Thériault c. Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc. |
2018 QCCQ 1536 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-22-078427-168 |
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DATE : |
21 février 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
GENEVIÈVE COTNAM, J.C.Q. |
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MATHIEU THÉRIAULT |
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Partie demanderesse |
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c. |
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INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET SERVICE FINANCIERS INC. |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] M. Mathieu Thériault réclame de l’Industrielle-Alliance, assurance et services financiers inc. (ci-après : « l’Assureur ») des prestations d’assurance invalidité pour la période du 16 mai 2013 au 14 janvier 2014
[2] L’Assureur refuse de l’indemniser puisqu’il ne rencontre pas la définition d’invalidité prévue au contrat durant cette période. L’Assureur considère que c’est à bon droit qu’il cesse le paiement des prestations le 15 mai 2013.
QUESTIONS EN LITIGE
[3] M. Thériault est-il invalide au sens de la police d’assurance après le 15 mai 2013 ?
[4] Si oui, pour quelle période ?
LE CONTEXTE
[5] M. Thériault travaille comme conseiller financier pour la défenderesse depuis le mois de novembre 2006.
[6] Son poste exige qu’il développe sa clientèle, rencontre les clients potentiels pour évaluer leurs besoins financiers et leur vendre les produits offerts par la défenderesse : assurance-vie, assurance invalidité ou divers produits de placement.
[7] M. Thériault est autonome dans l’exécution de ses tâches. Il doit faire sa prospection de clientèle et il est maitre de son horaire.
[8] Sous réserve d’une période de deux ans durant laquelle il occupe un poste de directeur des ventes, M. Thériault est payé strictement sur base de commission. L’incertitude au niveau de ses revenus est un facteur de stress pour lui.
[9] À la fin 2011, M. Thériault relève d’un nouveau superviseur avec qui il s’entend plus ou moins bien. Un nouveau directeur d’agence, M. Martin L’Heureux, entre en fonction au début 2012. M. Thériault décrit sa relation avec lui comme étant conflictuelle. Il considère ne pas être traité équitablement et il ressort de son témoignage qu’il en veut énormément à M. L’Heureux. Il affirme perdre de l’argent en raison du manque d’appui de son supérieur.
[10] En mars 2012, M. Thériault va moins bien. Il ressent beaucoup de pression en lien avec son travail. Il éprouve de la difficulté à se concentrer et à travailler. Son emploi exige beaucoup de discipline et il n’est pas payé s’il ne vend pas. Il éprouve donc un important stress financier auquel s’ajoutent des ennuis avec les autorités fiscales.
[11] M. Thériault a eu des problèmes de jeu par le passé. Il avait cessé de jouer à la suite d’une thérapie fermée en 2009, mais il recommence au cours de cette période.
[12] Ses proches l’incitent à consulter, car ils ne le reconnaissent plus. Alors qu’il se décrit comme quelqu’un d’avenant, de très sociable et de bonne humeur, M. Thériault ne veut plus rien faire. Il ne sort plus et ne veut voir personne.
[13] M. Thériault constate qu’il a de plus en plus de problème de concentration et de mémoire. Son caractère en souffre. Il manifeste de l’impulsivité et de l’agressivité. Il témoigne que les autres employés ont peur de lui. Il s’emporte pour un rien. M. Thériault relate avoir menacé une employée de la comptabilité.
[14] Au cours d’une visite éclair au bureau en novembre 2012, M. L’heureux lui fait un commentaire sur son habillement. M. Thériault explose, il claque la porte. Il dit qu’il veut tuer tout le monde.
[15] Une annonce à la télévision portant sur la dépression l’incite à consulter. Le 30 novembre 2012, il rencontre son médecin de famille, le Dr Richard Bolduc. Ce dernier le suit depuis 2006-2007.
[16] M. Thériault lui relate sa situation et le désespoir qu’il ressent. Il a des idéations suicidaires, mais sans de plan précis. Il veut tuer ses deux patrons. Il est fatigué, stressé et pleure sans raison.
