Domtar inc. (Usine de Windsor) |
2013 QCCLP 4628 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 23 janvier 2013 l'employeur, Domtar inc. (Usine de Windsor) dépose une requête en révision ou révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 décembre 2012.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête de l'employeur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 6 décembre 2011, à la suite d’une révision administrative et déclare que le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par le travailleur, monsieur Mario Boucher le 9 avril 2009, doit être imputé à l'employeur.
[3] Une audience a été fixée devant la Commission des lésions professionnelles à Sherbrooke le 27 juin 2013. Toutefois, la procureure de l'employeur a renoncé à cette audience et a demandé au tribunal de rendre une décision sur dossier. En conséquence, l’affaire est mise en délibéré le 27 juin 2013 et la présente décision est rendue sur dossier.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 4 décembre 2012 parce qu’elle est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue par le tribunal le 4 décembre 2012.
[6] Par sa requête produite le 23 janvier 2013, l'employeur plaide que cette décision comporte des erreurs de faits et de droit, manifestes et déterminantes.
[7] Le tribunal comprend des arguments soumis que l'employeur réfère au troisième alinéa de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et plaide que la décision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
[8] L’article 429.56 de la loi se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Le recours en révision ou révocation en est un d’exception, dans un contexte où les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[Nos soulignements]
[10] Conformément à l’article 429.57 de la loi, une requête en révision ou révocation doit être présentée dans un délai raisonnable suivant la décision visée et indiquer les motifs à son soutien.
[11] Selon la jurisprudence, le délai raisonnable prévu à l’article 429.57 de la loi est assimilable à un délai de 45 jours.
[12] En l’espèce, compte tenu des délais de notification de la décision, le tribunal juge que la requête produite le 23 janvier 2013 l’a été dans un délai raisonnable. De plus, la requête expose les motifs à son soutien.
[13] Les notions de « vice de fond » et « de nature à l’invalider » ont été interprétées par la Commission des lésions professionnelles. L’interprétation retenue par le tribunal a par la suite été confirmée par la Cour d’appel. Le tribunal retient des enseignements de la jurisprudence que le vice de fond de nature à invalider la décision est une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’objet de la contestation[2], une erreur qui est déterminante dans les conclusions atteintes[3].
[14] L’interprétation d’un texte législatif ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique. Ainsi, la simple divergence d’opinions quant à la façon d’interpréter une disposition législative ne constitue pas un vice de fond[4]. Par ailleurs, le fait d’écarter ou d’omettre une règle de droit applicable constitue une erreur de droit manifeste et déterminante[5].
[15] Il faut aussi retenir que le pouvoir de révision ne peut être une répétition de la procédure initiale ni un appel déguisé sur la base des mêmes faits et arguments[6]. Dans le cadre d’un recours en révision, le juge administratif ne peut non plus substituer son opinion ou son appréciation de la preuve à celle de la première formation. Ce n’est pas non plus une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments[7].
[16] Dans l’affaire CSST c. Touloumi[8], la Cour d’appel écrit qu’une décision attaquée pour vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.
[17] Enfin, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit faire preuve d’une grande retenue puisque la première décision rendue fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement que cette décision pourra être révisée[9].
[18] Ces principes étant établis, qu’en est-il en l’espèce ?
[19] Par sa décision du 4 décembre 2012, la Commission des lésions professionnelles statue sur deux demandes de l'employeur en matière de financement. D’une part, elle conclut que l’imputation à son dossier du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par le travailleur, monsieur Mario Boucher, le 9 avril 2009 n’a pas pour effet d’obérer injustement l'employeur, au sens de l’article 326 de la loi. D’autre part, elle conclut que l'employeur n’a pas droit à un partage de coûts en vertu de l’article 329 de la loi.
[20] Les demandes de transfert et de partage de coûts de l'employeur ont été présentées dans le contexte suivant.
[21] Le travailleur est électricien pour l'employeur. Le 9 avril 2009, alors qu’il est âgé de 54 ans, il subit un accident du travail qui lui cause une entorse cervicale et une entorse à l’épaule gauche.
[22] Le travailleur décrit qu’en posant le pied sur un tuyau plutôt que sur le barreau de l’échelle, il a perdu pied, a glissé et s’est retenu avec la main gauche.
