Décision

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Bégon Fawcett c. Colas

2017 QCCS 4835

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

 

 

 

N° :

505-17-005644-119

 

 

 

DATE :

23 octobre 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

MADELEINE BÉGON FAWCETT

et

L’AUTRE T.V. INC.

et

L’AUTRE TÉLÉVISION

 

Demanderesses/Défenderesses reconventionnelles

c.

FABIENNE COLAS

et

ÉMILE CASTONGUAY

 

Défendeurs/Demandeurs reconventionnels

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]           Une idée élaborée, un concept ou projet articulé ou un thème relié au lancement éventuel d’une chaine spécialisée de télévision sur le câble assortie d’un portail internet (L’Autre TV) peuvent-ils constituer une œuvre au sens de la Loi sur le droit d’auteur qui ne pouvait être « plagiée » par les défendeurs? Les défendeurs ont-ils réellement « plagié » l’œuvre des demanderesses?

[2]           Il s’agit d’un litige impliquant la Loi sur le droit d’auteur dans un contexte où tant les demanderesses que les défendeurs s’accusent mutuellement d’avoir tenu des propos diffamatoires à l’endroit de l’autre.

[3]           La demanderesse, madame Madeleine Bégon Fawcett (« Bégon[1] »), et les deux sociétés qu’elle a constituées à cette fin reprochent aux défendeurs, madame Fabienne Colas (« Colas ») et son conjoint, monsieur Émile Castonguay (« Castonguay »), d’avoir contrefait par imitation déguisée ou par plagiat leur œuvre qu’ils décrivent dans les conclusions de leur Demande en justice ré-ré-amendée comme étant l’ « œuvre L’Autre TV » ou le « Projet L’Autre TV » (l’ « œuvre L’Autre TV » ou le « Projet L’Autre TV »), ce qui leur aurait permis d’obtenir deux licences de télédiffusion auprès du CRTC pour l’exploitation de « Diversité TV » et de « Bon Goût TV[2]», des entreprises nationales[3] de programmation d’émissions spécialisées de Catégorie B[4] en langue française, et ce, avant même que les demanderesses ne demandent et n’obtiennent l’émission d’une licence pour « L’Autre TV[5] ».

[4]           Plus précisément, Bégon accuse Colas et Castonguay d’avoir plagié l’œuvre L’Autre TV visant la mise en place de la chaine spécialisée de télévision L’Autre TV en s’emparant illégalement de documents confidentiels lui appartenant et en se servant de ceux-ci pour reprendre les mêmes thèmes que l’œuvre L’Autre TV pour obtenir leurs licences auprès du CRTC.

[5]           Dans cette même optique, Bégon reproche aux défendeurs d’avoir réécrit ou verbalisé différemment les mêmes thèmes et le contenu se retrouvant dans lesdits documents confidentiels lui appartenant dans leur demande de licence pour Diversité TV, un projet qui ressemblerait en tout point à son Projet L’Autre TV sur lequel la demanderesse travaillait depuis plusieurs années.

[6]           Depuis 2011, Bégon accuse Colas et Castonguay sur divers médias sociaux et autres, tant au Canada et qu’en Haïti, de concurrence déloyale et de plagiat de l’œuvre L’Autre TV en s’appropriant illégalement par des manœuvres délibérées et malhonnêtes divers documents lui appartenant qu’ils savaient confidentiels et qui leur auraient permis de mettre sur pied leur propre projet de chaînes de télévision et de déposer leurs demandes de licence auprès du CRTC concernant Diversité TV et Bon Goût TV en se servant évidemment de l’œuvre L’Autre TV qui serait protégée en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.

[7]           Il s’agit, selon la demanderesse, de manœuvres représentant une transgression des règles de conduite sociales en matière commerciale qui vont à l’encontre d’une saine concurrence, et qui doivent être sanctionnées[6] par le Tribunal.

[8]           Ce recours a été institué par les demanderesses le 14 décembre 2011[7]. Depuis lors, et ce, jusqu’au premier jour du procès, le 8 mai 2017, Bégon et les deux compagnies qu’elle a constituées pour son projet[8] ont toujours demandé une déclaration du Tribunal que les défendeurs ont contrefait l’œuvre L’Autre TV et réclamaient des dommages de plus de 1,6 M$ ainsi que de multiples remèdes de nature injonctive. Initialement, leurs conclusions étaient aussi assorties d’une demande d’ordonnance de sauvegarde visant essentiellement à empêcher Colas et Castonguay de lancer et d’exploiter leurs deux chaines de télévision spécialisée en question.

[9]           Au tout début du procès, quelque 65 mois plus tard, les demanderesses ré-ré-amendent leur Demande en justice en réduisant leurs réclamations financières totalisant 1 617 678,30 $[9] à une condamnation totale de 275 000 $ contre les défendeurs solidairement, majorée de dommages punitifs de 50 000 $ contre Colas et de 25 000 $ contre Castonguay :

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, à payer la somme de 25 000 $ en dommages moraux (à la demanderesse Bégon[10]), avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, à payer la somme de 225 000 $ en dommages-intérêts (aux demanderesses[11]), avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, à payer aux demanderesses (à la demanderesse Bégon[12]) une somme de 25 000 $ pour atteinte à la réputation, avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER la défenderesse Colas à payer à la demanderesse Bégon une somme de 50 000 $ en dommages punitifs, (avec intérêts calculés depuis le 20 juin 2011[13]);

CONDAMNER le défendeur Castonguay à payer à la demanderesse Bégon une somme de 25 000 $ en dommages punitifs, (avec intérêts calculés depuis le 20 juin 2011[14]);

[10]         Par ailleurs, alors qu’initialement la Demande en justice était aussi assortie de diverses conclusions en injonction permanente, celles-ci furent modifiées substantiellement à la troisième journée du procès afin de les rendre exécutoires, le cas échéant. Le Tribunal reviendra plus loin sur cet aspect particulier.

[11]        Pour leur part, les défendeurs contestent vigoureusement les allégations, accusations et insinuations de Bégon qu’ils considèrent comme malveillantes et diffamatoires, soutenant qu’ils n’ont jamais eu connaissance ou vent de la l’œuvre L’Autre TV soi-disant protégée de la demanderesse, d’autant plus qu’ils n’ont jamais vu aucun des documents apparemment confidentiels avant l’institution des présentes procédures dans la mesure où l’œuvre L’Autre TV et les documents la constituant existent. En fait, ils nient catégoriquement que la soi-disant œuvre L’Autre TV soit une œuvre et encore moins une œuvre protégée par la Loi sur le droit d’auteur

[12]        Il importe de noter qu’outre d’avoir signé les deux demandes de licence auprès du CRTC à titre de représentant de Colas, Castonguay n’a essentiellement rien à voir dans cette malencontreuse affaire; les projets de Diversité TV et de Bon Goût TV ne concernent que Colas exclusivement. Malgré tout, la demanderesse a toujours insisté pour maintenir Castonguay comme codéfendeur jusqu’au procès.

[13]        Colas et Castonguay allèguent que depuis juin 2011, soit avant même le dépôt de sa Demande en justice en décembre 2011, Bégon s’est servie de diverses tribunes publiques au Canada et en Haïti afin de tenir des propos désobligeants, fallacieux et diffamatoires à leur encontre, accusant ces derniers publiquement de contrefaçon, de vol, de parasitage et de plagiat de l’œuvre L’Autre TV, alors que sa cause n'avait pas encore été entendue par la Cour et que la défenderesse Colas n'avait pas encore eu l’opportunité de faire valoir ses prétentions à l'encontre des allégations de Bégon qu’elle considère tout à fait non fondées et diffamatoires.

[14]        Selon les défendeurs, Bégon savait pertinemment que la réputation d'une personnalité publique comme Colas était importante, surtout lorsqu’est venu le moment de lancer ses nouveaux projets relatifs aux chaînes de télévision Diversité TV et Bon Goût TV. En effet, la confiance du public, des partenaires et des investisseurs étant primordiale pour la mise sur pied de tels projets, Colas a soutenu que les présentes procédures judiciaires avaient, entre autres, pour but de mettre en péril tous les efforts en temps et en argent qu’elle avait investis jusqu’alors afin de bâtir sa réputation et sa notoriété sur le marché local et international dans le cadre des divers projets qu’elle a entrepris depuis son arrivée au Canada.

[15]        Ainsi, Bégon s’est servie des présentes procédures pour entacher la réputation des défendeurs en plus que de retarder le projet de chaînes télévisées de la défenderesse Colas et d’empêcher cette dernière d'attirer des investisseurs et partenaires potentiels, et ce, jusqu'à ce que les demanderesses puissent obtenir leur propre licence auprès du CRTC.

[16]        Soulignons qu’au moment de l’institution des présentes procédures en décembre 2011, Bégon, qui prétend que son projet a débuté en 2007, n’avait toujours pas déposé sa demande de licence auprès du CRTC. Elle ne le fera que le ou vers le 5 janvier 2012[15] et la licence sera émise le 16 août 2012[16]. Pourtant, bien que Bégon ait obtenu sa licence en août 2012, celle-ci n’a absolument rien fait pour tenter d’exploiter la chaine L’Autre TV avant l’expiration de celle-ci en août 2016 faute d’avoir débuté les opérations de L’Autre TV pendant la période de quatre ans allouée par le CRTC pour ce faire.

[17]        Enfin, les défendeurs se sont portés demandeurs reconventionnels afin de réclamer des demanderesses des dommages moraux de 300 000 $ pour atteinte intentionnelle et malicieuse à leur réputation de façon répétée au moyen de propos mensongers ainsi qu’à leur vie privée. Au cours du procès, les défendeurs ont amendé leur demande reconventionnelle pour, entre autres, ventiler leurs chefs de réclamation. Le Tribunal reviendra là-dessus plus loin. 

[18]        Il importe de préciser que tout au long des procédures et même au cours du procès, étant conscients que la libre concurrence du marché dans ce domaine est la règle, les défendeurs ont toujours maintenu, par l’entremise de leur avocate, qu’ils ne s’opposaient aucunement à ce que Bégon demande et obtienne une licence auprès du CRTC[17] et qu’elle lance et exploite sans délai L’Autre TV. En fait, contrairement à Bégon qui a logé une contestation pour faire échec aux demandes de licence de Colas, les défendeurs n’ont jamais posé aucun geste visant à contester ou bloquer de quelque façon que ce soit les démarches de Bégon pour obtenir la licence qu’elle convoitait et qu’elle a effectivement obtenue.

[19]        Ce litige soulève donc essentiellement des questions liées à la Loi sur le droit d’auteur[18], à la concurrence déloyale, à la diffamation ainsi qu’à l’atteinte illicite et intentionnelle de droits protégés par la Charte des droits et libertés de la personne[19].

1.      LE CONTEXTE

-       Madeleine Bégon - La conception de L’Autre TV

[20]        Bégon est née en Haïti et a immigré au Canada en 1983. Elle est citoyenne canadienne depuis 1990.

[21]        Elle est une diplômée universitaire dont le parcours professionnel est varié. À son arrivée au Canada, elle avait déjà en main son diplôme d’enseignante, ayant été professeure de français en Haïti. Arrivée au Canada, elle œuvre à la formation des immigrants auprès de divers organismes offrant des services d’accompagnement des familles immigrantes.

[22]        Au début des années 1990, elle retourne en Haïti pour mettre sur pied un projet d’écoles communautaires. En 1996, elle réalise le projet de l’Académie Canado-Haïtienne à Port-au-Prince. Bégon revient à Montréal de 1996 à 1998, puis elle retourne en Haïti pour agir comme responsable départementale au ministère de l’Éducation en Haïti. À la fin de l’année 2001, elle revient à Montréal pour agir comme formatrice et éducatrice et elle conçoit du matériel pédagogique pour une clientèle spécifique pour le ministère de l’Immigration du Québec.

[23]        Bégon se décrit également comme étant auteure dramaturge, metteure en scène, actrice et productrice, tant en Haïti qu’au Canada.

[24]        Bref, Bégon a un parcours professionnel et social plutôt étoffé.

[25]        Elle est également fort active au sein de la communauté haïtienne du Grand Montréal. Plusieurs la considèrent comme une des leaders de la communauté haïtienne. 

[26]        Au paragraphe 15 de sa Demande introductive d’instance ré-ré-amendée, il est allégué ce qui suit :

15. Le parcours d’immigrante impliquée ainsi que le parcours socioprofessionnel de la co-demanderesse Bégon, son intérêt pour la formation, l’accompagnement de longue date et l’éducation des immigrants amènent celle-ci à s’intéresser à leur intégration dans la société d’accueil, en l’occurrence ceux qui vivent au Québec, dans un contexte nord-américain, ses pièces de théâtre et autres écrits thématiques en témoignent;

[27]        Depuis son arrivée au Québec, Bégon affirme avoir constaté que les immigrants de 1re, 2e, 3e et 4e  génération provenant des Antilles, d’Afrique et d’Europe, devenaient de plus en plus nombreux. À son retour au pays en 2001, elle dit avoir constaté un déficit marqué de ces derniers dans l’univers culturel et télévisuel du Québec en tant que société d’accueil.

[28]        Elle constate également un certain détachement et manque d’intérêt des jeunes (14-20 ans) issus des immigrants des deux premières générations pour l’univers télévisuel et culturel québécois, sans doute à cause du contexte nord-américain qui semble les interpeler beaucoup plus.

[29]        La demanderesse affirme avoir effectué des études ou des recherches qui lui ont permis de constater aussi un manque d’intérêt marqué des immigrants relativement aux émissions dites populaires du Québec. Les émissions américaines mettant en valeur des acteurs multiethniques issus de ces mêmes communautés ont leur faveur.

[30]        Il existe certaines chaines de télévision spécialisées qui offrent aux allophones des émissions réalisées à l’extérieur du Québec dans leurs langues respectives. Bégon considère que ces chaines spécialisées ont tendance à ghettoïser les immigrants d’ici plutôt que de favoriser une meilleure intégration et, par conséquent, un meilleur sentiment d’appartenance à la société québécoise.

[31]        Bégon a témoigné qu’en 2007, elle conçoit une chaine de télévision spécialisée qui diffuserait ses émissions par l’entremise de la câblodistribution et un portail web. On y diffuserait des émissions où une large place serait faite aux immigrants de toutes les nationalités avec pour trait commun l’utilisation du français comme langue de communication et d’expression culturelle.

[32]        C’est alors qu’elle enregistre L’Autre TV comme nom de domaine sur l’Internet pour démarrer le site internet de L’Autre TV.  En juin 2009, elle va enregistrer le logo de L’Autre TV comme marque de commerce[20].

[33]        Dès 2007, Bégon amorce des discussions au sujet de son projet avec divers intervenants du milieu socioculturel. Le Tribunal comprend qu’en agissant ainsi, Bégon tentait de valider en quelque sorte ses propres constats ainsi que les attentes des personnes qu’elles sollicitaient quant à la programmation désirée de la future chaine de télévision.

[34]        À la fin de 2008, la réaction étant fort positive, selon Bégon, elle décide de s’inscrire à un cours en lancement d’entreprises avec comme projet le lancement d’une chaine de télévision multiethnique francophone.

[35]        Il s’agit d’un cours intensif et rigoureux qu’elle suivra de janvier à juin 2009 et au cours duquel Bégon générera la plupart des documents qu’elle dit être confidentiels et dont les défendeurs se seraient apparemment emparés en partie illégalement.

[36]        Le Tribunal comprend que ces documents sont essentiellement le fruit de travaux préparatoires, de recherches effectuées par Bégon, de réponses à des questionnaires présentés sous forme de « fiches » ainsi que de travaux exigés dans le cadre du cours qu’elle a suivi, tous axés sur le lancement éventuel d’une entreprise devant exploiter un jour une chaine de télévision spécialisée offrant des émissions multiethniques francophones.  

[37]        Compte tenu des conclusions de nature injonctive recherchées par les demanderesses et de l’importance que leur accorde Bégon en demandant leur mise sous scellés, il est utile de décrire les documents qui ont été créés par cette dernière et qu’elle a mis à jour entre 2008 et 2012. Il s’agit des documents que Bégon considère comme étant strictement et suffisamment confidentiels pour qu’elle demande au Tribunal de prononcer une ordonnance de mise sous scellés. De plus, la plupart de ces documents font spécifiquement l’objet d’ordonnances en injonction à l’endroit des défendeurs :

-       Document intitulé « Dossier d’opportunité Lautre(sic) Télévision - 7 fiches »[21]

Il s’agit de réponses élaborées et soumises par Bégon aux diverses questions posées dans ce questionnaire de sept fiches[22] préparé par le professeur du Centre professionnel Pierre-Dupuy où elle suivait le cours en lancement d’entreprise; le document indique que Bégon a tiré ses réponses du « plan d’affaires de L’Autre TV »; le Tribunal comprend que ledit « plan d’affaires » était plutôt un document de travail élaboré par Bégon en décembre 2008[23];

-       Document intitulé « L’autre télévision - Le projet - Document de travail » de décembre 2008[24]

Dans ce document, Bégon aborde les sujets suivants :

§  La problématique actuelle;

§  Le projet d’entreprise;

§  La mission de L’Autre Télévision;

§  La vision de L’Autre Télévision;

§  L’offre de services;

§  À qui s’adresse L’Autre Télévision? La clientèle-cible;

§  La Programmation de L’Autre Télévision;

§  Les principaux aspects motivant notre intervention;

§  Qui seront les porteurs de la grille de programmation?

§  La culture et les produits de la diversité : une occasion économique manquée par les développeurs d’ici;

§  Mode de gestion des ressources de base;

§  Conclusion;

-       Document intitulé « L’Autre TV - Résumé Décembre 2009 - L’Autre TV Une nécessité sociale pour le développement intégral pour une représentativité équitable dans le paysage télévisuel pour un rapprochement culturel réussi pour une intégration globale de tous les citoyens du Québec[25] »

Ce document se veut un résumé du projet de télévision multiethnique qui sera revu et mis à jour annuellement par Bégon;

-       Document intitulé « L’AUTRE TV.TV[26] »

Selon la demanderesse, il s’agit d’un document de présentation avec emphase sur le volet portail Web[27] du projet pour être soumis aux divers intervenants présentant les membres de l’équipe et la mise à jour du développement du projet avec une liste des partenaires; un examen du document révèle qu’il s’agit d’une demande de subvention de 120 000 $ au Conseil régional des Élus de Longueuil (le CRÉ de Longueuil) en février 2010 et que les partenaires y mentionnés sont en réalité des partenaires « potentiels »;

-       Lettre datée du 18 janvier 2010, adressée à Maria Thérèse Calderon (« Calderon ») de Nuevo Mundo Télévision « Objet : Proposition d’une série de 15 projets d’émissions[28] »

Malgré son objet, Bégon annonce dans la lettre qu’elle soumet sept projets d’émissions destinées à la communauté ethnique qui pourraient être diffusées sur la chaine Nuevo Mundo Télévision et y inclut un court résumé de huit séries d’émissions[29];

-       Plan d’affaires rédigé par Bégon et daté du 29 mars 2010[30]

Selon la demanderesse, ce plan d’affaires était destiné à être remis aux investisseurs privés à être sollicités. La preuve n’a pas établi si ce document a été utilisé à une telle fin par Bégon;

-       Document intitulé « La voix de la diversité québécoise - L’Autre TV inc. - Le portail Web[31] »

Selon la demanderesse, il s’agit d’un document distinct préparé au cours de l’hiver 2010 pour le portail Web du projet; en fait, il s’agit d’une mise à jour de la version originale de 2007;

-       Document intitulé « Annexe au plan d’affaires - Notes au plan financier » de mai 2010[32]

Cette annexe au plan d’affaires incorpore les perspectives financières du futur site Web;

-       Document intitulé « L’Autre Télévision - Volet Web - Document de travail préparatoire à la rencontre avec le Conseil régional des Élus de Longueuil, Le Forum-Jeunesse, Le CLD de Longueuil, Le Ministère de l’immigration régionale et autres institutions de la Montérégie + Documentation (CRE et (MICC))[33] » 

Il s’agit d’un document qui a été soumis lors de la présentation du projet aux diverses parties énumérées ci-devant;

-       Document intitulé « Annexe 3 - Liste des clients potentiels[34] »

Il s’agit d’une annexe au plan d’affaires préparé au printemps 2010; le titre peut induire en erreur, car il s’agit en réalité d’investisseurs potentiels et non de clients potentiels;

-       Document intitulé « Dossier d’opportunité - Plan d’affaires sous forme de 7 fiches - L’Autre Télévision - Cours de lancement d’entreprises - Centre professionnel Pierre-Dupuy - Commission scolaire Marie-Victorin - Mise à jour en décembre 2010 »[35]

Le Tribunal retient du témoignage de Bégon que la demanderesse mettait à jour son « Dossier d’opportunité » à la fin de chaque année;

-       Document intitulé « Analyse préliminaire Projet L’Autre TV - Présentée à L’Autre TV par Terra Terra Communications inc. - Mai 2011[36] »

La demanderesse a retenu les services de Terra Terra Communications inc.[37], une firme-conseil en radiodiffusion, afin que cette firme analyse les perspectives de diffusion tant sur l’Internet que par l’entremise d’un câblodistributeur en vue de soumettre sa demande de licence au CRTC pour une chaine spécialisée de Catégorie 2[B]; la preuve révélera qu’une telle analyse ou étude n’était aucunement nécessaire pour demander et obtenir une telle licence du CRTC; quoi qu’il en soit, Bégon a subséquemment décidé de confier le mandat de préparer et de déposer une demande de licence de Catégorie 2[B] à une autre firme plutôt que de continuer avec Terra Terra; ainsi, le 27 septembre 2011, elle confie ce mandat à Communications Michel Mathieu, une autre firme-conseil en radiodiffusion[38];

-       Document intitulé « L’Autre Télévision - Liste partielle d’émissions - Document confidentiel - À ne diffuser en aucun cas sans le consentement écrit de Madeleine Bégon Fawcett - L’Autre Télévision - © Tous droits réservés 2008[39] »

Le Tribunal comprend que cette liste d’émissions devant faire partie de la programmation de L’Autre TV a été conçue en 2008, puis mise à jour en 2009 et en 2010; avec égards, il s’agit essentiellement de titres d’émissions accompagnés d’une courte description;

-       Document intitulé « Dossier d’opportunité - Document / préparatoire au Plan d’affaires en 7 fiches travaillé dans le cadre du cours de lancement d’entreprises - Centre de formation professionnelle Pierre Dupuy - Janvier-Avril 2009 - Mis à jour en décembre 2010 (P-30) par Madame Madeleine Bégon (L’Autre TV inc.)  Document comparatif des textes (contenus) retracés dans les écrits/entrevues de Fabienne Colas/Émile Castonguay et al. - Septembre 2011[40] »

Manifestement, il ne s’agit pas d’un document préparé en septembre 2011, car le titre fait spécifiquement référence à la pièce P-30 de décembre 2010, la présente poursuite n’ayant été déposée que le 14 décembre 2011; de plus, il n’y aucun ajout par rapport au document de décembre 2010 si ce n’est la tentative de comparer certains mots ou concepts y énoncés à ceux utilisés par Colas lors d’entrevues subséquentes;

La demanderesse affirme avoir constaté des « similitudes troublantes » entre le texte de la mise à jour de décembre 2010 du Dossier d’opportunité (P-30) et les écrits et entrevues subséquents des défendeurs; selon Bégon, les défendeurs ont réécrit ou verbalisé différemment les mêmes thèmes et le contenu des divers documents confidentiels lui appartenant pour les utiliser dans leur propre projet de licence pour Diversité TV; elle conclut ainsi à l’existence de « contrefaçon par imitation déguisée[41] »;

Incidemment, la demanderesse conclut également à une autre « contrefaçon par imitation déguisée » quant à Bon Goût TV car elle avait aussi prévu une série d’émissions sous le titre de « Cuisine du Monde » dans sa future grille de programmation de L’Autre TV; une telle affirmation impliquait nécessairement que les défendeurs ont eu accès à sa liste d’émissions avant de procéder au dépôt des deux demandes de licence auprès du CRTC;

-       Document intitulé « Annexe au Plan d’affaires - L’Autre TV - Notes aux plan financier - 2012-2015[42] »

Le Tribunal constate qu’il s’agit d’un budget prévisionnel couvrant trois années d’opérations en prenant pour acquis que L’Autre TV allait démarrer ses opérations le 1er septembre 2012 et générer durant cette période triennale des profits moyens de 371 678,33 $ annuellement, « chose rendue impossible par l’octroi des licences par le CRTC aux défendeurs le 26 octobre 2011[43] »;

Aucune preuve quelle qu’elle soit n’a été offerte par la demanderesse au procès à cet égard;

-       Document intitulé « Sommaire exécutif - Décembre 2010[44] »

Le Tribunal comprend que ce sommaire exécutif ayant trait à L’Autre TV a été rédigé par Bégon en décembre 2010;

À la fin de ce document se trouve une liste d’émissions de L’Autre TV, sous le titre de grille prévisionnelle partielle, qui se veut essentiellement une liste de quelque trente thèmes d’émissions comportant une courte description et dont certains comportaient aussi un titre.

[38]        Concurremment à son cours en lancement d’entreprises, Bégon dit avoir échangé avec les responsables de diverses télévisions communautaires pour comprendre le fonctionnement de ces chaines de télévision[45]. Qui plus est, de 2009 à 2011, la demanderesse s’est aussi entretenue avec divers organismes publics au sujet de son projet, notamment, la Société Radio-Canada[46], le Conseil des relations interculturelles[47], le ministère de l’Immigration et des communautés culturelles[48], le Conseil régional des élus de Longueuil[49], le ministère de la Culture, des communications et de la condition féminine[50], sans parler de divers organismes et intervenants du milieu[51].

[39]        Il importe de rappeler qu’au début, Bégon envisageait que L’Autre TV soit une télévision communautaire. Elle avait donc constitué celle-ci comme un organisme à but non lucratif en vertu des lois du Québec sous la dénomination sociale de L’Autre Télévision. Puis, elle s’est ravisée pour lui permettre d’obtenir du CRTC une licence de Catégorie B.

[40]        Ainsi, le 17 juillet 2011, Bégon a constitué L’Autre TV inc. en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[52] afin d’opérer une chaine de télévision pan canadienne.

[41]        Le 5 janvier 2012, soit près de cinq années après le début de sa réflexion, Bégon transmet au CRTC sa demande de licence de Catégorie B pour L’Autre TV[53]. Tel que mentionné auparavant, le CRTC émettra la licence en faveur de L’Autre TV, le 16 août 2012[54] pour une durée venant à échéance le 31 août 2018. Par ailleurs, cette licence était, entre autres, assortie d’une condition péremptoire, à savoir que L’Autre TV soit obligatoirement en exploitation dès que possible et au plus tard dans les 48 mois suivants la date de l’octroi de cette licence.

[42]        Il est à noter que ce délai est venu à échéance le 16 août 2016 sans que Bégon ait commencé l’exploitation de L’Autre TV. La licence de L’Autre TV est donc échue depuis lors, ce qui signifie que Bégon devra soumettre une nouvelle demande de licence au CRTC si elle désire réactiver son projet.

[43]          Examinons maintenant le cheminement de la défenderesse Colas jusqu’au moment où les présentes hostilités ont débuté en 2011.

 

-       Fabienne Colas - Son cheminement et ses démarches relatives à Diversité TV

[44]        Tout comme Bégon, Colas, alors dans la jeune vingtaine, a immigré au Canada en 2003 en provenance de son pays natal Haïti.

[45]        Avant de venir s’établir au Canada, Colas avait commencé sa carrière en Haïti comme mannequin. En 2000, elle est élue Miss Haïti 2000. S’ensuit une carrière dans le monde artistique et dans les domaines de la publicité et des rôles, tant à la télévision qu’au cinéma haïtien.  Dès 21 ans, elle devient une vedette de cinéma non seulement localement en Haïti, mais également auprès des diasporas haïtiennes au Canada, aux États-Unis et dans les Caraïbes[55]

[46]        Dès 2002, elle fonde la Fondation Fabienne Colas en Haïti afin de promouvoir le cinéma haïtien sur le plan local et international, avec une emphase particulière visant l’encadrement des jeunes talents haïtiens interpelés par le cinéma.