[17] Dr Bolduc le place en arrêt de travail le jour même. Il assure un suivi aux deux semaines par la suite.
[18] À la suite de l’arrêt de travail, la condition de M. Thériault se détériore. Il ne sort plus de chez lui. Lors des vacances de Noël, il a un conflit avec sa mère qui ne semble pas comprendre son état. Il est stressé financièrement.
[19] Le ou vers le 5 janvier 2013, il remplit une demande de prestations d’invalidité auprès de l’Assureur. Dr Bolduc diagnostique un trouble d’adaptation évoluant vers une dépression. Il mentionne également un trouble d’attention et de concentration. Dr Bolduc note une perte d’initiative et une tendance du patient à négliger son hygiène. La durée de l’invalidité est alors inconnue. M. Thériault commence un traitement de Cipralex.
[20] L’Assureur accepte la demande d’indemnité et verse les prestations d’invalidité courte durée selon les termes du contrat. Durant cette période de 17 semaines, le dossier est géré par une tierce partie administrateur, Morneau Sheppell (ci-après : « l’Administrateur »).
[21] M. Thériault suit les recommandations de son médecin traitant. Les notes médicales font état d’oublis fréquents, de manque de concentration, de difficultés à prendre des décisions, de fatigue et de perte d’appétit. M. Thériault raconte qu’il fait des crises de panique notamment au volant de son véhicule automobile.
[22] Un nouveau rapport, non daté, semble être transmis à l’assureur vers le 29 janvier 2013. Il est alors question de trouble d’adaptation, avec angoisse associée. Le médecin traitant relate les principaux symptômes du patient. Il mentionne qu’il a de la « difficulté à supporter pression de vente ». Aucune date de retour au travail n’est mentionnée, mais le Dr Bolduc semble confiant que M. Thériault devrait retrouver sa capacité fonctionnelle à travailler.
[23] En mars 2013, l’Assureur, par le biais de l’Administrateur, suggère au Dr Bolduc de tenter un retour progressif au travail. Dr Bolduc s’y oppose. Il parle de problème de stabilité émotionnelle, d’impulsivité importante, d’angoisse et ajoute que M. Thériault débute une thérapie de six semaines pour le jeu. Dans ce rapport il fait état de certains constats et il envisage un retour au travail dans 2 à 3 mois.
[24] Le 29 mars 2013, Dr Bolduc complète un nouveau rapport destiné à l’Assureur. M. Thériault indique au formulaire qu’il a de : « sévères problèmes d’hésitations, de concentration et de décisions. Mes problèmes de stress m’empêchent d’avoir les idées claires pour bien faire mon travail. Fatigue vite et je veux tuer tout le monde ». Le Dr Bolduc évalue sa capacité fonctionnelle d’adaptation à 50 %. Il parle encore d’impulsivité, de diminution d’attention et de concentration, d’angoisse et de trouble panique à l’idée de retourner travailler. Il envisage un retour au travail vers la mi-juin.
[25] Le 8 avril 2013, la période d’invalidité courte durée est terminée et la protection longue durée est déclenchée. Selon les notes du Dr Bolduc, l’état de M. Thériault s’améliore. Il suite sa thérapie et prend sa médication.
[26] L’Assureur reprend la gestion du dossier. L’Administrateur lui transmet l’ensemble des rapports au dossier. L’Assureur verse les prestations en longue durée, mais décide de soumettre M. Thériault à un expert psychiatre indépendant, Dr Yvan Gauthier.
[27] Dr Gauthier rencontre M. Thériault pendant un peu plus d’une heure le 25 mars 2013. Il note que M. Thériault est mécontent d’avoir dû attendre avant le rendez-vous. Aux termes de cette rencontre, Dr Gauthier conclut que le trouble d’adaptation avec humeur mixte est en rémission et que M. Thériault sera en mesure de reprendre son travail une fois sa thérapie complétée le 15 mai 2013.