[23] Le travailleur est suivi par ses médecins et des examens par résonance magnétique et par électromyogramme sont faits. Il appert de plus du dossier que le travailleur a déjà subi antérieurement une fracture de C6.
[24] Le 16 juin 2009, alors qu’il est en vacances, le travailleur s’inflige une entorse de la cheville gauche.
[25] Selon le dossier, le médecin du travailleur a autorisé les travaux légers. Toutefois, le travailleur est mis en arrêt de travail à cause de la condition de sa cheville gauche.
[26] Le 19 octobre 2009, le travailleur reprend les travaux légers chez l'employeur.
[27] Le 11 décembre 2009, la CSST reconnaît en lien avec la lésion professionnelle le nouveau diagnostic de hernie discale C6-C7 gauche.
[28] Le 20 janvier 2010, le docteur Blanchard émet un rapport médical final pour une hernie discale C6-C7 gauche. Le 2 février suivant, il examine le travailleur et produit le rapport d’évaluation médicale. Il reconnaît des limitations fonctionnelles et évalue le déficit anatomophysiologique à 3 %.
[29] Le 11 mars 2010, le travailleur est examiné par le docteur Langlois, orthopédiste, à la demande de l'employeur. Il fait état de la fracture du corps vertébral C6. Il retient que le travailleur demeure avec une cervicobrachialgie gauche et une hypoesthésie dans le territoire C7. Il est d’avis qu’en raison de l’ancienne fracture de C6 et de la sténose foraminale C6-C7, le dossier du travailleur donne ouverture à un partage de coûts. Le docteur Langlois recommande des limitations fonctionnelles additionnelles à celles reconnues par le docteur Blanchard.
[30] Le docteur Blanchard se dit d’accord avec les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Langlois.
[31] Le 20 mai 2010, le docteur Langlois produit un complément d’expertise dans le cadre d’une demande de partage de coûts. Il suggère un partage de l’ordre de 25 % au dossier de l'employeur et de 75 % aux employeurs de toutes les unités.
[32] Le travailleur passe une arthro-résonance magnétique et un électromyogramme en septembre 2010 et janvier 2011.
[33] Le 14 avril 2011, la CSST détermine l’emploi convenable de commis vendeur.
[34] Le 26 mai 2011, l'employeur demande à la CSST de revoir l’imputation des coûts reliés à la lésion professionnelle du travailleur. Il demande l’application des articles 326 et 329 de la loi et joint à sa demande l’opinion du docteur Langlois du 20 mai 2010.
[35] Le 9 septembre 2011, la CSST refuse les demandes de transfert et de partage de coûts de l'employeur. Elle déclare que le motif invoqué ne permet pas de conclure que l'employeur est obéré injustement. D’autre part, elle conclut que le handicap n’a pas joué un rôle déterminant dans le phénomène qui a provoqué la lésion, qu’il n’a pas prolongé de façon appréciable la période de consolidation et n’a pas contribué à augmenter la gravité de la lésion, ni les frais de la réparation.
[36] Le 6 décembre 2011, la CSST confirme ces deux décisions à la suite d’une révision administrative. L'employeur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.
[37] La Commission des lésions professionnelles tient une audience le 31 août 2012 à laquelle assistent l'employeur et sa procureure. Après avoir reçu une preuve additionnelle et une argumentation écrite, le tribunal met le dossier en délibéré. La Commission des lésions professionnelles rend sa décision le 4 décembre 2012.
[38] Dans cette décision, le premier juge administratif rapporte l’événement et le suivi médical du travailleur. Il rapporte entre autres les résultats des examens par résonance magnétique et par électromyogramme.
[39] Il cite un extrait de l’opinion du docteur Langlois émise le 20 mai 2010 :
[35] Le 20 mai 2010, le docteur Langlois produit un complément d’expertise à la demande de l’employeur en lien avec une éventuelle demande de partage de coûts. Après avoir noté que le travailleur a subi une fracture du corps vertébral de C6 en 1987 l’ayant contraint au port d’une orthèse durant six semaines, suivi d’un arrêt de travail de huit semaines, il écrit :
[…]
Étant donné que monsieur Boucher avait subi une fracture du corps vertébral de C6 et qu’il avait développé des lésions dégénératives au niveau C6-C7 ayant entraîné une diminution du foramen ou trou de conjugaison dans lequel chemine la racine C7, il présentait une vulnérabilité accrue lors d’un traumatisme direct ou indirect au niveau du rachis cervical.