[47]        En 2003, Colas s’établit à Montréal où il existe une imposante communauté haïtienne. Lors de son témoignage, la défenderesse a affirmé qu’elle avait rapidement constaté le peu d’activités culturelles alors offertes à ses compatriotes, malgré l’importance de plus en plus grandissante de leur nombre dans la société québécoise. Elle note aussi une sous-représentation de sa communauté dans les médias québécois.

[48]        Son cheminement professionnel la heurte à certaines barrières culturelles. Malgré sa notoriété et popularité dans la communauté haïtienne tant dans son pays natal qu’à Montréal, outre des rôles de composition pour une actrice noire, il n’y a pas vraiment d’ouvertures pour elle dans le monde de la télévision et du cinéma québécois.

[49]        Elle fait le même constat quant au cinéma haïtien qui n’avait pas alors sa place dans les médias québécois et dans les salles de cinéma. Colas peinait à convaincre les propriétaires de chaine de télévision et même de salles de cinéma de diffuser ou de projeter des films dans lesquels elle avait joué en Haïti où ils avaient pourtant été fort populaires.   

[50]        Elle affirme que ces formes de rejet l’on grandement influencée et au lieu de simplement baisser les bras, Colas a décidé de tenter une expérience en 2005. Elle présente un film haïtien à quatre reprises au cours d’une fin de semaine dans deux collèges de Montréal. Les quatre représentations ont eu lieu à salle comble. Elle constate qu’il y a un intérêt pour le cinéma haïtien au Québec, d’autant plus que plusieurs des personnes venues visionner le film n’étaient pas toutes d’origine haïtienne.

[51]        Quelques mois plus tard, elle organise le premier Festival du Film Haïtien de Montréal, intitulé Un Week-end de Cinéma Haïtien, lors duquel elle présente trois films haïtiens en trois jours, et ce, au mois de décembre 2005 en pleine tempête de neige. Le succès est retentissant avec plus de 3,000 personnes qui se sont déplacées malgré les éléments pour visionner les films.

[52]        L’année suivante, Colas décide de ressusciter sa fondation au Canada. Elle cofonde avec son conjoint Castonguay la Fondation Fabienne Colas (la « Fondation »), un organisme à but non lucratif dont la mission est de soutenir et de promouvoir l’art, la culture et le cinéma tant sur le plan national qu’international. La Fondation deviendra le fer de lance de toutes ses activités culturelles.[56] 

[53]        Ainsi, par l’entremise de la Fondation, Colas et Castonguay, qui en est le directeur de la programmation, à compter de 2005 mettent sur pied, les événements culturels suivants : 

a. Le Festival International du Film Black de Montréal;

b. Le Festival Haïti en Folie à Montréal, le plus important événement pluridisciplinaire entièrement dédié à la culture haïtienne en dehors d’Haïti[57];

c. L’événement Fondu au Noir qui célèbre le Mois de l’Histoire des Noirs[58];

d. Le Festival du Film Québécois en Haïti qui vise à solidifier les relations culturelles entre le Québec et Haïti[59];

e. Le festival Dansomania - les Danses du Monde en 2009, qui mettait en valeur les danses de diverses communautés culturelles;

f. Le festival Ririri 2009, destiné à mettre en valeur les humoristes noirs de la relève.

[54]        Le Tribunal comprend que la plupart de ces festivals sont des événements annuels de plus en plus prisés par les amateurs. Qui plus est, il existe maintenant un Festival International du Film Black tant à Toronto qu’à Halifax et la Fondation a également mis en place l’événement Festival Haïti en Folie à New York.

[55]        Parallèlement à ces diverses activités, le parcours professionnel de Colas a également été parsemé de présences croissantes à la télévision et au cinéma à titre d’actrice, sans parler des conférences qu’elle a été appelée à prononcer et des multiples entrevues auprès des médias tant écrits, radiophoniques que télévisuels au fil des ans.

[56]        Bref, le cheminement professionnel de Colas l’a impliquée de plus au sein non seulement des univers artistiques noir et québécois, mais également auprès des communautés culturelles, ce qui l’a grandement sensibilisée aux questions reliées à la diversité culturelle québécoise et plus particulièrement, à la représentativité des minorités dans les médias québécois.

[57]        La preuve offerte et le témoignage fort sincère et convaincant de la défenderesse ont permis au Tribunal de constater le dévouement, la détermination et le dynamisme de l’artiste et de la femme d’affaires d’origine haïtienne.

[58]        Dany Laferrière a dit que Colas a « mis cinq ans à faire ici ce que la plupart des Haïtiens mettent parfois 30 ans à accomplir[60] ».

[59]        Bref, bien que leurs cheminements respectifs aient été significativement différents, sans pour autant minimiser leur importance et leur impact respectifs sur la communauté haïtienne, force est de constater que tant la demanderesse Bégon que la défenderesse Colas ont réalisé chacune à leur propre façon l’existence d’une problématique évidente reliée à la sous-représentativité de la diversité québécoise dans les médias, d’où l’idée de mettre en ligne une chaine de télévision spécialisée offrant des émissions variées mettant en valeur la diversité québécoise dans un environnement francophone.

[60]        Alors que Bégon poursuit toujours ses démarches entamées en 2007 pour la mise sur pied de L’Autre TV, le 14 février 2011, Colas, agissant pour deux sociétés devant être constituées, dépose auprès du CRTC deux demandes de licence de télédiffusion pour exploiter des entreprises de programmation d'émissions spécialisées de langue française de Catégorie B devant s’appeler Diversité TV[61] et Bon Goût TV[62] respectivement. Ces demandes de licence sont signées par Castonguay à titre de représentant de sa conjointe[63] et l’adresse indiquée est celle du commerce de Castonguay (Castonguay Cycles et Sports) sur la rue Victoria à St-Lambert. 

[61]        La preuve a révélé que le cheminement ainsi que l’approche adoptée et préconisée par chacune de ces deux personnes, tout aussi préoccupées par la problématique de la diversité québécoise dans les médias, se sont avérés fort différents.

[62]        Bégon a privilégié une approche prudente en favorisant les consultations tant publiques que privées pour solliciter l’appui du public et des investisseurs potentiels et pour développer un plan d’affaire, et ce, avant même qu’elle ne dépose une demande de licence auprès du CRTC.  

[63]        Colas, avec son approche d’affaire usuelle, a préféré une approche discrète, étant convaincue pour sa part qu’un tel projet débutait nécessairement par une demande et l’obtention d’une licence auprès du CRTC. Quant à elle, il s’agissait essentiellement d’une des toutes premières étapes à franchir pour se donner un minimum de crédibilité dans le cadre de ses démarches auprès d’intervenants, collaborateurs et commanditaires éventuels.

-       La découverte par Bégon des demandes de licence au CRTC de Colas et la réaction de la demanderesse face aux défendeurs

[64]        Le 19 mai 2011, le CRTC publie l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2011-336 qui annonce la tenue d’une consultation publique à Gatineau le 18 juillet 2011, la date limite pour le dépôt d’observations, d’interventions et de réponses étant le 20 juin 2011[64]. Les deux demandes de Colas font partie des quelque 26 demandes soumises au processus de consultation publique.

[65]        Dès le début du mois de juin 2011 débutent des séries d’entrevues et d’articles de journaux, tant dans les médias francophones qu’anglophones[65], traitant des demandes de licence de Colas.

[66]        Dans un premier article de Jean-Christophe Laurence intitulé « Une place à la télé pour les minorités » publié dans l’édition de La Presse du 4 juin 2011[66], le journaliste mentionne, entre autres :

La productrice, qui a bâti son projet sur l’intuition bien plus que les études de marché, est persuadée que le besoin est réel. 

[67]        À l’époque, Bégon était affairée en Haïti depuis quelque temps dans un projet tout à fait différent. La demanderesse dit ignorer totalement l’existence des démarches alors entreprises depuis février 2011 par Colas auprès du CRTC.

[68]        En juin, Bégon était toujours impliquée dans son autre projet en téléphonie cellulaire en Haïti. Elle ne devait revenir à Montréal qu’en juillet 2011. C’est alors qu’elle apprend la nouvelle par l’entremise de l’une de ses filles qui a communiqué avec elle pour l’en informer. À sa très grande surprise, le projet de Colas ressemble à celui sur lequel elle travaille depuis des années.

[69]        Bégon prend alors connaissance de l’article dans La Presse du 4 juin 2011. Elle s’est dit stupéfaite de constater que les demandes de licence dataient du 14 février précédent. Elle dit connaitre le signataire des demandes Castonguay pour l’avoir rencontré en 2005. Mais, elle ne lui a jamais parlé du Projet L’Autre TV.

[70]        Bégon a aussitôt cessé son autre projet en Haïti pour revenir d’urgence au Canada.

[71]        À son retour au Canada, Bégon prend connaissance de l’Avis de consultation du 19 mai 2011 ainsi que des deux demandes de licence déposées par Colas pour découvrir à la lecture de celles-ci que « c’était du copier-coller de son projet de L’Autre TV ».

[72]        Rappelons qu’au début du mois de mai 2011, Bégon avait reçu l’Analyse préliminaire du Projet L’Autre TV[67] préparé par Terra Terra pour déposer une demande de licence auprès du CRTC, ce qui n’aura lieu qu’en février 2012 par l’entremise d’un autre intermédiaire. 

[73]        Quoi qu’il en soit, selon Bégon, la demande de licence pour Diversité TV était très semblable à son propre projet. Pourtant, le Tribunal n’a pu s’empêcher de noter que la demande de licence de Bégon, déposée plusieurs mois plus tard, est étrangement similaire, sinon identique à plusieurs égards sur les éléments essentiels, à celle de Colas.

[74]        Bégon a fait remarquer que dans les entrevues accordées par Colas, la mission de Diversité TV et la clientèle visée étaient similaires aux siennes. Encore une fois, c’était du copier-coller.

[75]        Le 19 juin 2011, Bégon écrit au CRTC[68] pour demander de comparaitre devant l’organisme pour s’objecter formellement à la demande relative à Diversité TV dont le projet était quasi identique à son Projet L’Autre TV qui allait faire l’objet de façon imminente d’une demande de licence qui dans les faits ne sera déposée qu’en janvier 2012. Dans sa lettre, Bégon invoque une contravention à la Loi sur le droit d’auteur qui protégerait l’œuvre L’Autre TV. Bégon joint à sa lettre une copie de la mise en demeure transmise à Colas et Castonguay, le 17 juin 2011[69], dans laquelle son avocat accuse les défendeurs de plagiat de l’œuvre L’Autre TV de sa cliente qui prétend que Colas aurait eu accès à celle-ci en 2009 sans offrir plus de précisions. Les défendeurs sont mis en demeure de retirer immédiatement leurs deux demandes de licence auprès du CRTC.

[76]        Le 21 juin 2011, les avocats des défendeurs répondent à la mise en demeure[70]. Essentiellement, ils nient l’existence de quelque plagiat que ce soit, d’autant plus qu’il n’y avait aucune œuvre à plagier, selon eux. On ajoute ce qui suit :

Ceci étant établi, nos clients ont porté à notre attention une série de documents rendus publics par votre cliente et constituant de la diffamation et une attaque volontaire à la crédibilité de notre cliente madame Fabienne Colas, et ce, dans un but évident de lui nuire et de violer ses droits fondamentaux notamment et plus particulièrement celui relié à la protection de son image. Notre cliente considère avoir déjà subi des dommages de plus de 250 000 $ pour lesquels elle retient l'entière responsabilité de votre cliente.

Votre cliente est en conséquence mise en demeure par les présentes de cesser immédiatement toute intervention ou dénonciation volontairement mensongère et malhonnête en regard de la réputation de nos clients et, dans un deuxième temps, de nous transmettre sans délai la liste des interventions qu’elle a faites et l’identité des personnes auprès de qui ces interventions ont été faites de façon à ce que notre cliente puisse mitiger ses dommages.

[77]        Le 28 juin suivant, l’avocat de Bégon répond de façon laconique :

Nos clients maintiennent qu’il y a eu plagiat de leur œuvre[71].

[78]        Par lettre du 4 juillet 2011[72], les avocats des défendeurs transmettent à celui de la demanderesse, comme demandé par celui-ci dans la lettre du 28 juin, copie des différentes publications qui ont servi à Bégon pour diffamer les défendeurs et, plus particulièrement, Colas. À cette lettre est joint un exemplaire des publications suivantes :

-       Groupe Haitianpolitics sur Yahoo Mail, 9 juin 2011, « Fabienne Colas lancera Diversité TV et Bon Gout TV au Canada » sous la signature de Bégon

-       Diaspora, page Facebook, 10 juin 2011 : « Madame Madeleine Bégon va-t-elle déposé une interdiction auprès du CRTC contre la demande de la chaine nommée Diversité TV de Madame Fabienne, pour plagiat[73] »

-       Page Facebook de Nyrvah Bruno, le 10 juin 2011, « Madame Madeleine Bégon va-t-elle déposé(sic) une interdiction auprès du CRTC contre la demande de la chaine nommée Diversité TV de Madame Fabienne, pour plagiat[74] »

-       Agence de presse MédiaMosaïque.com (site Web à Montréal), 24 juin 2011, « Diversité TV : Fabienne Colas accusée de « plagiat » par l’Autre TV auprès du CRTC » 

-       Radio Kontak Inter[75] (site web), 1er juillet 2011: « Fabienne Colas accusée de plagiat »

-       Radiotélévisioncaraibes.com[76] (site Web), 2 juillet 2011, « Diversité TV : Fabienne Colas accusée de « plagiat » par l’Autre TV auprès du CRTC »

-       Radiokiskeya[77] (site Web), 4 juillet 2011 : « Fabienne Colas accusée de plagiat[78] ».

[79]        Force est de constater que la demanderesse voulait sensibiliser ses concitoyens du « plagiat » effectué par l’artiste Colas non seulement à Montréal, mais surtout à Haïti où sa renommée est encore beaucoup plus grande.

[80]        Mais, la preuve a révélé que la demanderesse ne s’est pas arrêtée là.

[81]        Le 11 juillet 2011, sous le couvert de « L’Autre TV, la voix de la DIVERSITÉ québécoise[79] », Bégon fait publier un Communiqué de presse pour diffusion immédiate intitulé « L’Autre TV persiste et signe : Diversité TV a plagié[80] » :

L’équipe de l’Autre TV déplore le comportement agressif et les propos diffamants tenus par Fabienne Colas et Émile Castonguay depuis le 20 juin 2011. Nous vivons dans un pays de droit et de lois et avions engagé les procédures relatives à la situation en question, soit le dépôt d’une contestation de la demande de licence au nom de Diversité TV au CRTC par les susnommés. À cet effet, une mise en demeure leur a été signifiée par huissiers. Nous n’éprouvons aucun besoin de nous justifier publiquement ni d’une quelconque manière car nos procureurs respectifs sont en contact permanent pour les suites nécessaires.

Pour l'information du public :

Madame Madeleine Bégon Fawcett était en Haïti lorsqu'elle a appris le dépôt du dossier Diversité TV au CRTC par Fabienne Colas et Émile Castonguay. Après avoir pris connaissance du dossier présenté par ces personnes au CRTC, Madame Madeleine Bégon Fawcett n'avait d'autre choix que de conclure au plagiat. Elle maintient qu'il y a eu plagiat, et prendra sous peu toutes les procédures judiciaires qui s'imposent afin de protéger ses droits, son œuvre qu'elle a réalisée conjointement avec l'Autre TV Inc.

Madame Madeleine Bégon Fawcett, d'autre part, ne connaissait pas Madame Nancy Roc personnellement avant cette affaire. Elle lui a parlé à quelques occasions dans le cadre de ses activités professionnelles, mais n'est pas de ses amis. Madame Madeleine Bégon Fawcett entend rester neutre dans le débat qui oppose Fabienne Colas et Madame Nancy Roc si ce n'est que pour confirmer qu'elle estime être victime de Fabienne Colas et Émile Castonguay.

Nous ne ferons aucune autre déclaration, le dossier étant entre les mains de nos procureurs pour les suites légales nécessaires.

[Soulignements ajoutés à l’exception des mots « son œuvre »]

[82]        Le 14 décembre 2011, Bégon entreprend les présentes procédures judiciaires contre les défendeurs leur réclamant des dommages de plus de 1,6 M$ et assorties de conclusions en ordonnance de sauvegarde et en injonction permanente visant essentiellement à bloquer toute tentative de Colas de mettre en activité ses deux chaines de télévision.

[83]        Malgré que dans le Communiqué de presse du 11 juillet 2011, Bégon avait laissé entendre qu’elle ne ferait aucune autre déclaration publique et qu’elle n’avait pas besoin de se justifier publiquement, le 15 décembre 2011, soit le lendemain du dépôt de ses procédures judiciaires, Bégon, toujours par l’entremise de « L’Autre TV, la voix de la DIVERSITÉ québécoise » publie un autre Communiqué pour diffusion immédiate[81] afin de sensibiliser le public que L’Autre TV a déposé « une poursuite de plus d’un million de dollars à la Cour supérieure du Québec contre Fabienne Colas, Émile Castonguay et al pour contrefaçon et autres dommages subis par Madeleine Bégon (Fawcett) auteure dramaturge d’origine haïtienne ». Bégon justifie le recours judiciaire par le refus de Colas et de Castonguay de retirer leurs demandes de licence qui avaient déjà été accordées et par le besoin de protéger ses droits en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.

[84]        Au retour des Fêtes, un article est publié le 4 janvier 2012 sur le site veritelitterale.blogspot.ca sous le titre de « Quand Kettly Mars plagie Margaret Papillon - Fabienne Colas et Émile Castonguay poursuivis pour plus d’un million de dollars[82] ».

[85]        On y traite de la poursuite pour contrefaçon et des conclusions en injonction recherchées pour conclure par ce qui suit :

Qui dit vrai dans cette affaire?

Pour Mme Bégon, qui confie avoir personnellement invité en juillet 2010 la présidente de la Fondation Fabienne Colas à collaborer avec elle dans ce projet, cette dernière lui aurait dit « n’avoir pas le temps et vu la préparation de mes festivals... le dossier est trop énorme... le mois de novembre serait plus approprié pour en reparler ». Et, à sa grande stupéfaction, Mme Colas, quelques mois après, sort, comme deux lapins dans son chapeau: Diversité TV et Bon Goût TV.

Cette éducatrice de carrière et détentrice d'un baccalauréat en lettres de l'Université d'Ottawa prétend que cette poursuite entend démontrer au tribunal que Diversité TV est une « contrefaçon » de L'Autre TV(1) et également le fruit de quatre années de travail documentées. Elle confirme que 59 dossiers accompagnent ladite poursuite qui a été remise par huissier au couple Colas et Castonguay.

À noter que la rédaction de l’Agence de presse Médiamosaïque a, évidemment, pris la peine de se renseigner auprès de la partie défenderesse, sans succès. L’actrice entrepreneure, Fabienne Colas, qui a toujours nié en bloc les accusations de Mme Bégon, n’a pas réagi à notre message laissé sur son répondeur.

[86]         Le 17 février 2012, un troisième Communiqué de presse est émis par Bégon par l’entremise de Innova Communication[83], lequel est intitulé « Poursuite de L’Autre TV inc. contre Fabienne Colas, Émile Castonguay pour contrefaçon : LES ACCUSÉS TARDENT À SIGNIFIER LEUR AFFIDAVIT ET À DÉPOSER LEURS PIÈCES JUSTIFICATIVES À LA COUR[84] ». Le Communiqué de presse se lit comme suit :

Longueuil le 17 février 2012 - À la suite d'une plainte formelle déposée à la Cour Supérieure du Québec district de Longueuil pour plagiat d'un projet d'une chaîne de télévision destinée à la diversité culturelle et à la société québécoise (L'Autre TV), L'Autre TV Inc. et Madame Madeleine Bégon attendent toujours les pièces justificatives des intimés Fabienne Colas et Émile Castonguay.

La poursuite a été déposée à la Cour Supérieure du Québec, District de Longueuil le 14 décembre 2011. Une première audition devant le juge devait avoir lieu le 18 janvier dernier. À ce jour, aucune pièce justificative n'a été encore déposée par Fabienne Colas et Émile Castonguay alors que ces derniers tiennent dans les médias des propos insouciants et irresponsables qui induisent le public en erreur.

De plus, L'Autre TV Inc. et Madame Madeleine Bégon ont sollicité de la cour que Fabienne Colas et Émile Castonguay cessent toutes représentations ou activités liées à la promotion de Diversité TV, raison sociale qui est la propriété de l'Autre TV Inc. et de fait, de ne pas utiliser les licences CRTC 2011-666 et CRTC 2011-667 jusqu'au jugement final.

Fabienne Colas et Émile Castonguay sont en défaut de déposer leurs documents. « l'Autre TV Inc. et Madame Madeleine Bégon maintiennent que Fabienne Colas et Émile Castonguay ont contrefait le projet original. La demande de sauvegarde sera présentée à la Cour Supérieure du Québec, District de Longueuil au printemps prochain. « Nous avions déposé un dossier étayé de nombreux documents. Nous attendons que Fabienne Colas et Émile Castonguay fassent le nécessaire. « Conscients du sérieux du dossier de contrefaçon, je laisse le soin au juge de prendre la décision finale », souligne Madeleine Bégon instigatrice du projet L'Autre TV.

Fabienne Colas et son conjoint sont poursuivis pour plus d'un million de dollars pour contrefaçon et autres dommages subis. Le dossier de cour peut être consulté au palais de justice de Longueuil.

[Soulignements ajoutés]

[87]        Bégon référait alors aux déclarations sous serment et pièces devant être déposées par les défendeurs dans le cadre de l’audience qui devait avoir lieu sur la demande d’ordonnance de sauvegarde, laquelle a été finalement entendue le 13 avril 2012. On y accuse les défendeurs (qualifiés d’accusés) de tenir dans les médias des propos insouciants et irresponsables qui induisent le public en erreur.

[88]        À la lumière d’une preuve fort convaincante au procès, le Tribunal a été à même de constater que ces affirmations se sont avérées dénuées de tout fondement factuel.

[89]        Quoi qu’il en soit, le 13 avril 2012, le juge Jean-Jude Chabot rejette séance tenante la demande d’ordonnance de sauvegarde des demanderesses fondée sur la violation d’un droit d’auteur dont elles prétendaient bénéficier.

[90]        Il faut souligner que cette audience s’est déroulée sans qu’aucune des parties n’offre de témoignage, cette procédure n’étant déterminée que par les procédures écrites, les déclarations sous serment et les pièces alors déposées au dossier de la Cour.

[91]        Compte tenu des conclusions du juge Chabot, il est opportun de reproduire la presque totalité du jugement rendu par ce dernier en avril 2012 lorsqu’il a rejeté séance tenante la demande en ordonnance de sauvegarde des demanderesses :  

[4] Le type d'ordonnance de sauvegarde qui est recherchée ici est clairement de la nature d'une injonction interlocutoire visant à prohiber certains comportements entre autres, de s'abstenir de solliciter directement ou indirectement différent intervenants dans le but de financer ou de mettre sur pied deux chaînes de télévision, d'ordonner aux défendeurs de ne pas utiliser les licences de télévision octroyées par le CRTC, de ne pas promouvoir leur chaîne de télévision autorisée ou de s'abstenir de promouvoir d'autres chaînes de télévision spécialisées similaires à celles que demandent les demanderesses et de retirer la publicité, etc. Alors, c'est clairement de nature prohibitive et clairement cela aurait dû faire l'objet d'une demande d'injonction interlocutoire.

[5] Quoi qu'il en soit, étant donné la nature même de la demande de sauvegarde, on doit appliquer les principes de l’ordonnance d'injonction en matière interlocutoire, soit l'apparence de droit qui prime, le préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients et l'urgence. Si l'apparence du droit est inexistante, le tribunal doit rejeter la demande; si le droit est douteux, il doit à ce moment-là se poser la question « quelle est la prépondérance des inconvénients pour une partie par rapport à l'autre résultant de l’octroi d'une injonction? »; l'absence d'ordonnance est-elle susceptible de causer un préjudice irréparable ou à créer une situation de fait à laquelle le jugement final ne pourra remédier? Et enfin, y-a-t'il urgence en la matière?

[6] D'entrée de jeu, le tribunal tient à préciser qu'il est d'avis que l'apparence de droit est ici inexistante. Il n'y a aucune mention ou référence en ce qui a trait au défendeur Castonguay à quelques actes de mauvaise foi commis par lui. Alors ne fut-ce que pour cela, la demande aurait été rejetée sommairement à son égard.

[7] En ce qui a trait à Colas, la première mention qu'on retrouve à son propos est au paragraphe 44 dans lequel les demanderesses disent avoir rencontré la première fois la défenderesse Colas. Ce à quoi réfère ce paragraphe est une invitation adressée à plusieurs individus pour une rencontre sociale pour discuter généralement du thème culturel Haïtien. On peut le voir à la lecture de la pièce P-8.

[8] Les autres paragraphes relatifs à la défenderesse Colas, on les trouve aux paragraphes 62 et 63 à l'effet que Colas aurait à un moment donné appelé la demanderesse Bégon à propos d'un prix remporté par cette dernière en l'invitant à discuter pour une collaboration éventuelle. Par après, Bégon et Colas se rencontrent fortuitement un mois plus tard dans le cadre d'une activité sociale et, encore là, on mentionne l’intérêt de se rencontrer éventuellement pour après cela ne plus jamais se reparler. Ce sont les seuls éléments qui relient les défendeurs aux demanderesses.

[9] Donc essentiellement des rencontres sociales ou des discussions d'ordre général social. Il n'y a pas d'allégations à l'effet que la défenderesse aurait eu accès à des documents personnels, aux plans d'affaires ou autres documents des demanderesses autrement que par des suppositions générales.

[10] Les défendeurs ont présenté des demandes de licences de télévision au CRTC pour des chaînes de télévision spécialisées de même type que celles sur lesquelles travaillaient les demanderesses depuis plusieurs années. Les prétentions de la demanderesse sont à l'effet que les défendeurs auraient volé ou copié son œuvre. L'œuvre est décrite au paragraphe 87;

[11] Le paragraphe 88 contient l'accusation à l'effet que les défendeurs ont repris les mêmes thèmes de l'œuvre des demanderesses. À cet égard, ces dernières ont préparé un tableau comparatif par thèmes pour décrire les similitudes entre le document de travail des demanderesses et les écrits réalisés et les entrevues accordées par Colas en 2011. On se réfère ici à P-54.

"87. L'œuvre des demanderesses est présentée, ci-après, en utilisant un tableau des 5 thèmes de l'œuvre, dont voici la liste:

a) Visibilité de la diversité sur les écrans francophones du Québec;

b) Épanouissement et promotion des talents, des valeurs et expertises des communautés culturelles;

c) Perspective d'intégration de professionnels de la diversité;

d) Sauvegarde de la langue française et de la culture québécoise;

e) Rapprochement interculturel."

[12] Or, la lecture de la pièce P-54 démontre à l'évidence qu'il s'agit essentiellement de généralités sur un concept culturel, sur l'approche que l'on devrait avoir, à l'effet que ce type de chaîne devrait s'adresser à la communauté culturelle Haïtienne ou aux autres communautés minoritaires. Bref une lecture, et j'ai pris le temps de relire le document au complet, me démontre qu'il s'agit essentiellement de thèmes généraux.

[13] C'est très clair qu'un thème, une idée, ce n'est pas une œuvre. Il n'y a pas un droit d'auteur sur la culture, pas plus qu'un droit d'auteur sur le rapprochement interculturel, qu'un droit d'auteur sur la sauvegarde de la langue française ou de la culture québécoise ou sur l'épanouissement des communautés culturelles. Ce sont toutes des idées fort valables mais pour lesquels il n'y a pas droit d'auteur comme tel.