[28] M. Thériault est insatisfait de sa rencontre avec l’expert. Selon lui les questions posées ne sont pas pertinentes et n’ont pas permis de faire la lumière sur ses véritables problèmes. Il se sentait agressif durant l’entrevue.
[29] Il relate un épisode de rage au volant à sa sortie de la rencontre avec l’expert. Il suit jusqu’à sa destination un automobiliste qui a osé le couper. Il reprend le contrôle uniquement lorsqu’il réalise que le conducteur est un homme âgé de plus de 70 ans
[30] À la réception du rapport du Dr Gauthier, l’Assureur informe M. Thériault de sa décision de cesser les prestations à partir du 15 mai 2013. La représentante de l’Assureur, Mme Ginette Larrivière, confirme que M. Thériault est agressif lors de cette conversation téléphonique. Elle ajoute que la plupart des communications avec M. Thériault sont difficiles.
[31] Le jour même, M. Thériault se rend chez son médecin alors qu’il n’a pas rendez-vous. Il est hors de lui. Il écarte un autre patient pour entrer dans le bureau du médecin.
[32] Les notes du Dr Bolduc indiquent que le comportement de M. Thériault change à la suite de la décision de l’Assureur de cesser les prestations. Il devient de plus en plus agressif et même menaçant envers des tiers (assureur, psychiatre). Il lui prescrit du Seroquel pour contrôler son impulsivité.
[33] La preuve révèle que M. Thériault tente à plusieurs reprises d’entrer en contact avec le Dr Gauthier qui refuse de lui parler.
[34] Le 23 mai 2013, le Dr Bolduc informe l’Assureur qu’il doit prolonger l’arrêt de travail de M. Thériault « en raison d’une plus grande impulsivité chez monsieur et une crainte de non-contrôle des humeurs au point de menacer et de passer à l’acte envers d’autres personnes. ». Il ajoute que « monsieur présente de multiples facteurs de stress (lettre du ministère du Revenu pour impôt dû, difficulté à gérer la pression du travail, antécédents de jeu pathologique) qui le rendent non fonctionnel pour un retour au travail. Il explique avoir prescrit un nouveau médicament à son patient, le Seroquel, pour contrôler son impulsivité et son agressivité. Dr Bolduc évoque la possibilité de maladie bipolaire sous-jacente ou d’un trouble de personnalité borderline.
[35] L’Assureur fait suivre cette lettre au Dr Gauthier. Ce dernier, dans un rapport complémentaire succinct, maintient ses conclusions tout en rappelant qu’un trouble de personnalité ne justifie pas médicalement une période d’invalidité.
[36] Le ou vers le 13 juin 2013, M. Thériault est informé que l’Assureur maintient sa décision.
[37] La note du Dr Bolduc consignée le même jour fait état d’un retour des symptômes dépressifs à la suite de cette nouvelle.
[38] L’employeur de M. Thériault informe l’Assureur d’un retour au travail prévu pour le 1er juillet. La preuve révèle que M. Thériault se présente au travail une première fois et rebrousse chemin à la seule vue du véhicule de M. L’Heureux dans le stationnement.
[39] M. Thériault fait une deuxième tentative en juillet. À cette occasion, il réussit à se rendre à son poste de travail, mais est incapable d’ouvrir son ordinateur. Il quitte après 12 minutes. Il ne retourne plus par la suite.
[40] Le 29 juillet 2013, Dr Bolduc note que M. Thériault veut quitter son emploi. Il est retourné deux ou trois fois et n’est pas fonctionnel. Il est à la recherche de travail. M. Thériault témoigne que les démarches sont difficiles car il est incapable de se concentrer et de rédiger son CV.
[41] Au mois d’août, M. Thériault ne voit plus de solution. Il se décide à quitter son emploi et de vendre sa clientèle afin de pouvoir compter sur ce montant pour assurer sa subsistance.
