au soutien de ses prétentions.

[4]                La cause a été mise en délibéré le 18 juin 2007.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit d’être remboursé du coût de remplacement des lunettes qu’il a brisées le 3 avril 2006.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que le travailleur a droit à l’indemnité qu’il réclame, puisque les conditions prévues à l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) sont réunies. Ils accueilleraient la requête.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit à l’indemnité qu’il réclame.

[8]                L’article 113 de la loi s’applique à cette réclamation. Il se lit comme suit :

113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.

 

L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.

__________

1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[9]                Le témoignage du travailleur a été entendu et il s’avère tout à fait crédible. Il en ressort que le 3 avril 2006, le travailleur s’affaire à manipuler des boîtes de grande dimension à l’intérieur d’un conteneur, avec l’aide d’un collègue. Quelques temps avant la pause du matin, il réalise que ses verres correcteurs ne sont plus accrochés à l’encolure de son chandail, où il les avait posés précédemment.

[10]           Les lieux ne sont éclairés que par une ampoule de 75 watts disposée à l’entrée du conteneur. Après les avoir cherchées, le travailleur retrouve ses lunettes sur le sol du conteneur. Elles sont brisées.

[11]           Il les avait achetées le 11 juin 2004. Or, selon le contrat d’assurance applicable dans l’entreprise, les employés ont droit au remboursement d’une paire de verres correcteurs à tous les deux ans. Le travailleur n’a donc pas droit d’être remboursé des verres brisés le 3 avril 2006.

[12]           Le travailleur prétend qu’il a droit à l’indemnité prévue à l’article 113 de la loi. Il produit plusieurs décisions rendues en la matière[1].

[13]           Les verres correcteurs brisés le 3 avril 2006 constituent une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (L.R.Q., c. L-0.2).

[14]           Selon le témoignage du travailleur et les inférences qu’on peut en tirer, cette orthèse a été endommagée involontairement par le fait de son travail le 3 avril 2006. Selon toutes probabilités en effet, les verres correcteurs ont été accrochés et sont tombés au sol pendant que le travailleur manipulait des boîtes de grand volume avec l’aide de son collègue.

[15]           Le fait qu’ils tombent au sol constitue un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause[2]. L’article 113 de la loi exige la survenance d’un seul événement imprévu et soudain. Avec respect pour l’interprétation différente retenue par le réviseur, il n’est donc pas nécessaire qu’il en survienne deux, c’est-à-dire un premier événement imprévu et soudain au cours duquel les lunettes sont accrochées, et un deuxième événement imprévu et soudain qui consiste en la chute des lunettes au sol.

[16]           L’employeur prétend que le travailleur avait accroché ses lunettes à un endroit inapproprié. Cependant et quand bien même ce serait le cas, la preuve ne démontre pas que le bris des lunettes a été volontaire. De plus, l’article 27 de la loi ne s’applique pas ici puisque le travailleur ne prétend avoir pas avoir été victime d’une lésion professionnelle.

[17]           Et finalement, le travailleur n’a pas droit à une indemnité en vertu d’un autre régime, et en particulier de son régime d’assurance collective. Il ne peut en effet réclamer plus d’une paire de verres correcteurs aux deux ans. Le seul fait qu’il soit bénéficiaire d’une police d’assurance ne correspond pas en l’espèce à l’exception prévue à l’article 113, parce que cette police ne lui donne pas droit à une indemnité. 

[18]           Dans les circonstances, les conditions de l’application de l’article 113 de la loi sont réunies.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la contestation de monsieur Alain Ferron, le travailleur;

INFIRME la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 27 septembre 2006;

DÉCLARE que monsieur Alain Ferron a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour le remplacement de ses verres correcteurs, et ce, jusqu’à concurrence de l’indemnité maximale payable en vertu de l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

GUYLAINE TARDIF

 

Commissaire

 

M. Bernard McNicoll

S.C.E.P.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Éric Latulippe

BERNARD, MCNICOLL

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           Commission scolaire Marguerite Bourgeois et Ménard, 301485-62C-0610, 30 avril 2007, S. Lemire; Morin et Poulette grise inc., 117169-32-9905, 9 décembre 1999, R. Ouellet; Carré et Compagnie de construction et développement Crie limitée, 173067-32-0111, 16 juillet 2002, C. Bérubé; Toulouse et Corporation ambulancière de Beauce, 168919-03B-0109, 24 septembre 2002, M. Renaud; Poirier et Médiacom Inc., 145224-62-0008, 13 février 2001, É. Ouellet; Rodrigue et Quebecor World St-Romuald, 29455-9-03B-0607, 14 mai 2007, G. Marquis.

[2]           Voir Poirier et Médiacom inc., précitée note 1, paragraphe 23; Carré et Compagnie de construction et développement Crie ltée, précitée note 1, paragraphes 25, 27 et 30; Morin et Poulette grise inc., précitée note 1.

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