[14] À cet égard, je vais référer uniquement à deux décisions, mais je crois que c'est très clair un peu partout, Je vais référer à la décision Hurtubise, une décision du Juge Tessier de la Cour supérieure répertoriée à [1989] R.J.Q.1003, particulièrement aux paragraphes 48 et 49, et je cite:

"48. Rappelons que le droit d'auteur n'existe que sur l'expression d'une idée et non sur l'idée elle-même [citant une autre décision]:

"It is, I think, an elementary principle of Copyright Law that an author has no copyright in ideas but only in his expression of them."

49. Les concepts font partie du patrimoine public et leur mode d'expression relève de la propriété privée."

(p.1010)

[15] Je vais référer également à une décision du Juge Parent de la Cour supérieure répertoriée à 2007 QCCS 4405 et particulièrement aux paragraphes 14 et 15 et je cite:

"14. Comme le reconnaissent les demandeurs, on ne peut posséder un droit d'auteur sur une idée. C'est plutôt l'expression originale de cette idée qui peut conférer un droit à son auteur, [ici je me permets d'insister sur l'expression originale de cette idée],

15, En conséquence, l'activité artistique qu'est le théâtre de rue [dans ce cas-là c'était une question de théâtre de rue] ne confère pas, en soi, un droit d'auteur."

[16] Alors il m'apparaît moi qu'il n'y a aucune apparence de droit. Même si le droit avait été douteux, le tribunal aurait dû à ce moment-là pondérer la balance des inconvénients des demanderesses par rapport aux défendeurs et, en l'espèce, la prépondérance des inconvénients aurait penché nettement en faveur des défendeurs qui détiennent en bonne et due forme des licences leur permettant d'exploiter des chaînes de télévision. Les conclusions recherchées visent à leur interdire d'exploiter ces licences, d'exploiter une entreprise commerciale et même de concurrencer légalement les demanderesses alors que les demanderesses elles-mêmes ne détiennent même pas encore de licence. Alors j'aurais décidé que la prépondérance des inconvénients penchait du côté des défendeurs.

l17l Enfin, indépendamment de tout cela, les conclusions recherchées dans l'ordonnance d'injonction sont manifestement trop larges et visent à empêcher sans limites l'exercice d'un commerce et à réduire indûment la concurrence. Alors d'une manière ou d'une autre, le tribunal aurait utilisé sa discrétion pour refuser l'ordonnance.

[Soulignements ajoutés]

[92]        Il est exact qu’à ce moment, le juge s’est limité à la lecture de divers documents produits de part et d’autre pour trancher les questions qu’il était alors appelé à faire. Mais, force est de constater avec la preuve administrée de part et d’autre pendant quelque six jours de procès que le juge Chabot avait vu juste. Il n’y a pas d’œuvre protégée par la Loi sur le droit d’auteur qui ait été contrefaite par les défendeurs dans cette affaire qui a pris des proportions gigantesques, voire même surréalistes, en raison du comportement malicieux et abusif dont la demanderesse Bégon a malheureusement fait preuve.

-       La réaction de Colas suite à la diffusion des premiers messages publics de Bégon l’accusant de plagiat et de contrefaçon

[93]        Lorsque Bégon a lancé ses premiers messages sur les réseaux sociaux en juin 2011, Colas a décidé de parler à Bégon pour clarifier tout malentendu qui pouvait exister quant à ses propres démarches. Colas ignorait que Bégon se trouvait à l’époque en Haïti. Colas a alors contacté deux personnes qui connaissaient Bégon pour la rejoindre. Colas a appelé chez Bégon pour apprendre de l’une de ses filles que sa mère se trouvait en Haïti. Elle lui a alors donné le numéro de téléphone de sa mère en Haïti. Toutes les tentatives de Colas se sont avérées vaines, car Bégon, de son propre aveu, n’a jamais voulu prendre ses appels pour lui parler. Selon Bégon, « il était trop tard le dommage était déjà fait ». Pourtant, l’orage n’avait pas vraiment débuté à ce moment.

[94]        Colas dit avoir fait d’autres tentatives pour parler à Bégon à son retour à Montréal, mais toujours en vain. Bégon refusant toute communication avec Colas. « On nageait en plein délire », selon Colas.

[95]         Bref, force est de constater qu’alors qu’un échange dès le début entre elles aurait possiblement pu éviter une attaque médiatique sans merci à l’endroit de Colas et de Castonguay, Bégon, manifestement furieuse à l’endroit de Colas, a toujours refusé toute communication et tout échange avec elle dès le début, et ce, jusqu’au procès où son mépris à l’égard de Colas ne faisait aucun doute.

-       Les contacts antérieurs entre Bégon et Colas

[96]        Tout au long de son témoignage, tout comme dans certains de ses écrits, Bégon a fait grand état de ses contacts antérieurs avec Colas pour tenter de prouver les diverses allégations de sa Demande en justice à l’effet qu’elle avait non seulement sollicité Colas à plus d’une reprise pour qu’elle participe et collabore à son Projet L’Autre TV, mais que Colas l’avait même approchée pour obtenir de plus amples informations sur son Projet L’Autre TV. Le Tribunal a compris qu’il s’agissait d’une tentative de Bégon pour le convaincre que Colas était bel et bien au courant de son projet qui l’aurait grandement inspiré bien avant le dépôt de ses demandes de licence auprès du CRTC et que cela aurait incité Colas à tenter d’obtenir par toutes sortes de manœuvres frauduleuses les documents confidentiels de Bégon.

[97]        La version de Colas à ce sujet s’est avérée fort différente et beaucoup plus plausible.

[98]        Colas ne se souvenait que d’une seule conversation téléphonique qu’elle aurait eue avec Bégon en 2008 ou en 2009. Bégon l’avait appelée pour lui dire qu’elle était une source d’inspiration pour les jeunes de la communauté haïtienne. Colas s’est dit touchée qu’un tel compliment vienne d’une des leaders de la communauté haïtienne. Bégon a enchainé en lui disant que comme Colas était connue, elle voulait qu’elle mette sur pied un vidéoclip avec des gens de la communauté haïtienne.

[99]        Bégon lui a ainsi demandé de réaliser ce vidéoclip pour elle. Colas devait en être la productrice et réalisatrice, Bégon lui donnant carte blanche. Après avoir demandé à Bégon le montant du budget dont elle disposerait, Colas a découvert qu’il n’y avait aucune forme de financement en place pour ce projet. Bégon s’attendait à ce que Colas fasse tout, incluant de trouver les commanditaires.

[100]     Bref, Bégon n’avait apporté que l’idée et elle s’attendait à ce que Colas lui livre un produit fini, à ses frais. Après tout, c’était Colas qui allait bénéficier d’une visibilité accrue.

[101]     Colas a précisé qu’avec ses divers sites web et ses activités médiatiques, elle n’avait pas besoin d’une visibilité accrue, d’autant plus que Colas n’œuvrait pas elle-même dans la production de vidéoclips. Elle a donc décliné l’invitation de Bégon tout en lui suggérant de s’associer à un groupe de jeunes artistes de la communauté haïtienne pour réaliser le vidéoclip. Dans un tel contexte, il lui ferait grand plaisir de collaborer en procédant pro bono aux diverses interviews alors planifiées. Pour Colas, il ne faisait aucun sens de réaliser entièrement elle-même le projet de Bégon qu’elle connaissait à peine et à ses propres frais par surcroit.

[102]     En rétrospective, Colas soupçonne que son refus a grandement indisposé Bégon à son endroit. La preuve va révéler que Colas n’avait pas nécessairement tort de conclure ainsi.

[103]      À son souvenir, il s’agirait de sa seule communication téléphonique qu’elle aurait eue avec Bégon.

[104]     Comme mentionné précédemment, contrairement aux affirmations de Colas, Bégon a fait grand état de l’intérêt de celle-ci dans son Projet L’Autre TV qui aurait même demandé des informations écrites sur son projet, se disant grandement intéressée. Au paragraphe 44 dans sa Demande en justice, Bégon a allégué qu’elle a fourni à Colas ces informations demandées par courriels produits sous la cote P-8.

[105]     Or, ces courriels ne sont pas des communications entre Bégon et Colas. Il s’agit plutôt d’invitations générales transmises à des connaissances de Bégon leur demandant de diffuser ces invitations à leurs propres cercles de connaissances. En d’autres termes, ces invitations avaient trait à des rencontres communautaires organisées par Bégon demandant à ses propres contacts de faire circuler pour elle ses invitations. Qui plus est, ces invitations de masse n’étaient même pas transmises par Bégon directement à Colas, la défenderesse les ayant plutôt reçues par l’entremise de tiers à qui Bégon avait demandé de faire circuler celles-ci.

[106]     Colas a précisé n’avoir jamais vu ces invitations et n’a jamais participé à aucune des réunions organisées par Bégon, car elle ne prenait pas connaissance des multiples courriels qui inondaient cette boîte aux lettres particulière. L’adresse courriel utilisée était effectivement la sienne, mais elle ne s’en servait plus activement à l’époque à cause des innombrables pourriels qui l’envahissaient constamment.

[107]     À la lumière de la preuve prépondérante, il appert que Bégon fait flèche de tout bois pour tenter d’établir un lien de communication ou une relation manifestement inexistante avec Colas. Selon la défenderesse, « la relation que Bégon tente d’établir [avec moi] n’existe tout simplement pas. »

[108]     Contrairement aux autres affirmations non corroborées de Bégon, Colas a également nié catégoriquement avoir communiqué avec Bégon pour lui demander comment son Projet L’Autre TV se déroulait et pour bénéficier de ses conseils. Selon Colas, il s’agit d’une pure fabulation de la part de la demanderesse, d’autant plus que Colas n’avait absolument aucune raison de tenter de bénéficier de conseils de la part de Bégon avec qui elle n’avait aucune relation.

[109]      Quant aux documents soi-disant confidentiels dont elle se serait appropriée, Colas nie tout, ajoutant ne les avoir vus pour la toute première fois que sous forme de pièces produites par Bégon après l’institution de ses propres procédures judiciaires.

[110]     De déclarer Colas : « Je ne comprends toujours pas comment on a pu se retrouver ici [au procès] sans aucune preuve que j’ai eu communication de ces documents. »

2.            LES QUESTIONS EN LITIGE

[111]     Une idée bien élaborée ou un concept bien articulé relié à la mise en place d’une chaine spécialisée de télévision sur le câble (L’Autre TV) peuvent-ils constituer une œuvre protégée au sens de la Loi sur le droit d’auteur qui ne pouvait être plagiée par les défendeurs? Autrement dit, l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) est-elle une œuvre protégée au sens de la Loi sur le droit d’auteur

[112]     Les défendeurs ont-ils contrefait ou plagié l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) des demanderesses pour s’en servir et obtenir deux licences de radiodiffusion du CRTC pour l’exploitation de Diversité TV et de Bon Goût TV, des entreprises nationales[85] de programmation d’émissions spécialisées de Catégorie B en langue française et ce, avant même que les demanderesses ne demandent l’émission d’une licence pour L’Autre TV ?

[113]     Les demanderesses ont-elles droit aux dommages compensatoires, moraux et punitifs réclamés des défendeurs en raison de leurs agissements illégaux et des propos diffamatoires prononcés à l’endroit de Bégon?

[114]     Inversement, les défendeurs, Fabienne Colas et son conjoint Émile Castonguay ont-ils fait l’objet de propos diffamatoires de la part de la demanderesse, Madeleine Bégon Fawcett en étant accusés à répétition dans divers médias de plagiat de l’œuvre L’Autre TV protégée des demanderesses? Et, dans l’affirmative, ont-ils droits à des dommages moraux et punitifs et quel en serait le quantum

3.            L’ANALYSE

I-             La demande principale

[115]     D’emblée, il importe de rappeler les conclusions recherchées par les demanderesses en conservant à l’esprit que les conclusions financières ont été réduites substantiellement au début du procès et que les conclusions de nature injonctive l’ont été au cours du procès afin de les rendre susceptibles d’exécution :

DIRE ET DÉCLARER que les défendeurs ont contrefait l’œuvre L’Autre TV des demanderesses protégée par la Loi sur le droit d’auteur;

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, à payer la somme de 25 000 $ en dommages moraux à la demanderesse Bégon, avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, à payer la somme de 225 000 $ en dommages-intérêts aux demanderesses, avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, à payer aux demanderesses à la demanderesse Bégon une somme de 25 000 $ pour atteinte à la réputation, avec intérêts et indemnité additionnelle calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER la défenderesse Colas à payer à la demanderesse Bégon une somme de 50 000 $ en dommages punitifs, avec intérêts calculés depuis le 20 juin 2011;

CONDAMNER le défendeur Castonguay à payer à la demanderesse Bégon une somme de 25 000 $ en dommages punitifs, avec intérêts calculés depuis le 20 juin 2011;

QUANT À L’ORDONNANCE D’INJONCTION PERMANENTE :

ORDONNER aux défendeurs de s’abstenir de solliciter directement ou indirectement tous organismes, partenaires, institutions, personnalités et/ou entreprises publiques ou privées dans le but de financer et/ou mettre sur pied les deux chaînes de télévision basées sur les licences CRTC-2011-666 et CRTC-2011-667;

ORDONNER aux défendeurs de ne pas utiliser les licences CRTC-2011-666 et CRTC-2011-667 accordées par le CRTC;

ORDONNER aux défendeurs, pour une période de 4 ans, de s’abstenir de lancer, de participer ou de détenir un intérêt financier dans à une chaîne qui reprend une partie importante du Projet L’Autre TV tel que défini aux pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-20, P-22, P-27, P-30, P-58 et P-62 de s’abstenir de promouvoir, directement ou indirectement les deux chaînes de télévision basées sur les licences CRTC-2011-666 et CRTC-2011-667 auprès de tiers;

ORDONNER aux défendeurs de s’abstenir de poser quelque(s) geste(s) directement ou indirectement visant à promouvoir d’autre(s) chaîne(s) de télévision spécialisée(s) qui serait en concurrence directe avec la chaîne des demanderesses;

ORDONNER aux défendeurs de retirer du public tous documents, textes, bandes audio et/ou vidéo dans lesquels ils utilisent l’œuvre et/ou le plan d’affaires des demanderesses, sous le vocable de Diversité TV et/ou Bon Goût TV ou tout autre vocable faisant état des mêmes services;

ORDONNER aux défendeurs de s’abstenir de participer, directement ou indirectement dans d’autres chaînes de télévision spécialisée qui serait en concurrence directe avec la chaîne des demanderesses;

ORDONNER de prononcer une ordonnance de mise sous scellés, et ORDONNER aux défendeurs de ne pas utiliser les pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-17, P-20, P-21, P-22, P-26, P-27, P-30, P-31, P-41, P-57, P-58, P-62;

LE TOUT avec frais de justice, incluant des frais d’expert.

[116]     À la lumière de ce qui précède, outre les conclusions de nature financières, les demanderesses demandent essentiellement de déclarer dans un premier temps que les défendeurs ont contrefait l’œuvre L’Autre TV des demanderesses laquelle est protégée par la Loi sur le droit d’auteur; et dans un second temps, que le Tribunal ordonne aux défendeurs :

-       de ne pas utiliser les licences CRTC-2011-666 et CRTC-2011-667 accordées par le CRTC[86];

-       de s’abstenir, pour une période de 4 ans, de lancer, de participer ou de détenir un intérêt financier dans à une chaîne « qui reprend une partie importante du Projet L’Autre TV », tel que défini aux pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-20, P-22, P-27, P-30, P-58 et P-62; aucune des pièces ci-devant décrites ne comporte une définition du Projet L’Autre TV; et

-       de ne pas utiliser les pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-17, P-20, P-21, P-22, P-26, P-27, P-30, P-31, P-41, P-57, P-58 et P-62, lesquelles devraient faire l’objet d’une ordonnance de mise sous scellés.

[117]     Le recours des demanderesses s’articule essentiellement autour des trois thèmes suivants :

-       La violation par les défendeurs du droit d’auteur protégeant l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) des demanderesses en vertu de la Loi sur le droit d’auteur;

-       La concurrence déloyale des défendeurs qui ont abusé de leurs droits en procédant à leurs demandes de licence auprès du CRTC tout en se servant d’informations et de documents confidentiels appartenant à Bégon qu’ils ont subtilisés à cette dernière pour obtenir lesdites licences auprès du CRTC relativement à Diversité TV et à Bon Goût TV; à ce sujet, l'appropriation de l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) des demanderesses (information et documents confidentiels) équivaudrait à de la concurrence déloyale; et

-       Les propos diffamatoires dont Bégon aurait fait l’objet de la part de Colas et de Castonguay.

-       La violation du droit d’auteur revendiqué par les demanderesses

[118]     Pour qu’il y violation d’une œuvre protégée par la Loi sur le droit d’auteur, encore faut-il que l’œuvre invoquée soit effectivement visée et protégée par cette loi. 

[119]     La position des demanderesses à l’égard de la question du droit d’auteur peut se résumer ainsi :

-       Malgré ce qui a été affirmé, Bégon ne revendique aucun droit d'auteur sur un titre, sur l'idée de diversité, sur un livre à venir, ou sur une de ses émissions. Elle revendique un droit d'auteur sur l'ensemble du Projet L'Autre TV qu’elle qualifie dans ses conclusions de l’œuvre L’Autre TV;

-       En l'espèce, l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) de la demanderesse constitue une œuvre originale et protégée en ce qu'elle prétend articuler cinq grands thèmes dans un projet télévisuel primé de manière novatrice, au moyen de données disponibles et de recherches de marché;

-       À titre de titulaires d’un droit d'auteur dans l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV), les demanderesses peuvent empêcher toute reproduction illégale d'une partie importante de celle-ci;

-       L'évaluation d'une partie importante de l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) repose sur une évaluation qualitative globale de l’œuvre originale qui fait l'objet du présent litige (sans pour autant préciser ce qui constitue l’œuvre originale ou une partie importante de celle-ci);

-       La preuve de contrefaçon ayant été établie à la fois par les ressemblances entre les œuvres de Bégon et de Colas[87] ainsi que les circonstances entourant l'affaire, une fois que la preuve circonstancielle d'un nombre suffisant de similitudes a été effectuée, une présomption de contrefaçon s’est créée, et il appartenait alors à Colas de démontrer sa propre création indépendante, ce que Colas aurait failli d’établir;

-       En l'espèce, le travail des demanderesses possède les caractéristiques nécessaires pour être protégé par droit d'auteur.

[120]     Force est de constater que la clé de voute de la preuve de Bégon pour étayer sa position se retrouve essentiellement dans des tableaux comparatifs[88] réalisés par la demanderesse elle-même pour identifier, entre autres, les similitudes reliées aux cinq thèmes qu’elle avait développés et qui ont été plagiés et contrefaits par « imitation déguisée » par Colas pour son projet de Diversité TV:

          1) La visibilité de la diversité;

          2) Le partage de la richesse et de l’expertise multiculturelle;

          3) Perspectives d’intégration professionnelles;             

          4) La sauvegarde de la langue et de la culture québécoise;

          5) Le rapprochement interculturel.

[121]      Bégon souligne que ces mêmes thèmes ont été repris par Castonguay se décrivant comme directeur administratif dans la réponse[89] qu’il a adressée au CRTC le 21 juin 2011 au nom de Diversité TV face à l'opposition de Channel Zero[90] à l’octroi de la demande de licence de Diversité TV.

[122]     Étant donné l'importance des ressemblances ou similitudes détectées par Bégon, il revenait donc à Colas de convaincre le Tribunal que son projet Diversité TV avait été créé indépendamment. En l'espèce, la série d'articles[91] soumis par la défense ne constituait aucunement la preuve d'une création indépendante, selon l’avocat de Bégon.

[123]     Toujours d’après l’avocat des demanderesses, même si le droit d'auteur a d'abord été créé pour protéger les œuvres littéraires, musicales et artistiques, le droit a depuis considérablement évolué. Ainsi, des programmes informatiques, des compilations d'œuvres littéraires, ou des bases de données sont désormais protégés. Dans un tel contexte, l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) des demanderesses peut aisément être protégée par la Loi sur le droit d’auteur.

[124]     Le Tribunal retient de l’ensemble de la preuve que l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) est essentiellement l’idée développée par Bégon de mettre sur pied une chaîne de télévision francophone s’adressant aux membres de la diversité québécoise et qu’il s’agissait sans doute d’une bonne idée qui, à l’époque qui nous concerne, devait répondre à un besoin de la société québécoise, ce besoin étant un manque de représentativité à l’écran, car actuellement l’écran québécois ne reflète pas (ou peu) la réalité sociale.

[125]     La défenderesse Colas, qui ne s’est jamais opposée au Projet L’Autre TV et à la mise en place de L’Autre TV par Bégon, a plutôt proposé que la société québécoise entière pourrait bénéficier d’initiatives comme celles de L’Autre TV et de Diversité TV, car il y avait une carence à cet égard. Colas, voyant d’un bon œil la présence de deux chaînes spécialisées vouées à la promotion de la diversité francophone, n’a jamais tenté d’empêcher Bégon de mener à terme son projet qui pouvait coexister avec le sien.

[126]     Il ne fait aucun doute que le tapage médiatique avant l’institution des présentes procédures judiciaires et par la suite a eu un effet absolument pervers sur les projets des deux parties qui en définitive n’ont jamais pu devenir réalité. 

[127]     Quoi qu’il en soit, Bégon a prétendu que l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV), c’est-à-dire son projet d’entreprise, était originale et unique parce qu’il n’y avait pas de télévision francophone au Québec en 2007 (ni même aujourd’hui) qui s’adressait aux communautés de la diversité.

[128]     L’avocate des défendeurs a souligné qu’en l’espèce, la demanderesse Bégon confondait une carence dans le marché avec « l’originalité » au sens de la Loi sur le droit d’auteur. Or, à son avis, l’un n’a rien à voir avec l’autre. Qui plus est, l’absence de concurrents dans un marché ne signifie pas que l’on bénéficie d’un droit d’auteur sur une entreprise, il n’y aucune corrélation entre les deux.

[129]     Le Tribunal partage cette opinion.

[130]     Au point de vue factuel, la preuve permet au Tribunal de constater que malgré leurs cheminements fort différents, tant Bégon que Colas ont fait essentiellement le même constat face au manque de représentativité de la diversité dans les médias québécois et qu’un tel constat les a menées à conclure que la création d’une chaîne de télévision spécialisée s’imposait sur un marché jusqu’alors dépourvu d’une telle chaîne visant la diversité francophone.

[131]     Une fois le constat effectué, chacune des parties a adopté une approche également fort différente afin de mettre en œuvre leur projet respectif.

[132]     Manifestement, le cheminement de Bégon, une femme érudite versée dans les lettres et l’art dramaturge, s’est déroulé sur une période de temps beaucoup plus longue (sur plusieurs années) avec une approche empreinte de précautions et de multiples démarches de consultations auprès de divers intervenants pour, entre autres, valider son idée.

[133]     Elle y pensait depuis 2007, elle a mis ses idées sur papier, mais n’étant pas un stratège d’affaire, elle a décidé de travailler avec des gens du milieu.

[134]     Bégon a même décidé de suivre un cours en lancement d’entreprise et de faire diverses études de marché, toujours avec l’objectif de valider son idée de projet et de l’aider à mettre en œuvre son Projet L’Autre TV.

[135]     L’approche de Colas, une artiste et femme d’affaires, fut tout autre. Ne favorisant aucunement les études de marché qu’elle n’a jamais préconisées avant de lancer les divers projets d’affaire qui la caractérisent, Colas a toujours préféré se fier à son instinct d’affaire. Quant aux chaînes de télévision spécialisée pour lesquelles elle a demandé l’octroi de licences auprès du CRTC, Colas a témoigné qu’à l’instar de ses démarches antérieures ayant trait à ses autres projets commerciaux, elle ne favorise jamais de publier ou d’ébruiter à l’avance ses idées de projet avant que ceux-ci ne soient passablement concrétisés.

[136]     Colas a expliqué qu’un tel projet de chaîne de télévision spécialisée nécessitait l’implication et l’apport de collaborateurs et de commanditaires et, quant à elle, il était impensable d’entamer de telles approches sans détenir au préalable les licences octroyées par le CRTC. Pour Colas, il s’agissait d’une question de crédibilité. Il lui était impensable comme femme d’affaires crédible d’approcher des collaborateurs et commanditaires potentiels sans avoir en main les licences requises.

[137]     À ce sujet, Colas a expliqué qu’elle a préparé elle-même en quelques jours les deux demandes de licence[92] en se servant des formulaires mis à la disposition du public par le CRTC. Colas savait que l’octroi de ces licences ne nécessitait aucunement la soumission d’études de marché établissant la nécessité ou le besoin de telles chaînes de télévision spécialisée sur le marché canadien. Elle savait aussi qu’en octroyant des licences de Catégorie B[93], le CRTC ne s’attendait pas que la chaîne de télévision soit prête à commencer ses opérations immédiatement. En fait, en octroyant ce type de licence (Catégorie B), le CRTC accorde un délai de quatre ans au détenteur de la licence pour démarrer les opérations de la future chaîne de télévision. Si les opérations n’ont pas débuté au quatrième anniversaire de la date de l’octroi de la licence, celle-ci devient aussitôt périmée.

[138]     Dans l’optique de Colas, il était logique d’obtenir en premier lieu les licences en question afin que ses démarches subséquentes soient crédibles auprès des intervenants, commanditaires et collaborateurs éventuels.

[139]     À cet égard, l’approche de Bégon était tout à fait à l’opposé. L’obtention d’une licence pour L’Autre TV était parmi les toutes dernières étapes à accomplir à la fin de la mise en œuvre de son Projet L’Autre TV[94]. Bégon a commandé des études de marché et requis l’assistance de deux entreprises spécialisées pour préparer et soumettre en son nom la demande de licence qui pouvait être facilement préparée au moyen du formulaire mis à la disposition du public par le CRTC, lequel ne requiert pas beaucoup de réponses élaborées. En fait, la plupart des réponses recherchées sont données en cochant les cases appropriées.

[140]     La preuve révèle qu’il a fallu près de cinq années à Bégon pour finalement soumettre sa demande de licence auprès du CRTC par l’entremise de Communications Michel Mathieu (« Communications Mathieu »)[95] en janvier 2012.

[141]     Sans pour autant diminuer la pertinence pour Bégon de recourir à des spécialistes pour préparer et déposer sa demande de licence auprès du CRTC, force est de constater, à la lumière du témoignage de monsieur Richard J. Paradis (« Paradis »), le témoin expert présenté par les défendeurs, que la demande de licence de Bégon était assortie de divers documents qui n’étaient aucunement requis par le CRTC pour disposer d’une telle demande. Selon le témoin expert, le processus de demande et d’octroi de ce type de licence (Catégorie B) se voulait beaucoup plus simple, car tout requérant disposait de quatre années pour mener à bien et démarrer son projet après l’octroi de la licence.

[142]     En fait, la preuve a établi que le CRTC a émis de nombreuses licences de Catégorie B, mais que fort peu ont effectivement réussi à s’introduire sur le marché de la câblodistribution.

[143]     Par ailleurs, le Tribunal a remarqué que tôt dans sa réflexion, Bégon envisageait de mettre en œuvre son Projet L’Autre TV tant sur le marché de la câblodiffusion au Québec qu’au moyen d’un portail sur l’Internet.

