Serp c. CanAssistance inc. |
2020 QCCQ 1370 |
||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||
Division des petites créances |
|||||
CANADA |
|||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
||||
|
|||||
N° : |
500-32-705268-185 |
||||
|
|||||
DATE : |
Le 30 mars 2020 |
||||
_____________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LUC HUPPÉ, J.C.Q. |
|||
_____________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
|
|||||
CRISTIAN SERP |
|||||
Demandeur |
|||||
c. |
|||||
CANASSISTANCE INC. |
|||||
et |
|||||
LA CAPITALE ASSUREUR DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE INC. |
|||||
Défenderesses |
|||||
|
|||||
_____________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
JUGEMENT |
|||||
_____________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
[1] Le demandeur Cristian Serp réclame une somme de 15 000 $ à son assureur, La Capitale assureur de l’administration publique inc. (ci-après appelée « La Capitale »), ainsi qu’à l’agent payeur de celle-ci, la défenderesse CanAssistance inc. (ci-après appelée « CanAssistance »), à titre de remboursement partiel des frais médicaux encourus lors d’un voyage en République dominicaine. Les défenderesses invoquent une exclusion de la police d’assurance pour contester cette réclamation.
[2] Le présent dossier soulève les deux questions suivantes : a) M. Serp est-il en droit de se prévaloir de la police d’assurance relativement aux problèmes de santé éprouvés lors de son voyage; et b) dans l’affirmative, a-t-il fait la preuve de ses dommages ?
CONTEXTE
[3] En mai 2017, au retour d’un voyage en Roumanie, M. Serp consulte son médecin en rapport avec un problème pulmonaire. Il passe des tests à la Cité de la Santé de Laval le 17 mai 2017 et fait l’objet d’un suivi hebdomadaire par la suite. M. Serp avait planifié un voyage en République dominicaine du 9 au 23 juillet suivant. Le 27 juin, le Dr Bruno Paradis lui confirme que son état est stable et qu’il n’existe pas d’empêchement à ce qu’il parte à nouveau en voyage. Il lui prescrit aussi de la Prednisone, un médicament utilisé contre l’inflammation, que M. Serp prendra pendant une dizaine de jours, jusqu’à son départ pour la République dominicaine. Aucun diagnostic n’est posé à cette époque.
[4] En tant qu’employé de la Société des transports de Montréal, M. Serp est couvert par une assurance collective qui lui accorde notamment une protection lors de voyages. Le 3 juillet 2017, il entre en communication avec CanAssistance afin d’expliquer la situation dans laquelle il se trouve et vérifier que son état de santé ne le prive pas de son assurance voyage. Au cours de cette conversation, il divulgue entre autres le nom du médicament prescrit par le Dr Paradis. Il comprend de sa conversation qu’il peut partir tel que prévu.
[5] M. Serp s’envole pour la République dominicaine le 9 juillet. Quelques jours plus tard, il est hospitalisé d’urgence à la clinique médicale de Samana en raison de vomissements, de diarrhées et de fortes fièvres. M. Serp se retrouve avec une bronchopneumonie aspirante découlant de l’introduction de vomissure dans ses poumons. Son état est si grave que le médecin qui le reçoit, le Dr Chavez Rodriguez, recommande son rapatriement au Canada. Malgré les démarches de son épouse et de l’hôpital auprès des défenderesses, ces dernières refusent d’assumer de tels frais. En outre, la Clinique confisque son passeport pour garantir le paiement des sommes qui lui sont dues.
[6] M. Serp doit donc prendre par lui-même les dispositions nécessaires pour assumer ses obligations financières envers la clinique où il est hospitalisé et organiser son retour avec les précautions requises par son état de santé. Après dix jours d’hospitalisation, il revient au Québec le 23 juillet, tel qu’il était initialement prévu, non sans avoir besoin de recevoir de l’oxygène au cours du vol. Le jour de son départ de la Clinique, il doit signer un engagement de payer les frais découlant de son hospitalisation.
