DÉCISION
Dossier 188730-62C-0208
[1] Le 6 août 2002, Richard Dufresne, (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 24 juillet 2002.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 7 mai 2002 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 24 février 2002.
[3] À l’audience, le tribunal accorde une remise de l’audience dans ce dossier sur requête du travailleur.
Dossier 192419-62C-0210
[4] Le 16 octobre 2002, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la révision administrative de la CSST le 11 octobre 2002.
[5]
Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a
initialement rendue le 27 septembre 2002 et refuse de reprendre le versement de
l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[6]
Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit de récupérer
son indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article
LES FAITS
[7] Le 6 mai 1999, le travailleur est victime d’un accident du travail alors qu’il exerce un emploi de mécanicien chez Parkway Pontiac Buick Inc. (l’employeur). Le lendemain, le médecin traitant diagnostique une entorse cervicale droite avec céphalées secondaires. Le 24 mai 2000, le docteur B. Chartrand évalue les séquelles de la lésion ayant entraîné une entorse cervicale et une hernie cervicale aux niveaux C5-C6, C6-C7.
[8] Le dossier du travailleur fut soumis à deux reprises au Bureau d'évaluation médicale (le BEM). Le 12 janvier 2000, le docteur G. Leclerc, membre du BEM, retient le diagnostic d’entorse cervicale et est d’avis que cette lésion n’est pas encore consolidée. Le 5 octobre 2000, le docteur G. Lafond, membre du BEM, évalue l’atteinte permanente à l’intégrité physique à 2% et émet des limitations fonctionnelles de classe II.
[9] Le travailleur demande la révision des deux décisions rendues par la CSST en conséquence de l’avis des deux BEM.
[10] Les 8 juin 2000 et 20 octobre 2000, la révision administrative de la CSST confirme ces deux décisions. Le travailleur conteste ces décisions auprès de la Commission des lésions professionnelles. Le 14 mars 2002, la Commission des lésions professionnelles entérine l’accord intervenu entre les parties et déclare que le diagnostic de la lésion est une entorse cervicale et une aggravation d’une condition personnelle de discopathie à C5-C6 et C6-C7, que ces lésions sont consolidées le 14 novembre 2000, que le pourcentage d’atteinte permanente est de 2.2% avec présence de limitations fonctionnelles de classe II
[11] Compte tenu des séquelles qu’il conserve de sa lésion, le travailleur est dirigé en réadaptation professionnelle. Le 11 janvier 2001, la CSST rend une décision portant sur l’emploi convenable et les mesures de réadaptation. L’emploi convenable déterminé est celui d’estimateur des dommages de véhicules. Les mesures de réadaptation comprennent une formation et un stage d’une durée de 26 semaines, débutant le 16 janvier 2001 et se terminant le 13 juillet 2001.
[12] Le 9 novembre 2001, la CSST rend une décision concernant la capacité du travailleur à exercer son emploi convenable qu’elle fixe au 12 novembre 2001. Les notes au dossier confirme le début d’exercice de cet emploi à cette date. Le 24 février 2002, le travailleur cesse de travailler jusqu’au 3 mars 2002 inclusivement. Il retourne au travail les 4, 5 et 6 mars puis abandonne le travail à nouveau.
[13] Le 24 février 2002, le docteur M. Faucher produit le rapport médical suivant :
«récidive cervicalgie
connu hernie discale cervicale
arrêt de travail 24 fév au 4 mars
AINS, empracet 30, exercices
chaleur, glace»
[14] Le 28 février 2002, le travailleur présente une réclamation à la CSST en décrivant l’événement suivant :
«Ça fait 3 semaines que j’avais mal à mon cou, et à la tête, ça empirait alors le 29 février 2002, je suis aller voir le Dr. Faucher et il m’a arrêter de travailler. Il m’a prescrit de emtec et vioxx. J’ai joint le rapport médical de mon md.»[sic]
[15] Le 6 mars 2002, le docteur Faucher prolonge l’arrêt de travail au 7 avril et demande une consultation en neurochirurgie.
[16] Le 7 mai 2002, la CSST refuse sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation alléguée le 24 février 2002.