[144]     Le 17 février 2009, Bégon a reçu du CRTC un courriel[96] du service à la clientèle l’informant que « le Conseil [CRTC] ne règlemente pas l’Internet » et « l’invit[ant] à consulter la section « Formulaires de demande de radiodiffusion » : http://www.crtc.gc.ca/fra/file.htm [...] quant à l’obtention d’une licence de radiodiffusion », ce qu’elle ne fera que trois ans plus tard en janvier 2012[97] par l’entremise d’un conseiller en radiodiffusion, Communications Mathieu, dont le représentant n’est pas venu témoigner à l’audience à titre d’expert contrairement à ce qui avait été annoncé par la demanderesse. [Soulignement ajouté]

[145]     Bref, dès 2009, rien n’empêchait Bégon de commencer ses opérations sur le portail web qu’elle avait même mis en place. Depuis lors, rien n’a été fait à ce sujet bien qu’aucune autorisation ni licence du CRTC n’était requise.

[146]     Qui plus est, en février 2010, Bégon avait reçu une lettre[98] confirmant l'acceptation de Nuevo Mundo Télévision de diffuser dès le mois d’avril 2010 une série culturelle produite par L'Autre TV de sept chapitres d'une durée de 24 minutes chacun. À cette date, nous sommes toujours bien loin des événements impliquant Colas en juin 2011. Manifestement, cette lettre d’entente se voulait être en réponse à une approche de Bégon. Pourtant, Bégon n’y a pas donné suite. En fait, le Tribunal comprend qu’à ce jour, aucune telle émission n’existe. Pourtant, au cours de son témoignage, Bégon affirmait qu’en 2010, elle s’affairait à finaliser son projet. À cette époque, c’est-à-dire un an avant le début du présent conflit, Colas ne pouvait être une embûche pour Bégon qui n’avait toujours pas demandé sa licence auprès du CRTC. [Soulignement ajouté]

[147]     La demanderesse a tenté d’expliquer cet état de situation par le fait que les agissements de Colas avaient fait fuir les investisseurs intéressés par son projet. Mais, encore une fois, l’entente avec Nuevo Mundo Télévision était intervenue un an auparavant…

[148]     Or, cette preuve ayant trait aux soi-disant investisseurs s’est avérée moins que convaincante, Bégon ignorant même l’identité de tous les investisseurs potentiels qui n’ont pas été appelés à témoigner non plus. La demanderesse a seulement produit un courrier de Lord Fenester[99] qui prospectait pour lui trouver du financement. La demanderesse a témoigné qu’elle n’a jamais voulu lui demander d’identifier ses prospects, car cela ne concernait que lui. Ainsi, selon la demanderesse, cette dernière ne connaitrait pas l’identité des soi-disant investisseurs intéressés par son projet, s’ils existent réellement.

[149]     En fait, sur le plan financier, il y a eu absence quasi totale de preuve offerte par la demanderesse, si ce n’est que quelques affirmations non corroborées de sa part prévoyant des revenus initiaux fort surévalués, voire même tout à fait irréalistes à leur face même.

[150]     Encore une fois, les défendeurs ont offert une perspective fort différente de celle des demanderesses que le Tribunal n’a aucune hésitation à retenir comme étant plus vraisemblable et plausible.

[151]     Essentiellement, la demanderesse Bégon demande au Tribunal de déclarer qu’elle possède un droit d’auteur sur le projet d’entreprise qu’elle veut mettre sur pied, entreprise qui n’existe toujours pas aujourd’hui, bien qu’elle y réfléchisse, en parle et y travaille depuis au moins 2007 selon la preuve offerte.

[152]     Même si l’entreprise L’Autre TV avait franchi le seuil de projet d’affaire et était opérationnelle aujourd’hui, Bégon n’aurait pas plus le droit de revendiquer un droit d’auteur sur son entreprise, sur son opération commerciale.

[153]     Le droit d’auteur ne protège pas les idées, aussi valables, créatrices et novatrices soient-elles. Le droit d’auteur ne protège pas non plus les opérations commerciales, ni les entreprises communautaires.

[154]     Le droit d’auteur protège l’expression des idées.

[155]     Selon les défendeurs, Bégon tente d’utiliser le droit d’auteur pour essentiellement limiter la concurrence du marché en sa faveur au détriment de Colas et de Castonguay.

[156]     Bref, la demanderesse Bégon ne peut revendiquer ici un droit d’auteur sur ses écrits, ses documents de travail, ses travaux scolaires et sur tous les documents déposés en preuve devant la Cour. La demanderesse revendique en réalité un droit d’auteur sur l’objet de ces documents, sur le sujet de son travail, à savoir le projet d’entreprise qu’elle voulait mettre sur pied, le Projet L’Autre TV, une chaîne de télévision francophone s’adressant aux membres de la diversité qu’elle décrit comme étant le Projet L’Autre TV. [Soulignements ajoutés]

[157]     Bégon reproche essentiellement à Colas et à Castonguay d’avoir plagié et contrefait « par imitation déguisée » son œuvre L’Autre TV qu’elle décrit parfois comme étant le Projet L’Autre TV.

[158]     D’emblée, sur la question d’œuvre protégée, la position adoptée par Bégon à l’encontre des défendeurs Colas et Castonguay implique deux éléments distincts.

[159]     En premier lieu, pour bénéficier de la protection offerte par la Loi sur le droit d’auteur, il faut nécessairement que la personne exigeant la protection de cette loi dispose d’une œuvre au sens de celle-ci qui soit susceptible d’être protégée.

[160]     En second lieu, en prétendant que les défendeurs ont violé les dispositions applicables de la Loi sur le droit d’auteur relativement à l’œuvre L’Autre TV soi-disant protégée de Bégon, encore fallait-il établir de façon prépondérante que les défendeurs ont effectivement violé cette loi au mépris du droit d’auteur prétendument protégé revendiqué par Bégon.

[161]     À ce sujet, rappelons que Bégon reproche aux défendeurs d’avoir plagié son œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) dite protégée en s’appropriant illégalement ses documents confidentiels qui leur ont procuré l’idée de mettre en place Diversité TV, une chaîne de télévision spécialisée à l’intention de la diversité francophone.

[162]     Comme mentionné précédemment, la clé de voute de la position de la demanderesse Bégon pour établir le soi-disant plagiat se trouve dans les tableaux préparés par cette dernière[100] comparant le contenu des documents confidentiels élaborés au fil des années par celle-ci en rapport avec son œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) et les propos tenus par Colas au cours de diverses entrevues qu’elle a accordées en rapport avec Diversité TV.

[163]     Rappelons comment les demanderesses abordent ce sujet dans leur Demande en justice :

87. L’œuvre des demanderesses est présentée, ci-après, en utilisant un tableau des 5 thèmes de l’œuvre, dont voici la liste :

a) Visibilité de la diversité sur les écrans francophones du Québec;

b) Épanouissement et promotion des talents, des valeurs et expertises des communautés culturelles;

c) Perspective d’intégration de professionnels de la diversité;

d) Sauvegarde de la langue française et de la culture québécoise;

e) Le rapprochement interculturel.

88. Les défendeurs ont repris les mêmes thèmes de l’œuvre des demanderesses, et ces dernières ont préparé un tableau comparatif par thèmes pour décrire les similitudes entre le document de travail des demanderesses (P-4) et les écrits réalisés et les entrevues accordées par Colas en 2011, tel qu’il appert d’une copie de ce tableau produit au soutien des présentes sous la cote P-54, ainsi que de la comparaison des entrevues données par la co-demanderesse Bégon et la co-défenderesse Colas, P-66, P-67 et P-68;

89. Au surplus, les demanderesses ont annoté la pièce P-4, afin de reprendre les écrits et entrevues de Colas qui sont similaires avec les extraits pertinents de P-4, tel qu’il appert d’une copie de ce document annoté produit au soutien des présentes sous la cote P-55;

90. Les demanderesses ont également préparé un autre tableau par thèmes, identiques à ceux décrits au paragraphe 87 des présentes, mais reprenant la pièce P-15, pour comparer les extraits similaires de la pièce P-15 avec les écrits réalisés par les défendeurs et les entrevues accordées par Colas, tel qu’il appert d’une copie de ce tableau produit au soutien des présentes sous la cote P-56;

91. Pour finir, les demanderesses ont analysé la pièce P-30 et comparé dans un tableau des extraits pertinents de cette pièce avec les écrits des défendeurs et entrevues de Colas, pour souligner les similitudes troublantes entre ces textes, tel qu’il appert d’une copie de ce tableau produit au soutien des présentes sous la cote P-57;

92. Il ressort de ces pièces annotées et tableaux décrits ci-avant que les défendeurs ont réécrit ou verbalisé différemment les mêmes thèmes et contenus des pièces des demanderesses décrites aux présentes, dans leur projet de licence pour Diversité TV, et les demanderesses concluent de ces similitudes troublantes entre leur œuvre et les écrits et entrevues des défendeurs qu’il y a eu contrefaçon par imitation déguisée;

93. Les défendeurs ont déposé une demande de licence (Bon Goût TV, P-43) alors que les demanderesses avaient déjà conçu dans leur liste d’émissions (P-41) une émission ‘’Cuisine du monde’’ qui développait le même thème que ce qui est décrit dans la demande de licence (P-43) des défendeurs;

94. Les demanderesses concluent que les défendeurs ont contrefait ‘’Cuisine du Monde’’ dans leur demande de licence (P-43) par imitation déguisée;

95. Les demanderesses ont élaboré leur œuvre protégée par la Loi sur le droit d’auteur bien avant le dépôt des demandes de licences (P-42 et P-43) et les discussions que Bégon a eues avec Colas sur le même sujet lui permettent d’affirmer que les défendeurs ignoraient ou ne pourraient avoir conçu une œuvre antérieure à la sienne, en juillet 2010, alors que l’œuvre de Bégon avait déjà été primée publiquement par la Jeune Chambre de commerce haïtienne de Montréal, Visa Desjardins et al;

96. L’œuvre des demanderesses est donc antérieure aux écrits et entrevues de Colas et peut donc recevoir la protection de la Loi sur le droit d’auteur;

[Soulignements ajoutés]

 

[164]     À l’audience, l’avocate des défendeurs a affirmé que ses clients peinaient toujours, après quelque six jours d’audition, à concevoir ce qui constituait exactement l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) soi-disant protégée de la demanderesse Bégon.

[165]     Cet état d’incompréhension s’est d’autant accentué le 9 mai 2017 avec les dernières modifications apportées par l’avocat des demanderesses aux conclusions demandées quand celles-ci ont décidé de demander au Tribunal de déclarer que les défendeurs ont maintenant contrefait l’œuvre L’Autre TV[101]. Puis, elles ont aussi décidé de demander une ordonnance en injonction contre les défendeurs en ne référant pas à l’œuvre L’Autre TV, mais plutôt au « Projet L’Autre TV tel que défini aux pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-20, P-22, P-27, P-30, P-58 et P-62[102]. »

[166]     Ainsi, d’une part, Bégon demande maintenant que le Tribunal déclare que « les défendeurs ont contrefait l’œuvre L’Autre TV » sans la définir clairement de quelque façon que ce soit.

[167]     D’autre part, Bégon demande d’ordonner aux défendeurs, pour une période de quatre ans, de s’abstenir de lancer, de participer ou de détenir un intérêt financier dans à une chaîne qui « reprend une partie importante du Projet L’Autre TV », tel que défini aux pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-20, P-22, P-27, P-30, P-58 et P-62 sans préciser ce qu’est exactement le Projet L’Autre TV[103], préférant manifestement laisser au Tribunal, aux défendeurs et à tout tiers le soin de le définir eux-mêmes en prenant connaissance des pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-20, P-22, P-27, P-30, P-58 et P-62, lesquelles, rappelons-le, ne contiennent aucune telle définition.

[168]      Avec grand respect pour l’opinion contraire, les défendeurs ne sont pas les seuls à s’interroger sur ce qui constitue exactement l’œuvre L’Autre TV soi-disant protégée. Le Tribunal partage leur questionnement.

[169]     Avec égards, l’ordonnance en injonction recherchée par Bégon n’est aucunement susceptible d’exécution en raison de l’absence d’une définition précise de ce qu’est réellement l’œuvre L’Autre TV qui serait soi-disant protégée par le droit d’auteur, tout comme l’expression le Projet L’Autre TV.

[170]     Ainsi, pour connaître la portée de l’ordonnance en injonction demandée, tout lecteur prenant connaissance du jugement à intervenir devrait nécessairement prendre connaissance des dix pièces y identifiées pour ensuite les interpréter et tenter d’en tirer la conclusion voulue par la demanderesse Bégon.

[171]     À la lumière de ces modifications effectuées en cours de procès, il faudrait nécessairement prendre connaissance des dix pièces identifiées par les demanderesses pour interpréter leur contenu et tenter de définir soi-même ce qu’est exactement le Projet L’Autre TV sans pour autant savoir si celui-ci correspond à l’œuvre L’Autre TV qui serait protégée aux yeux de Bégon.

[172]     Encore faudrait-il avoir accès à ces dix pièces qui ont été déclarées confidentielles par Bégon qui, par surcroît, exige que le Tribunal ordonne leur mise sous scellés…

[173]     En présumant que le Tribunal accorde les remèdes injonctifs recherchés par les demanderesses, on peut raisonnablement s’attendre que tout tiers opérant ou voulant opérer une chaîne de télévision en collaboration ou en association avec Colas et/ou Castonguay veuille s’assurer que ces derniers ne contreviendraient pas à une telle injonction de la Cour.

[174]     Or, comment tout tel tiers pourra raisonnablement déterminer ou s’assurer qu’en s’associant à Colas et/ou Castonguay, sa chaine de télévision ne s’exposera pas à « reprendre ou non une partie importante du Projet L’Autre TV », ce qui serait alors interdit. Selon le libellé de l’ordonnance recherchée par les demanderesses, un tel tiers intéressé de s’associer en pareilles circonstances à Colas et/ou Castonguay devrait nécessairement avoir accès et prendre connaissance des dix documents confidentiels pour déterminer en interprétant ceux-ci si son propre projet « reprend une partie importante du Projet L’Autre TV ». Comment le faire si ces documents ont été mis sous scellés? Faudra-t-il que toute telle personne intéressée s’adresse au Tribunal pour obtenir la levée de l’ordonnance de mise sous scellés pour ne pas contrevenir à l’ordonnance en question? Enfin, cette personne intéressée interprètera-t-elle ces documents de la façon envisagée par Bégon?

[175]     Avec grands égards, ce remède recherché n’est clairement pas susceptible d’être exécutoire sans un accès aux documents considérés confidentiels par Bégon, d’autant plus que ces documents sont sans aucun doute susceptibles d’exiger de tout lecteur éventuel une interprétation pour tenter de déterminer ce qu’est exactement le Projet L’Autre TV et s’il y aurait violation ou non d’une telle ordonnance. 

[176]     Le seul effet pratique d’une telle ordonnance serait d’empêcher Colas et Castonguay de concurrencer Bégon pendant la période demandée de quatre ans en s’associant et/ou de collaborant avec quiconque dans la mise en œuvre ou l’exploitation d’une chaine de télévision s’adressant à la diversité francophone qui reprendrait « une partie importante du Projet L’Autre TV » difficilement identifiable, tout comme l’œuvre L’Autre TV.

[177]      Le juge Chabot n’avait pas tort de voir dans les demandes de Bégon « des conclusions [initiales] qui sont manifestement trop larges et visent à empêcher sans limites l'exercice d'un commerce et à réduire indûment la concurrence[104]. » [Soulignement ajouté]

[178]     Bien qu’il ne soit pas clair ce qu’est exactement l’œuvre L’Autre TV soi-disant protégée sur laquelle la demanderesse Bégon prétend avoir un droit d’auteur, il appert à la lumière des pièces et des procédures que ce sur quoi Bégon revendique un droit d’auteur n’est pas les écrits per se qui ont été produits en preuve dont elle se dit l’auteure, mais bien ce qu’elle décrit maintenant dans ses conclusions modifiées comme étant le Projet l’Autre TV, à savoir l’idée qui fait l’objet des écrits en question. [Soulignement ajouté]

[179]     Le Tribunal a noté que la demanderesse Bégon a fait grand état du fait que son Projet L’Autre TV se retrouvait dans les nombreuses pièces jointes à sa procédure, mais avec grands égards, rien n’indique que le Projet L’Autre TV, qui vise notamment la mise en place d’une chaîne de télévision francophone multiethnique, s’est effectivement concrétisé en une œuvre au sens de la Loi sur le droit d’auteur et, par conséquent protégée par celle-ci.

[180]     La preuve prépondérante révèle plutôt que malgré l’ampleur et le sérieux des recherches et démarches effectuées par Bégon depuis 2007, le Projet L’Autre TV est essentiellement demeuré à un stade embryonnaire ou conceptuel. Qui plus est, la licence que Bégon s’est finalement vue octroyée en août 2012 par le CRTC a expiré le 16 août 2016, faute par Bégon d’avoir mis en œuvre sa chaîne de télévision dans le délai imparti de 48 mois. Rappelons que rien empêchait Bégon de commencer les opérations de L’Autre TV sur son site web ni de diffuser sept émissions sur le canal Nuevo Mundo Télévision dès avril 2010.

[181]     Sans pour autant diminuer de quelque façon que ce soit l’importance et l’ampleur du travail et des démarches accomplies par Bégon au cours des années, le Tribunal partage entièrement la position des défendeurs voulant qu’en toute vraisemblance, l’œuvre L’Autre TV que la demanderesse prétend avoir créée ne constitue qu’un amalgame de différentes idées qu’a eu cette dernière dans le cadre du développement de son Projet L’Autre TV et se retrouvant dans les différents documents de travail produits par celle-ci au soutien de sa Demande en justice.

[182]     Par ailleurs, comme souligné précédemment dans ses procédures écrites, Bégon reproche à Colas d’avoir « réécrit ou verbalisé [en précisant avec les mots] différemment » ou « plagié par verbalisation » les thèmes développés par la demanderesse qui font partie de son l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) dans le cadre d’entrevues accordées par Colas ou dans le corps de ses deux demandes de licence auprès du CRTC.

[183]     Un tel reproche implique que Colas et Castonguay aient eu nécessairement accès en tout ou en partie auxdits documents confidentiels pour s’en inspirer et plagier les idées y contenues.

[184]     Pour étayer ses propos qu’il y a eu plagiat et appropriation illicite, Bégon se fonde toujours sur les quatre tableaux qu’elle a confectionnés pour comparer le contenu de ses propres textes confidentiels par rapport aux articles rapportant des entrevues et la transcription d’entrevues radiophoniques ou télévisées accordées par Colas[105] dans le but d’établir l’existence de la « contrefaçon par imitation déguisée » ou par « plagiat. »

[185]      Or, un examen approfondi de ces tableaux ne permet pas au Tribunal de constater et de conclure que Colas a effectivement contrefait « par imitation déguisée » ou par « plagiat » l’œuvre L’Autre TV soi-disant protégée de Bégon. Outre le fait que chacune d’entre elles [Bégon et Colas] ait abordé à leur manière des idées ou thèmes similaires en utilisant par surcroît, mais sans surprise, des mots similaires, il n’en demeure pas moins que le droit d’auteur ne protège que l’expression d’une idée et non pas l’idée elle-même[106]. Ce concept juridique a été amplement repris par la jurisprudence pour ne laisser aucun doute sur sa portée et son application.

[186]     Rappelons aussi qu’en l’espèce, pour qu’il y ait eu contrefaçon du droit d’auteur dans l’œuvre L’Autre TV soi-disant protégée de Bégon, il devait y avoir une reproduction substantielle de l’expression de l’idée de la demanderesse Bégon, ce qui n’est pas le cas ici. [Soulignement ajouté]

[187]     Avec égards, le Tribunal est d’avis que les idées développées par Bégon si sérieuses, intéressantes et attrayantes soient-elles, n’ont jamais atteint le stade de l’expression absolument requis pour devenir une œuvre qui est susceptible d’être protégée en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.  [Soulignement ajouté]

[188]      Force est de réaliser, malgré une preuve importante administrée sur quelque six jours, que les constats suivants du juge Chabot au stade initial des présentes procédures se sont avérés toujours appropriés et applicables :

[11] Le paragraphe 88 [de la Requête introductive d’instance] contient l'accusation à l'effet que les défendeurs ont repris les mêmes thèmes de l'œuvre des demanderesses. À cet égard, ces dernières ont préparé un tableau comparatif par thèmes pour décrire les similitudes entre le document de travail des demanderesses et les écrits réalisés et les entrevues accordées par Colas en 2011. On se réfère ici à P-54.

"87. L'œuvre des demanderesses est présentée, ci-après, en utilisant un tableau des 5 thèmes de l'œuvre, dont voici la liste:

a) Visibilité de la diversité sur les écrans francophones du Québec;

b) Épanouissement et promotion des talents, des valeurs et expertises des communautés culturelles;

c) Perspective d'intégration de professionnels de la diversité;

d) Sauvegarde de la langue française et de la culture québécoise;

e) Rapprochement interculturel."

[12] Or, la lecture de la pièce P-54 démontre à l'évidence qu'il s'agit essentiellement de généralités sur un concept culturel, sur l'approche que l'on devrait avoir, à l'effet que ce type de chaîne devrait s'adresser à la communauté culturelle Haïtienne ou aux autres communautés minoritaires. Bref une lecture, et j'ai pris le temps de relire le document au complet, me démontre qu'il s'agit essentiellement de thèmes généraux.

[13] C'est très clair qu'un thème, une idée, ce n'est pas une œuvre. Il n'y a pas un droit d'auteur sur la culture, pas plus qu'un droit d'auteur sur le rapprochement interculturel, qu'un droit d'auteur sur la sauvegarde de la langue française ou de la culture québécoise ou sur l'épanouissement des communautés culturelles. Ce sont toutes des idées fort valables mais pour lesquels il n'y a pas droit d'auteur comme tel.

[Soulignements ajoutés]

[189]     Une lecture des autres tableaux comparatifs préparés subséquemment par la demanderesse n’a pas réussi à convaincre le Tribunal de l’existence de l’œuvre L’Autre TV de Bégon protégée par le droit d’auteur. Les constats du juge Chabot demeurent toujours pertinents.

[190]     Bref, alors que le fardeau de preuve incombait aux demanderesses, ces dernières n’ont pas réussi à convaincre le Tribunal qu’elles étaient les bénéficiaires d’un droit d’auteur protégeant leur œuvre L’Autre TV.

[191]     Le Tribunal en vient donc à la conclusion que l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) n’est pas une œuvre protégée en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.

[192]     Mais, il y a plus.


 

-       La concurrence déloyale pratiquée par les défendeurs au détriment des demanderesses

[193]     L’entièreté de la cause d’action fondée sur la concurrence déloyale repose sur le fait que Colas et Castonguay auraient prétendument eu accès aux documents confidentiels de Bégon pour ensuite lui faire une concurrence déloyale.

[194]     Or, outre l’absence d’une preuve prépondérante quant à l’existence de l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) soi-disant protégée par un droit d’auteur, la demanderesse Bégon a également failli totalement au niveau du fardeau qui lui incombait de prouver de manière prépondérante que les défendeurs ont obtenu leurs licences auprès du CRTC en s’inspirant, « par plagiat ou par contrefaçon par imitation déguisée », de l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) après s’être illégalement appropriés des documents soi-disant confidentiels qui composent celle-ci. [Soulignement ajouté]

[195]     En fait, dans ses procédures écrites, la demanderesse Bégon a formulé les allégations suivantes pour justifier la concurrence déloyale pratiquée par les défendeurs à son détriment :

96.1      Si le Projet L’Autre TV des demanderesses était connu du public en raison de la volonté de la co-demanderesse Bégon d’en faire la publicité pour son projet et trouver des collaborateurs, les détails de son plan d’affaires, incluant la liste des émissions et celle des commanditaires potentiels, étaient strictement confidentiels;

96.2      Ces documents n’étaient accessibles qu’aux proches collaborateurs de la co-demanderesse Bégon ainsi qu’aux autres organismes et entreprises avec lesquelles les demandeurs avaient des discussions d’affaires confidentielles;

 

96.3    Ces documents confidentiels incluent notamment les documents suivants :

• Copie du dossier d’opportunité L’Autre Télévision réalisé en janvier 2009 par la co-demanderesse Bégon, P-3;

• Document de travail préparé par la co-demanderesse Bégon en décembre 2008, P-4;

• Copie du résumé du projet préparé par la co-demanderesse Bégon en décembre 2009, P-15;

• Copie du nouveau document de présentation avec emphase sur le volet Web préparé par la co-demanderessse Bégon, P-16;

• Copie de la lettre de soumissions de plusieurs projets d’émissions et la liste de ceux-ci en date du 18 janvier 2010 à madame Calderòn, en liasse, P-17;

• Copie du plan d’affaires rédigé par la co-demanderesse Bégon en date du 29 mars 2010, P-20;

Document La voix de la diversité québécoise l’autre tv inc. Le portail web préparé par les demanderesses, P-21;

• Annexe au plan d’affaires préparé en mai 2010, P-22;

• Document de travail préparatoire à la rencontre avec le Conseil Régional des Élus de Longueuil, le Forum-Jeunesse, le CLD de Longueuil et le Ministère de l’immigration régionale, P-26;

• Annexe 3 contenant la liste des clients potentiels au projet des demanderesses préparé au printemps 2010, P-27;

• Dossier d’opportunité présenté sous format de sept fiches, P-30;

• Analyse préliminaire Projet L’Autre TV par Terra Terra Communications inc. en mai 2011, P-31;

• Listes des émissions devant faire partie de la programmation de L’Autre TV conçues en 2008, en liasse, P-41;

• Dossier d’opportunité, septembre 2011, mis à jour par la co-demanderesse Bégon, P-57;

• Annexe au plan d’affaires L’Autre TV - Notes au plan financier 2012-2015, P-58;

• Sommaire exécutif de L’Autre TV rédigé par la co-demanderesse Bégon (décembre 2010), P-62 ;

96.4 Les défendeurs ont activement sollicité les collaborateurs des demanderesses pour obtenir copie de ces informations confidentielles;

96.5 Si les défendeurs n’avaient pas eu accès à des documents confidentiels, elles [sic] n’auraient jamais pu mettre sur pied leur projet de chaîne de télévision, ni déposer la demande au CRTC avant les demanderesses;

96.7 Les défendeurs ne pouvaient ignorer que les documents employés étaient confidentiels, plusieurs d’entre eux portant des mentions explicites à ce sujet;

96.8 C’est donc par le fruit de manœuvres délibérées et malhonnêtes que les défendeurs se sont appropriées des documents qu’elles savaient confidentiels, afin de lancer aussi rapidement un projet qui ressemble en tout point au Projet L’Autre TV sur lequel la co-demanderesse Bégon travaillait depuis des années ;

96.9 Ces manœuvres représentent une transgression des règles de conduites [sic] sociales [sic] en matière commerciale, vont à l’encontre d’une saine concurrence, et doivent être sanctionnées;

[Soulignements ajoutés]

[196]     Or, outre de simples soupçons non fondés et non corroborés, la demanderesse Bégon a été totalement incapable de prouver de façon le moindrement convaincante que Colas et Castonguay ont eu accès à ses documents dits confidentiels pour s’inspirer de son œuvre L’Autre TV dans l’élaboration du projet de Colas et pour compléter les formulaires de demande de licence auprès du CRTC pour Diversité TV et Bon Goût TV.

[197]      En fait, la preuve offerte a convaincu le Tribunal que les défendeurs n’ont jamais eu accès à aucun des documents dits confidentiels de la demanderesse Bégon, ce qu’elle a elle-même reconnu lors de son ré-interrogatoire[107].

[198]     Qui plus est, même si Colas avait eu accès à tous les documents confidentiels de Bégon, ce qui n’a pas été établi ou appuyé par la preuve de quelque façon que ce soit, ceux-ci ne lui auraient servi à absolument rien en l’espèce.

[199]     Il importe de préciser qu’il n’y a même pas l’ombre d’une preuve appuyant l’accusation de « vol » (laquelle s’est avérée dénuée de tout lien avec la réalité) que Colas et Castonguay aient ourdi une forme de complot diabolique pour voler l’œuvre L’Autre TV de Bégon en sollicitant ses collaborateurs afin d’obtenir de ceux-ci copie des documents confidentiels lui appartenant. On navigue en pleine fabulation.