Étant donné que le foramen entre C6-C7 était réduit de calibre, la racine avait moins de liberté et était davantage susceptible d’être contusionnée lors d’un mouvement de rotation ou un mouvement d’inclinaison du rachis cervical.
La restriction de l’espace au niveau du foramen C6-C7 était également responsable d’une diminution de la capacité du foramen à s’adapter à une protusion [sic] ou hernie discale. Ainsi la hernie discale C6-C7 a contribué à diminuer davantage l’espace dans le foramen C6-C7, espace qui était déjà réduit par les lésions dégénératives qui se sont formées suite à l’accident de 1987.
Les lésions dégénératives suite à la fracture du corps vertébral de C6 et la hernie discale C6-C7 sont responsables du traumatisme qu’a subi la racine C7 et de la radiculopathie sensitive de C7 qui persiste.
En l'absence de toute lésion dégénérative à l’espace C6-C7, nous pouvons présumer que la symptomatologie causée par la hernie discale aurait eu 75 % de chance de régresser en totalité avec un traitement conservateur de 6 à 8 semaines.
Je suggère donc un partage de coûts, soit 25 % pour l'employeur et 75 % pour le fond [sic] consolidé.
[…]
[40] Il cite également un extrait d’une lettre du docteur Delisle, médecin du travailleur.
[41] Au paragraphe 50 de sa décision, le premier juge administratif fait référence à l’opinion médicale du docteur Langlois du 16 octobre 2012, à laquelle sont joints des extraits de littérature médicale. Le premier juge administratif en retient ceci :
[51] L’orthopédiste écrit d’abord qu’en subissant un traumatisme par compression du corps vertébral de C6, on ne peut nier que les espaces discaux C5-C6 et C6-C7 ont subi un traumatisme par compression axiale, susceptible d’entraîner des lésions au niveau de l’annulus fibrosus et rendant les disques plus vulnérables. Il indique qu’au moment de la survenance de la lésion professionnelle, il y a présence d’un disque C6-C7 vulnérable et de lésions dégénératives secondaires au traumatisme par compression axiale, réduisant le foramen gauche à C6-C7, tel que démontré à l’imagerie.
[52] Le médecin écrit ensuite que les lésions dégénératives au niveau de l’articulation uncovertébrale sont des éléments importants pour expliquer l’apparition et les séquelles d’une radiculopathie. Référant à l’article de Carette jointe à son opinion, il note qu’une hernie discale est responsable d’une radiculopathie cervicale dans seulement 20 à 25 % des cas. La cause la plus fréquente étant, selon l’auteur, un empiètement foraminal au niveau de la racine nerveuse, causé par une combinaison de facteurs, incluant une perte de hauteur d’un disque et des changements dégénératifs de l’articulation uncovertébrale antérieure.
[53] Le docteur Langlois précise ensuite que l’événement du 9 avril 2009 est un incident banal qui se produit régulièrement dans la vie de tous les jours et qui provoque rarement une radiculopathie.
[54] Référant enfin à l’étude de l’article paru dans Spine, il écrit que 12 patients sur 13, présentant une radiculopathie secondaire à une hernie discale cervicale postéro-latérale, ont vu celle-ci régresser à la suite d’un traitement conservateur et leurs symptômes disparaître en moyenne après six mois (entre deux et 12 mois). Contrairement à ceux-ci, le docteu, secondaire aux lésions dégénératives et à la hernie discale, est demeuré avec une radiculopathie C7 gauche qui a justifié des traitements prolongés dans l’espoir d’enrayer en totalité sa symptomatologie.
[55] L’expert écrit en conclusion que suite à un traumatisme banal, en raison d’une condition personnelle préexistante, le travailleur a développé une radiculopathie C7 gauche. En l’absence de lésion dégénérative et d’une vulnérabilité du disque C6-C7, le docteur Langlois est d’avis que le travailleur n’aurait fort probablement pas développé, suite à un traumatisme léger, une hernie discale entraînant une radiculopathie C7 qui a justifié un traitement conservateur qui s’est échelonné sur plusieurs mois.