[42] La note du Dr Bolduc en date du 20 août 2013 indique que M. Thériault a passé « une entrevue dans le même domaine pour un emploi qui n’est pas à commission donc moins stressant ». M. Thériault ne se souvient pas de l’entrevue ni même du nom de l’employeur potentiel. C’est un contact qu’il a eu par l’intermédiaire d’un ami. Il croit avoir fait une entrevue téléphonique, mais cela n’a pas fonctionné. Son état semble s’améliorer un peu. Il fait des démarches pour consulter en psychiatrie.
[43] Le même jour, Dr Bolduc communique avec l’Assureur. La preuve ne révèle pas la nature de l’échange.
[44] La note suivante du Dr Bolduc indique que M. Thériault a vendu sa clientèle et qu’il est en attente de la décision de l’Assureur sur son invalidité. Il attend toujours une consultation en psychiatrie. La preuve ne permet pas de savoir si une nouvelle demande est faite à l’Assureur à cette époque.
[45] En novembre 2013, une note indique que depuis 2 mois, M. Thériault a recommencé à pleurer. Il a des idées suicidaires et des problèmes financiers. Il a arrêté le Seroquel et il est plus agressif et impulsif. Il est question de ses difficultés dans la recherche d’un emploi.
[46] Le 21 novembre le Dr Bolduc relate que la police a dû intervenir auprès de M. Thériault à la suite de menaces de voies de fait. M. Thériault affirme être dans le même état que l’année précédente. Au niveau recherche d’emploi, il explique à son médecin qu’il envisage de faire des travaux de pelletage et de la livraison d’épicerie afin de gagner un revenu.
[47] En janvier 2014, M. Thériault commence un emploi chez Protectron afin de vendre des plans de protection par système d’alarme. Il obtient cet emploi par le biais d’une connaissance. Il n’a donc pas eu à soumettre son CV. M. Thériault est payé à la commission, mais reçoit une avance chaque semaine. Dans le cadre de cet emploi, il n’a pas à démarcher la clientèle. C’est Protectron qui fixe ses rencontres. M. Thériault explique que les exigences du poste ne se comparent pas à celles d’un conseiller financier. Son travail se limite à proposer aux clients l’un des deux plans offerts par Protectron.
[48] La date à laquelle M. Thériault commence cet emploi est litigieuse. Il affirme commencer vers le 14 janvier 2014, alors que l’Assureur, en s’appuyant sur dossier du Dr Bolduc, soumet qu’il a plutôt débuté au mois de décembre 2013. Interrogé à ce sujet, M. Thériault explique qu’il commence les démarches durant le temps des fêtes, mais commence son emploi uniquement à la mi-janvier. Il ne réclame plus de prestation d’assurance-invalidité après cette date puisqu’il est en mesure de travailler bien que sa santé demeure fragile.
[49] M. Thériault consulte une psychiatre en avril 2014 qui l’encourage à poursuivre son travail.
L’ANALYSE
1- M. Thériault est-il invalide au sens de la police d’assurance après le 15 mai 2013?
[50] L’Assureur verse à M. Thériault les prestations courte durée prévue à la police et débute ensuite le paiement des prestations en vertu de la couverture longue durée. Il décide cependant de soumettre M. Thériault à une évaluation par un expert indépendant.
[51] Sur foi de ce rapport, l’Assureur interrompt le paiement des prestations « longue durée » à partir du 15 mai 2013.
[52] L’Assureur ayant débuté le paiement des prestations longue durée, il lui appartient de faire la preuve qu’un changement dans la condition de l’assuré le justifie de mettre un terme au paiement des prestations[1].
[53] L’Assureur explique sa décision en s’appuyant sur le rapport du psychiatre Dr Gauthier.
[54] M. Thériault conteste les conclusions de l’expert et soutient qu’il était incapable d’effectuer un retour au travail à la date déterminée par le Dr Gauthier. En plus de son témoignage, il réfère aux notes consignées au dossier par son médecin traitant.