[7] À son retour, M. Serp se dirige immédiatement à la Cité de la santé à Laval, où il est hospitalisé jusqu’au 28 juillet 2017. Les examens qu’il subit alors confirment le diagnostic de bronchopneumonie par aspiration. Le Dr Paradis l’informe aussi du résultat des tests réalisés avant son départ concernant l’anomalie pulmonaire qui avait été détectée. Il pose alors un diagnostic de protéinose alvéolaire, une maladie rare qu’il porte depuis plusieurs années sans le savoir. Cette maladie ne requiert pas nécessairement de traitement et ne l’empêche pas de voyager.
[8] Considérant que les problèmes de santé éprouvés au cours de son voyage ne sont aucunement liés à cette maladie, M. Serp met en demeure les défenderesses le 8 décembre 2017, par l’intermédiaire de son avocat, d’assumer les frais médicaux encourus lors de son hospitalisation en République dominicaine. Par lettre du 12 janvier 2018, La Capitale refuse de donner suite à cette demande en invoquant une exclusion de la police d’assurance. M. Serp intente son action le 30 avril 2018.
ANALYSE
[9] La police d’assurance dont M. Serp est bénéficiaire contient la protection d’assurance voyage suivante :
Les frais usuels et raisonnables et les services décrits ci-après sont admissibles s’ils sont engagés par suite d’une situation d’urgence résultant d’un accident ou d’une maladie survenu alors que l’assuré est temporairement à l’extérieur de sa province de résidence et à la condition que l’assuré soit couvert par la Régie de l’assurance maladie de sa province de résidence.
[10] Le terme « maladie » est défini à l’article 1.26 de la police d’assurance comme étant « toute détérioration de la santé ou désordre de l’organisme constaté par un médecin ». Il ne fait pas de doute que le problème de santé éprouvé par M. Serp lors de son voyage en République dominicaine entre dans cette définition et qu’il était en principe couvert par la police d’assurance.
[11] Les défenderesses prétendent que la condition médicale de M. Serp n’était pas stable, au sens donné à cette notion par la police d’assurance, avant son départ pour la République dominicaine. Elles fondent leur refus d’indemnisation sur l’exclusion suivante, contenue dans la même disposition :
Pour être couvert par la présente garantie, un assuré souffrant d’une maladie ou d’une affection connue doit s’assurer avant son départ que cette maladie ou cette affection est stable et sous contrôle, qu’il peut effectuer ses activités quotidiennes régulières et qu’il ne présente aucun symptôme pouvant raisonnablement laisser présager qu’il puisse présenter des complications ou requérir des soins médicaux pendant la durée du séjour prévu à l’extérieur de sa province de résidence.
« Stable » se dit de l’état de santé d’un assuré qui :
- dans les 30 jours précédant la date de début du voyage pour les employés actifs; ou
- dans les 90 jours précédant la date de début du voyage pour les employés retraités;
n’est affecté par aucune condition médicale, ou est affecté par une condition médicale qui :
- n’a fait l’objet d’aucune modification ou recommandation de modification du traitement ou de la posologie des médicaments prescrits; et
- n’est caractérisée par aucun symptôme ne laissant présager une détérioration de la condition médicale pendant la durée du voyage.
L’assuré qui présente une maladie ou une affection connue, qui est incertain quant à son état de santé ou qui est dans l’attente d’un diagnostic, doit communiquer avec l’Assisteur au moins 15 jours avant le départ pour obtenir une confirmation de la couverture d’assurance en vertu de la présente garantie.
[12] Dans une lettre du 9 août 2017, CanAssistance justifiait comme suit le refus de couverture :
Basé sur les éléments énoncés et les conditions décrites dans le contrat d’assurance voyage que nous administrons pour La Capitale, nous ne pouvons considérer que les soins reçus en voyage, découlent d'une maladie subite et inattendue qui s'est déclarée en voyage ni que votre condition médicale était stable avant votre départ en voyage.
[13] Dans une lettre du 12 janvier 2018, après avoir cité l’exclusion mentionnée ci-dessus, La Capitale explique comme suit son refus d’indemniser M. Serp :
Comme vous le savez, votre client a effectué un séjour à l'extérieur de sa province de résidence du 9 au 23 juillet 2017.
