Jacques c. LG Électroniques Canada inc. |
2020 QCCQ 50 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
IBERVILLE |
||||||
LOCALITÉ DE |
SAINT-JEAN-SUR-RICHELIEU |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
755-32-700592-183 |
||||||
|
|||||||
DATE : |
6 janvier 2020 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LUC POIRIER, J.C.Q. |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
CHRISTIAN JACQUES |
|||||||
|
|||||||
Partie demanderesse |
|||||||
c. |
|||||||
LG ÉLECTRONIQUES CANADA INC. LES ÉLECTROMÉNAGERS BOUVREUIL
|
|||||||
Partie défenderesse |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
[1] Monsieur Christian Jacques réclame 7 050,66 $ à LG Électroniques Canada inc. (LG) et Les Électroménagers Bouvreuil, faisant affaire sous la raison sociale de Corbeil Électroménager (Corbeil) pour défaut de fiabilité d’un réfrigérateur ainsi que l’absence d’une option achetée mais non livrée. Cette somme comprend la valeur du réfrigérateur ainsi que les pertes de temps et de nourriture qu’a subies monsieur Jacques.
[2] LG nie tout dommage puisqu’elle a réparé sans frais le réfrigérateur alors que Corbeil dit que le problème dépend principalement de LG et non d’elle qui n’est pas le fabriquant.
QUESTIONS EN LITIGE
[3] LG et Corbeil ont-elles respecté leurs obligations en vertu de la Loi sur la protection du Consommateur ?
[4] Sinon, à quel montant a droit monsieur Jacques ?
CONTEXTE
[5] En septembre 2015, monsieur Jacques fait l’achat d’un réfrigérateur LG auprès de Corbeil au montant de 3 970,08 $ (pièce P-1).
[6] Il s’agit d’un réfrigérateur intelligent dont l’une des fonctions est d’aviser par texto de tout problème affectant le réfrigérateur.
[7] Cette fonction n’a jamais fonctionné puisque monsieur Jacques a un appareil Apple et que la fonctionnalité du réfrigérateur LG utilise la plateforme Android. Monsieur Jacques n’a pas été informé de ce défaut au moment de l’achat.
[8] Dès la première année suivant l’acquisition du réfrigérateur, celui-ci brise et monsieur Jacques subit une perte de nourriture. Des réparations sont faites sans frais, cependant.
[9] Deux autres bris du réfrigérateur arrivent entre les années 2016 et 2018 amenant encore une fois des pertes de nourriture, des pertes de temps également. Le dernier bris a privé monsieur Jacques de son réfrigérateur pendant 19 jours bien que Corbeil ait prêté un réfrigérateur de courtoisie pendant cette période.
[10] Monsieur Jacques a également payé une facture de réparation puisque LG a assumé les pièces, mais non le temps de réparation. Ainsi monsieur Jacques a payé 215,58 $ (pièce P-2).
[11] C’est dans ce contexte que la demande est faite par monsieur Jacques.
ANALYSE
[12] Plusieurs dispositions de la Loi sur la protection du consommateur trouvent application en l’instance. Il s’agit des articles 37, 38, 40, 53, 54 et 272 :
«37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.»
[13] En vertu de la Loi sur la protection du consommateur le Demandeur jouie d’un régime de preuve plus facile, notamment, puisque diverses présomptions s’appliquent. C’est ainsi que la Cour d’appel du Québec dans la cause de Fortin c. Mazda Canada inc.[1] résume ces présomptions :
«[61] S’il est maintenant généralement accepté que les différentes
garanties de qualité en droit de la consommation relèvent d’une source commune,
il faut cependant noter que le régime de preuve qui leur est applicable se
distingue souvent de celui du droit commun, notamment en raison des
présomptions contenues aux articles
[62] L’article
[63] À mon avis, le
consommateur bénéficie aussi de cette autre présomption, découlant de la
lecture de l’article
[14] Que ce soit pour un bien complètement inutilisable que pour un bien peu fiable, les mêmes dispositions s’appliquent ainsi que les dispositions et présomptions :
«[66] Il me semble que le législateur
n’a pu vouloir apporter une distinction entre le bien qui s’est éteint peu de
temps après l’achat (art.