[56] Il est également d’opinion que cette radiculopathie a contribué à prolonger la durée du traitement puisqu’en moyenne, dans la littérature, les symptômes régressent entre deux et 12 mois. La présence d’un foramen étroit, causé par l’uncarthrose et la hernie discale, expliquerait donc les séquelles résiduelles.
[42] Le premier juge administratif résume ensuite l’argumentation soumise par l'employeur concernant la demande de transfert de coûts (article 326 de la loi) et résume l’argumentation écrite soumise après l’audience par l'employeur concernant la demande de partage de coûts (article 329 de la loi).
[43] Dans les motifs de sa décision, le premier juge administratif traite en premier lieu de la demande de transfert de coûts. Il décrit l’objet du litige en exposant que la Commission des lésions professionnelles doit décider si l'employeur est obéré injustement en raison de l’impossibilité d’assigner temporairement le travailleur pour la période du 16 juin au 19 octobre 2009 pour une raison étrangère à sa lésion professionnelle.
[44] Le premier juge administratif cite ensuite les articles 179 et 326 de la loi.
[45] Concernant plus particulièrement l’article 326, le premier juge administratif écrit :
[61] Le second alinéa de l’article 326 prévoit un transfert du coût des prestations pour l’employeur qui démontre que l’imputation faite en vertu du premier alinéa a pour effet de l’obérer injustement.
[62] Pour ce faire, il doit démontrer qu’il subit une situation d’injustice, c'est-à-dire étrangère aux risques qu’il doit supporter, et que la proportion des coûts attribuables à cette situation soit significative par rapport aux coûts découlant de l’accident en cause.
[46] Il reconnaît que l’empêchement d’assigner temporairement un travailleur au travail pour une raison étrangère à sa lésion professionnelle peut représenter un de ces cas. Il précise que l’assignation temporaire doit cependant répondre à certaines conditions afin d’être considérée comme telle.
[47] Après avoir fait état de ces conditions et analysé la preuve, le premier juge administratif conclut, au paragraphe 77 de sa décision, qu’à toute époque pertinente, l’assignation temporaire de travail, autorisée par les médecins du travailleur, respecte toutes les prescriptions de l’article 179 de la loi. Il conclut ensuite à une situation d’injustice :
[78] Le tribunal n’a donc aucune hésitation à conclure que l'employeur a subi une situation d’injustice, étrangère aux risques qu’il doit supporter, entre le 16 juin 2009 et le 18 octobre 2009, soit une période de 125 jours.
[48] Le premier juge administratif se demande enfin si la proportion des coûts attribuables à cette situation d’injustice est significative par rapport à l’accident en cause. Pour répondre à cette question, il retient de la preuve :
[80] La preuve démontre que le travailleur fût assigné temporairement au travail du 9 avril au 15 juin, du 19 octobre au 10 avril 2010, et qu’il fût ensuite indemnisé à compter du 11 avril 2010. La lésion professionnelle ayant été consolidée avec séquelles permanentes, la CSST a reconnu au travailleur le droit à la réadaptation. Le 14 avril 2011, elle détermine l’emploi convenable de commis-vendeur avec le versement d’indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 10 avril 2012 au plus tard avec, par la suite, le versement d’une indemnité réduite. Le 2 février 2012, le travailleur est toujours sans emploi et prévoit prendre sa retraite le 1er mai.
[49] Il en conclut que l'employeur n’a pas pu assigner temporairement le travailleur pour une période de 125 jours en raison de la situation d’injustice, et ce, sur une période d’indemnisation présumée de 856 jours, soit une proportion de 14,6 %.
[50] De ce résultat, il conclut :
[82] La preuve ne démontre pas la charge financière réelle qu’une telle proportion représente pour l’employeur par rapport à l’accident, notamment en fonction du régime de financement auquel il est assujetti. Et cette charge ne fait pas partie de la connaissance d’office du tribunal.
[83] En certaines circonstances, la proportion déterminée est d’une importance telle qu’il est permis d’en inférer qu’elle ne peut qu’être significative, ce qui n'est pas le cas en l’espèce.
[84] Le tribunal considère que l’employeur n’a pas démontré de manière prépondérante que la proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice révélée par la preuve est significative par rapport aux coûts découlant de la lésion professionnelle du 9 avril 2009.
[85] La Commission des lésions professionnelles juge que l'employeur n'a pas démontré de manière prépondérante avoir été obéré injustement et ne peut donc bénéficier d’un transfert du coût des prestations versées au travailleur pour la période du 16 juin 2009 au 18 octobre 2009.