Or, tel que prévu dans l'extrait mentionné précédemment, votre client devait s'assurer, avant son départ, que sa maladie ou son affection était stable et sous contrôle.
A cet effet, dans les 30 jours précédant le 9 juillet 2017, la maladie ou l’affection de votre client ne devait pas avoir fait «l’objet d'aucune modification ou recommandations de modification du traitement ou de la posologie des médicaments prescrits».
Également, la maladie ou l'affection de votre client ne devait être caractérisée par aucun symptôme ne laissant présager une détérioration de la condition médicale de votre cliente pendant la durée du voyage.
Cependant, à la lecture du dossier médical de votre client, nous constatons notamment que durant la période de 30 jours précédant son départ, il était alors suivi pour une pathologie pulmonaire avec dyspnée persistante, qu’un nouveau médicament avait été introduit dans son plan de traitement et qu'au surplus, sa condition nécessitait des investigations en pneumologie.
Compte tenu de ce qui précède, l'assureur était bien fondé de statuer que votre client n'était pas couvert par la garantie d’assurance maladie prévue au contrat durant le séjour qu’il a effectué à l’extérieur de sa province de résidence du 9 au 23 juillet 2017.
En terminant, nous sommes d’avis que la clause d'exclusion et de réduction ci-haut mentionnée est parfaitement intelligible et ne souffre d’aucune ambiguïté.
En ce sens, l’origine du problème de santé ayant lieu à l'extérieur de la province de résidence d'un adhérent, ne peut avoir pour effet de remettre rétroactivement en vigueur une couverture d’assurance maladie qui n’était pas en vigueur lors du départ d’un adhérent.
Ainsi donc, il est erroné et contraire à l’esprit du contrat d’assurance collective ci-haut mentionné, de prétendre que la garantie d’assurance maladie s'appliquait à votre client durant son séjour à l'extérieur de sa province d'origine simplement en raison du fait que (fait que nous n’admettons pas) que le problème de santé qu'il a subit entre les 13 et le 23 juillet 2017 n'est pas en lien avec la maladie ou l'affection dont il souffrait et ayant mené son absence de couverture.
[14] Le dernier paragraphe de cette lettre constitue une interprétation erronée de la police d’assurance. Selon les termes mêmes de l’exclusion invoquée par les défenderesses, il est nécessaire d’établir un lien quelconque entre le problème de santé survenu durant le voyage et la condition médicale antérieure. En effet :
· l’affection doit être « stable et sous contrôle » : le lien établi entre le mot « stable » et le mot « contrôle » indique que c’est le risque d’une perte de contrôle sur la maladie pendant le voyage qui est appréhendé;
· il ne doit y avoir aucun symptôme pouvant raisonnablement laisser présager que l’assuré puisse « présenter des complications ou requérir des soins médicaux » pendant la durée de son séjour : le terme « complications » renvoie lui aussi à une aggravation de la maladie existante et la mention des « soins médicaux » fait nécessairement référence à des soins requis par la condition préexistante, et non à des soins requis pour toute autre raison, sinon cette couverture d’assurance voyage est inutile;
· aucun symptôme ne doit laisser présager « une détérioration de la condition médicale » pendant la durée du voyage : l’utilisation de cette expression indique aussi clairement que c’est l’évolution de la condition médicale existante qui est visée par l’exclusion.