[55] Les deux médecins ne témoignent pas à l’instruction. Le Tribunal doit donc rendre sa décision en déterminant s’il retient les conclusions du rapport de l’expert mandaté par l’Assureur ou l’évaluation faite par le Dr Bolduc de l’état de son patient.
[56] Le Tribunal n’a pas de raison de remettre en cause les compétences des deux médecins.
[57] Dr Gauthier rencontre M. Thériault pendant une heure. Il a en sa possession les demandes d’indemnités complétées par M. Thériault et son médecin traitant. Il n’a pas copie du dossier médical de M. Thériault et ne bénéficie pas de l’éclairage fourni par les notes du Dr Bolduc.
[58] Bien qu’il ne connaisse pas l’issue de l’entrevue, M. Thériault est bouleversé en sortant de la rencontre, car il a l’impression que le Dr Gauthier ne lui a pas posé les questions pertinentes pour connaître son état.
[59] Dr Gauthier ne conteste pas le diagnostic initial posé par le Dr Bolduc, mais considère que M. Thériault est en rémission et qu’il peut donc reprendre son travail.
[60] M. Thériault produit l’ensemble des notes médicales du Dr Bolduc, ainsi que les communications entre celui-ci et l’assureur. Le Dr Bolduc est le médecin de famille de M. Thériault depuis 2006-2007. Il l’a donc connu avant les évènements de 2012.
[61] Dr Bolduc ne partage pas les conclusions de l’expert de l’Assureur. Bien qu’il reconnaisse qu’une partie des problèmes vécus par M. Thériault découle d’un conflit dans son milieu de travail.
[62] Cependant, les notes consignées au dossier médical, jumelées au témoignage de M. Thériault, permettent de croire que les difficultés qu’il éprouve dépassent une simple mésentente avec l’employeur. Les symptômes de dépression, l’isolement, l’impulsivité sont présents. Il en veut à ses patrons au point d’affirmer qu’il veut les tuer. Il est agressif envers les autres employés.
[63] La preuve démontre une amélioration de sa condition en raison de l’arrêt de travail et de la médication.
[64] M. Thériault ne se sent pas prêt à retourner au travail en mai 2013. Les problèmes de concentration et de fatigue sont toujours présents.
[65] La preuve démontre que la décision de l’Assureur exacerbe ses symptômes. La condition du patient décline par la suite. Malgré les démarches du Dr Bolduc, l’Assureur ne revient pas sur sa décision. Le témoignage de M. Thériault sur les tentatives de retour au travail est éloquent. Dans une situation financière précaire et réalisant qu’il ne serait pas en mesure de réintégrer son emploi comme conseiller financier, il décide de vendre sa clientèle. M. Thériault a besoin de revenus. Il sait qu’il doit travailler, mais les démarches sont difficiles. Faire son CV semble une tâche impossible. Il passe une entrevue, mais sans succès. Il évoque la possibilité de faire un travail purement physique comme livreur.
[66] La preuve démontre également que M. Thériault trouve un travail qui n’a pas du tout les mêmes exigences que son emploi antérieur.
[67] Les notes du Dr Bolduc ne se limitent pas à relater des propos rapportés par M. Thériault, mais font état de ses constats. Il connait le patient depuis des années. Il le voit aux deux semaines pendant la période en cause et consigne ses notes au dossier de façon objective. Il est à même de suivre son évolution. M. Thériault relate ses visites impromptues chez le médecin. Dr Bolduc est témoin de l’impulsivité de son patient et de ses menaces; il sent la nécessité de modifier sa médication à la suite de la décision de l’Assureur. Il intervient auprès de l’Assureur pour tenter de modifier la décision.
[68] Avec respect pour l’opinion de l’expert, à la lumière des faits du présent dossier, le Tribunal considère qu’il doit se fier à l’évaluation faite par le Dr Bolduc de l’état de son patient. Le Dr Gauthier conclut à un trouble d’adaptation avec humeur mixte en rémission. Le dossier du Dr Bolduc ne permet pas de conclure à une telle rémission.