[51] Dans sa requête en révision, l'employeur plaide que le premier juge administratif a commis des erreurs de droit dans l’application de l’article 326 de la loi. Référant à la conclusion émise au paragraphe 78 de la décision, l'employeur prétend que le premier juge administratif devait donc conclure qu’il est obéré injustement du fait qu’il a été empêché d’assigner temporairement le travailleur et ainsi minimiser les coûts de prestations imputés à son dossier.
[52] L'employeur plaide de plus que le premier juge administratif commet une erreur de droit au paragraphe 84 de sa décision lorsqu’il décide qu’il n’est pas démontré de manière prépondérante que la proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice est significative. L'employeur soumet que la Commission des lésions professionnelles n’est pas liée par les politiques de la CSST.
[53] L'employeur ajoute que le premier juge administratif aurait dû considérer que la notion d’obérer injustement fait référence à la justesse d’imputer ou non à l'employeur la somme dont il est question. À partir du moment où le travailleur ne peut faire l’assignation temporaire à cause d’une condition personnelle, le juge devait conclure que l'employeur a subi une injustice et en conséquence, accorder un transfert de coûts.
[54] Pour l'employeur, la conclusion à laquelle en arrive le premier juge administratif constitue une omission ou l’application incorrecte d’une règle de droit.
[55] Le tribunal siégeant en révision ne retient pas les arguments de l'employeur. Les reproches adressés au premier juge administratif ne sont, à son avis, pas fondés.
[56] De l’avis du tribunal, l’interprétation de l’article 326 de la loi que fait le premier juge administratif ne constitue pas une erreur de droit ni une omission d’appliquer cette règle de droit. Au contraire, l’interprétation qu’il privilégie constitue l’un des courants de la jurisprudence du tribunal portant sur l’article 326 de la loi.
[57] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a déjà retenu une interprétation large des termes « obérer injustement » en considérant que le mot « obérer » ne doit pas s’interpréter par rapport à la situation financière de l’employeur, mais plutôt en fonction du mot « injustement » et que, pour donner gain de cause à l’employeur, il faut évaluer la justesse de lui imputer ou non la somme en question.
[58] Il appert de sa requête en révision que l'employeur souhaite que le premier juge administratif retienne cette interprétation.
[59] Toutefois, cette interprétation large et libérale s’appuyant sur le critère de la justice plutôt que celui de la situation financière de l’employeur ne fait pas l’unanimité. Par exemple, dans l’affaire Cegelec Entreprises (1991) ltée et CSST[10], la Commission des lésions professionnelles considère que l’article 326 « doit être lu dans son ensemble et [que] le mot “injustement” doit être lu en corrélation avec le terme “obéré” qui comporte une signification financière. » Pour les tenants de cette interprétation, il est exigé une preuve de nature financière pour appliquer cet article.
[60] Dans l’affaire Location Pro-Cam inc. et CSST[11], le tribunal analyse ces deux courants jurisprudentiels. Au terme de cette analyse, le tribunal propose de procéder en deux étapes en démontrant :
Ø une situation d’injustice, c’est-à-dire une situation étrangère aux risques qu’il doit supporter;
Ø une proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice qui est significative par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail en cause.
[61] Ainsi, il ne suffit pas de démontrer une situation d’injustice. Il faut aussi démontrer que l’imputation des coûts au dossier de l'employeur a pour effet de l’obérer. Les principes énoncés dans l’affaire Location Pro-Cam sont appliqués de façon majoritaire par le tribunal.
[62] La jurisprudence reconnaît donc qu’un des moyens qui permet de déterminer si l'employeur est obéré est d’analyser si la proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice démontrée par la preuve est significative par rapport aux coûts découlant de la lésion professionnelle.
[63] En l’espèce, l'employeur souhaite que le tribunal retienne plutôt son interprétation selon laquelle la notion d’obérer injustement fait référence à la justesse d’imputer ou non à l'employeur la somme dont il est question. Bien que cette interprétation soit retenue dans certaines décisions, le fait pour le premier juge administratif de retenir une autre interprétation de la notion d’obérer injustement, aussi reconnue par la jurisprudence, ne constitue pas une erreur manifeste et déterminante.