[15] Les défenderesses le reconnaissent d’ailleurs dans leur contestation écrite :
6. Lors du même appel, le demandeur a informé CanAssistance qu’il n’a pas reçu de diagnostic de la part de son médecin traitant, Dr Bruno Paradis. CanAssistance l’a alors avisé que dans l’éventualité où il devait consulter pour des symptômes en lien avec les médicaments prescrits par Dr Paradis ou en lien les symptômes relatifs à cette consultation durant son voyage, sa condition devrait être réévaluée par CanAssistance et toute condition reliée à sa condition avant son départ ne serait pas couvert durant ledit voyage;
[16] C’est aussi le sens des informations qui lui sont données par CanAssistance lors de l’appel téléphonique du 3 juillet 2017. La transcription non officielle de cette conversation, déposée au procès par le représentant de CanAssistance, contient notamment ce qui suit[1] :
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Merci de votre patience monsieur, donc on est allé vérifier avec une infirmière, puisque vous n’avez pas de diagnostic, précis, si vous deviez consulté en voyage pour quoi que ce soit qui est en rapport avec la fatigue ou avec quelques symptômes relié avec le médicament que vous prenez, faudrait qu’on évalue avec des rapports médicaux. Par contre si vous deviez consulter pour parce que vous tombez, vous vous faites mal à la cheville, vous avez un accident quelconque ça serait couvert. Si vous deviez consulter pour quelque chose relié à la fatigue ou à des douleur qui auraient rapport avec la prise de médicament faudrait qu’on l’évalue, ok, parce que comme on a pas de diagnostic précis, on peut pas savoir qu’est-ce que vous avez. |
Cristian Serp : Pas de diagnostic, aussi je parlais avec le monsieur Docteur, j’ai dit que je partais en République Dominicaine et il m’a dit aucun problème je peux partir. |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Oui, mais y’ont pas les même critères de stabilité que les assurances, elle l’assurance veut que vous soyez stable pour couvrir une condition médicale, mais comme vous n’avez pas de diagnostic en ce moment on peut pas vous dire que ça va être couvert ou non, on a besoin de plus d’information, c’qu’on aurait fait si on avait eu plus de temps, c’est de vous envoyer un questionnaire médical à faire remplir par votre médecin, par contre comme vous partez dans 6 jours, heu on aura certainement pas le temps de le recevoir et de l’analyser, c’est pour ça, que pour l’instant, heu est-ce que vous pensez avoir le temps d’aller porter un document au médecin d’ici votre voyage, parce qu'on pourrais |
Cristian Serp : Non, il est aussi en congé |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Ah, ok, dans ce cas là, comme je vous ai dit, on met pas d’exclusion, mais si vous devez consulter il faudrait qu’on vérifie les rapports médicaux de vos médecins de famille et de la république dominicaine pour voir si on couvrirait votre consultation, d’accord ? Mais si ça reste un accident, vous tombez, vous vous faites piquer par un poisson, quelque chose du genre, y’a pas de problème, si c’était en lien avec quelque chose par rapport aux médicaments, d’Ia fatigue ou des douleurs musculaires, ou quelque chose du genre, il nous faudrait des rapports médicaux. |
Cristian Serp : Il faut les rapports médicaux ? |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Oui |
Cristian Serp : Mais si il arrive quelque chose par rapport au médicaments ? Je suis couvert ? |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Non, Comme je vous dit, pour le moment on le sait pas, on a besoin de plus d’information, mais comme y’é trop tard, on a pas le temps, vu que vous n’avez pas de diagnostic, vous pouvez pas aller chez le médecin, on peut pas vous dire |
Cristian Serp : Oui, c’est ça, effectivement, oui je comprend ce que vous dites, je peux pas dire rien, j'ai demandé au docteur un diagnostic, il a dit on verra dans 30 jours, on fait encore des analyses, qu’est-ce que t’arrives |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Ok, comme je vous dit, pour l’instant c’est pas que c’est pas couvert, c’est pas exclu, c’est juste qu’on a besoin de plus d’information, si vous deviez consulter en voyage pour quelque chose en lien avec vos symptômes que vous aviez en allant chez le médecin. Ok ? |