[69] Le Tribunal conclut donc que le 15 mai 2013, M. Thériault est toujours invalide au sens de la définition suivante contenue à la police :
« L’incapacité totale et continue du participant, par suite d’une maladie ou d’une blessure accidentelle, qu’il empêche complètement d’exercer :
a) toutes et chacune des tâches de son travail régulier dans le délai de carence et durant les 12 mois qui suivent immédiatement ce délai, sans égard à la disponibilité de ce travail ;
[70] En effet, le Tribunal considère qu’en raison de son état M. Thériault était incapable d’exercer son travail régulier comme conseiller financier. L’Assureur interprète une mention dans les notes du Dr Bolduc indiquant que M. Thériault se cherche un emploi dans le domaine de la vente comme une reconnaissance du fait qu’il était en mesure d’exercer son travail.
[71] Le Tribunal considère à la lumière de la preuve que M. Thériault était incapable d’exercer les tâches requises d’un conseiller financier. Les problèmes d’impulsivité, d’agressivité et le manque de concentration semblent difficilement compatibles avec un emploi qui requiert d’être attentif aux besoins du client, d’être en mesure de lui expliquer des produits souvent complexes et de le conseiller sur les choix les plus appropriés à sa situation.
[72] Le Tribunal conclut donc que c’est en raison de sa maladie et non du conflit avec son employeur que M. Thériault est incapable de travailler.[2]
2- Si oui, pour quelle période ?
[73] L’Assureur plaide que la rupture du lien d’emploi au mois d’août 2013 entraîne la perte d’admissibilité à l’assurance invalidité pour M. Thériault. Il reconnait toutefois demeurer redevable du risque qui s’est réalisé avant la perte d’admissibilité à l’assurance.
[74] Puisque le Tribunal a conclu que M. Thériault était toujours invalide en date du 15 mai 2013 ainsi qu’à la date de sa cessation d’emploi, l’Assureur demeure sur le risque et doit continuer de verser les prestations même après le mois d’août 2013.
[75] L’Assureur n’est cependant plus tenu de payer les prestations à partir du moment où M. Thériault occupe un autre emploi rémunérateur comme représentant pour Protectron.
[76] L’Assureur soutient que M. Thériault a commencé à travailler pour Protectron en décembre 2013 et non le 14 janvier 2014. Il s’appuie sur une note d’un psychiatre consulté par M. Thériault qui indique simplement « vente de système d’alarme x 12/2013). De son côté M. Thériault reconnait avoir commencé ses démarches d’embauche auprès de Protectron en décembre 2013, juste avant Noël. Il occupe son emploi uniquement à parti du 14 janvier 2014.
Le Tribunal conclut que, jusqu’au 14 janvier 2014, M. Thériault est invalide pour occuper « son propre emploi » et que son droit à une prestation d’invalidité s’éteint à partir du moment où il occupe un nouvel emploi rémunérateur chez Protectron.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande;
CONDAMNE la défenderesse à payer rétroactivement au demandeur des prestations d’invalidité de longue durée fixée à 501 $ par semaine pour la période du 16 mai 2013 au 14 janvier 2014 inclusivement, le tout selon les termes et modalités de la police d’assurance liant les parties;
CONDAMNE la défenderesse aux frais juridiques.
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__________________________________ GENEVIÈVE COTNAM, J.C.Q. |
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Me Guy Ruel |
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Guy Ruel avocats |
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(casier 205) |
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Avocat de la partie demanderesse |
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Me Martin Winstall |
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Waite & Associés |
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1080, Grande Allée Ouest (SCD-1207 C.P. 1907, succursale Terminus Québec (Québec) G1K 7M3 |
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Avocat de la partie défenderesse |
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Date d’audience : |
29 novembre 2017 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.