[200]      Avec égards, au cours de son témoignage, Bégon a poussé l’odieux de sa position intenable en ayant recours à toutes sortes d’explications tout aussi invraisemblables les unes que les autres pour convaincre en vain le Tribunal des manœuvres sournoises et illicites des défendeurs pour s’approprier illégalement pour leur propre bénéfice du fruit de son travail de longue haleine.

[201]     À titre d’illustration, Bégon a affirmé que toutes les entrevues accordées par Colas, entrevues dont elle s’est servie pour confectionner ses tableaux comparatifs et établir une similarité troublante dans les mots utilisés par Colas par rapport à ceux trouvés dans ses propres documents confidentiels, n’étaient pas de réelles entrevues. En fait, Colas se servant des documents confidentiels de Bégon obtenus illégalement aurait « fabriqué » ces entrevues en écrivant les textes (questions et réponses) et en soumettant ceux-ci aux journalistes complaisants qui n’avaient rien d’autre à faire que de les publier et d’en tirer le crédit.

[202]      Mais, l’affirmation de Bégon que Colas et son conjoint Castonguay ont fabriqué de toutes pièces l’article publié le 2 novembre 2012 sur le site Canal+Haïti intitulé : « Québec/Diversité TV/L’Autre TV : De la zizanie chez Fabienne Colas et Émile Castonguay » défie toute logique. Selon Bégon, les défendeurs auraient créé eux-mêmes de toutes pièces cet article comportant des faussetés et mensonges au sujet de leur propre couple en vue de s’auto-dénigrer publiquement et, surtout, de jeter le blâme subséquemment sur la demanderesse Bégon pour lui faire porter l’odieux de tels propos purement diffamatoires.

[203]     Compte tenu de l’incidence de cet article sur la demande reconventionnelle des défendeurs, il importe de s’y attarder.

-       L’article du 2 novembre 2012 sur le site Canal+Haïti intitulé : « Québec/Diversité TV/L’Autre TV : De la zizanie chez Fabienne Colas et Émile Castonguay »

[204]     Colas s’est dit stupéfaite lorsqu’elle a pris connaissance de l’article publié le 2 novembre 2012 sur le site Canal+Haïti au sujet de problèmes matrimoniaux entre son conjoint et elle, une histoire qui avait été fabriquée de toutes pièces.

[205]     On indique que le crédit de l’article va à canalplushaïti sans pour autant en identifier l’auteur.

[206]     Pour sa part, Bégon déclare qu’elle est tout à fait étrangère à cet article et ajoute qu’il s’agit d’une fabrication de Colas et de Castonguay, car l’article ne peut plus être retrouvé sur le site web de Canal+Haïti. En toutes probabilités, l’article qui a été imprimé par les défendeurs au moment de sa parution, a été retiré du site web subséquemment. Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agisse d’une fabrication des défendeurs eux-mêmes.

[207]     Pour une meilleure compréhension et pour s’en convaincre, voici ce que révèle l’article en question produit sous la cote D-25 :

Dans « l'Affaire Diversité TV/L'Autre TV », il y a rififi, désaccord et cafouillage au procès opposant Fabienne Colas et son compagnon de mari Émile Castonguay à Madeleine Bégon-Fawcett pour « plagiat d'idée ».

Au cour(sic) des derniers interrogatoires tenus à Montréal, le 24 octobre dernier, l'actrice principale du film « Barikad » ne ressent plus le support inconditionnel de son plus fidèle ami, en l’occurrence l’homme de sa vie.

« ... je l'ai entendu parler de ce projet une fois en 12 mois et j'ai signé le formulaire de demande au CRTC sans l'avoir lu. J'ignorais le contenu du fameux formulaire! ... (...) ... je n'ai aucune relation d'affaires avec la dame (NDLR.- Fabienne Colas) et je ne fais que donner un coup de main ... ... Qu'elle aille avec quelqu'un d'autres si elle le veut ... je n'ai aucun rôle dans Diversité tv qui est le projet de cette dame ... », devait déclarer en substance Émile Castonguay, au Tribunal, visiblement contrarié et déboussolé par cette affaire.

À la base, de ce désaccord ou revirement spectaculaire, entre autres, se trouverait un problème de famille. Les proches de Castonguay seraient offusqués de voir leur nom cité dans une affaire louche. Ils auraient voulu que leur poulain jette l'éponge et ils seraient très amers envers Fabienne Colas, qui les aurait emmenés en bateau dès le départ. Ils n'aimeraient pas salir leurs nom(sic) et réputation dans cette scabreuse, sordide et scandaleuse histoire.

Quand la Cour a demandé à Émile Castonguay de lire sa réplique du 3 juillet 2011, dans lequel il en voulait terriblement et personnellement à Madeleine Bégon-Fawcett, il dit en être incapable, car il a oublié ses verres (lunettes) quelque part! Il n'en reconnaissait que le titre des minutes!

De son coté, Fabienne Colas, apparemment, avait des blancs de mémoire terribles et elle dit avoir travaillé le dossier avec ses amis et sa famille et oublié les noms de ses partenaires. La comédienne n'a pas voulu, non plus, donner les copies de ses « multitudes » diplômes obtenus tant en Haïti, avant son départ pour le Québec (ses 2 bacs, ses diplômes en diplomatie, relations publiques, protocole, relations humaines, entrepreneuriat, ... Excusez du peu…) qu'au Canada.

Imperturbable et sure d'elle-même, Madeleine Bégon-Fawcett[108] attendait la suite des événements, quand le juge a jugé bon de mettre un terme aux débats et fixé la « poursuite » de cette passionnante et étonnante affaire à une prochaine séance.

Bégon-Fawcett compte retourner devant « Monsieur le juge », « … afin de faire rejeter les objections de l'avocat de Fabienne Colas et son « mari » ... et reprendre l'interrogatoire des deux conjoints ... » ... unis pour le meilleur et désunis pour le pire.

Il y a beaucoup de contradictions et de points d'ombre dans le camp Colas-Castonguay ... Serait-ce le début de la descente aux enfers pour l'actrice de « Bouki nan Paradi »? La cause suit son cours ...

Cependant, on espère une fin heureuse à cette malencontreuse et singulière pomme de discorde qui jette le désarroi entre deux valeurs sures et enfants authentiques de la république d’Haïti. C'est malheureusement une problématique qui déchire et divise également la communauté haïtienne du Québec.

Intéressante affaire à ne louper sous aucun prétexte. This case is not closed yet!...

Crédit: CANAL+HAÏTI

[208]     Il importe de souligner que Colas et Castonguay avaient été interrogés hors cour le 24 octobre 2012, à peine quelques jours avant la publication de cet article en présence de Bégon.

[209]     Les défendeurs avaient alors été interrogés par l’avocat de Bégon à son bureau en présence de sa cliente Bégon ainsi qu’une dame nommée Ionah Bernier[109] inconnue des défendeurs. On a justifié la présence de cette dernière dans la salle de conférence de l’avocat à titre de dirigeante des compagnies demanderesses.

[210]     Or, les citations attribuées à Castonguay ne se retrouvent nulle part dans la transcription de notes sténographiques prises lors de son interrogatoire du 24 octobre précédent. Le Tribunal a appris qu’à la date de la publication de cet article, le 2 novembre 2012, la transcription n’était pas encore disponible.

[211]     Avec le bénéfice de cette transcription déposée au dossier de la Cour, outre l’incident des « lunettes » oubliées par Castonguay et certaines objections soulevées au cours des deux interrogatoires, aucune autre des diverses allégations formulées au sujet du couple Colas/Castonguay dans l’article en question ne trouve son origine dans les propos tenus par Castonguay ou Colas lors de leurs interrogatoires.

[212]     En contre-preuve, Bégon en a rajouté en insistant sur le fait que l’article était un faux, un montage, une fabrication du couple Colas/Castonguay pour la piéger en s’autodiffamant pour ensuite l’incriminer.

[213]     Deux conclusions s’imposent.

[214]     Premièrement, il ne fait aucun doute, à la lumière de certaines des allégations et de la facture de cet article, que son auteur était présent lors de l’interrogatoire de Castonguay. Par contre, l’auteur(e) fait faussement croire que Castonguay témoignait devant « la Cour », ce qui est absolument faux. 

[215]     Deuxièmement, l’auteur(e) est en toutes probabilités la demanderesse Bégon qui affirme de façon répétée mais sans grande conviction que cet article a plutôt été « fabriqué » par le couple Colas/Castonguay. Le Tribunal ne la croit tout simplement pas. Cet article avait pour but d’humilier et de dénigrer les défendeurs tout en tentant faussement de faire dire à Castonguay que sa famille et lui se dissociaient totalement des gestes de sa conjointe qui a « sali » leur nom et leur réputation dans cette « affaire louche » et dans cette « scabreuse, sordide et scandaleuse histoire ». 

[216]     Colas a témoigné qu’il aurait été tout à fait bizarre que le couple ait décidé de s’autodénigrer publiquement en fabriquant un tel article, comme l’a suggéré Bégon, qui au cours de son témoignage, rappelons-le, a également accusé Colas de « fabriquer » les divers articles publiés par les journalistes dans les journaux au sujet de son projet de Diversité TV après avoir volé ses documents confidentiels. En d’autres termes, il s’agissait de fausses entrevues organisées par Colas qui a même soumis à chaque journaliste le texte de leurs entrevues à publier. En ce faisant, Colas a « plagié » les idées qu’elle avait prélevées à même les documents confidentiels de Bégon dont qu’elle s’était appropriés illégalement.

[217]     Évidemment, aucun journaliste ne s’appelle Canal+Haïti. Mais, Colas demeure convaincue que Bégon est l’auteure de cet article mensonger et diffamatoire envers les défendeurs qui ne visait qu’à les salir et à les humilier publiquement tout en minant leur propre version des faits au profit de la position de Bégon, réitérant à tous les intéressés qu’elle a été victime du « plagiat » éhonté des défendeurs.

[218]      Tel qu’il en sera plus amplement question au niveau de la demande reconventionnelle des défendeurs ci-après, tout tend à indiquer que Bégon a fait flèche de tout bois pour attaquer de toutes les manières possibles la réputation, l’intégrité et la crédibilité de Colas et de Castonguay, ce dernier s’adonnant être réellement une victime collatérale dans cette guerre sans merci que Bégon a menée contre les défendeurs depuis 2011.

[219]     Même tout au long de l’audience de six jours, le mépris de Bégon envers Colas en particulier était palpable dans la salle de cour. L’intensité des sentiments vécus par Bégon peut possiblement s’expliquer par la métaphore qu’elle a utilisée au cours de son témoignage, « Colas est venue tirer mon bébé [l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV)] de mon utérus. »

[220]     Bref, il n’y a non seulement absence de toute preuve prépondérante quant à l’existence de l’œuvre L’Autre TV protégée par la Loi sur le droit d’auteur, mais est également inexistante la preuve que les défendeurs ont réellement plagié et contrefait « par imitation déguisée l’œuvre L’Autre TV »  dont l’existence n’a pas été établie, après avoir soi-disant volés les idées et thèmes développés par Bégon en s’appropriant illégalement des documents confidentiels qui leur auraient permis de reproduire l’expression de l’idée de Bégon qui, rappelons-le, n’en est pas une.

[221]     Force est de constater que les multiples affirmations de la demanderesse à cet effet, tant dans ses procédures que dans les écrits disséminés sur les réseaux sociaux sont également dénuées de tout fondement factuel et ne semblent relever que de son imagination pour justifier la tournure tragique des événements qui ont malheureusement pris une dimension absolument surréaliste.

[222]     Un autre élément digne de mention, outre les paroles prononcées par Colas lors des entrevues qu’elle a accordées à l’occasion de l’annonce du dépôt de ses demandes de licence auprès du CRTC, les seuls autres documents invoqués par Bégon pour justifier le soi-disant plagiat de l’œuvre L’Autre TV par Colas seraient les deux demandes de licence en question.

[223]     Or, avec égards, il s’agit d’un faux débat, car les projets de Diversité TV et de Bon Goût TV n’y sont que très sommairement décrits, sans oublier que le signataire de ces demandes est Castonguay qui, selon la preuve prépondérante, est tout à fait étranger au litige qui oppose Bégon à Colas. Encore une fois, rien n’indique que Castonguay (ni Colas) n’a eu accès aux documents confidentiels de Colas qui, de toute façon, constituent un amalgame de généralités. 

[224]     Le Tribunal ajouterait que s’il y a eu plagiat, la demande de licence de Bégon déposée plusieurs mois après celles de Colas est étrangement similaire, sinon identique, sur les éléments essentiels. Qui a plagié qui en l’espèce?

-       Conclusion relativement à la demande principale

[225]     En conclusion, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de rejeter la Demande principale des demanderesses faute d’avoir établi de façon prépondérante l’existence :

-       de l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) qui n’est pas une œuvre protégée par la Loi sur le droit d’auteur;

-       d’une concurrence déloyale pratiquée de façon abusive par les défendeurs au détriment des demanderesses; et

-       de tout plagiat et contrefaçon « par imitation déguisée » des défendeurs relativement à l’œuvre L’Autre TV (ou le Projet L’Autre TV) qui, de toute façon, n’a jamais bénéficié de la protection de droit d’auteur de la Loi sur le droit d’auteur.

[226]     En raison des constats qui précèdent, le Tribunal rejette également les conclusions de nature financière ainsi que celles en injonction recherchées par les demanderesses, d’autant plus qu’il n’y a pas l’ombre d’une preuve établissant l’existence de dommages réclamés dont la responsabilité incombe aux défendeurs Colas et Castonguay. Avec grands égards, si la demanderesse Bégon a réellement subi les dommages qu’elle allègue dans ses procédures, elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même, étant l’artisane de ses propres malheurs en raison de sa réaction démesurée et abusive aux événements qui sont survenus à partir de 2011 et par la suite.

[227]     Quant aux propos soi-disant diffamatoires prononcés par Colas et Castonguay, ils sont inexistants aux yeux du Tribunal. Le fait pour les défendeurs d’avoir affirmé publiquement qu’ils n’ont jamais plagié ni contrefait l’œuvre dite protégée de Bégon ne confère pas à une telle affirmation un caractère diffamatoire parce que prononcée dans la sphère publique. De toute façon, c’est la demanderesse Bégon qui a volontairement propulsé dans la sphère publique toute cette affaire insensée en accusant à répétition les défendeurs de plagiat qui n’avaient autre choix que de nier de telles accusations publiquement.

[228]     En fait, s’il y a eu diffamation en l’espèce la paternité de celle-ci appartient entièrement à la demanderesse Bégon et non pas aux défendeurs.  

[229]     Enfin, compte tenu de la tournure des événements et de la preuve administrée, la demanderesse Bégon n’a pas convaincu le Tribunal que les pièces qu’elle désirait faire l’objet d’une ordonnance de mise sous scellés étaient effectivement de nature confidentielle. Il n’y a donc pas lieu de prononcer la mise sous scellés de ces pièces, comme demandé par la demanderesse Bégon, cette dernière étant libre de retirer celles-ci du dossier de la Cour une fois le présent jugement rendu, d’autant plus que les défendeurs ont toujours déclaré ne les avoir jamais eues en leur possession et n’avoir aucun intérêt pour celles-ci.  

II-     La demande reconventionnelle des défendeurs Colas et Castonguay

[230]     Les défendeurs ont déjà établi avec succès que la Demande en justice des demanderesses ne s’appuyait sur aucune base juridique existante, celles-ci n’ayant aucun droit d’auteur dans quelque prétendue œuvre que ce soit, les idées développées par celles-ci ne constituant pas une œuvre ou un droit susceptible de quelque exclusivité que ce soit. Qui plus est, la preuve fortement prépondérante a satisfait le Tribunal de l’inexistence de toute manœuvre illicite commise par les défendeurs à l’endroit de la demanderesse Bégon et de ses documents dits confidentiels dont ils ne se sont jamais appropriés ni utilisés de quelque façon que ce soit.

[231]     Les défendeurs affirment avoir fait l’objet de fausses accusations et de propos diffamatoires de la part de Bégon portant sciemment et intentionnellement atteinte à leur honneur, à leur réputation et à leur droit à la vie privée dans le cadre d’une campagne médiatique de salissage intensif orchestrée et soutenue par celle-ci.

[232]     C’est à cette enseigne que s’articule plus particulièrement la demande reconventionnelle des défendeurs réclamant des dommages compensatoires et punitifs ainsi que le paiement de l’entièreté des honoraires extrajudiciaires encourus dans la présente instance, d’autant plus que le recours des demanderesses à l’endroit du défendeur Castonguay s’inscrit dans un contexte abusif, déraisonnable et non fondé devant une absence évidente de droit, car celui-ci n’a aucun rattachement de quelque nature que ce soit en faits ou en droit au présent dossier, si ce n’est d’avoir signé les demandes de licence pour et au nom de Colas. Rappelons qu’en 2012, le juge Chabot avait déjà fait un tel constat à son sujet.

[233]     Ainsi, le Tribunal comprend qu’en termes financiers, il doit déterminer si :

-       les défendeurs ont droit au paiement de la part de Bégon et de L’Autre TV inc. solidairement à des dommages punitifs de 20 000$ quant à Colas et de 10 000$ quant à Castonguay pour la violation intentionnelle de leurs droits à la dignité, à l’honneur, à la réputation, de leur droit à l’image, du droit au respect de leur nom et pour l’atteinte illicite à leur vie privée;

-       les défendeurs ont droit au paiement de la part de Bégon et de L’Autre TV inc. solidairement à des dommages de 175 000$ quant à Colas et de 75 000$ quant à Castonguay pour compenser l’atteinte illicite à leur réputation, la diffamation qu’ils ont tous deux subie et la violation de leur droit à la vie privée; et

-       les défendeurs ont droit conjointement au paiement de la part de Bégon et de L’Autre TV inc.  à des dommages compensatoires de 15 000 $ pour troubles et inconvénients en raison des ennuis et des inconvénients majeurs subis suite aux revendications démesurées et sans fondement de Bégon dans la présente instance. 

[234]     Le Tribunal devra également trancher la demande de Colas et de Castonguay qu’il déclare le présent recours des demanderesses comme étant abusif et, par conséquent, qu’ils aient droit au paiement de l’entièreté des honoraires extrajudiciaires de 186 000 $ qu’ils ont dû encourir pour se défendre relativement à des procédures judiciaires clairement abusives, disproportionnée et démesurées qui ont suscité quelque six jours de procès alors que Bégon savait ou devait savoir qu’elle n’avait aucune preuve à offrir en appui à ses prétentions dénuées de tout fondement avec la réalité.

[235]     Enfin, dans un autre ordre d’idées, compte tenu de l’attitude vindicative et acharnée de la demanderesse Bégon, de son utilisation abusive et malveillante des tribunes publiques et de l’Internet avec impunité et du dommage irréparable qu’elle a causé et qu’elle continue de causer aux défendeurs Colas et Castonguay, le Tribunal devra déterminer s’il est opportun en l’espèce d’ordonner à Bégon et à L’Autre TV inc. de publier des excuses publiques pour réparer le tort qu’elles leur ont causé, d’autant plus que leurs divers écrits et propos diffamatoires se trouvant sur l’Internet demeurent toujours et continueront pour la plupart de s’y trouver dans le futur nonobstant toute compensation financière qui pourrait leur être versée en vertu du présent jugement. À ce sujet, les défendeurs insistent sur le caractère permanent des attaques diffamatoires de Bégon à leur endroit, lesquelles sont pratiquement indélébiles lorsqu’on parle d’articles ou de propos publiés sur l’Internet à leur sujet. 

[236]     Dans cette optique, Colas et Castonguay demandent plus précisément que le Tribunal ordonne à Bégon et à L’Autre TV inc. de :

-       Publier une rétractation de toutes accusations de plagiat et autres qu’elles ont formulées à leur endroit dans les trois Communiqués de presse datés des 11 juillet 2011, 15 décembre 2011 et 17 février 2012 (D-24) et que cette rétractation soit assortie d’excuses publiques à leur endroit;

-       Ainsi, publier un communiqué de presse se lisant comme suit et mentionnant que le Tribunal leur a ordonné de le faire par le présent jugement :

Rétractation d’accusations de plagiat ordonnée judiciairement à L’Autre TV inc. et à Madeleine Bégon pour les accusations de plagiat injustement formulées à l’encontre de Fabienne Colas, Émile Castonguay et Diversité TV. 

Dans des communiqués diffusés le 11 juillet 2011, le 15 décembre 2011 et le 17 février 2012, dans plusieurs articles diffusés sur lnternet et dans des procédures judiciaires entreprises devant la Cour supérieure dans le dossier de Cour 505-17-005644-119, L’Autre TV inc. et Madeleine Bégon ont accusé Madame Fabienne Colas, Monsieur Émile Castonguay et Diversité TV de plagiat suite à l’obtention par Mme Colas d’une licence du CRTC pour la mise sur pied et l’exploitation de la chaîne de télévision Diversité TV.

                         Il appert que ces accusations de plagiat étaient fausses et entièrement non              fondées à l’encontre de Madame Fabienne Colas, de Monsieur Émile                                     Castonguay et de Diversité TV.

                         L’Autre TV et Madeleine Bégon s’excusent des inconvénients et préjudices                causés à Madame Fabienne Colas, à Monsieur Émile Castonguay et                                     Diversité TV en raison de leurs propos.

[237]     Il se dégage de la preuve administrée une intention bien arrêtée de Bégon d’empêcher initialement coûte que coûte Colas et Castonguay d’obtenir les licences demandées au CRTC par l’entremise de la contestation qu’elle a logée auprès de l’organisme fédéral en les accusant dès le début de plagiat et de contrefaçon « par imitation déguisée de son œuvre L’Autre TV » qu’elle prétendait protégée par la Loi sur le droit d’auteur

[238]     Cette contestation était accompagnée d’accusations publiques de plagiat et de contrefaçon à l’endroit des défendeurs qui ont débuté le 9 juin 2011 sur les médias et réseaux sociaux[110].

[239]     À ce sujet, le Tribunal joint en annexe au présent jugement pour en faire partie intégrante un document préparé et soumis par les parties intitulé « Chronologie commune des articles, communiqués et autres textes concernant L’Autre TV, Diversité TV et Bon Goût TV ayant été publiés dans les médias et les mises en demeure à cet égard. »

[240]     Le 24 juin 2011, parait l’article intitulé « Diversité TV: Fabienne Colas accusée de « plagiat » auprès du CRTC », qui a été diffusé par l’Agence de presse Médiamosaïque[111] et dans lequel on traite de la bataille juridique qui se dessine devant le CRTC entre Colas et Bégon, cette dernière s’objectant à l’émission d’une licence relativement à Diversité TV. On y cite un haut responsable du CRTC qui a tenu à rassurer que cette instance régulatrice, qui est « un tribunal quasi-judiciaire », va prochainement rendre son verdict « en tenant compte absolument de tous les points de vue exprimés sur la question[112] ».

[241]     On y cite également Bégon qui affirme que Diversité TV est un clone de L’Autre TV qui est protégée par la Loi sur le droit d’auteur. L’article se termine avec un reproche de Bégon à l’endroit des deux demandes de licence de Colas qui n’étaient pas accompagnées d’ententes ou de projets d’entente avec les câblodistributeurs et des distributeurs de services par satellite ni de projections financières. Or, la preuve a révélé que ces documents n’étaient aucunement requis par le CRTC pour l’émission d’une licence de Catégorie B.  

[242]     Quoi qu’il en soit, Bégon a continué la campagne médiatique[113] qu’elle avait amorcée le 9 juin 2011 sur Facebook et autres réseaux sociaux pour accuser publiquement au Canada et en Haïti Colas et son conjoint Castonguay de piratage et de copie de son œuvre L’Autre TV en soulignant à chaque occasion une violation de leur part à la Loi sur le droit d’auteur.

[243]     Le 11 juillet 2011, Bégon a fait publier sous le couvert de L’Autre TV inc. un premier Communiqué de presse[114] réitérant son accusation de plagiat de son œuvre L’Autre TV à l’endroit du couple Colas/Castonguay, en les exhortant de retirer leurs demandes de licence tout en annonçant l’institution prochaine de procédures judiciaires pour la protéger.

[244]     Après le premier Communiqué de presse, s’instaure une certaine accalmie temporaire sans doute suscitée par l’espoir que la contestation logée par Bégon auprès du CRTC allait porter ses fruits.

[245]     À la fin d’octobre 2011, Bégon constate que sa contestation n’a pas été retenue par le CRTC qui a émis les deux licences[115] demandées par Colas par l’entremise de son représentant Castonguay.

[246]     Un article paraît dans La Presse du 12 novembre 2011, intitulé « Diversité TV va de l’avant[116]».

[247]     Alors que dans le premier Communiqué de presse, Bégon avait annoncé qu’elle n’avait pas à se justifier publiquement et qu’elle ne ferait aucune autre déclaration, un second Communiqué de presse est publié le 15 décembre 2011[117] annonçant le dépôt d’une poursuite de « plus d’un million de dollars » contre le couple Colas/Castonguay pour contrefaçon[118].

[248]     À la lumière de la preuve fortement prépondérante, il ne fait aucun doute dans l’esprit du Tribunal que tous les Communiqués de presse et les autres documents truffés d’accusations et de commentaires malveillants et diffamatoires à l’endroit de Colas et de Castonguay émanaient directement ou indirectement de Bégon ou suite à son instigation personnelle. 

[249]      Dès le dépôt des procédures judiciaires, Bégon a continué de plus belle son battage médiatique contre le couple Colas/Castonguay pour, entre autres, alerter le plus grand nombre de personnes possibles au Canada et en Haïti de l’existence desdites procédures judiciaires contre ceux-ci en insistant sur les accusations de plagiat (ou contrefaçon) ainsi que sur le montant des dommages réclamés « excédant un million de dollars ». En mettant publiquement l’emphase sur des dommages si élevés, Bégon tentait vraisemblablement de conférer une gravité certaine aux gestes clairement répréhensibles et illégaux posés par les défendeurs à son endroit. On invite toujours le public à aller consulter la Demande en justice au Palais de justice de Longueuil dont de nombreuses allégations s’avéreront non fondées.

[250]     Incidemment, la Demande en justice initiale comportait une demande d’ordonnance de sauvegarde qui était accompagnée du Premier Affidavit Circonstancié de Bégon[119] dans lequel elle accuse toujours les défendeurs Colas et Castonguay de « plagiat de notre œuvre[120] » et affirme solennellement que ces deniers « en quelques mois ayant eu connaissance et accès à notre œuvre, directement et indirectement[121] [ils] ont mis sur pied leur projet de télévision francophone et multiculturelle s’adressant à la diversité […] ».

[251]      Son battage médiatique se poursuit par la publication d’un article dans le Magazine Saint-Lambert (le « Magazine ») lors de sa parution du 25 janvier 2012[122], à peine un mois après l’institution des présentes procédures judiciaires par Bégon.

[252]     La page frontispice du Magazine de huit pages révèle le grand titre suivant :

Diversité TV

verra-t-elle

le jour?

Ses deux créateurs poursuivis pour plagiat

Pages 2 et 3

[253]     À la page trois apparait un article intitulé « Les créateurs d’une chaîne de télévision multiculturelle accusés de plagiat. ». On y voit une photographie reproduisant un grand plan de Bégon avec une petite photographie de Colas en mortaise.

[254]     L’article révèle ce qui suit :

Fabienne Colas et Émile Castonguay, les créateurs de la chaîne de télévision Diversité TV, qui vient de recevoir l'aval du CRTC, font face à une poursuite de la part de Madeleine Bégon, une Longueilloise d'origine haïtienne, qui les accuse d'avoir copié son concept de chaîne de télévision multiculturelle.