Cristian Serp : Donc en principe, on fait un résumé, en principe tout est couvert, mais si s’arrive quelque chose impossible de d’être, ha, ha, ha, s’a être quelque chose de avec les médicaments |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Szzz, dans le fond, si il vous arrive un accident, vous avez un accident d’auto, vous tombez, vous vous faites mal à la cheville, vous vous faites piquer par une méduse, ça s’est couvert, par contre si vous deviez consulter pour quelque chose en lien avec les symptômes que vous aviez en allant chez le médecin, la fatigue, les douleurs, ou quoi que ce soit du genre, ça je ne peut pas vous garantir que ce sera couvert, on va avoir besoin des rapports médicaux des médecins de famille et des médecins en république Dominicaine. |
Cristian Serp : Oui, oui, je comprends, comme il n’y a pas de diagnostic. |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : C’est ça, vu qu’il n’y a pas de diagnostic, on peut pas vous dire que ça va être exclu, vous avez pas de diagnostic, pour l’instant, si ça avait rapport avec vos symptômes, on pourrait pas vous dire si ce serait couvert ou pas, on a besoin de plus d’information. Ok ? |
Cristian Serp : Oui, oui, vous avez raison, mais je vous dire aussi, ha, ha, diagnostic comme ça, je passais trois fois chez lui, et il m’a dit comme ça, pas de problème, tu peux partir comme ça, en voyage, avec le médicament avec ce qui arrive là-bas, |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Oui, ça les médecins vont vous dire que vous pouvez partir, mais vous avez une clause de stabilité dans votre contrat, donc vous pouvez avoir une condition médicale stable, mais là on a pas assez d’information. |
Cristian Serp : Oui, oui, c’est vrai, je sais ce que vous dites, mais je crois que le médecin il juge que quelque chose un peu, t’es mieux de rester dans pays, ne pas partir, c’est tout. |
Ève Mercure Rondeau (CanAssistance) : Ben, ben, comme je vous dit les médecins vont vous dire de partir, mais l’assurance ne va pas nécessairement couvrir votre condition, c’est pour ça que pour l’instant, je vous dit que ça va être à évaluer. |
(soulignements ajoutés)
[17]
Selon la règle posée par l’article
[18] La preuve démontre clairement l’absence de lien entre la condition médicale de M. Serp avant son départ pour la République dominicaine et le problème de santé vécu pendant son voyage.
[19] Le Dr Paradis affirme qu’au plan médical, l’état de M. Serp était stable avant son départ pour la République dominicaine et que depuis son retour, il n’a pas été nécessaire de le traiter à l’égard de la protéinose alvéolaire. Dans son rapport du 1er août 2017, transmis aux défenderesses, il écrit ce qui suit :
La dernière visite clinique a eu lieu le 20 juin 2017 et ce patient totalement asymptomatique avec un examen normal et une auscultation pulmonaire également normale.
(…)
Les assurances contestent le remboursement des frais médicaux qui ont découlé de l’épisode infectieux en République dominicaine. Il n’y avait aucun événement infectieux préalablement au départ autre qu’une colonisation bactérienne.
[20] L’attestation médicale finale[3] émise le 5 novembre 2017 par le Dr Chavez Rodriguez de la Clinique de Samana relate ce qui suit en ce qui a trait à l’état de santé de M. Serp pendant son hospitalisation :
HISTORY OF THE CURRENT DISEASE:
This is a 49-year-old male patient who was admitted to our center on July 13, 2017 and discharged on July 23, 2017. This patient was admitted with gastro-enteric symptoms due to nausea and vomiting that caused pneumonia by aspiration, in addition to this, he has diarrhea (5 to 6 episodes) daily and plentiful, fetid, also abdominal cramps and burning pain in the epigastrium in addition to high fever of 39 degrees Celsius, he also presented wet cough with bloody sputum, lack of air of great intensity that increased when walking and light efforts, right hemi-thorax pain in the side point that intensifies when coughing and breathing, moderate thirst, scanty urine, dry tongue. Decay and marked weakness, great shot of the general state.
On July 23, the patient was discharged in stable conditions despite maintaining a wet cough and expectoration of the hemoptysis, discrete epigastric pain that appears after the ingestion of foods with gastroesophageal reflux. No nausea or vomiting, no diarrhea, no fever.
(…)
DEFINITIVE DIAGNOSIS:
· Food poisoning
· Acute Gastroenteritis.
· Bronchopneumonia cause by aspiration
· Severe Dehydration.
