Décision

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R. c. Galloni

2020 QCCQ 36

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

COWANSVILLE

« Chambre criminelle et pénale »

N° :

455-01-016420-188

 

 455-01-016421-186

 

DATE :

8 janvier 2020

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SERGE CHAMPOUX, J.C.Q.

 

 

 

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SA MAJESTÉ LA REINE

Poursuivante

c.

MICHEL GALLONI

Accusé

 

 

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DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN EXCLUSION DE LA PREUVE DE L’ACCUSÉ

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[1]           Michel Galloni fait face à certaines accusations consécutives à une perquisition survenue le 9 août 2018 à sa résidence située au 188 rue Principale Ouest à Farnham.

[2]           Dans la requête qu’il présente, il prétend que le mandat de perquisition émis le 6 août 2018 par la Juge Meilleur, J.P.M., était invalide en ce qu’il n’y apparaît pas de motifs raisonnables et probables de croire que ce qui était recherché se trouvait là où le mandat autorisait la fouille.

[3]           L’argument présenté dans la requête est basé sur les allégués contenus à l’annexe où figurent les motifs de l’agent qui a requis l’émission du mandat. Aucune preuve supplémentaire n’a été faite par les parties.

[4]           Puisque les motifs apparaissant à l’annexe fournie à l’appui de la demande du policier sont très brefs, j’éviterai de les paraphraser. En voici la transcription :

1-    Le 2018-07-23 à 19h12, je suis intervenu en compagnie de l’agt Benoit 11972 au 198 Principale Ouest, Farnham pour une chicane entre 2 locataires pour leurs stationnements. En rencontrant la locataire sur son balcon, à 20h18, je vois sur le balcon du voisin, 4 plants de cannabis d’environ 4 pieds de hauts.

2-    Le balcon fut placardé à l’aide de planche de bois afin de cacher les plants de cannabis afin qu’ils ne soient pas visible à partir du chemin public. Dû à mon emplacement sur le balcon de la voisine, il m’a été possible d’apercevoir le haut des plants de cannabis lors de mon intervention.

3-    Suite à cette intervention, j’ai fait des vérifications et j’ai confirmé que l’adresse où se trouvent les plants de cannabis est le 188 rue Principale Ouest, Farnham.

4-    Je peux reconnaitre un plant de cannabis car il est facile de reconnaître ceux-ci par les feuilles très distinctives. J’ai été formé pendant ma formation de policier à les reconnaître. J’ai de plus saisie dans le passé dans mon travail de policier du cannabis en vrac.

5-    Le 2018-07-25, j’effectue des vérifications au centre des renseignements policiers du Québec concernant les locataires du 188 Principale ouest Farnham.

6-    J’apprends que le résident du 188 rue Principale ouest est Michel GALLONI 1978-[...]. Ce dernier ne possède pas de dossier criminel. Il est toutefois impliqué dans trois événements relié aux stupéfiants.

7-    En septembre 2015, une personne désirant conserver l’anonymat informe les policiers de la Sûreté du Québec que Michel GALLONI ferait du trafic de cannabis, cocaïne et de méthamphétamines.

8-    En octobre 2015, les patrouilleurs interceptent deux individus alors qu’ils sortent de la cour du 188 Principale ouest Farnham. L’un d’eux met quelque chose dans sa poche et l’autre est connu comme étant un consommateur de stupéfiants.

9-    En juin 2017, une personne désirant garder l’anonymat informe les policiers de Granby que Michel Galloni fait la vente de cannabis.

10- Le CRPQ m’apprend également que Caroline Croteau donne cette adresse quant à son permis de conduire, par contre il est expiré. Donc elle ne demeurerait plus à cette adresse car elle fut impliquée dans d’autres événements et elle donnait une autre adresse.

(Reproduction intégrale)

[5]           L’argument de Michel Galloni est le suivant, très courtement résumé : d’abord, les informations sont soit trop anciennes, soit trop imprécises, par ailleurs, elles ne révèlent pas la possibilité d’un trafic et enfin, ce qui est vu se trouve sur le balcon, pas dans le logement.

[6]           Les motifs du policier Morin se basent d’abord sur deux informations de septembre et octobre 2015, soit trois ans avant la perquisition, pour supporter la demande.

[7]           Quant à la première de ces informations, on ignore la qualité de la personne qui fournit l’information, l’origine des renseignements, l’historique de cet informateur. L’information est aussi peu détaillée.