[17] Le 16 juillet 2002, le docteur Faucher adresse la lettre suivante à la CSST :
«Je suis d’avis que le patient cité ci-haut n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi convenable et que celui-ci comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur. En effet, celui-ci ne peut subir des vibrations de basse fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale.»[sic]
[18]
Le 24 juillet 2002, le travailleur demande à la CSST
d’appliquer l’article
[19] Le 26 août 2002, le docteur Faucher produit un addenda à sa lettre du 16 juillet 2002 en ajoutant que le travailleur "présente une entorse cervicale, discopathie cervicale et hernie discale cervicale et ne peut subir les contrecoups à la colonne vertébrale".
[20]
Le 16 septembre 2002, le travailleur réitère sa demande du 24
juillet 2002 à la CSST. Le 27 septembre
2002, la CSST refuse d’appliquer l’article
[21] Le 30 septembre 2002, le docteur R. Lefrançois, neurochirurgien, adresse la lettre suivante à la CSST :
«Monsieur Dufresne a été revu à mon bureau le 30 septembre 2002 et j’ai révisé la situation avec lui. Il est connu de moi-même depuis le 1er décembre 1999, la situation ne s’est pas améliorée depuis cette date. Il a fait une rechute documentée en février 2002 et, de nouveau, la physiothérapie lui a été refusée. Je crois qu’il est important pour lui d’être traité en physiothérapie pour lui éviter une chirurgie possiblement inutile en C5-C6. Je demande donc à la CSST de reconsidérer cette modalité de traitement.
(…)»
[22] À l’audience, le travailleur dépose une évaluation de son poste de travail effectuée par madame Cécile Roy, ergothérapeute, en décembre 2002. Il dépose également copie d’une demande de prolongation de délai adressée à la CSST pour demander la révision de la décision rendue le 9 novembre 2001 sur sa capacité d’exercer l’emploi convenable. Il demande par ailleurs la révision de la décision rendue le 24 octobre 2002 par laquelle la CSST refuse d’autoriser des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie. En outre, il demande la reconsidération de la décision du 11 janvier 2001 portant sur l’emploi convenable d’estimateur des dommages de véhicules. À l’appui de sa demande, il soumet le rapport d’évaluation de madame Roy. Les trois demandes sont datées du mois d’octobre 2002. À la date d’audience, ces demandes étaient toujours pendantes devant la CSST.
[23] Le travailleur n’a pas témoigné à l’audience.
L'AVIS DES MEMBRES
[24]
Le membre issu des associations syndicales est d’avis que
l’article
[25]
Le membre issu des associations d’employeurs est aussi d’avis
de ne pas appliquer l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[26]
La Commission des lésions professionnelles doit décider de
l’applicabilité de l’article
[27]
Le représentant du travailleur plaide que l’article
[28]
La procureure de l’employeur prétend que le présent tribunal
ne peut se saisir de la décision portant sur l’emploi convenable compte tenu
que cette décision ne fait pas l’objet du présent litige. Elle prétend par
ailleurs que le texte de l’article
[29]
Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles
est d’avis qu’elle n’a pas la compétence pour se saisir de la décision rendue
par la CSST le 11 janvier 2001 portant sur l’emploi convenable. En effet, en vertu de l’article
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
358.3. Après avoir donné aux parties l'occasion de présenter leurs observations, la Commission décide sur dossier; elle peut confirmer, infirmer ou modifier la décision, l'ordre ou l'ordonnance rendue initialement et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu.
Les articles 224.1 et 233 s'appliquent alors à la Commission et celle - ci rend sa décision en conséquence.
________
1997, c. 27, a. 15.
358.4. La révision est effectuée par le président du conseil d'administration et chef de la direction de la Commission ou par toute personne désignée par celui‑ci.
________
1997, c. 27, a. 15.
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
________
1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.
[30] En l’espèce, le travailleur a demandé à la CSST la révision de la décision rendue le 11 janvier 2001, tel qu’il appert des documents déposés à l’audience. Cependant, à la date d’audience, sa demande était pendante devant l’instance de la CSST. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles ne peut se saisir de la décision portant sur l’emploi convenable.
[31]
Quant au droit du travailleur de récupérer son indemnité de
remplacement du revenu en vertu de l’article
[32]
L’article
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui‑ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
________
1985, c. 6, a. 51.