[21] Dans un rapport du 6 octobre 2017, le Dr Liviu Sorel Brohovici, qui a été consulté une quinzaine de fois par M. Serp entre 2007 et 2017, parvient à l’opinion suivante après avoir consulté le rapport du Dr Paradis, le rapport de la clinique Samana et les documents de son hospitalisation à la Cité de la santé de Laval suivant son retour de la République dominicaine :
Le prélèvement du 26 juillet 2017 fait sur le lavage broncho alvéolaire trouvait comme microorganisme l'Enterobacter Cloacae, un germe intestinal provenant, donc, du tube digestif.
Le diagnostic à la Cité de la Santé se lit ainsi :
Diagnostic principal : Bronchopneumonie à Enterobacter Cloacae
Diagnostic secondaire : Protéinose Alvéolaire
Un ct scan du thorax du 4 août donnait des images dont « l'ensemble est compatible avec un phénomène infectieux inflammatoire avec des opacités résiduelles de cette nature, actuellement surajoutées au tableau connu de protéinose alvéolaire» (extrait du rapport).
Considérant l'ensemble de l'histoire de la maladie ainsi que tous les éléments mentionnés plus haut il est légitime de penser que ce patient a fait une bronchopneumonie d'aspiration ce qui aurait pu arriver à n'importe quelle personne qui aurait vomi dans ses bronches avec ou sans condition pulmonaire préalable.
Il serait plutôt difficile, il me semble, de démontrer que l'affection du patient (bronchopneumonie infectieuse) a été la conséquence de sa condition alvéolaire aseptique.
[22] Le Dr Brohovici a réitéré cette opinion lors de son témoignage à l’audience. Il affirme qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre la protéinose alvéolaire et la bronchopneumonie par aspiration. Le prélèvement auquel il fait référence, et qui a été réalisé à la Cité de la Santé au retour de M. Serp, démontre d’ailleurs clairement l’origine intestinale du problème de santé vécu au cours de ses vacances.
[23] La preuve médicale présentée par M. Serp n’a pas été contredite par les défenderesses. En fait, les défenderesses n’ont apporté aucune preuve, de quelque nature que ce soit, susceptible de remettre en cause la position unanime exprimée par l’ensemble des intervenants médicaux à propos de l’absence de lien entre la protéinose alvéolaire dont M. Serp est affecté et les ennuis de santé qu’il a connus lors de son voyage en République dominicaine.
[24] Au cours de son témoignage, le représentant de CanAssistance a fait référence à l’opinion de médecins consultés par les défenderesses, mais aucun rapport de ces médecins n’a été déposé et ceux-ci n’ont pas été appelés à témoigner pour contredire la preuve médicale soumise par M. Serp. Ainsi, les défenderesses n’ont fourni aucune preuve, quelle qu’elle soit, susceptible de soutenir et d’expliquer, au plan médical, leur décision de refuser d’indemniser M. Serp. Selon une jurisprudence constante et bien établie[4], que les défenderesses ne peuvent ignorer, c’est à elles qu’incombe le fardeau de preuve quant à l’application d’une exclusion stipulée à la police d’assurance.
[25] Les défenderesses invoquent aussi que, bien que la condition de M. Serp avant son départ ait pu être stable au plan médical, elle ne l’était pas au sens que la police d’assurance donne à ce terme, étant donné la prescription de Prednisone par le Dr Paradis moins de trente jours avant le voyage. Il y aurait ainsi eu une modification de la posologie des médicaments prescrits ce qui, en vertu de la disposition mentionnée précédemment, entrainerait l’exclusion de la garantie d’assurance.
[26] Cette lecture de la clause d’exclusion fait abstraction de l’objectif poursuivi par l’assureur, soit une appréciation juste du risque que présente l’assuré. Pour entraîner l’exclusion, il doit exister un lien quelconque entre la modification de la posologie et l’étendue du risque. L’assureur ne peut nier couverture sans être en mesure de démontrer que la modification de la posologie rendait l’assuré plus vulnérable à des problèmes de santé, ou sans mettre en preuve que cette modification a contribué à la situation pour laquelle son assuré cherche à être indemnisé.