[64] Les courants jurisprudentiels montrent bien que l’article 326 de la loi porte à interprétation. Or, comme nous l’enseigne la jurisprudence en matière de révision ou de révocation, la simple divergence d’opinions quant à la façon d’interpréter une disposition législative ne constitue pas un vice de fond.
[65] Quant à la règle de la proportion significative des coûts, l'employeur plaide que la Commission des lésions professionnelles n’est pas liée par les politiques de la CSST.
[66] À ce sujet, le premier juge administratif ne fait pas référence dans sa décision à une politique de la CSST. Tel que mentionné, la règle de la proportion significative des coûts trouve sa source dans la jurisprudence du tribunal, plus particulièrement dans l’affaire Location Pro-Cam, déjà citée.
[67] Il appartenait au premier juge administratif de privilégier l’interprétation de l’article 326 qui lui apparaît la plus fidèle au texte de loi. L’interprétation qu’il fait de cet article est soutenue par un courant jurisprudentiel qui est loin d’être isolé.
[68] Pour ces motifs, le tribunal siégeant en révision juge qu’il n’est pas démontré d’erreur de droit ou de faits manifeste et déterminante dans l’interprétation et l’application aux faits de la présente affaire de l’article 326 de la loi.
[69] Il n’y a donc pas lieu de réviser la conclusion du premier juge administratif voulant que l'employeur n’est pas obéré injustement.
[70] Le premier juge administratif se prononce ensuite sur la demande de partage de coûts de l'employeur, en vertu de l’article 329 de la loi. Il expose que la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle le 9 avril 2009.
[71] Il cite l’article 329 et expose correctement les principes applicables et reconnus de façon unanime par la jurisprudence :
[90] Le travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle est celui qui présente déjà une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur ses conséquences8.
[91] La déficience est définie comme une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Elle peut être congénitale ou acquise, peut ou non se traduire par une limitation des capacités d’un travailleur de fonctionner normalement, et peut exister à l’état latent9. Elle doit de plus correspondre à une déviation par rapport à une norme biomédicale.
[92] Un employeur doit donc d’abord démontrer l’existence d’une telle déficience.
[93] Une fois cette déficience établie, l’employeur doit ensuite démontrer qu’elle a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle et/ou sur ses conséquences.
[94] À cet effet, les critères suivants peuvent alors être pris en considération :
- la nature et la gravité du fait accidentel;
- le diagnostic de la lésion professionnelle;
- l’évolution des diagnostics et de la condition du travailleur;
- la durée de la période de consolidation;
- la nature des soins et des traitements prescrits;
- la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle;
- l’existence ou non de séquelles découlant de la lésion professionnelle;
- l’âge du travailleur;
- les opinions médicales.
[95] La démonstration requiert une preuve prépondérante de nature médicale.
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8 Hôpital général de Montréal, [1999] C.L.P. 891.
9 Municipalité Petite Rivière St-François et C.S.S.T., [1999] C.L.P. 779.
[72] D’entrée de jeu, le premier juge administratif reconnaît que le travailleur était porteur d’une déficience au moment de la lésion professionnelle, soit une déformation cunéiforme du corps vertébral de C6 avec perte de hauteur de 20 à 30 %, consécutive à une fracture compressive survenue en 1986 ou 1987.
[73] Il écrit ensuite que le fondement de l’argumentation de l'employeur au soutien de sa demande de partage de coûts repose sur l’opinion du docteur Langlois émise dans ses expertises de mai 2010 et octobre 2012.
[74] Dans les paragraphes 99 et suivants de sa décision, le premier juge administratif reprend les éléments exposés dans les expertises du docteur Langlois et, tout en référant à la preuve médicale disponible au dossier, il explique pourquoi il ne retient pas l’opinion du médecin de l'employeur.
[75] Pour justifier le fait qu’il ne retient pas l’opinion du docteur Langlois, le premier juge administratif réfère aux résultats de la résonance magnétique de septembre 2010, à l’opinion du docteur Evoy, neurologue, à celle du docteur Lebel, neurologue et aux résultats des radiographies. Il conclut :
[107] Considérant ce qui précède, le tribunal considère donc l’opinion du docteur Langlois de faible valeur probante et ne la retient pas puisque l’existence de lésions dégénératives significatives au niveau C6-C7 n'est pas démontrée de manière prépondérante et que la preuve tend à démontrer que ce serait davantage la hernie discale que le travailleur s’est infligé, le 9 avril 2009, qui causerait la sténose foraminale au niveau C6-C7.