[33] Pour récupérer son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, le travailleur doit rencontrer les conditions suivantes :
1) occuper à plein temps un emploi convenable;
2) devoir abandonner cet emploi dans les deux ans suivant le début d’exercice de cet emploi;
3) selon l’avis du médecin qui a charge.
[34] La preuve révèle que le travailleur occupe à plein temps un emploi convenable depuis le 12 novembre 2001. Le 24 février 2002, soit à l’intérieur du délai prescrit, il abandonne cet emploi.
[35]
Cet abandon découle de douleurs cervicales pour lesquelles il
consulte son médecin traitant le même jour.
Son médecin prescrit des traitements et un arrêt de travail. Ce n’est qu’en juillet 2002 que le médecin
émet un avis au sens de l’article
[36]
Compte tenu du libellé de l’article
[37] En effet, le travailleur abandonne son emploi à cause de douleurs cervicales pour lesquelles il va consulter son médecin qui le met en arrêt de travail pour ce motif et lui prescrit des traitements en rapport avec sa lésion. Il ne s’agit donc pas d’un arrêt relié à l’emploi convenable mais découlant de la survenance d’une lésion (récidive, rechute ou aggravation alléguée par le travailleur).
[38]
La Commission des lésions professionnelles ne peut donc
retenir les prétentions du travailleur voulant que l’article
[39] De la jurisprudence du tribunal déposée à l’audience, la Commission des lésions professionnelles retient l’affaire "Cauchon et Inspecteur Général des Institutions financières[2] où la Commission des lésions professionnelles s’est exprimée comme suit :
«(...)
La preuve prépondérante est plutôt à l’effet que le 21 novembre 1995, la travailleuse, de son propre chef, a décidé de consulter son médecin en raison d’une augmentation de douleurs à l’épaule droite.
Le médecin a émis son rapport avec un constat médical qui recommande plutôt une période de repos. Il pense même à la possibilité d’une nouvelle acromioplastie. Il n’est aucunement fait mention ou allusion par le médecin que la travailleuse doit abandonner l’emploi convenable parce qu’elle n’est plus raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi ou que cet emploi mettra en danger sa santé et sa sécurité.
L’abandon de l’emploi par la travailleuse, le 21 novembre 1995, n’est donc pas consécutif à l’avis du médecin même s’il recommande un arrêt de travail. Cet arrêt de travail a tout simplement pour but de permettre à la travailleuse de recevoir les soins nécessaires et de permettre la consolidation de la lésion. (...)»
[40]
Dans une autre affaire plus récente "Rocchi et Les Peintres & Décoration[3],
la Commission des lésions professionnelles devant aussi décider de
l’application de l’article
«(...)
Toutefois, le troisième critère n’est pas rencontré puisque le travailleur doit abandonner son emploi en fournissant un avis de son médecin qui a charge afin de récupérer son droit aux indemnités de remplacement du revenu. Cet avis doit indiquer que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.
À ce sujet, le tribunal retient cinq motifs qui se dégagent
de la preuve permettant de conclure qu’il n’y a eu aucun avis, conforme à
l’article
1. Le 2 mai 2001, de son arrêt de travail, le travailleur n’avait pas demandé l’avis de son médecin qui a charge ni à quelque autre médecin mentionnant qu’il pouvait abandonner son emploi convenable en raison du fait que le travailleur n’était pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi convenable, ou que cet emploi convenable comportait un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. (...)»
[41]
Enfin, la Commission des lésions professionnelles considère
que le libellé de l’article
[42]
En conséquence, la Commission des lésions professionnelles
conclut que le travailleur ne peut récupérer son droit à l’indemnité de
remplacement du revenu parce qu’il ne rencontre pas toutes les condition
décrites à l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 192419-62C-0210
REJETTE la requête de Richard Dufresne, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST le 11 octobre 2002;
DÉCLARE que
l’article
DÉCLINE compétence quant à la question portant sur l’emploi convenable.
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Véronique Bergeron |
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Commissaire |
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François Masse |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Richard Auclair |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Sonia Sylvestre PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
AVIS :
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appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.