Cette dernière réclame aux deux créateurs de Diversité TV, des gens d'affaires de Saint-Lambert, la somme de 1 371 678, 30$, car elle assure que c'est elle, et non Colas et Castonguay qui aurait eu l'idée de créer une chaîne de télé- vision multiculturelle québécoise.

Selon la requête déposée au Palais de justice de Longueuil à la fin novembre, le projet présenté au CRTC serait semblable sur plusieurs points au projet de Madeleine Bégon, intitulé l'Autre TV.

Autre TV ou Diversité TV?

C'est après avoir longuement étudié la place des membres des communautés culturelles à la télévision québécoise que Mme Bégon a créé son projet d'une chaîne de télévision afin de donner une plus grande visibilité de la diversité sur les écrans francophones et pour promouvoir les « talents, valeurs et expertises des communautés culturelles ».

La poursuite mentionne que Fabienne Colas et Émile Castonguay auraient repris ces critères pour mettre sur pied Diversité TV «Les défendeurs ont réécrit ou verbalisé différemment les mêmes thèmes et contenus des pièces des demanderesses décrites aux présentes, dans leur projet de licence pour Diversité TV, et les demanderesses concluent de ces similitudes troublantes entre leur œuvre et les écrits et entrevues défendeurs qu'il y a eu contrefaçon par imitation déguisée», peut-on lire dans le document de Cour.

Mme Bégon affirme qu'il est impossible que les créateurs de Diversité TV n'aient pas été au courant de son projet de chaîne de télévision, car elle aurait eu des discussions sur le projet de chaîne-multiculturelle avec Fabienne Colas, qui est directrice et fondatrice du Festival International du film black de Montréal, dès 2009.

La poursuite fait également mention d'un projet d'émission culinaire appelé Cuisine du monde qui aurait été copié par le tandem Colas et Castonguay et qui aurait été renommé par ces derniers Bon goût TV.

Le projet de chaîne de télévision de Mme Bégon, l'Autre TV, est en attente d'être approuvé par le CRTC.

[Soulignements ajoutés]

[255]     Castonguay a reproché au journaliste de n’avoir jamais tenté de l’approcher pour obtenir sa version des faits avant de publier un tel article.

[256]     Le Tribunal note que dans l’article, le journaliste, qui semble s’inspirer en partie de la Demande en justice alors déposée à la cour par Bégon, réfère essentiellement à l’appropriation d’un concept de chaîne de télévision multiculturelle et de l'idée de créer une chaîne de télévision multiculturelle québécoise. [Soulignement ajouté]

[257]     Castonguay a relaté l’impact que cet article a eu, entre autres, sur lui et son père octogénaire qui a œuvré toute sa vie à Saint-Lambert dans la boutique Castonguay Cycle et Sport fondée en 1941 par son grand-père. Les gens entraient dans la boutique spécialisée dans la vente et la réparation de bicyclettes en demandant à Castonguay de « ne pas copier » leurs bicyclettes de haut de gamme confiées pour entretien. Son père s’est fait apostropher dans les restaurants locaux en se faisant questionner à l’époque sur le comportement étonnant, sinon douteux, de son fils. L’article de Bégon avait causé de l’embarras pour Castonguay au sein de sa communauté.

[258]     À la lumière de la preuve administrée, le Tribunal conclut qu’en toutes probabilités, Bégon a intentionnellement utilisé ce petit journal de quartier pour discréditer le couple Colas/Castonguay dans ce qu’elle croyait être leur propre patelin. Rappelons que Bégon ne demeure pas à Saint-Lambert et qu’elle n’avait aucune raison de provoquer la publication d’un tel article à Saint-Lambert si ce n’est que la seule adresse dont elle disposait pour Colas et Castonguay était celle de Castonguay Cycle et Sport sur la rue Victoria à Saint-Lambert, soit l’adresse apparaissant aux deux demandes de licence déposées antérieurement auprès du CRTC. De fait, dans la procédure judiciaire introduite par Bégon, cette dernière, ignorant manifestement que les défendeurs demeurent à Montréal, a fait signifier la procédure aux deux défendeurs à l’adresse du commerce à Saint-Lambert.

[259]     Tout permet de croire que le Magazine avait été intentionnellement choisi par Bégon dans le but d’infliger aux défendeurs le plus d’embarras possible dans le quartier où elle croyait qu’ils demeuraient. Sinon, il n’existe aucune explication raisonnable ou rationnelle justifiant un tel choix de la part de la demanderesse Bégon qui, par ailleurs, n’a offert aucune explication à ce sujet à l’audience.

[260]     En conclusion de son témoignage, Castonguay a relaté au Tribunal que l’ensemble des incidents le touchant personnellement lui avait fait sentir que sa vie privée avait été violée par Bégon qui l’a agressé de façon malveillante et diffamatoire à plus d’une reprise. Castonguay[123] qui appartient lui-aussi à la communauté artistique, a ajouté qu’être faussement accusé publiquement de plagiat et de contrevenir à la Loi sur le droit d’auteur lui avait suscité beaucoup d’embarras, de soucis et de frustration qui touchaient directement ses activités professionnelles dans le milieu artistique.

[261]     Il importe de préciser que tous les festivals de Colas sont organisés et gérés par l’entremise de sa Fondation dont le gestionnaire principal est Castonguay. Étant donné que par l’entremise de ces festivals, Colas et Castonguay font la promotion d’œuvres musicales, théâtrales et cinématographiques de multiples artistes de la diversité à travers le monde entier en les diffusant ou les projetant à l’occasion de ces festivals, il était pour le moins embarrassant, dans un contexte où ces organisateurs de festivals étaient accusés publiquement de plagiat et de contrefaçon d’une œuvre apparemment protégée par la Loi sur le droit d’auteur, que Colas et Castonguay se voient confier par des centaines d’artistes leurs propres œuvres réellement protégées par un droit d’auteur. Bégon a réussi à créer un climat où la crédibilité de Colas et de Castonguay dans le milieu artistique était mise à mal.  

[262]     Bref, les accusations publiques répétées de Bégon à l’endroit des défendeurs ont eu pour effet de sérieusement mettre en doute, sinon d’attaquer la crédibilité professionnelle ainsi que l’honnêteté, la probité et l’intégrité artistique de ces organisateurs. Bégon ne pouvait ignorer les conséquences que ses accusations dénuées de tout fondement avec la réalité allaient avoir pour Colas et Castonguay.

[263]     Au cours de son témoignage, Colas a relaté au Tribunal en réaction avec l’escalade incessante des attaques publiques à son endroit :

« On ne parlait plus de droit d’auteur. C’était du salissage. »

« J’avais peur d’ouvrir un ordinateur pour voir les énormités qui sortaient à mon sujet. »

« On s’est fait un nom. Tout repose sur son nom et sa personne. »

[264]     Force est de constater qu’après l’article du 25 janvier 2012 dans le Magazine, Bégon a choisi de continuer ses attaques publiques contre le couple Colas/Castonguay.

[265]     Le 17 février 2012, Bégon revient à la charge avec son troisième Communiqué de presse[124] intitulé « Poursuite de L'Autre TV Inc. contre Fabienne Colas, Émile Castonguay pour contrefaçon : LES ACCUSÉS TARDENT À SIGNIFIER LEUR AFFIDAVIT ET À DÉPOSER LEURS PIÈCES JUSTIFICATIVES À LA COUR » dont il a déjà été fait amplement mention aux paragraphes 85 et suivants ci-devant.

[266]     À nouveau, Bégon publicise les procédures judiciaires afin de dénigrer les défendeurs avec des insinuations fausses et mensongères en remettant l’emphase sur une « poursuite de plus d’un million de dollars pour contrefaçon et autres dommages subis. » Bégon porte ses attaques à un nouveau niveau en référant maintenant à Colas et Castonguay comme des « accusés ».

[267]     À la lecture de ce Communiqué de presse, Bégon était manifestement confiante qu’elle allait obtenir l’émission de l’ordonnance de sauvegarde demandée et ainsi empêcher Colas et Castonguay d’utiliser leurs licences jusqu’à jugement final.

[268]     Le 15 juillet 2012, Bégon se sert à nouveau des médias pour publier un article par l’entremise de Canal+Haïti sur son site web[125], « Haïti/Diasporama : Affaire Fabienne Colas - Madeleine Bégon, Communiqué de Presse[126] » auquel était joint le procès-verbal de l’audience du 14 juin 2012 devant l’honorable Chantal Masse portant sur les objections soulevées lors de l’interrogatoire du 2 mai 2012 et dans lequel on fait à nouveau référence à Colas comme étant « l’accusée »:

L'objection faite par l'avocat de Fabienne Colas et Émile Castonguay a été rejetée par la Cour supérieure du Québec

Poursuites de L'Autre TV Inc. et Madeleine Bégon contre Fabienne Colas et Émile Castonguay pour contrefaçon

Le 12 juillet 2012 - Lors de l'interrogatoire préliminaire qui a eu lieu le 2 mai dernier relatif au dossier de contrefaçon, l'objection faite par l'avocat de Fabienne Colas et Émile Castonguay a été rejetée par la Cour supérieure du Québec. Le jugement a été rendu le 14 juin et reçu ce 12 juillet 2012 (en pièce [procès-verbal] jointe).

Au cours des interrogatoires, Madame Madeleine Bégon et l'Autre TV INC. ont répondu sous engagement aux questions du procureur des défendeurs. Les interrogatoires ont toutefois été interrompus dès la première question posée à Fabienne Colas. L'avocat des défendeurs Colas et Castonguay s'étant objecté à ce que l'accusée réponde aux questions sur son propre affidavit signé le 3 avril 2012.

Fabienne Colas et Émile Castonguay devront donc subir prochainement les interrogatoires qui aboutiront au procès dument intenté contre ces derniers pour contrefaçon du projet original L'AUTRE TV, pour lequel ils ont demandé et obtenu deux licences du CRTC aux numéros 2011-0411-6 et 2011-0413-2.

Jugement du 13 avril 2012

L'AUTRE TV INC. ET MADELEINE BÉGON tiennent à spécifier que la décision de l'Honorable juge Chabot en date du 13 avril 2012 ne concerne que la mesure de sauvegarde, laquelle est qualifiée d'accessoire dans une procédure judiciaire. Cette décision ne saurait en aucun cas influencer voire déterminer l'issu du procès à venir. Fabienne Colas et Émile Castonguay sont toujours poursuivis pour contrefaçon du projet de télévision multiethnique en français L'AUTRE TV, propriété intellectuelle de l'AUTRE TV INC» et Madeleine Bégon.

Le public en général et les organes de presse sont invités à la plus grande prudence concernant ce dossier de contrefaçon encore par-devant les instances judiciaires qui devront s'y prononcer.

Le dossier de Cour est disponible à la Cour supérieure du Québec District de Longueuil No 505-17-005644-119.

[269]     Le 7 septembre 2012, un autre article est publié par Canal+Haïti sur son site web[127] : il s’agit de la première partie des propos de Bégon recueillis par Andy Limontas sous le titre de « Madeleine Bégon-Fawcett dit toute la vérité… interview en exclusivité! [partie 1][128]». Dans cette première partie, Bégon effleure son Projet L’Autre TV sans parler de Colas et de Castonguay.

[270]     Le 13 septembre 2012, la seconde partie des propos de Bégon recueillis par Andy Limontas est publiée par Canal+Haïti toujours sur son site web, « Madeleine Bégon-Fawcett dit toute la vérité… interview en exclusivité! [partie 2][129]». Dans cet article essentiellement composé de questions et de réponses, on peut y lire, entre autres, ce qui suit :

Pour la conclusion de cette interview exclusive, Madeleine Bégon-Fawcett n'y va pas mollo au sujet d'une éventuelle compétition entre « L'AUTRE TV » qu'elle dirige et « DIVERSITÉ-TV » de la canada-haïtienne, Fabienne Colas, mannequin, actrice, réalisatrice, productrice, scénariste, à la fois Présidente de la Fondation éponyme, du « Festival International du Film Black de Montréal (FIFBM) », du « Festival Haïti en Folie » à Montréal et du « Festival du Film Québécois » en Haiti…

« La concurrence/compétition suppose deux objets de même nature ... une orange ne sera jamais en concurrence avec une mangue. Il faut faire attention pour ne pas confondre concurrence avec « parasitisme » ou « parasitage » ... (...) ... En passant, « diversité-tv » n'est qu'un dérivé sémantique (parasite) forgé de « L'AUTRE TV » et de son slogan depuis 2009: la voix de la diversité... »

... Ces deux entités qui entendent favoriser une meilleure visibilité et représentativité de la diversité culturelle sur le plan audiovisuel dans « la Belle Province », sont basées à Montréal… .... Et la Pdg/fondatrice de « L'AUTRE TV » de poursuivre plus loin ...

« ... Si les lobbyistes devenaient des pieuvres et gobaient tous les projets dont ils sont informés ou qui leur sont confiés en se basant sur leur carnet d'adresses pour aller chercher les subventions en leurs noms? ... » (Fin de citation)

... Coté juridique, puisqu'il y a un procès en cours concernant cette triste affaire entre deux natives haïtiennes de grande valeur pour la diaspora qui était auparavant des partenaires et amies sures, on ne peut que déplorer cette situation qui est allée à vau-l'eau ...

« ... mais les interrogatoires des concernés auront lieu vers la mi-octobre (NDLR : 2012), d'après ce que je viens d'apprendre. »

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[271]     Le journaliste poursuit son article de plusieurs pages avec la question suivante :

Vous êtes en plein procès avec la comédienne Fabienne Colas pour « plagiat d'idée », à quel niveau se trouve ce débat juridique ... À quel dénouement attendez-vous de cette singulière histoire ... parlez-nous en long et en large de la genèse de cette affaire?

« ... (soupires) ... Pour répondre à cette question je dois d'abord rectifier pour vous les termes « plagiat d'idée ». Une idée est virtuelle, non inscrite sur un support matériel transmissible. Ce qui est loin d'être le cas du projet de télévision multiethnique en français « l'Autre TV». Ce projet a été soumis à consultation publique depuis 4 ans, en 2011, les actes sont consignés sur divers supports papiers déposés en preuve en plus de nos enregistrements audios et vidéos[130]. »

[272]     Puis :

Maintenant, vous avez en main la licence (autorisation de fonctionner) du Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes (CRTC) ... Comment voyez-vous une compétition entre « Diversité TV » de Fabienne Colas et « L'Autre TV » de Madeleine Bégon Fawcett?

La concurrence/compétition suppose deux objets de même nature ... une orange ne sera jamais en concurrence avec une mangue. Il faut faire attention pour ne pas confondre concurrence avec « parasitisme » ou « parasitage ». C'est du «surfing» mon ami, la bonne vieille technique du figuier maudit.

En passant, « diversité-tv » n'est qu'un dérivé sémantique (parasite) forgé de « L'AUTRE TV » et de son slogan depuis 2009: la voix de la diversité, signature électronique figurant au-bas de tous mes messages (courriels). Par ailleurs, je ne me suis jamais vue comme concurrente d'organisateurs d'évènements qui normalement seraient des partenaires et que je supportais d'ailleurs car je suis une créatrice de contenus d'évènements.

Si les lobbyistes devenaient des pieuvres et gobaient tous les projets dont ils sont informés ou qui leur sont confiés en se basant sur leur sont confiés en se basant sur leur carnet d'adresses pour aller chercher les subventions en leurs noms? Pourquoi Céline Dion a-t-elle prénommé son fils Eddie?! À chacun ses talents ses forces et ses limites. Moi, je connais les miens ainsi que mes domaines de compétences. À moins de se contenter d'empiler des projets mort-nés ou d’amalgamer du bouillon réchauffé, ce que notre Grand FrankÉtienne appelle du «bleng-bendeng», un projet ça se prépare.

Puisque vous parlez de ce cas que je trouve triste et honteux pour notre communauté, aviez-vous eu accès à notre affidavit? Aux documents supportant notre plainte? Avez-vous eu copie des documents déposés en défense? Aviez-vous lu les énoncés des deux licences octroyées par le CRTC? C'est vraiment regrettable de voir ce qui se publie autour de cette affaire.

Certaines décisions de juge semblent PLUS VALABLES que d'autres alors qu'elles portent les mêmes sceaux d'un système de justice UNIQUE. Il se peut que mon niveau de compréhension de la langue française soit en-deçà de la moyenne et que ses subtilités m'échappent. Autrement, les interrogatoires préliminaires débutés et interrompus le 02 mai dernier (après la décision du 13 avril du Juge Chabot concernant la mesure de sauvegarde) se poursuivent sur ordre de la Cour Supérieure du Québec en date du 14 juin 2012. Nous attendions la confirmation d'une des 3 dates du mois de septembre 2012 proposées par nos procureurs pour interroger la concernée, mais les interrogatoires des concernés auront lieu vers la mi-octobre [NDLR 2012], d'après ce que je viens d'apprendre auprès de qui de droit. Le dossier judiciaire suit son cours et ce sera à la justice de trancher.

Quand comptez-vous démarrer avec les premières émissions d'essai?

Bien que fortement contrarié dans agenda par ce malencontreux acte de sabotage irresponsable et la destruction volontaire de notre travail des quatre dernières années, nous y voyons et ne donnerons pas de date pour le moment.

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[273]     À la lumière des propos de Bégon ci-devant, force est de constater que cette dernière attendait avec un certain intérêt les interrogatoires des « concernés » qui venaient alors d’être fixés au mois d’octobre 2012.

[274]     Ces interrogatoires hors cour ne passeront pas inaperçus, car ils serviront pour une nouvelle attaque publique de Bégon à l’endroit du couple Colas/Castonguay. 

[275]      Rappelons l’article publié le 2 novembre 2012 sur le site de Canal+Haïti intitulé : « Québec/Diversité TV/L’Autre TV : De la zizanie chez Fabienne Colas et Émile Castonguay[131] » dont il a été amplement question ci-devant aux paragraphes 202 et suivants.

[276]     À la lumière des divers articles publiés par Canal+Haïti, il semble exister une affinité certaine entre cet organisme haïtien de communication et la demanderesse Bégon. Il n’est donc pas surprenant de constater que l’article du 2 novembre 2012 ait également été publié sur le même site de www.canalplushaiti.net à la seule différence que l’auteur de cet article n’a pas été identifié. Était-ce à dessein? Le Tribunal répond à cette question par l’affirmative pour les motifs déjà énoncés auparavant dans le présent jugement.

[277]     À ce sujet, le Tribunal a déjà indiqué que la preuve prépondérante l’incitait à conclure qu’en toutes probabilités, Bégon est effectivement à l’origine, sinon l’auteure, de ce document écrit dans le seul but de rapporter faussement des paroles qui n’ont jamais été prononcées, tant par Colas que par Castonguay lors de leurs interrogatoires du 24 octobre 2012, pour non seulement tenter d’exposer publiquement une zizanie inexistante dans leur couple, mais surtout de convaincre tout lecteur que même Castonguay et sa propre famille étaient outrés de voir leur nom cité dans cette affaire louche et  leur réputation salie dans cette scabreuse, sordide et scandaleuse histoire. Bref, on laissait croire au lecteur que Castonguay et sa famille se rangeaient résolument derrière Bégon en réaction à Colas qui avait entraîné son propre conjoint et sa famille dans une aventure juridique invraisemblable contre Bégon.

[278]     L’article du 2 novembre 2012 est le dernier article publié concernant les défendeurs avant le procès qui s’est déroulé au mois de mai 2017.

[279]     Le 21 janvier 2014, le procès est fixé pour une période de six jours à compter du 21 septembre 2015. À peine quelques semaines avant le début du procès, les demanderesses révoquent le mandat alors confié à leur avocat. Comme elles ne peuvent plus procéder à la date convenue, elles obtiennent la remise du procès qui n’aura lieu qu’en mai 2017.

[280]     Quoi qu’il en soit, à la lumière de l’ensemble de la preuve administrée, il est clair aux yeux du Tribunal que depuis juin 2011, Colas et Castonguay ont fait l’objet d’attaques injustifiées et répétées de la part de Bégon, agissant directement ou indirectement avec impunité non seulement pour ternir, voire salir faussement et injustement leur réputation et leur crédibilité, mais également pour porter intentionnellement atteinte à leur droit à la vie privée.  

[281]     Depuis le dépôt de sa Demande en justice en décembre 2011 (et même auparavant), la demanderesse Bégon s’est servie à répétition directement et indirectement de toutes les tribunes publiques auxquelles elle pouvait avoir accès, vu sa notoriété auprès de la communauté haïtienne, afin de tenir des propos désobligeants et diffamatoires à l’encontre de Colas et de Castonguay, condamnant ces derniers publiquement avant la tenue d’un procès aux allégués contenus dans sa Demande assortie d’un affidavit circonstancié de sa part, lesquels ne laissaient aucun doute sur les manœuvres soi-disant basses, odieuses et illégales des défendeurs aux dépens de leur victime, la demanderesse Bégon.

[282]     À la lumière de la preuve, le Tribunal retient que l’atteinte à l’honneur et à la réputation de Colas et de Castonguay ainsi qu’à leur vie privée était délibérée et intentionnelle de la part de Bégon. Il lui fallait les empêcher coûte que coûte d’obtenir leurs licences du CRTC et par la suite, de mettre en œuvre les projets de Diversité TV et de Bon Goût TV.

[283]     Malgré que ce soit Bégon qui ait déposé la présente Demande en justice, le Tribunal note que cette dernière n’a pas attendu l’issu du procès où chaque partie aurait eu le loisir de présenter sa preuve au Tribunal appelé à trancher leur litige. Les gestes posés et les paroles écrites directement ou indirectement par Bégon dès le dépôt de sa Demande en justice étaient essentiellement dans le but de se faire justice elle-même sans attendre le procès qui allait, de toute façon et sans l’ombre d’un doute, lui donner gain de cause face aux deux « parasites » que sont les Colas/Castonguay quand il s’agit de voler aux autres leurs œuvres protégées par un droit d’auteur.   

[284]     L’utilisation des médias sociaux et autres par Bégon était aussi pour bloquer toute démarche du couple Colas/Castonguay visant à mettre en œuvre le projet de Colas relativement à Diversité TV et Bon Goût TV. Dans un marché où il n’y avait aucune chaîne de télévision spécialisée s’adressant à la diversité francophone, Bégon n’acceptait aucune concurrence, et ce, même si son propre Projet L’Autre TV était encore loin de se concrétiser, comme la preuve l’a bien établi. 

[285]     Comment bloquer les démarches de Colas? En s’attaquant publiquement, sans réserve et à répétition sur diverses tribunes publiques au Canada et en Haïti à son intégrité, à sa probité et à son honnêteté, bref miner sa crédibilité et sa réputation au moyen d’accusations qui, après un procès de six jours, se sont avérées totalement fausses et fictives. Le Tribunal note que ces accusations non fondées visaient à ternir en particulier la réputation artistique ou professionnelle de Colas. Comment Colas pouvait-elle légitimement organiser des festivals et diffuser ou projeter des œuvres artistiques protégées par droit d’auteur appartenant à autrui alors qu’elle n’a aucun scrupule à s’approprier ou à copier de telles œuvres pour ses propres fins? Les ramifications de ces accusations insensées et persistantes ont définitivement eu un effet pervers sur la réputation des défendeurs, tel que la preuve en a fait foi.  

[286]     Mais, Bégon ne s’est pas limitée à attaquer faussement la réputation de Colas et de Castonguay. Sous le prétexte des interrogatoires hors cour tenus le 24 octobre 2012, elle a, en toutes vraisemblances, concocté l’article du 2 novembre 2012[132] pour étaler au grand public une zizanie inexistante dans le couple Colas/Castonguay, ce dernier et sa propre famille étant outrés de voir leur nom sali par les manœuvres basses et odieuses de Colas qui s’acharnait sans merci sur sa victime, la demanderesse Bégon. Encore une fois, un tissu de fabulations diffamatoires pour attenter au droit du couple à leur vie privée.

[287]     La preuve permet aussi au Tribunal de conclure sans aucun doute au caractère illicite et intentionnel des gestes, paroles et écrits, directs et indirects de Bégon à l’endroit de Colas et même de Castonguay, qui était essentiellement étranger au projet de sa conjointe autre que d’avoir accepté d’être son représentant pour déposer ses deux demandes de licence auprès du CRTC.

[288]     À ce sujet, malgré le constat du juge Chabot dès le début des présentes procédures que Bégon n’avait même pas établi l’apparence d’un quelconque droit à l’égard Castonguay, la demanderesse a néanmoins persisté à le maintenir comme codéfendeur jusqu’au procès, sans parler :

-       de l’article du 25 janvier 2012 dans le Magazine Saint-Lambert publié par Bégon pour clairement informer la communauté dans laquelle elle croyait que Castonguay vivait avec Colas et où il faisait des affaires avec son père, de son manque d’intégrité et d’honnêteté en plagiant l’œuvre soi-disant protégée de Bégon; et

-       de celui du 2 novembre 2012 laissant faussement croire que la zizanie s’était installée dans son couple à cause des agissements insensés de sa conjointe aux dépens de sa victime, la demanderesse Bégon.  

[289]     Pour sa part, Colas a témoigné qu’en 2011 et 2012 en particulier, elle a vécu une campagne intense et féroce de dénigrement dont les effets négatifs persistent en raison de l’Internet. Son nom était constamment traîné dans la boue par Bégon, principalement auprès de la communauté haïtienne au Canada et même en Haïti.

[290]     Le Tribunal est convaincu que Bégon ne pouvait ignorer qu’en ce qui concerne Colas, une personnalité publique bien en vue en Haïti et de plus en plus au Canada, les accusations de plagiat d’une œuvre soi-disant protégée par un droit d’auteur inexistant, faussement portées à son endroit, allaient avoir un effet dévastateur sur sa réputation et sa crédibilité dans son milieu professionnel en raison de la nature particulière de ces accusations.  

[291]      Comme mentionné antérieurement, ces campagnes publiques de salissage ont eu des effets embarrassants, néfastes et dommageables sur la réputation professionnelle de Colas. Elle a relaté les ramifications de ce salissage de sa réputation tant au Canada qu’aux États-Unis où des conférences de presse auxquelles elle participait en lien avec les festivals qu’elle y organisait et les autres activités artistiques qu’elle mettait sur pied devaient céder la place aux questions des journalistes américains sur les accusations de plagiat et de contrefaçon d’œuvres protégées par des droits d’auteur qui planaient contre elle un peu partout sur l’Internet. En matière artistique, le plagiat et la contrefaçon d’œuvres protégées appartenant à d’autres constituent sans contredit un comportement totalement répréhensible. 

[292]      De plus, lors de la mise sur pied en 2012 de son projet du Festival du Film Black à Toronto en partenariat avec l’Ontario Black History Society (la « Society ») pour l’année 2013, Colas a relaté qu’après un accord de principe initial de partenariat, la Society a soudainement rescindé cet accord en raison des accusations fallacieuses de Bégon à son endroit qui étaient parvenues aux oreilles de la présidente de cette société, madame Rosemary Sadlier (« Sadlier ») et de son conseil d’administration.

[293]     Le 31 décembre 2012, Sadlier écrit ce qui suit au représentant de Colas chargé de concrétiser ce partenariat :

[…]

I am writing to you to advise you that the OBHS Board has been presented with some new information regarding Fabienne and charges that have been levelled at her/the Montreal Film Festival.

Please do not indicate that the OBHS is working with you on a film festival until the board has investigated further and made a final decision.[133]

[294]     Par la suite, la Society a décidé de se retirer de l’entente de partenariat.

[295]     À ce sujet, Bégon a fait venir Sadlier, la présidente de la Society à l’époque, pour témoigner en contre-preuve. Bégon, semble-t-il, voulait établir que ses accusations à l’endroit de Colas n’avaient rien à voir avec le retrait soudain de la Society du projet de Colas à Toronto, laissant entendre que la réputation soi-disant douteuse de Colas était plutôt au niveau de l’organisation financière de ses festivals. À nouveau, cela va s’avérer être une nouvelle flèche lancée sans aucun fondement contre Colas pour mettre en doute l’honnêteté professionnelle de la défenderesse.