[67]
Ensuite, rien ne fait voir à partir
d’une lecture croisée des articles
[68]
Sur le plan des comparaisons, je note
que la garantie d’usage en matière de louage prévue à l’article
[15] Monsieur Jacques se plaint du peu de fiabilité du réfrigérateur et des pertes qu’il subies. La Cour d’appel, dans la décision de Fortin c. Mazda Canada inc.[2] résume ainsi le déficit d’usage :
«[81] En résumé, le déficit d’usage se manifestera habituellement par une entrave lors de l’utilisation normale du bien provoquant une diminution importante de son utilité. Les attentes raisonnables du consommateur en ce domaine sont censées correspondre à la norme objective du consommateur moyen appréciée au regard de la nature du produit et de sa destination[28]. Sans être déterminante, la preuve de l’efficacité d’un bien de la même espèce dans un contexte d’usage normal constitue un comparable valable susceptible d’aider à identifier le déficit d’usage invoqué par le consommateur.»
[16] Il semble, aux yeux du Tribunal, que les problèmes vécus par monsieur Jacques avec son réfrigérateur ne sont pas normaux. L’achat d’un réfrigérateur de près de 4 000 $ devrait aller de pair avec une qualité accrue. La preuve démontre que ce n’est pas le cas.
[17] L’attente raisonnable que monsieur Jacques avait est d’avoir un réfrigérateur fonctionnel pour plus d’un an avant que les premières réparations n’interviennent. De toute évidence, le type de réfrigérateur acheté par monsieur Jacques ne comportait pas ces qualités et le Tribunal considère que le fabricant LG ainsi que le vendeur Corbeil sont donc responsables ayant été à l’encontre des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.
À quel montant a droit monsieur Jacques ?
[18] Bien que le Tribunal constate que le réfrigérateur était atteint de plusieurs problèmes la preuve révèle que LG a corrigé ces problèmes sans frais sauf l’exception des frais de réparations assumés par monsieur Jacques.
[19] Se basant sur la décision de Fortin c. Mazda, le Tribunal ne peut accorder une somme pour le déficit d’usage puisque ce déficit a été corrigé :
«[127] Le recours en réduction de
l'obligation des appelants pour défaut par Mazda de respecter sa garantie
d’usage doit donc être rejeté du fait de l’exécution subséquente par le
manufacturier de son obligation sous le paragraphe
[20] Le Tribunal peut cependant octroyer diverses sommes pour des dépenses et des pertes qui découlent du vice corrigé. La première somme est le montant de 215,58 $ qui a été acquitté par monsieur Jacques pour réparer le compresseur du réfrigérateur (pièce P-2).
[21] Bien que la preuve de la perte de nourriture est difficile à faire, peu de gens gardent des reçus d’épiceries en cas de bris, le Tribunal use de son pouvoir discrétionnaire afin d’octroyer une somme de 700 $ à monsieur Jacques à ce chapitre.
[22] Des photographies ont été déposées à la Cour démontrant le réfrigérateur plein. Le Tribunal n’a pas de doute que pour remplir un tel réfrigérateur il a fallu y mettre le prix et c’est pourquoi cette somme est accordée.
[23] Finalement, un témoin produit par Corbeil a expliqué, lors de l’audition, que l’option intelligente valait environ 500 $. Comme monsieur Jacques n’a jamais pu en bénéficier non parce qu’il était mal utilisé, mais bien parce que personne n’a informé monsieur Jacques de cette non-fonctionnalité avec un appareil Apple avant l’achat, monsieur Jacques a donc payé une somme de 500 $ inutilement pour une option inapplicable dans son cas.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[24] ACCUEILLE partiellement la réclamation de monsieur Christian Jacques;
[25] CONDAMNE solidairement LG Électroniques Canada inc. et Les Électroménagers Bouvreuil inc. à payer à monsieur Christian Jacques la somme de 1 415,58 $;
[26]
AVEC l’intérêt au taux
légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[27] AVEC frais de justice;
[28] CONDAMNE LG Électroniques Canada inc. à payer à Les Électroménagers Bouvreuil inc. toute somme que cette dernière pourrait être amenée à payer à monsieur Christian Jacques;
[29] AVEC frais de justice.
|
|
|
|
|
__________________________________ LUC POIRIER, J.C.Q. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Date d’audition : 27 novembre 2019
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.