Décision

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Ganotec inc.

2008 QCCLP 5205

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

10 septembre 2008

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

339014-62C-0802

 

Dossier CSST :

129180444

 

Commissaire :

Me Diane Lajoie

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Ganotec inc.

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 1er février 2008 l’employeur, Ganotec inc., dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 25 janvier 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 30 mai 2007 et déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Arthur Lessard, le 18 janvier 2006.

[3]                À l’audience tenue le 2 septembre 2008, l’employeur est présent et représenté par son procureur. Le tribunal a permis à l’employeur de compléter son argumentation par écrit après l’audience et de produire de la jurisprudence supplémentaire au soutien de ses arguments. Compte tenu du délai accordé pour ce faire, l’affaire est prise en délibéré le 5 septembre 2008.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’a pas à être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la conjointe du travailleur après le 1er février 2006 conformément à l’article 58 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) parce qu’il ne s’agit pas de prestations dues en raison de la lésion professionnelle.

[5]                L’employeur soumet également que l’imputation à son dossier du coût de cette indemnité de remplacement du revenu l’obère injustement.

LES FAITS

[6]                Les faits sont établis. À l’époque pertinente, le travailleur est tuyauteur à l’emploi de Ganotec inc. Il est âgé de 55 ans. Le 18 janvier 2006, au travail, en montant l’escalier de la roulotte, il glisse et fait une chute.

[7]                Le 16 février 2006, la CSST reconnaît que le travailleur a subi un accident du travail le 18 janvier 2006, qui lui a causé une contusion à la fesse droite.

[8]                Le travailleur est d’abord assigné en travaux légers. Le 30 janvier 2006, le médecin du travailleur prescrit l’arrêt de travail du 30 janvier au 3 février 2006 inclusivement. Il indique que monsieur Lessard est en attente de traitements de physiothérapie. Du Tylénol est prescrit. Enfin, le médecin mentionne que le travailleur sera revu à la clinique Hochelaga et que la prise en charge sera faite à cet endroit. Aucune indication n’est donnée quant à la durée de la consolidation.

[9]                Le 31 janvier 2006, le travailleur subit un accident de voiture. Le 1er  février 2006, il décède des suites de cet accident.

[10]           Conformément à l’article 58 de la loi, la CSST verse l’indemnité de remplacement du revenu à la conjointe du travailleur pendant trois mois suivant le décès.

[11]           La CSST impute le coût de cette indemnité au dossier de l’employeur qui, le 5 mai 2006, demande un transfert de coûts en alléguant qu’il est obéré injustement.

[12]           Le 30 mai 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que la totalité du coût des prestations doit être imputée à l’employeur. Cette décision est confirmée le 25 janvier 2008, à la suite d’une révision administrative.

[13]           Dans cette décision, la CSST retient que le travailleur a subi un accident de voiture le 31 janvier 2006 qui a entraîné son décès. Toutefois, elle constate que cet accident n’a pas interrompu l’assignation temporaire puisque le travailleur était alors en arrêt de travail.

[14]           De plus, la CSST estime que l’employeur ne peut être obéré injustement par l’application d’une disposition prévue à la loi, soit en l’espèce, l’article 58.

[15]           L’employeur conteste maintenant cette décision devant le présent tribunal.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[16]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur doit être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la conjointe du travailleur à compter de son décès et ce, pour trois mois.

[17]           Au moment de son décès, monsieur Lessard est en arrêt de travail, prescrit par son médecin, jusqu’au 3 février 2006. Il a donc droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

[18]           Le travailleur est décédé le 1er février 2006. Selon l’article 57 de la loi, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint au décès du travailleur :

57.  Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

 

1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;

 

2° au décès du travailleur; ou

 

3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 57.

 

 

[19]           En l’espèce, le travailleur est décédé d’une cause étrangère à sa lésion professionnelle, de sorte que la CSST a continué de verser à la conjointe du travailleur, l’indemnité de remplacement du revenu pour une période de trois mois, le tout conformément à l’exception prévue à l’article 58 de la loi, qui se lit comme suit :

 

58.  Malgré le paragraphe 2° de l'article 57, lorsqu'un travailleur qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, cette indemnité continue d'être versée à son conjoint pendant les trois mois qui suivent le décès.

__________

1985, c. 6, a. 58.