[8]           Quant à l’information d’octobre 2015, bien que l’information découle de policiers locaux, on a si peu de détails qu’on ignore si les personnes observées sortaient vraiment du logement de l’accusé, si un indice quelconque permet de croire qu’il y a eu une transaction de stupéfiants et même si, à l’époque l’accusé demeurait à cette adresse. En logique toutefois, il m’apparaît que les paragraphes 7 et 8 de cette annexe semblent s’inscrire dans l’allégation générale du paragraphe 6, et dans cette mesure confirmer que Michel Galloni demeurait à la même adresse à cette époque.

[9]           Quant à l’information de juin 2017 en provenance de Granby, encore une fois, la qualité et les détails de cette information sont douteux.

[10]        Reste donc la question de la présence de plants de cannabis sur le balcon. Bien qu’il soit reconnu que le policier soit en mesure d’identifier correctement les plants de cannabis, ceux-ci étaient sur le balcon de la résidence et non dans la résidence. En conséquence, il n’existerait pas de raison de demander et d’obtenir un mandat de perquisition pour l’intérieur de la résidence, lieu où rien ne permettait de croire que se trouvaient des stupéfiants.

[11]        ANALYSE ET DÉCISION

[12]        Il y a d’abord lieu de toujours garder en tête le rôle du juge qui est appelé à réviser la décision d’émettre un mandat de perquisition. Ce rôle n’est pas de décider à la place du juge émetteur original de ce mandat.

[13]        Mon rôle en révision de la décision de la Juge Meilleur est plutôt de décider si, après l’audition complète de la preuve, le cas échéant, et des arguments des deux parties, il demeure toujours des éléments de preuve suffisants qui auraient pu justifier l’émission du mandat[1]. Si tel est le cas, le mandat survit.

[14]        Il est aussi bien connu que l’exercice que je dois effectuer consiste à examiner globalement les motifs qui sont en preuve afin d’établir la validité du mandat et non pas déterminer si considérés individuellement, ces motifs suffisent.

[15]        On parle « d’amplification » quand les motifs allégués sont testés dans une audience contestée. Certains peuvent disparaître, vu une preuve douteuse ou non crédible alors qu’au contraire, d’autres peuvent être renforcés ou clarifiés. Le juge réviseur doit alors utiliser cette preuve « amplifiée » pour tirer ses conclusions quant à la validité du mandat émis[2].

[16]        Dans le cas de Michel Galloni, les parties ont présenté leurs arguments de sorte que je dois conclure que les motifs allégués devant la Juge Meilleur ont subi l’épreuve de la contestation et qu’aux termes de cet exercice, ceux-ci sont demeurés inchangés.

[17]        Autrement dit, et je le souligne, même si certains de ces motifs - et je réfère particulièrement aux faits de septembre et octobre 2015 de même que juin 2017 - peuvent apparaître vagues ou imprécis, au terme de l’exercice approprié, ils sont établis, sans autres précisions ou ajouts, mais sans qu’ils ne disparaissent non plus.

[18]        Il faut reconnaître que ceux-ci ne sont pas particulièrement précis, ni convaincants. Doivent-ils être retirés des motifs présentés? Non, même s’ils n’apportent pas de preuve si précise. Si au contraire les policiers avaient eu l’information que l’accusé était un citoyen au-dessus de tout soupçon et avaient évité de le dévoiler, ils commettraient assurément une faute. Ils avaient au contraire des informations répétitives qui liaient Michel Galloni au trafic de drogues.

[19]        L’information qui relie l’accusé à des trafics de stupéfiants n’est pas impertinente devant la découverte de plants qui poussent sur le balcon.

[20]        L’argument principal de l’accusé consiste à prétendre que si le policier voit des plants pousser sur le balcon, il devrait demander un mandat de perquisition pour le balcon. Rien ne lui permet de croire qu’il y avait des plants à l’intérieur, dans une pièce ou une autre.

[21]        Avec beaucoup de respect, il m’apparaît que ce raisonnement est erroné pour plus d’une raison.

[22]        Premièrement, le mandat de perquisition émis vise à rechercher des plants de cannabis, du cannabis en vrac et des « preuves de résidence ».

[23]        Si d’une part on conçoit que le policier n’a vu des plants de cannabis en croissance que sur un balcon, il est par contre inévitable de croire que ces plants appartiennent à quelqu’un et que cette personne commet fort possiblement un crime de ce fait.

