Décision

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Kennedy c. Auto Karetta inc.

2023 QCCQ 841

COUR DU QUÉBEC

«Division des petites créances»

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N°:

500-32-161692-209

 

DATE :

7 mars 2023

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE JEAN-FRANÇOIS ROBERGE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

CLEVELAND KENNEDY

Demandeur

c.

AUTO KARETTA INC.

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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APERÇU

[1]                Monsieur Cleveland Kennedy (L’Acheteur) réclame 7631,15 $ à Auto Karetta inc. (9251-6913 Québec inc.) (Le Vendeur)[1] pour se faire rembourser plusieurs débours (réparation de la transmission, inspections, frais de remorquage, perte de revenus, etc.) engagés depuis l’achat en décembre 2017 du véhicule usagé Ford 250 2010 ayant 161206 km à l’odomètre[2]. Il prétend que la voiture n’offre pas la garantie légale de durabilité prévue à la Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.), car la transmission doit être changée environ un mois après l’achat alors que le camion a parcouru seulement 270 km[3].

[2]                Le Vendeur allègue que l’Acheteur a inspecté le véhicule avant l’achat, et que le problème de transmission résulte d’un usage abusif, dans un contexte où il y a eu d’importantes précipitations de neige[4].

QUESTION EN LITIGE

[3]                Afin de trancher le litige entre les parties, le Tribunal répond à la question suivante : «Le véhicule a-t-il servi à son usage normal pendant une durée raisonnable?»

[4]                L’Acheteur doit démontrer de manière prépondérante le défaut au véhicule, et la valeur du préjudice qu’il subit d’une manière directe et immédiate[5].

ANALYSE

[5]                Selon la L.p.c., le Vendeur est tenu à une garantie légale de durabilité[6]. Dans le cas présent, le véhicule usagé doit pouvoir «servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien»[7]. Selon les tribunaux, le standard objectif à appliquer pour évaluer la durabilité est celui des attentes raisonnables d’un consommateur moyen[8]. Le consommateur peut exercer ce type de recours directement contre le commerçant[9].

[6]                À la lumière de la preuve, le Tribunal est d’opinion que le véhicule ne sert pas à son usage normal pendant une durée raisonnable, et qu’une compensation de 3783,04 $ est justifiée pour rembourser les dommages directs et immédiats subis et prouvés. Voici pourquoi.

[7]                Premièrement, l’Acheteur fait la preuve prépondérante que la transmission doit être remplacée.

[8]                En effet, l’Acheteur démontre qu’il a dû faire remorquer le véhicule le 8 janvier 2018, et qu’un inspecteur conclut que la transmission doit être remplacée[10]. Après des discussions avec le Vendeur, le véhicule est remorqué le 6 février 2018 chez le concessionnaire Desjardins Ford (Le Concessionnaire). Le bon de travail confirme que le véhicule a parcouru environ seulement 270 km depuis l’achat. À la suite de la vérification de la transmission, le Concessionnaire fait une estimation pour son remplacement pour un montant de 5213,16 $[11].

[9]                Cet ensemble de faits rend vraisemblable le défaut de la transmission, et la nécessité de la changer après peu de temps et peu de kilométrage parcouru. Par conséquent, le Tribunal accorde 448,76 $ pour les frais de remorquage (74,73 $ + 74,73 $) et d’inspection du véhicule après achat (120 $ + 179,30 $), car ils sont des dépenses directes et immédiates pour constater et prouver le défaut de la transmission.

[10]           Le Tribunal ne retient pas le moyen de défense du Vendeur selon lequel l’inspection du véhicule avant l’achat démontre que la transmission ne comportait pas de défaut[12]. Ce type d’inspection visuelle n’inclut pas le démontage de pièces, comme cela aurait été nécessaire pour voir le problème de transmission.

[11]           Le Tribunal ne retient pas non plus l’argument du Vendeur voulant que l’Acheteur ait fait un usage abusif de la transmission. Cela demeure une hypothèse, et il semble plus réaliste que la transmission est défectueuse dès le départ étant donné le court laps de temps et le faible kilométrage parcouru avant que le défaut apparaisse.

[12]           Deuxièmement, l’Acheteur fait la preuve prépondérante qu’il a remplacé la transmission.

[13]           En effet, l’Acheteur témoigne qu’il a fait remplacer la transmission par D.W. Auto inc. pour un montant de 3334,28 $[13]. À l’audience, cela est confirmé par le témoignage du réparateur lui-même. Le coût de cette réparation est moins élevé que l’estimation de 5213,16 $ faite par le Concessionnaire[14]. Étant donné que cette réparation est nécessaire pour corriger le défaut à la transmission et permettre un usage normal du véhicule, le Tribunal l’accorde.

[14]           Troisièmement, l’Acheteur ne fait pas la preuve prépondérante des autres frais réclamés, ou qu’ils sont un préjudice direct et immédiat du défaut de la transmission.

[15]           En ce qui concerne la réclamation pour perte de revenus, elle n’est pas détaillée ni justifiée par aucune pièce, et par conséquent elle n’est pas accordée. Les frais postaux ne sont pas accordés étant donné l’absence de pièce justificative. En ce qui concerne l’indemnisation des témoins ordinaires, le principe veut que la charge soit assumée par la partie qui les convoque[15]. Il n’y a rien ici qui justifie de s’écarter de cette approche. En l’espèce, les témoins ne peuvent pas être qualifiés d’experts, car ils sont venus corroborer les documents déposés et non pas présenter une opinion[16]. Les frais de justice sont ainsi limités au remboursement du timbre judiciaire[17].

[16]           En résumé, le Tribunal estime que le véhicule n’offre pas la fiabilité à laquelle on peut s’attendre d’un camion payé 10600 $ ayant sept ans et ayant parcouru 161475 km. Dans ce contexte, un consommateur peut avoir les attentes raisonnables de rouler beaucoup plus de 270 km avant de devoir changer la transmission. Sans la réparation de la transmission, le véhicule ne peut pas rouler et servir à son usage normal.

[17]           Par conséquent, le Tribunal conclut que les frais payés pour le remorquage, l’inspection et les réparations sont une conséquence directe et indemnisable du défaut de durabilité, et qu’ils doivent être remboursés à l’Acheteur.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE partiellement la demande;

CONDAMNE Auto Karetta inc. (9251-6913 Québec inc.) à payer le montant de 3783,04 $ à Monsieur Cleveland Kennedy avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 12 mars 2020;

LE TOUT, avec les frais de justice de 193 $.

 

 

_______________________________

JEAN-FRANÇOIS ROBERGE, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

20 février 2023

 


[1]  Pièce P-5.

[2]  Pièce P-1.

[3]  Art. 37, 38, 160 d) et 272 L.p.c.; Pièces P-2, en liasse et P-3.

[4]  Pièce D-8.

[5]  Art. 272 L.p.c.; Art. 1607, 1611, 1613, 2803 et 2804 C.c.Q.

[6]  Art. 37 et 38 L.p.c.

[7]  Art. 38 L.p.c.

[8]  Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, par. 81.

[9]  Art. 54 L.p.c.

[10]  Pièce P-2, en liasse.

[11]  Pièce P-2, en liasse.

[12]  Pièce D-2.

[13]  Pièce P-3.

[14]  Pièce P-2 ,en liasse.

[15]  Art. 273 et 560 al. 4 C.p.c.; Art. 2 Règlement sur les indemnités et les allocations payables aux témoins cités à comparaître devant les cours de justice. RLRQ, c. C-25.01, r. 05.

[16]  Art. 231 C.p.c.

[17]  Art. 339 C.p.c.

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