 

 

[20]           Dans la présente affaire, il n’est nullement question de remettre en cause le bien fondé de l’application de cette disposition au cas qui nous occupe. De plus, cette disposition reflète le choix du législateur en pareilles circonstances et il ne revient aucunement au présent tribunal de remettre en question ce choix.

[21]           D’ailleurs, l’employeur ne remet pas en question ni la pertinence ni l’application de l’article 58 de la loi au présent cas.

[22]           La question qui se pose toutefois est de savoir qui doit supporter le coût de cette indemnité du remplacement du revenu versée à la conjointe du travailleur pour une période de trois mois.

[23]           Dans le cas d’un accident du travail, le principe général en matière d’imputation est prévu au premier alinéa de l’article 326 de la loi :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[24]           L’employeur est donc imputé du coût des prestations dues en raison d’un accident du travail.

[25]           L’indemnité de remplacement du revenu versée à la conjointe du travailleur est certainement une prestation au sens de la loi. La loi définit ainsi cette notion :

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[26]           Toutefois, on peut se demander si cette prestation est due en raison de l’accident du travail subi par le travailleur. Le petit Larousse définit l’expression «en raison de» comme voulant dire «en considération de, à cause de».

[27]           Selon l’article 58 de la loi, l’indemnité de remplacement du revenu versée à la conjointe du travailleur l’est en considération du fait que le travailleur est décédé d’une cause étrangère à sa lésion professionnelle et non en considération ou à cause de l’accident du travail. Cette prestation n’est donc pas due en raison de l’accident du travail et, ce faisant, le coût ne devrait pas en être imputé à l’employeur.

[28]           Par ailleurs, le tribunal estime que même en considérant qu’il puisse y avoir un lien entre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la conjointe et l’accident du travail (puisque ce n’est qu’en raison du fait que le décès d’une cause étrangère est survenu alors que le travailleur était en arrêt de travail à cause de l’accident du travail que la conjointe a droit à cette indemnité), l’imputation du coût de cette indemnité à l’employeur a pour effet de l’obérer injustement au sens du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.

[29]           En effet, l’accident de voiture qui a mené au décès du travailleur est complètement hors du contrôle de l’employeur. Aussi, cet accident est étranger aux activités de l’employeur.

[30]           De plus, n’eût été du décès du travailleur lors de cet accident, une décision conjointe aurait été rendue par la CSST et la Société d’assurance automobile du Québec par laquelle on aurait distingué le préjudice attribuable à l’accident du travail et à l’accident de voiture. En l’espèce, le coût de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période de trois mois suivant le décès est entièrement imputé à l’employeur.

[31]           Le tribunal ajoute que le diagnostic retenu au dossier est celui de contusion à la fesse droite. L’arrêt de travail prescrit n’est que de cinq jours. À la lumière de ces informations, il y a tout lieu de croire que la lésion n’est pas grave ni importante. Dans ces circonstances, on ne s’attendrait pas à une période d’incapacité aussi longue que trois mois, alors qu’à cause du décès du travailleur, l’employeur se voit imputer d’une période de trois mois d’indemnité de remplacement du revenu.

[32]            Enfin, on peut faire un parallèle entre la présente situation et celle qui prévaut en regard de l’imputation dans les cas où s’applique l’article 27 de la loi. Cette disposition prévoit ceci :

27.  Une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur qui en est victime n'est pas une lésion professionnelle, à moins qu'elle entraîne le décès du travailleur ou qu'elle lui cause une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique.

__________

1985, c. 6, a. 27.

 

[33]           La jurisprudence comporte des exemples où un transfert de coûts a été accordé à un employeur dans le cas de décès survenu à cause d’une négligence grossière et volontaire du travailleur. On a retenu entre autres que le fait que le législateur ait créé une exception à la non-reconnaissance d'une lésion professionnelle en pareille situation vu la gravité des conséquences de la lésion ne doit pas faire en sorte que l'employeur ait à supporter une somme qui, en toute justice et selon le bien-fondé réel du cas, ne devrait pas normalement lui être imputée[2].

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de l’employeur, Ganotec inc.;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 25 janvier 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée après le 1er février 2006, en vertu de l’article 58 de la loi, doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.

 

 

  __________________________________

 

Me Diane Lajoie

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me Pierre Pilote

GOWLING LAFLEUR HENDERSON S.R.I.

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Construction Arno inc. et CSST, [1999] C.L.P. 302 .

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