[24]        Le bon sens indique que les gens ne font pas pousser le cannabis comme une plante ornementale, surtout quand on constate qu’une certaine barricade existe pour empêcher des personnes de voir les plants.

[25]        Comme, encore une fois, on peut le croire, le but de la croissance d’un plant est d’en récolter les feuilles ou les cocottes, tout comme il serait sensé de croire que des tomates se trouvent à l’intérieur d’une résidence sur le balcon de laquelle des plants de tomates sont en croissance, il m’apparaît logique de croire que sur le balcon est produit quelque chose qui pourrait très facilement se retrouver à l’intérieur du logis dont il est une annexe. Par ailleurs, selon la preuve faite, personne ne met en doute que ce balcon soit à l’usage exclusif du 188 Principale Ouest à Farnham.

[26]        Je rappelle que le mandat mentionne aussi que les policiers recherchent des preuves de résidence, ce qui est, encore une fois, sensé et logique puisque le but de l’intervention est de conduire à des accusations criminelles. Il faut donc relier les plants, la production, à un individu. On peut croire que se trouvent dans un logement des papiers, documents, matériel informatique même, qui pourraient faire un lien entre le logis et un résident.

[27]        La prétention de trafic est peut-être plus faible. Que fait-on de la récolte? Quoi qu’il en soit, même en enlevant cette allégation comme infraction visée, l’ensemble des allégations factuelles demeurent.

[28]        Deuxièmement, la description des lieux, le 188 Principale Ouest à Farnham, est véritablement un lieu, un lieu que les policiers veulent perquisitionner. Une perquisition est un moyen d’enquête et ce moyen d’enquête doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Avant d’entrer dans le logement et de le fouiller, en général les policiers ne savent pas précisément ce qui s’y trouve et à quel endroit ils trouveront ce qu’ils cherchent. S’ils voient par la fenêtre des plants dans une chambre, ils obtiendront le droit de fouiller le logement au complet, et non uniquement la chambre où les plants sont visibles de l’extérieur.

[29]        Quant à ces deux points, la jurisprudence[3] me semble fixer le critère de suffisance du lien entre l’endroit fouillé et le crime enquêté à « a practical non technical and common sense assessment of the totality of the circumstances ». Je traduirais ce critère par une évaluation globale des circonstances, faites de manière pratique, avec les outils et le langage courants et en utilisant le bon sens.

[30]        De plus, il est bien établi que le droit de fouiller un endroit s’étend généralement à ce qui l’entoure, tels que les bâtiments accessoires ou encore le terrain adjacent[4].

[31]        Autrement dit, lorsque l’on applique la méthode appropriée d’analyse dégagée plus tôt et qu’un mandat est émis pour un « lieu », le lieu au complet peut être fouillé sans par exemple que l’on ait à préciser une pièce précise par exemple, ou un bien ou objet à proximité, tel qu’un balcon ou un terrain adjacent à une résidence.

[32]        Troisièmement, la validité de la demande de fouiller un « lieu », en plus de s’évaluer avec les circonstances précises de la découverte faite par le policier sur le balcon de la résidence, doit aussi être examinée avec les autres allégués, aussi généraux et éloignés qu’ils soient. Si ces allégations isolément ne suffisaient pas pour justifier une perquisition, elles colorent tout de même la découverte et les constatations certaines faites par l’officier de police sur le balcon.

[33]        En conséquence et pour ces motifs, le mandat a été validement obtenu et la perquisition qui s’en est suivi est valable.

[34]        POUR CES MOTIFS, la requête est REJETÉE.

 

 

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Serge Champoux, J.C.Q.

 

Me Cassandre Hamel

Procureure de la poursuivante

 

Me Jocelyn Grenon

Procureur de l’accusé

 

Date d’audience :

13 décembre 2019

 



[1]     R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC); R. c. Pires; R. c. Lising, 2005 CSC 66 (CanLII).

[2]     Id.

[3]     R. v. Vu, 2011 BCCA 536 (CanLII); R. v. Ballendine, 2011 BCCA 221 (CanLII); R. v. Snyder, 2014 BCCA 229 (CanLII); R v Balla, 2016 ABCA 212 (CanLII); R. v. Prosser, 2016 ONCA 467 (CanLII).

[4]     Par exemple, R. v. Le (T.D.), 2011 MBCA 83 (CanLII), par. 72 et suiv.

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