[296]     Avec grand respect, le témoignage de Sadlier s’est avéré fort laborieux, parsemé d’hésitations et de réticences, surtout lors de son contre-interrogatoire. Le Tribunal en a conclu qu’en toute vraisemblance, les accusations de Bégon étaient parvenues aux membres du conseil d’administration de la Society à l’époque et ils ont par la suite décidé de se tenir à l’écart de Colas par précaution. Sadlier a indiqué qu’ils avaient soudainement entendu beaucoup de choses négatives au sujet de Colas, sans qu’elle soit en mesure de n’en identifier aucune. Elle ne se rappelait pas non plus qu’on ait parlé des accusations de plagiat et de contrefaçon qui pourtant fusaient de toute part à l’endroit de Colas à l’époque. La réticence de Sadlier de lier les accusations de plagiat de Bégon à la décision prise par le conseil d’administration de la Society était évidente, palpable et surtout fort révélatrice, au point d’affecter irrémédiablement sa crédibilité aux yeux du Tribunal, d’autant plus que le témoin était incapable de se rappeler la raison pour laquelle la Society avait alors décidé de se distancier de Colas. 

[297]     Le Tribunal comprend qu’après le départ de Sadlier de la direction de la Society, un partenariat entre Colas et celle-ci s’est aussitôt instauré.

[298]     Le témoignage de Bégon s’est avéré particulièrement fuyant. En contre-interrogatoire, elle a affirmé n’avoir jamais tenté d’attirer l’attention des médias dans cette affaire. Référant à des procès-verbaux du présent dossier judiciaire publiés dans certains articles[134], Bégon a affirmé ne pas se souvenir avoir transmis de tels documents au journaliste. Après une pause[135] pour lui permettre de valider sa réponse, Bégon a reconnu qu’elle avait bien transmis ces documents, ajoutant cependant ne pas se souvenir si elle avait parlé au journaliste relativement à l’article qu’il a écrit.

[299]     Avec grands égards, le Tribunal ne croit pas Bégon, dont le témoignage s’est révélé être truffé de contradictions, d’incohérences, d’invraisemblances, voire même de faussetés invoquées, en toutes apparences, en désespoir de cause pour défendre l’indéfendable et pour nier l’indéniable.

[300]     Tel que mentionné précédemment, Bégon a même tenté de se servir sans succès des courriels qui étaient des invitations générales à l’ensemble des leaders de la communauté haïtienne pour la tenue de « 5 à 7 » visant à discuter de son Projet L’Autre TV, (courriels que Colas n’a jamais lus et activités auxquelles Colas n’a jamais participé) pour tenter d’inférer que Colas communiquait avec Bégon en raison de son soi-disant grand intérêt dans ce projet, car elle cherchait à accéder à sa documentation confidentielle pour s’en servir. À nouveau, le Tribunal n’en retient qu’une fabrication, pour ne pas dire une déformation éhontée de la réalité, pour prouver à tout prix que Colas était effectivement au courant et surtout, intéressée par son projet et qu’elle se positionnait sournoisement pour voler celui-ci en s’appropriant (volant) les documents confidentiels de Bégon.   

[301]     En définitive, une accusation de plagiat et de contrefaçon à l’endroit d’une personnalité publique, membre de la communauté artistique haïtienne, québécoise et canadienne était beaucoup plus percutante et dommageable pour une personne telle Colas et Bégon le savait très bien.

[302]     Dans Éditions Lagons Ltée c. Chiasson[136], le juge Tessier concluait que l’accusation de plagiat constituait une atteinte grave à l’intégrité personnelle et professionnelle :

« Le plagiat est une affirmation grave et lourde de conséquences. Sans exiger la preuve hors de tout doute raisonnable, le Tribunal doit quand même avoir dans l'appréciation de la preuve une certaine exigence et une certaine sévérité à cause des conséquences extrêmement sérieuses que peut entraîner une conclusion de plagiat, qui est une atteinte grave à l'intégrité personnelle et professionnelle. »

[Soulignements ajoutés]

[303]     Ainsi, l’ensemble de la preuve prépondérante permet au Tribunal de conclure que Bégon a sciemment et de mauvaise foi, tenu à répétition des propos diffamants à l’encontre de Colas et de Castonguay, tel qu’il appert notamment :

-       des trois Communiqués émis par la Défenderesse reconventionnelle Bégon le 11 juillet 2011, 15 décembre 2011, le 17 février 2012[137];

-       de l’article « De la Zizanie chez Fabienne Colas et Émile Castonguay » du 2 novembre 2012[138];

-       des deux (2) articles « Madeleine Bégon-Fawcett dit toute la vérité… interview en exclusivité! [parties 1[139] et 2[140]]» de septembre 2012;

-       de l’article « Diversité TV: Fabienne Colas accusée de « plagiat » auprès du CRTC » du 24 Juin 2011 diffusé par l’Agence de presse Médiamosaïque[141];

-       de l’article « Diversité TV verra-t-elle le jour? Ses deux créateurs poursuivis pour plagiat » publié le 25 janvier 2012 dans le Magazine St-Lambert[142]; ainsi que

-       des commentaires publiés par Bégon sur Facebook et autres réseaux sociaux en juin 2011, dont les exemplaires avaient été joints à la lettre des procureurs des défendeurs à l’avocat de Bégon en date du 4 juillet 2011[143] intimant sa cliente de cesser ses propos diffamatoires, mais en vain.

[304]     Le Tribunal conclut également que les multiples accusations de plagiat et de contrefaçon de Bégon ont porté atteinte à la réputation de Colas depuis au moins le 10 juin 2011[144] et à celle de Castonguay depuis le 11 juillet 2011[145], ainsi qu’à leur droit à la vie privée. Ces accusations non fondées ont également eu un effet certain sur la confiance du public à l’égard des projets de Colas et sur ses partenaires et investisseurs dont l’implication était primordiale pour la mise sur pied de ses projets, dont ceux de Diversité TV et de Bon Goût TV qui incidemment n’ont jamais vu le jour avant l’expiration des licences du CRTC.

[305]     À ce sujet, la défenderesse Colas a témoigné qu’elle n’a pas exploité ses licences en raison en premier lieu de l’impact des présentes procédures judiciaires et des accusations qui affectaient dans une certaine mesure sa crédibilité auprès des intervenants dont elle avait besoin à l’époque pour son projet. Puis, l’attente du procès, qui en cas de succès auraient eu un impact direct sur son projet en raison des conclusions en injonction permanente, l’a incitée à la prudence. Enfin, le passage du temps a fait que Colas a réalisé que la mise sur pied d’une chaîne de télévision spécialisée n’était plus la plateforme la plus appropriée parce que les consommateurs se détournent de la télévision par câblodiffusion pour utiliser de plus en plus leurs tablettes et l’Internet au moyen de la transmission en continu (en streaming). Son public cible délaisse donc le médium traditionnel qu’est la télévision pour les émissions diffusées en continu sur l’Internet.

[306]      En l’espèce, les gestes posés et les écrits directs et indirects de Bégon constituent, aux yeux du Tribunal, une atteinte aux droits fondamentaux des défendeurs protégés par les articles 4[146] et 5[147] de la Charte des droits et libertés de la personne[148] (la « Charte ») ainsi que par les articles 3[149] et 35[150] du Code civil du Québec. Le Tribunal ajouterait que la demanderesse Bégon, une personne fort érudite, versée par surcroit dans la langue française, connaissait la portée des termes et des mots utilisés à l’endroit de Colas et de Castonguay ainsi que l’impact de ceux-ci sur leur réputation personnelle et professionnelle.

[307]     Par ailleurs, lorsqu’un droit fondamental reconnu par la Charte fait l’objet d’une atteinte qui est à la fois illicite et intentionnelle, les victimes (en l’occurrence Colas et Castonguay) ont le droit de non seulement demander que l’atteinte cesse et qu’il y ait réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte, mais ils ont également le droit de demander des dommages-intérêts punitifs à son auteur (article 49[151] de la Charte).

[308]     En l’espèce, les défendeurs ont également droit à des dommages-intérêts punitifs.

[309]     Mais, avant d’aborder les questions monétaires, il importe pour le Tribunal de traiter la demande de publication d’une lettre de rétractation assortie d’excuses. 

[310]     À ce sujet, les défendeurs ont offert une preuve crédible et convaincante que les propos mensongers et diffamatoires de Bégon à leur endroit (surtout en ce qui concerne Colas) continuent d’entacher leurs réputations respectives, malgré le passage du temps puisque les accusations de plagiat sont encore disponibles et facilement accessibles sur l’Internet[152]. Il est pratiquement impossible de contrer la force irrésistible de l’Internet.  Dès que quelqu’un y publie un document, il en perd le contrôle instantanément et de façon permanente.

[311]     Il y a certes lieu de particulièrement réhabiliter la réputation de personnalités publiques telles que Colas et Castonguay. Or, aucune condamnation monétaire ne réussira à compenser à sa juste valeur le préjudice réel causé par les demanderesses Bégon et L’Autre TV inc. par les écrits qui se sont retrouvés sur l’Internet par leurs manœuvres directes et indirectes et qui s’y trouvent toujours pour la très grande majorité. Les recherches effectuées sur le moteur de recherche Google produites par la défenderesse Colas témoignent de l’ampleur de la problématique et surtout de l’injustice que doivent vivre et subir les personnes qui ont été diffamées au moyen d’écrits diffusés sur l’Internet.

[312]     En pareilles circonstances, outre la question monétaire dont il sera question plus loin, le Tribunal considère que la demande des défendeurs d’ordonner à Bégon et à L’Autre TV inc. de leur remettre et de publier une lettre de rétractation assortie d’excuses pour les propos diffamatoires formulés illégitimement à leur endroit constitue un élément significatif de réhabilitation de leur réputation. D’autant plus que subséquemment à sa publication, les défendeurs pourront s’assurer que cette lettre de rétractation et d’excuses soit également publiée sur l’Internet de sorte qu’elle puisse être raisonnablement retrouvée facilement sur l’Internet lors d’une recherche sur Google qui actuellement génère les écrits contenant les propos diffamatoires de Bégon. L’Internet peut parfois servir non seulement à ternir la réputation d’une personne, mais également être utilisé de la même façon pour la rétablir un tant soit peu.

[313]     Le Tribunal fera donc droit à cette demande.

[314]      Il y a également lieu d’accorder les dommages de 15 000 $ réclamés conjointement par Colas et Castonguay pour compenser les ennuis et inconvénients majeurs qu’ils ont subis depuis 2011 relativement aux gestes posés et aux revendications démesurées et acharnées de la demanderesse Bégon relativement à un droit d’auteur inexistant et, par conséquent, sans fondement.

[315]     Qu’en est-il des dommages moraux subis par chacun des défendeurs visant à compenser la diffamation qu’ils ont subie et la violation de leur droit à la vie privée?

[316]     Colas réclame 175 000 $ tandis que Castonguay chiffre ces dommages à 75 000 $.

[317]     Le Tribunal retient en particulier de la preuve administrée qu’à cet égard, l’impact négatif des propos diffamatoires de Bégon et de L’Autre TV inc. a été beaucoup plus dommageable en 2011, 2012 et possiblement durant la première moitié de 2013. L’absence de nouveaux écrits par la suite a sans doute atténué progressivement l’ampleur des dommages moraux subis par les défendeurs sans pour autant les faire disparaître en raison de l’Internet tel que mentionné précédemment. Qui plus est, le Tribunal a été à même de constater lors du témoignage de Colas et de Castonguay l’intensité de l’effet pernicieux qu’avaient sur eux les présentes procédures judiciaires telles une épée de Damoclès suspendues au-dessus de leurs têtes depuis 2011.    

[318]     Quoi qu’il en soit, à la lumière de l’ensemble des faits mis en preuve, de la nature des propos diffamatoires rapportés, du caractère répétitif de ceux-ci, de la durée, l’ampleur, l’étendue et des méthodes de diffusion et de publication de ces propos avec une emphase pour une diffusion au Canada et en Haïti où Colas jouit d’une réputation encore plus importante et, considérant l’émission ainsi que la publication prochaine de la lettre de rétractation et d’excuses mentionnée ci-devant par Bégon et L’Autre TV inc.,  le Tribunal estime que des dommages de 40 000 $ pour Colas constituent une compensation juste et raisonnable dans les circonstances actuelles. Quant à Castonguay, le Tribunal fixe les dommages moraux qu’il a subis à 10 000 $.         

[319]      Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la demanderesse Bégon a porté atteinte aux droits fondamentaux des défendeurs, soit à leur honneur, leur réputation et à leur vie privée de façon illicite et intentionnelle. Le Tribunal accorde donc des dommages-intérêts punitifs, notant que tout au long de l’audience, Bégon n’a jamais donné quelque indice que ce soit de son remord d’avoir fait publier autant de propos diffamatoires qu’elle savait ou devait savoir être faux et d’avoir entrainé Colas et Castonguay dans cette saga judiciaire démesurée et insensée, malgré la pauvreté de sa preuve et de sa propre admission en ré-interrogatoire que les défendeurs n’ont pas eu accès à ses documents soi-disant confidentiels. Son mépris envers Colas en particulier n’a jamais fait aucun doute aux yeux du Tribunal. Même devant l’impossibilité de prouver de façon prépondérante l’existence de plagiat, de contrefaçon et d’appropriation illégale de ses documents dits confidentiels, Bégon a néanmoins persisté en pleine cour à maintenir les mêmes propos diffamants contre les défendeurs.

[320]     La blessure causée en juin 2011 est manifestement tout aussi vive aujourd’hui dans le cœur de Bégon. Mais, ceci ne l’autorise pas pour autant de se faire justice à elle-même en continuant de tenir des propos diffamatoires envers le couple Colas/Castonguay.

[321]     Face à cet état de fait, il importe pour le Tribunal d’envoyer à Bégon un message clair visant à lui faire comprendre que son comportement injuste et fort répréhensible à l’endroit des défendeurs est inacceptable et à la dissuader de continuer à adopter un tel comportement à leur endroit.

[322]     Il faut enfin mettre un terme une fois pour toute à cette saga insensée qui aurait pu être évitée avec des discussions franches et sincères dès que l’orage s’est manifesté à l’horizon en juin 2011.

[323]     Ainsi, le Tribunal considère que des dommages-intérêts punitifs de 15 000 $ pour Colas et de 7 500 $ pour Castonguay sont tout à fait appropriés dans les circonstances, tout en conservant à l’esprit que de tels dommages serviront à, d’une part, décourager toute tentative de récidive de la demanderesse et, d’autre part, être un élément de dissuasion dans le futur pour un tel comportement social inacceptable, tant auprès de la demanderesse que du public en général.

[324]     Le Tribunal doit maintenant traiter de la demande de déclarer abusives les présentes procédures judiciaires instituées par les demanderesses et d’ordonner le remboursement intégral des honoraires extrajudiciaires encourus par les défendeurs tout au long de cette malencontreuse saga judiciaire. Selon la pièce D-48 déposée au cours du procès, ces honoraires extrajudiciaires sont de l’ordre de 186 000 $.

[325]     Les défendeurs fondent leur demande de déclaration de procédure abusive en demandant au Tribunal de tenir compte des éléments suivants :

(i)            l’attitude téméraire et malicieuse de la demanderesse Bégon;

(ii)          son acharnement à poursuivre un recours manifestement frivole, mal fondé et dénué de toute apparence de droit, tant du point de vue du droit d’auteur que de la concurrence déloyale;

(iii)         son obstination à poursuivre un recours malgré l’expiration des licences de Diversité TV et Bon Goût TV et malgré l’expiration de sa propre licence;

(iv)         sa multiplication de procédures inutiles visant à faire encourir inutilement des frais aux défendeurs (exemple, la remise du procès à l’automne 2015[153], l’ajout d’une nouvelle cause d’action sans fondement, etc.);

(v)           la multiplication de ses déclarations fausses, mensongères et diffamatoires aux médias forçant les défendeurs à encourir des frais pour se défendre par l’entremise de leurs avocats;

(vi)         son abus de droit d’ester et justice et sa poursuite manifestement abusive instituée dans l’unique but de nuire aux défendeurs;

(vii)        son refus injustifié de se désister d’un débat judiciaire manifestement voué à l’échec;

(viii)       ses fausses accusations de plagiat à l’encontre des défendeurs, lesquelles parsèment encore l’Internet;

(ix)         sa mauvaise foi manifeste et son intention de nuire aux défendeurs;

(x)           sa volonté de ternir l’image, le nom et la réputation des défendeurs plutôt que de faire reconnaître un droit qui n’existe pas, étant reconnu que nul ne peut avoir un droit d’auteur sur une idée;

(xi)         son mépris de la justice et du droit établi; et

(xii)        en raison du fait que les défendeurs n’ont tout simplement pas à faire les frais de la vendetta personnelle et de l’échec commercial de la demanderesse Bégon.

[326]     Avec égards, il n’est pas utile pour le Tribunal de reprendre chacun de ces éléments pour conclure au caractère abusif des procédures engagées par les demanderesses en 2011 contre les défendeurs. Le Tribunal n’entend pas faire une telle déclaration à ce stade-ci, tout en formulant le souhait que la demanderesse Bégon cesse définitivement ce litige insensé de par sa démesure troublante et tourne enfin la page, tout comme les défendeurs.

[327]     Il y a cependant lieu de réserver aux défendeurs le droit de demander ultérieurement à la Cour une déclaration de procédures abusives dans la présente instance dans l’éventualité où la demanderesse Bégon continue à s’acharner sur ceux-ci relativement aux faits faisant l’objet du présent litige.    

[328]     En l’espèce, il y a cependant lieu pour le Tribunal d’exercer la discrétion judiciaire que lui confère, entre autres, l’article 342 du Code de procédure civile qui se lit comme suit:

342. Le tribunal peut, après avoir entendu les parties, sanctionner les manquements importants constatés dans le déroulement de l’instance en ordonnant à l’une d’elles, à titre de frais de justice, de verser à une autre partie, selon ce qu’il estime juste et raisonnable, une compensation pour le paiement des honoraires professionnels de son avocat ou, si cette autre partie n’est pas représentée par avocat, une compensation pour le temps consacré à l’affaire et le travail effectué.

[329]     L’ampleur des procédures judiciaires auxquelles les défendeurs sont confrontés depuis 2011, y compris un procès de six jours, pour constater la faiblesse surprenante de la preuve offerte par la demanderesse qui avait pourtant annoncé antérieurement quelque 47 témoins et un témoin expert qui a été retiré avant le procès, a imposé aux défendeurs un fardeau financier en termes d’honoraires d’avocats démesuré et injuste pour se préparer et se défendre d’accusations diffamatoires (non fondées) et des dommages claironnés sur tous les toits par Bégon depuis 2011 à plus d’un million de dollars (1,6 M$ selon la Demande en justice initiale) qui, au début du procès en mai 2017, se sont soudainement dégonflés à quelque 300 000 $. S’agissait-il de tentatives d’intimidation tout au long des procédures afin d’épuiser financièrement les défendeurs? Poser la question en pareilles circonstances, c’est y répondre.

[330]     Faut-il rappeler que dès avril 2012, le juge Chabot avait déjà lancé un message à la demanderesse que l’apparence du droit d’auteur qu’elle revendiquait contre les défendeurs n’était pas présente. En définitive, cinq années plus tard rien n’a changé et les défendeurs ont été confrontés à une attente du procès prolongée de deux années supplémentaires provoquée par la décision de Bégon de demander une remise du procès en 2015 après avoir révoqué le mandat de son avocat qui agissait également pour les sociétés demanderesses.    

[331]     Qui plus est, un rapport d’expertise de monsieur Michel Mathieu de Communications Mathieu ayant été déposé antérieurement par les demanderesses, les défendeurs ont dû obtenir et soumettre leur propre rapport d’expert de monsieur Richard J. Paradis (Le Groupe CIC) en novembre 2013, en réponse ou en contre-expertise au rapport de l’expert choisi par les demanderesses relativement aux deux demandes déposées par Colas (via son représentant Castonguay) auprès du CRTC.

[332]     Dans les jours qui ont précédé le début du procès, les défendeurs ont appris que la demanderesse Bégon n’entendait plus présenter le rapport de son témoin expert Mathieu qui n’allait plus témoigner au procès.

[333]     De tels comportements qui ont eu pour effet de :

-       prolonger inutilement le procès par une remise provoquée volontairement par Bégon qui révoque le mandat confié à son avocat quatre années plus tôt;

-       d’induire les défendeurs à encourir inutilement des frais de préparation d’une contre-expertise face à une expertise qui sera retirée avant le procès; et

-       de forcer les défendeurs à faire face pendant cinq ans et demi à une poursuite judiciaire impliquant une réclamation monétaire de plus de 1,3M $ et à se préparer en conséquence, pour la voir réduite à peine quelques jours avant le début du procès à quelque 300 000 $.   

[334]     À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’au cours de l’instance, les défendeurs ont, par ces manœuvres et tactiques inacceptables, encouru inutilement des honoraires significatifs, entre autres, pour la préparation de leur propre rapport d’expert en réponse à celui déposé par Bégon et ce, même si le témoignage du témoin expert Paradis s’est révélé tout de même fort pertinent et utile aux yeux du Tribunal pour apprécier, entre autres, le travail effectué par Colas (contesté vigoureusement par Bégon) relativement à ses deux demandes de licence et pour bénéficier de l’opinion de l’expert selon laquelle la demande de licence subséquente de Bégon était du copier-coller de la demande de Diversité TV. L’expert Paradis a aussi renseigné le Tribunal sur le mécanisme entourant une demande de licence de Catégorie B, de la non-nécessité pour Bégon de produire la plupart des documents additionnels accompagnant sa demande de licence et, surtout, sur la façon de procéder lorsqu’une partie se voit accorder une telle licence qui exige un démarrage de la chaîne télévisée à l’intérieur d’un délai obligatoire de 48 mois.  

[335]     Il n’en demeure pas moins que l’ensemble de cette preuve d’expert bien qu’utile en fin de compte n’aurait jamais été requise si la demanderesse Bégon n’avait pas invoqué les arguments qu’elle a opposés aux défendeurs relativement aux demandes préparées par Colas et déposées auprès du CRTC, arguments appuyés de l’expertise de Communications Mathieu qui n’a jamais été produite formellement.

[336]     À la lumière de tout ce qui précède, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’ordonner aux défenderesses Bégon et L’Autre TV inc. de verser une somme raisonnable afin de compenser les honoraires extrajudiciaires encourus inutilement par les défendeurs pour se défendre et restaurer un tant soit peu leur réputation et leur intégrité. Sans pour autant porter un jugement sur les honoraires de 186 000 $ présentement réclamés par les défendeurs, le Tribunal considère qu’il est juste et raisonnable d’accorder une somme de 25 000 $ aux défendeurs à ce chapitre.    

[337]     Colas a conclu son témoignage en chef en déplorant amèrement le refus de Bégon de lui parler dès juin 2011, malgré ses tentatives répétées dès le début de cette malencontreuse saga. Colas demeure convaincue que Bégon n’a jamais digéré son refus de réaliser le vidéoclip demandé en 2008 ou 2009.  La situation s’est ainsi transformée en une véritable vendetta personnelle insensée où Bégon a attaqué sans réserve ni merci la personnalité, l’image, la réputation et l’intégrité de Colas, sans parler de celles de son conjoint sans parler de leur vie privée.

[338]     Colas a enchaîné en déplorant également avoir été traitée d’une façon si injuste et si malveillante par quelqu’un de sa propre communauté.

[339]     Force est de constater qu’en cas de différends majeurs, il n’en demeure pas moins qu’un dialogue franc et sincère peut s’avérer un gage de pacification et de réconciliation.

[340]     Il est certes déplorable qu’à l’époque, Bégon ait, de son propre aveu, catégoriquement refusé toute communication et tout échange avec Colas qui pourtant tendait la main, préférant plutôt une utilisation malveillante et abusive des réseaux sociaux et autres médias jusqu’en Haïti, sans parler de ses trois Communiqués de presse et d’une mise en demeure publiée même auprès du CRTC.

[341]     En juin 2011, alors que Bégon était affairée en Haïti dans un autre projet tout à fait étranger au Projet L’Autre TV, l’annonce des demandes de licence par Colas auprès du CRTC lui a peut-être fait réaliser son incapacité de mener à terme son propre Projet L’Autre TV sur lequel elle planchait depuis 2007. Or, un tel constat ne justifiait aucunement la véritable vendetta personnelle qu’elle a vouée sans merci à l’endroit du couple Cola/Castonguay qui n’avait pas et qui n’aurait jamais dû en faire les frais.

[342]     En terminant, le Tribunal l’importance de la lettre de rétractation et d’excuses que devront signer et publier les demanderesses Bégon et L’Autre TV inc. dans le processus de rétablissement de l’honneur et de la réputation des défendeurs Colas et Castonguay.

[343]     Dans cette même optique, le Tribunal considère nécessaire que les demanderesses publient également cette lettre de rétractation et d’excuses dans l’hebdomadaire de Saint-Lambert qu’elles avaient utilisées pour annoncer à la communauté de Castonguay l’institution des présentes procédures judiciaires en raison du plagiat soi-disant orchestré par le couple Colas/Castonguay. Comme le Magazine Saint-Lambert n’est plus publié, il y aura lieu de publier cette lettre dans l’hebdomadaire Journal Saint-Lambert.  

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[344]     REJETTE la Demande en justice ré-ré-amendée des demanderesses Madeleine Bégon Fawcett, L’Autre TV inc. et L’Autre Télévision;

[345]     ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle des défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay;

[346]     CONDAMNE les demanderesses Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. à payer solidairement à la défenderesse Fabienne Colas la somme de 40 000 $ avec intérêts au taux légal de 5% l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de l’assignation de la défense/demande reconventionnelle le 28 mars 2012, et ce, à titre de dommages moraux pour compenser l’atteinte illicite à son honneur et réputation, à la diffamation qu’elle a subie et à la violation de son droit à la vie privée;

[347]     CONDAMNE les demanderesses Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. à payer solidairement au défendeur Émile Castonguay la somme de 10 000 $ avec intérêts au taux légal de 5% l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de l’assignation de la défense/demande reconventionnelle le 28 mars 2012, et ce, à titre de dommages moraux pour compenser l’atteinte illicite à son honneur et réputation, à la diffamation qu’il a subie et à la violation de son droit à la vie privée;

[348]     CONDAMNE les demanderesses Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. à payer solidairement à la défenderesse Fabienne Colas et au défendeur Émile Castonguay conjointement la somme de 15 000 $ pour troubles et inconvénients subis avec intérêts au taux légal de 5% l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de l’assignation de la présente Demande en justice, le 15 décembre 2011;

[349]     CONDAMNE la demanderesse Madeleine Bégon Fawcett à payer à la défenderesse Fabienne Colas la somme de 15 000 $ à titre de dommages punitifs pour la violation intentionnelle de ses droits à la dignité, à l’honneur, à la réputation, de son droit à l’image, du droit au respect de son nom et pour l’atteinte illicite à sa vie privée;

[350]     CONDAMNE la demanderesse Madeleine Bégon Fawcett à payer au défendeur Émile Castonguay la somme de 7 500 $ à titre de dommages punitifs pour la violation intentionnelle de ses droits à la dignité, à l’honneur, à la réputation, de son droit à l’image, du droit au respect de son nom et pour l’atteinte illicite à sa vie privée;

[351]     Exerçant la discrétion judiciaire que lui confère l’article 342 du Code de procédure civile, CONDAMNE la demanderesse Madeleine Bégon Fawcett et la demanderesse L’Autre TV inc. de verser solidairement aux défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay la somme de 25 000 $ en compensation partielle des honoraires extrajudiciaires qu’ils ont dû encourir dans la présente instance;

[352]     ORDONNE à la demanderesse Madeleine Bégon Fawcett et à la demanderesse L’Autre TV inc. de rétracter publiquement les Communiqués de presse datés des 11 juillet 2011, 15 décembre 2011 et 17 février 2012 (pièce D-24) ainsi que les accusations de plagiat et de contrefaçon formulées à l’encontre des défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay, y compris Diversité TV, le tout selon les termes et conditions suivants;

[353]     ORDONNE aux demanderesses Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. de publier, à leurs propres frais solidairement et à l’entière exonération des défendeurs, sous forme de Communiqué de presse la rétractation suivante assortie d’excuses et ce, par l’entremise de Canadian News Wire ainsi que dans le Journal Saint-Lambert (dans l’une des trois premières pages en ce qui  trait au Journal Saint-Lambert), sur la page Facebook de la demanderesse Madeleine Bégon Fawcett et/ou sur son blogue personnel et sur la page Facebook de la demanderesse L’Autre TV inc., le cas échéant, le tout le ou avant le 15 novembre 2017 :

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Rétractation et excuses de Madeleine Bégon Fawcett et de L’Autre TV inc. envers Fabienne Colas, Émile Castonguay et Diversité TV.