[27] Cette preuve n’a pas été faite, les défenderesses se limitant à invoquer, de manière purement théorique, la prise temporaire d’un médicament par M. Serp pendant une dizaine de jours avant son départ. En outre, il convient de souligner que ce médicament ne constituait pas un traitement de la maladie dont souffre M. Serp puisque cette maladie n’a été identifiée qu’après son retour. Ce médicament visait simplement, comme le précise le Dr Paradis dans son rapport du 1er août 2017, à calmer un inconfort respiratoire léger.
[28] Par ailleurs, selon la transcription non officielle de la conversation téléphonique du 3 juillet 2017 entre M. Serp et une préposée de CanAssistance, celui-ci a divulgué le nom du médicament prescrit par le Dr Paradis et la date à laquelle il lui avait été prescrit, qui se situait moins de trente jours avant la date prévue de son départ. Si une telle révélation entraînait inéluctablement les conséquences que lui donnent maintenant les défenderesses, il incombait à CanAssistance d’en faire état dès cette conversation.
[29] Enfin, les défenderesses reprochent à M. Serp de les avoir contactées moins de quinze jours avant son départ, contrairement à ce que prévoit la clause d’exclusion. M. Serp a témoigné qu’il a contacté CanAssistance deux fois, une première fois à la mi-juin, soit plus de quinze jours avant son départ, et une seconde fois le 3 juillet 2017, date à laquelle il bénéficiait des informations plus complètes que lui procurait son suivi médical depuis la mi-juin. Il a donc été diligent dans ses démarches.
[30] L’interprétation de ce volet de la clause d’exclusion doit nécessairement prendre en compte le moment où l’assuré prend connaissance des informations médicales qui présentent une pertinence pour l’assureur. Si ces informations sont obtenues moins de quinze jours avant le départ, comme c’est le cas dans le présent dossier, l’assureur ne peut reprocher à son assuré de ne pas respecter le délai stipulé dans la police d’assurance. Au contraire, tant l’assureur que l’assuré ont tout intérêt à ce que les faits nouveaux appris moins de quinze jours avant la date du départ soient divulgués en toute transparence.
[31] Le tribunal conclut que les défenderesses n’ont pas fait de preuve leur permettant d’invoquer l’exclusion contenue à la police d’assurance.
[32] En ce qui concerne l’étendue de ses dommages, M. Serp a signé, le jour de son retour, un engagement de payer à la Clinique médicale de Samana la totalité des dépenses reliées à son hospitalisation. Le 27 septembre 2017, une lettre lui est transmise pour lui réclamer la somme de 16 121,15 $US. Il a déjà acquitté la moitié de cette somme, en versant à la Clinique une somme de 10 304,30 $CAD (soit 8 000 $US) le 12 février 2018 et le solde reste dû. Le montant total dont il s’est rendu redevable, qui donne la mesure de son dommage, s’élève donc à plus de 15 000 $.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[33] ACCUEILLE la demande;
[34] CONDAMNE solidairement les défenderesses La Capitale assureur de l’administration publique inc. et CanAssistance inc. à payer au demandeur Cristian Serp la somme de 15 000 $, avec intérêt et l’indemnité additionnelle;
[35] LE TOUT, avec les frais de justice.
|
||
|
__________________________________ LUC HUPPÉ, J.C.Q. |
|
|
||
|
||
|
||
Date d’audience : |
9 mars 2020 |
|
[1] L’échange est reproduit tel quel.
[2]
Foucault c. SSQ, Société d’assurance-vie inc.,
[3]
Des certificats préliminaires ont été émis en langue espagnole. Les
défenderesses ont tenté de les introduire en preuve sans traduction officielle,
mais cette demande a été rejetée par le tribunal. Même si les défenderesses
disposaient d’une traduction effectuée par le moteur de recherche Google, le
tribunal considère qu’une telle traduction ne présente pas un degré de
fiabilité suffisant pour dispenser une partie qui souhaite introduire en preuve
un document rédigé dans une langue autre que l’une des deux langues officielles
du Canada d’obtenir une traduction officielle en bonne et due forme. Une ordre
professionnel des traducteurs, terminologues et interprètes agréés est établi
aux termes de l’article
[4]
À titre d’exemples, parmi une jurisprudence abondante : Tokar
c. Poliquin,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.