Rétractation d’accusations de plagiat et de contrefaçon ordonnée par jugement de la Cour supérieure du 23 octobre 2017 à Mme Madeleine Bégon Fawcett et à L’Autre TV inc. relativement aux accusations de plagiat et de contrefaçon injustement et faussement formulées à l’encontre de Mme Fabienne Colas, M. Émile Castonguay et de Diversité TV. 

Dans des communiqués de presse diffusés les 11 juillet 2011, 15 décembre 2011 et 17 février 2012, dans plusieurs articles diffusés sur l’Internet et dans des procédures judiciaires entreprises devant la Cour supérieure dans le dossier de Cour 505-17-005644-119, Mme Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. ont accusé Mme Fabienne Colas, M. Émile Castonguay et Diversité TV de plagiat et de contrefaçon suite à l’obtention par Mme Fabienne Colas d’une licence du CRTC pour la mise sur pied et l’exploitation de la chaîne de télévision Diversité TV.

Il appert que ces accusations de plagiat et de contrefaçon étaient fausses et entièrement non fondées à l’encontre de Mme Fabienne Colas, de M. Émile    Castonguay et de Diversité TV.

Mme Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. s’excusent des inconvénients et préjudices causés à Mme Fabienne Colas, à M. Émile Castonguay et à Diversité TV en raison de leurs propos. »

[ci-après la « Rétractation »]

[354]     ORDONNE aux demanderesses Madeleine Bégon Fawcett et L’Autre TV inc. de remettre à chacun des défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay le ou avant le 15 novembre 2017 à 16h30, un exemplaire papier en format original de la Rétractation dûment signée par Madeleine Bégon Fawcett agissant alors tant personnellement qu’à titre de représentante dûment autorisée de L’Autre TV. inc.;

[355]     AUTORISE les défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay de publier sur leurs propres sites web, incluant le site web de la Fondation Fabienne Colas ainsi que leurs pages Facebook, le cas échéant, l’exemplaire signé de la Rétractation qui leur aura été remis conformément aux termes et conditions du paragraphe précédent;

[356]     AUTORISE également les défendeurs à poser les gestes nécessaires afin que la Rétractation alors publiée sur leurs sites web et leurs pages Facebook, le cas échéant, puisse être raisonnablement retrouvée facilement sur l’Internet lors d’une recherche sur Google qui génère actuellement les écrits contenant les propos diffamatoires de Bégon et de L’Autre TV inc.;

[357]     RÉSERVE les droits des défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay de demander à une date ultérieure que la Cour déclare abusives les présentes procédures entreprises par la demanderesse Madeleine Bégon Fawcett et la demanderesse L’Autre TV inc., le cas échéant;

[358]     LE TOUT avec les frais de justice tant sur la demande principale (fondés sur la demande initiale de 1 371 678,30 $) que la demande reconventionnelle, y compris les frais de l’expert Richard J. Paradis (Le Groupe CIC), totalisant 6 467,34 $ (factures D-42 et D-42A), tous ces frais de justices étant payables par les demanderesses solidairement aux défendeurs.

 

 

 

__________________________________MICHEL A. PINSONNAULT, j.c.s.

 

 

Me François Le Moine

Sarrazin Plourde s.a.

Procureurs des demandeurs Madeleine Bégon, L’Autre T.V. inc. et L’Autre Télévision

 

Me Emmanuelle Demers

BCF s.e.n.c.r.l.

Procureurs des défendeurs Fabienne Colas et Émile Castonguay

 

Dates d’audience :

8, 9, 10, 11, 12, 24 et 25 mai 2017

 

 


 

 

Chronologie commune des articles, communiqués et autres textes concernant L’Autre TV, Diversité TV et Bon Goût TV ayant été publiés dans les médias et les mises en demeure à cet égard

 

*En bleu : les mises en demeure et réponses à celles-ci

(4 documents)

*En jaune : les principales pièces jugées diffamatoires par les défendeurs et demandeurs reconventionnels Colas et Castonguay (10 documents)

 

 

Date

Document

Pièce

 

1.

4 juin 2011 12h49

Article de Jean Christophe Laurence, « Une place à la télé pour les minorités », publié dans La Presse;

 

P-45

 

2.

 

8 juin 2011

Article de François Guilloteau, « Fabienne Colas présente : « Diversité TV » après avoir conquis le cœur des cinéphiles, la comédienne haïtienne Fabienne  Colas rêve de conquérir le Québec avec Diversité TV, sa propre chaîne de télévision », publié sur hpnhaiti.com, à :

http://www.hpnhaiti.com/site/index.php?option=com_content&view=article&id=3265:haiti-canada-fabienne- colas-presente—diversite-tv&catid=8:societe&Itemid=14;

 

 

 

P-46

en liasse (dernier document)

 

3.

9 juin 2011

9 :37AM

Courriel   de   Madeleine   Bégon   à   Haitianpolitics, re:

« Fabienne Colas lancera Diversité TV et Bon Goût TV au Canada », sur Yahoomail;

P-51

en liasse, p. 1/1

 

4.

 

10 juin 2011

Nyrva Bruno, « Madame Madeleine Bégon-Fawcett va- t-elle déposé [sic] une interdiction auprès du CRTC contre la demande de la chaîne nommée diversité TV de Madame Fabienne, pour plagiat », rapportant les propos écrits du 9 juin 2011 de Madame Bégon à la p. 2/21 du blogue au http://nyrvah.blogsport.com et sur Facebook;

 

 

P-51

en liasse, pp. 1-21 et p. 1/1

 

5.

 

16 juin 2011

Article de La Rédaction, « Diversité TV & Bon Goût TV: 2 chaînes pour une plus grande diversité et une saveur riche en couleur », dans Pawol la pale;

 

P-46

(doc. 2)

 

6.

 

17 juin 2011

Mise en demeure des procureurs des demanderesses Bégon et l’Autre TV inc. aux défendeurs Colas et Castonguay;

 

P-47

 

7.

 

19 juin 2011

Objection soumise au CRTC par la demanderesse Bégon concernant les demandes de licence 2011-0411-6 et 2011-0413-2 de Diversité TV et Bon Goût TV, joignant la mise en demeure du 17 juin 2011;

 

 

P-48

 

 

8.

 

 

20 juin 2011

Article de Brendan Kelly, « A station to show our true colours - The latest mission for overachiever Fabienne Colas is to bring diversity to Quebec television », publié dans The Gazette;

 

P-46

(doc. 1)

 

9.

20 juin 2011

9 :24AM

Article de Hassan Serraji, « Diversité TV : une télé qui nous « regardera » ! », dans Montréal-Métro;

P-46

(doc. 3)

 

10.

 

21 juin 2011

Pascale Lévesque, « Fabienne Colas dépose deux projets de chaînes multiculturelles », publié dans Montréal Groove et publié dans Ex-Rue Frontenac;

 

P-46 P-46A

 

11.

 

21 juin 2011

Réponse des procureurs des défendeurs Colas et  Bégon à la mise en demeure du 17 juin 2011 des procureurs de la demanderesse Bégon;

 

P-49

 

 

12.

 

24 juin 2011

23 :22

Article de l’Agence de presse Médiamosaïque,

« Diversité TV : Fabienne Colas accusée de « plagiat » par l’Autre TV auprès du CRTC », publié par l’Agence  de presse Médiamosaïque;

P-51

en liasse

D-40

(partiel - déposé par

M. Bazin le 10 mai 2017)

 

 

13.

 

 

25 juin 2011

Alouidor Daniel : « Diversité TV : Fabienne Colas accusée de « plagiat » auprès du CRTC par Madeleine Bégon Fawcett », http://bit.ly/iUCljb, publié sur Twitter  à @aladanel;

P-51

en liasse

 

14.

 

28 juin 2011

Réplique des procureurs des demanderesses Bégon et l’Autre TV à la lettre des procureurs des défendeurs Colas et Castonguay du 21 juin 2011;

 

P-50

 

15.

 

1erjuillet 2011

Article intitulé « Fabienne Colas, accusée de plagiat », publié sur le site de Radio Kiskeya;

P-51

en liasse

 

16.

 

1erjuillet 2011

Article intitulé « Fabienne Colas, accusée de plagiat », publié sur le site de Radio Kontak Inter Haiti;

P-51

en liasse

 

17.

 

2 juillet 2011

La Rédaction, « Diversité TV : Fabienne Colas accusée de « plagiat » par l’Autre TV auprès du CRTC », publié sur http://www.radiotelevisoncaraibes.com;

 

P-51

en liasse

 

18.

3 juillet 2011

13 :24

« Réaction officielle de Fabienne Colas concernant Diversité TV », Radio Kontak Inter;

IFB-2 / P-70 C

 

 

19.

 

 

4 juillet 2011

Réponse des procureurs des défendeurs Colas et Castonguay à la réplique des procureurs des demanderesses Bégon et l’Autre TV du 28 juin 2011 avec pièces jointes faisant état des articles contenant des propos diffamatoires à l’endroit de Mme Colas;

 

 

P-51

en liasse

 

20.

 

4 juillet 2011

Nancy Roc, « Réponse de Nancy Roc aux accusations de Fabienne Colas », Radiokiskeya;

 

P-72

 

21.

 

11 juillet 2011

Premier Communiqué de Mme Bégon : « L’Autre TV persiste et signe : Diversité TV a plagié »;

 

D-24 A

 

22.

(Imprimé le) 28 octobre 2011

Site web de Diversité TV à http ://www.diversite-tv.com en date du 28 octobre 2011;

 

P-53

 

23.

12 novembre 2011

8 :24AM

Article de Jean-Christophe Laurence, « Diversité TV va de l’avant », dans La Presse;

 

P-73

 

24.

 

15 décembre 2011

Second Communiqué de Mme Bégon « L’Autre TV inc. dépose une poursuite de plus d’un million de dollars à la Cour supérieure du Québec contre Fabienne Colas, Émile Castonguay et al pour contrefaçon et autres dommages subis par Madeleine Bégon (Fawcett) auteure dramaturge d’origine haïtienne »;

 

 

 

D-24 B

 

25.

 

24 décembre 2011

Article de Jean-Christophe Laurence, « Une « game haïtienne »? », dans La Presse;

 

P-74

 

26.

 

4 janvier 2012

Article intitulé « Quand Kettly Mars plagie Margaret Papillon - Fabienne Colas et Émile Castonguay poursuivis pour plus d’un million de dollars », publié dans http ://veritelitterale.blogspot.ca;

 

D-44

en liasse (deuxième partie de D-44)

 

 

27.

 

25 janvier 2012

Article de Paul-André Gilbert, « Les créateurs d’une chaîne de télévision multiculturelle accusés de plagiat », publié dans Le Magazine de Saint-Lambert;

 

D-47

 

28.

27 janvier 2012

22 :47

Article de François Guilloteau, « Haïti-Canada : Fabienne, une jeune femme haïtienne qui ose et réussit! », publié dans Trait d’union;

 

P-70 B

 

 

29.

 

 

17 février 2012

Troisième Communiqué de Mme Bégon : « Poursuite de L’Autre TV inc. c. Fabienne Colas, Émile Castonguay pour contrefaçon : les accusés tardent à signifier leur affidavit et à déposer leurs pièces justificatives à  la Cour », émis par Innova Communication  (firme de Mme Ionah Bernier);

 

 

 

 

D-24 C

 

30.

14 avril 2012

14 :23

Diversité TV et Bon Goût TV : « Grande victoire pour Fabienne Colas », diffusé sur webradiotele.com;

 

P-70 A

 

 

31.

 

 

15 juillet 2012

Article de Canal Plus Haïti, « Haïti/Diasporama : Affaire Fabienne Colas - Madeleine Bégon, Communiqué de Presse », joignant le procès-verbal  de  l’audience  du 14 juin 2012 devant l’honorable Chantal Masse portant sur les objections soulevées lors de l’interrogatoire du   2 mai 2012, diffusé sur http://www.canalplushaiti.net;

 

 

D-39

en liasse (première partie)

 

 

32.

 

 

7 septembre 2012

Article de Canal Plus Haïti, propos recueillis par Andy Limontas, « Madeleine Bégon-Fawcett dit toute la vérité… interview en exclusivité ! » [partie 1], diffusé sur http://www.canalplushaiti.net;

P-75

en liasse (première partie)

 

 

33.

 

 

13 septembre 2012

Article de Canal Plus Haïti, propos recueillis par Andy Limontas, « Madeleine Bégon-Fawcett dit toute la vérité… interview en exclusivité ! » [partie 2], diffusé sur http://www.canalplushaiti.net;

D-39

en liasse (deuxième partie)

P-75

en liasse (deuxième partie)

 

 

34.

 

 

2 novembre 2012

Article de Canal Plus Haïti, « Québec/Diversité TV/L’Autre TV : De la zizanie chez Fabienne Colas et Émile Castonguay », référant aux  interrogatoires du 24octobre 2012, diffusé sur http://www.canalplushaiti.net;

 

 

D-25

 

35.

(imprimé le) 12 mai 2017

Extrait du site web de Diversité TV et Bon Goût TV à  http ://www.diversite-tv.com avec lien au jugement du juge Chaput du 19 avril 2012;

 

D-43

 

 

36.

 

 

12 mai 2017

Recherche Google avec les mots-clés     « Fabienne Colas » et « plagiat », donnant 12,800 résultats

D-44

en liasse (première partie)

 

37.

 

12 mai 2017

Recherche Google  avec les mots-clés

« Madeleine Bégon » et « Fabienne Colas », donnant 17,100 résultats.

 

D-45

 

38.

 

21 mai 2017

Recherche Google avec les mots-clés     « Fabienne Colas », donnant 334,000 résultats.

 

P-76

 



[1] L’utilisation des seuls noms de famille dans le présent jugement a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucun manque de courtoisie à l’égard des personnes concernées.

[2] Ci-après définis « Diversité TV » et « Bon Goût TV ».

[3] Pouvant diffuser sur les réseaux de câblodistribution dans l’ensemble du Canada.

[4] On parle parfois de Catégorie 2, ce qui signifie la même catégorie de licence.

[5] Ci-après défini « L’Autre TV »).

[6] Paragraphe 96.9 de la Demande en justice ré-ré-amendée.

[7] Malgré que la procédure initiale soit datée du 28 novembre 2011.

[8] Bégon a initialement constitué en 2009 L’Autre Télévision, une compagnie à but non lucratif; puis en 2010, elle a constitué L’Autre TV inc. en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions pour l’obtention d’une licence de Catégorie B auprès du CRTC.

[9] Aux paragraphes 98 à 107 de la Demande en justice initiale, la demanderesse Bégon prétendait avoir subi des dommages s’élevant à 1 671 678,30 $ alors que dans ses conclusions, elle réclamait la somme de 1 371 678,30 $; il n’est pas clair s’il s’agissait d’une erreur, d’un oubli ou de l’abandon d’un chef de réclamation.

[10] La Demande en justice ré-amendée du 4 mai 2017 ne précisait pas à qui les dommages étaient payables.

[11] Idem.

[12] Modification effectuée le 9 mai 2017.

[13] Idem.

[14] Idem.

[15] Annexe au nouvel affidavit circonstancié de Bégon du 12 janvier 2012.

[16] P-69.

[17] En fait, les défendeurs n’ont jamais déposé aucun document auprès du CRTC afin de contester ou de s’objecter à l’octroi de la licence demandée par Bégon relativement à L’Autre TV.

[18] L.R.C. (1985), ch. C-42

[19] Chapitre C-12.

[20] P-7.

[21] P-3.

[22] Quel que soit la nature de l’entreprise projetée, chaque étudiant devait répondre aux mêmes questions.

[23] P-4.

[24] P-4.

[25] P-15.

[26] P-16.

[27] Il importe de mentionner que le volet Web du projet ne nécessitait aucune licence du CRTC. Rien n’empêchait Bégon d’aller de l’avant à cet égard.

[28] P-17.

[29] Le 22 février 2010, Calderon accepte de diffuser une série culturelle produite par L’Autre TV d’une durée de sept chapitres de 24 minutes chacun. Nuevo Mundo accepte aussi de développer un partenariat à court, moyen et/ou long terme pour la diffusion sur sa chaine (P-19). Cette entente n’était pas tributaire de l’obtention par L’Autre TV d’une licence du CRTC. Rien n’empêchait Bégon de mettre ce projet en marche dès lors. Ce projet ne s’est matérialisé faute d’émissions produites par Bégon.

[30] P-20.

[31] P-21.

[32] P-22.

[33] P-26.

[34] P-27.

[35] P-30.

[36] P-31.

[37] Ci-après “Terra Terra”.

[38] P-33.

[39] P-41.

[40] P-57.

[41] Paragraphes 91 et 92 de la Demande en justice ré-ré-amendée.

[42] P-58.

[43] Paragraphe 100 de la Demande en justice ré-ré-amendée.

[44] P-62.

[45] P-34.

[46] P-35.

[47] P-36.

[48] P-37.

[49] P-38.

[50] P-39.

[51] P-40.

[52] P-32.

[53] Annexe au nouvel affidavit circonstancié de Bégon du 12 janvier 2012.

[54] P-69.

[55] D-6.

[56] D-7.

[57] D-2.

[58] D-3.

[59] D-4.

[60] D-15.

[61] Titre provisoire (P-42).

[62] P-43.

[63] Qui devait éventuellement constituer des sociétés pour opérer ces chaines de télévision.

[64] P-44.

[65] P-45 et P-46.

[66] P-45.

[67] P-31.

[68] P-48.

[69] P-47.

[70] P-49.

[71] P-50.

[72] P-51.

[73] Sous la signature de la demanderesse, cette dernière dépeint Colas comme l’initiatrice d’un piratage et que la créativité fait cruellement défaut à l’artiste. Malgré que dans cette publication, Bégon dit n’avoir aucune objection à la chaine Bon Goût TV, celle-ci fait néanmoins toujours l’objet de ses conclusions en injonction…

[74] Il s’agit du même texte publié le même jour sur l’autre page Facebook.

[75] Il s’agit d’une station de radio de Cap-Haitien en Haïti.

[76] Une autre chaine de radio en Haïti.

[77] Il s’agit d’une station de radio de Port-au-Prince en Haiti.

[78] Il s’agit du même texte publié par Radio Kontak Inter. Cet article semble vouloir répondre à un article publié le 3 juillet 2011 sur le site Web de Radio Kiskeya intitulé « Mme Colas rejette vigoureusement les accusations de plagiat » (P-70C)

[79] Signé par Béatrice Daléus pour L’Autre TV.

[80] D-24A et IMB-1. Incidemment, le 8 juillet 2011, le site de mediamosaique.com publiait le même communiqué mais daté du 7 juillet 2011 cette fois-ci. Voici les commentaires formulés par la rédaction au sujet du communiqué :

MONTRÉAL - Première sortie médiatique de la Pdg de l'Autre TV. Contrairement aux souhaits de la partie rivale qui la somme de se rétracter, Madeleine Bégon Fawcett, qui accuse Fabienne Colas, d'avoir "plagié", paraît plus déterminée que jamais en soutenant que ses griefs envers la Pdg de Diversité TV sont fondés.

"L’Autre TV persiste et signe : Diversité TV a plagié", tel est le titre d'un communiqué, diffusé en date du 7 juillet 2011 par son staff, reçu à la rédaction de l'Agence de presse Médiamosaïque.  La note informe que Mme Fawcett, au lieu d'en faire un tapage médiatique "pour se justifier publiquement", préfère laisser l'affaire entre les mains de ses avocats "pour les suites nécessaires".

Ci-dessous, in extenso, le communiqué du clan Fawcett signé Béatrice Daléus. […]

[81] D-24B et IMB-2 :

« L'Autre TV Inc. dépose une poursuite de plus d'un million de dollars à la Cour supérieure du Québec contre Fabienne Colas, Émile Castonguay et al pour contrefaçon et autres dommages subis par Madeleine Bégon (Fawcett) auteure dramaturge d'origine haïtienne.

Montréal, le 15 décembre 2011 - Fabienne Colas et Émile Castonguay ont refusé de retirer leurs demandes de licences 2011-0411-6 au nom de Diversité TV et 2011-0413-2, Bon Goût TV malgré la mise en demeure qui leur avait été envoyée en juin 2011. L'Autre TV Inc. et al n'ont donc pas eu d'autre choix que de déposer une action pour protéger leurs droits selon la Loi sur les droits d'auteurs.

L'Autre TV informe le public en général, la presse et tous ceux que le dossier intéresse qu'une REQUÊTE INTRODUCTIVE D'INSTANCE (en dommages et autres ordonnances, Art 110.1 C.p.c.) a été déposée le 14 décembre 2011 pour contrefaçon auprès DE LA COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC, DlSTRICT DE LONGUEUIL, CHAMBRE CIVILE, au numéro 505-17-005644-119 et signifiée par huissiers aux intimés.

Le dossier de cour peut être consulté au palais de justice de Longueuil, 1111, boulevard Jacques Cartier Est, Longueuil, Québec, J4M 2J6. »

[82] D-44.

[83] Une entreprise de madame Ionah Bernier qui est également administratrice de L’Autre TV inc.

[84] D-24C et IMB-3.

[85] Pouvant être diffusés sur le câble partout au Canada.

[86] Or, force est de constater que ces licences ont expirées en 2015; à ce sujet, le Tribunal comprend que ces licences périmées ne sont plus d’aucune utilité pour Colas qui devrait déposer de nouvelles demandes auprès du CRTC si elle désirait raviver son propre projet.

[87] Par œuvre de Colas, le Tribunal comprend qu’elle semble découler de ses demandes de licence auprès du CRTC et des entrevues accordées aux médias qui ont subséquemment servies à la confection des tableaux comparatifs.

[88] P-54, P-55, P-56 et P-57.

[89] P-65.

[90] P-64.

[91] D-22 et D-23.

[92] P-42 et P-43.

[93] On réfère aussi à la Catégorie B au lieu de la Catégorie 2.

[94] En réalité, le Dossier d’opportunité de Bégon de janvier 2009 (P-3) ne comportait même pas d’étape pour l’obtention d’une licence auprès du CRTC. De plus, il est à noter que ce Dossier d’opportunité (P-3) a été mis à jour en décembre 2010 (P-30) ainsi que la Fiche 7, et sous la section « ce qu’il reste à faire », Bégon ne fait toujours aucune mention de l’obtention d’une licence auprès du CRTC.

[95] Nouvel affidavit circonstancié de Bégon daté du 12 janvier 2012, documents y annexés 1 à 9.

[96] P-6. Bégon demandait au CRTC si l’organisme réglementait les sites sur l’Internet en rapport avec son projet d’établir un portail web pour L’Autre TV.

[97] Nouvel affidavit circonstancié de Bégon daté du 12 janvier 2012, documents y annexés 1 à 9.

[98] P-19.

[99] P-63.

[100] P-54 à P-57.

[101] Après y avoir ajouté les mots L’Autre TV pour la première fois depuis l’institution des procédures.

[102] ORDONNER aux défendeurs, pour une période de 4 ans, de s’abstenir de lancer, de participer ou de détenir un intérêt financier dans à une chaîne qui reprend une partie importante du Projet L’Autre TV tel que défini aux pièces P-3, P-4, P-15, P-16, P-20, P-22, P-27, P-30, P-58 et P-62 de s’abstenir de promouvoir, directement ou indirectement les deux chaînes de télévision basées sur les licences CRTC-2011-666 et CRTC-2011-667 auprès de tiers;

[103] Avec égards, pourquoi parler de Projet L’Autre TV alors qu’il était maintenant question de l’œuvre L’Autre TV.

[104] Paragraphe 17 du jugement du juge Chabot.

[105] P-54, P-55, P-56 et P-57.

[106] Fénollar c. PRB Média, 2006 QCCS 1956, par. 46-47 ; Télé-Vision 84 inc. c. Corporation des célébrations du 350e anniversaire de Montréal (1642-1992), 2000 CanLII 19326, paragraphes 25-31; voir également le jugement du juge Chabot du 19 avril 2012 dans la présente instance, paragraphes 13 à 15.

[107] Bégon a clairement confirmé lors de son ré-interrogatoire en réponse aux questions de son procureur que madame Colas n’a jamais eu accès :

-       à la pièce P-3;

-       ni à la pièce P-4, un document de travail qu’elle aurait rédigé en 2008 et qui fait état, de manière très générale, du projet de L’Autre TV;

-       ni à la pièce P-5, une présentation Power Point datée de 2011 faisant état du manque de diversité à l’écran au Québec;

-       ni aux pièces P-15, P-16, P-17, P-20, P-21, P-22, P-26, P-27, P-30, P-31, P-41, P-57, P-58 ou P-62 qui contiendraient de l’information confidentielle qui appartiendrait à Bégon;

-       de plus, aucun des témoins de Bégon n’est venu établir que de l’information soit disant confidentielle aurait été communiquée à Colas.

[108] Avec une photographie en gros plan de la demanderesse à la gauche de ce paragraphe.

[109] Le nom d’Ionah Bernier apparaît comme administratrice de L’Autre TV inc. selon le rapport du CIDREQ.

[110] P-51.

[111] D-40.

[112] Le Tribunal note qu’en octobre 2011, le CRTC a émis les licences demandées sans aucunement retenir la contestation de Bégon.

[113] P-51 en liasse.

[114] D-24A (voir le paragraphe 80 ci-devant).

[115] P-52.

[116] P-73.

[117] D-24B.

[118] Voir le paragraphe 83 ci-devant.

[119] Paragraphes 11 et 14.

[120] Des affirmations qui s’avèreront totalement non fondées.

[121] Idem.

[122] D-47.

[123] En sus d’opérer Castonguay Cycle et Sport.

[124] D-24C.

[125] Diffusé sur http://www.canalplushaiti.net/.

[126] D-39.

[127] http://www.canalplushaiti.net/.

[128] P-75 en liasse.

[129] P-75 en liasse et D-39.

[130] Aucun enregistrement n’a été produit en preuve au procès.

[131] D-25.

[132] D-25.

[133] D-41.

[134] D-39.

[135] Demandée par le témoin.

[136] 1998 CanLII 12148.

[137] D-24 en liasse.

[138] D-25.

[139] P-75 en liasse.

[140] D-39.

[141] D-40.

[142] D-47.

[143] P-51 en liasse.

[144] P-51 en liasse (diverses publications sur Facebook et autres réseaux sociaux).

[145] D-24A (le Premier Communiqué de presse).

[146] 4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

[147] 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

[148] Chapitre C-12.

[149]  3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

[150]  35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

[151] 49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[152] D-44 et D-45 (Recherches sur Google avec les mots-clés « Fabienne Colas » et « plagiat » et avec les mots-clés « Madeleine Bégon » et « Fabienne Colas », donnant plus de 10,000 résultats chacune).

[153] Cette remise avait été provoquée à la demande de Bégon et des autres demanderesses qui venaient de révoquer le mandat de leur avocat initial peu de temps avant le procès alors fixé en septembre 2015.

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