[76] Puis, le premier juge administratif procède à une analyse de la littérature médicale produite au soutien de l’opinion du docteur Langlois et explique en quoi cette littérature est peu pertinente en l’espèce.
[77] Enfin, concernant l’importance de l’événement, le premier juge administratif ne retient pas non plus l’opinion du docteur Langlois voulant qu’il s’agisse d’un événement banal, et il s’en explique en disant que cet événement fût suffisamment important pour causer une hernie discale au niveau C6-C7 chez un travailleur asymptomatique, malgré une fracture de C6 survenue plus de 20 ans auparavant, sans lésion dégénérative significative antérieure démontrée.
[78] En conclusion, le tribunal considère que l'employeur n’a pas démontré de manière prépondérante que la déficience dont était porteur le travailleur le 9 avril 2009 a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur ses conséquences. Il conclut donc que le travailleur n’était pas déjà handicapé et refuse d’accorder à l'employeur un partage de coûts.
[79] L'employeur reproche au premier juge administratif d’avoir commis une erreur dans l’appréciation de la preuve médicale en écartant l’opinion non contredite du docteur Langlois. Il soumet que le docteur Langlois est un spécialiste reconnu dans son domaine et qu’aucune preuve contraire n’a été présentée.
[80] Au surplus, l'employeur plaide que l’analyse de la preuve médicale faite par le premier juge administratif aux paragraphes 101 à 113 de sa décision ne peut relever de sa connaissance d’office, considérant au surplus qu’il n’a pas bénéficié en l’espèce de l’assistance d’un assesseur médical.
[81] Le tribunal est d’avis que le premier juge administratif n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve médicale.
[82] Il est reconnu que le tribunal n’est pas lié par l’opinion d’un médecin expert, et ce, même si cette opinion est la seule au dossier. Toutefois, s’il ne retient pas cette opinion, il doit s’en expliquer. C’est ce qu’a fait le premier juge administratif en l’espèce.
[83] Pour ce faire, il a procédé à une analyse de la preuve médicale disponible au dossier.
[84] L'employeur plaide que l’analyse et les conclusions du premier juge administratif ne relèvent pas de sa connaissance d’office. Il réfère plus particulièrement aux paragraphes 101 à 113 de la décision :
[101] Principalement, parce que l’imagerie par résonance magnétique réalisée le 17 septembre 2010 démontre que c’est la hernie discale au niveau C6-C7 qui engendre une sténose foraminale gauche modérée et non des lésions dégénératives.
[102] Aussi, parce que le 13 janvier 2011, le docteur Evoy, neurologue, écrit que la douleur résiduelle au membre supérieur gauche du travailleur, maintenant à un stade chronique, est secondaire à une atteinte radiculaire par hernie discale C6-C7.
[103] Ensuite, parce que dès le 29 juin 2009, avant même de connaître le résultat de l’imagerie réalisée le 25 juin précédent, et à plus forte raison celui de l’imagerie du 17 septembre 2010, ajoutant ainsi à la valeur probante de son opinion, le docteur Lebel, neurologue, écrit que le travailleur s’est infligé une petite hernie discale lorsqu’il s’est retrouvé pendu par son bras le 9 avril 2009, hernie dont les examens objectifs et l’imagerie ont effectivement démontré l’existence, et qu’il a donc présenté une radiculopathie traumatique.
[104] Enfin, et dans une moindre mesure, en raison des résultats des radiographies simples.
[105] En effet, la radiographie de la colonne cervicale du travailleur réalisée le 7 mai 2009 fait état de foramens qui apparaissent libres, sans autre lésion ostéoarticulaire significative décelée. Quant à la radiographie réalisée le 7 septembre 2010, bien qu’elle démontre une légère discopathie dégénérative au niveau C6-C7, elle ne démontre cependant pas pour autant de sténose foraminale osseuse appréciable.
[106] Au surplus, force est de constater que la quasi-totalité des très nombreuses lésions dégénératives, décrites à tous les niveaux à l’imagerie par résonance magnétique du 25 juin 2009, ne sont décrites par aucun autre radiologiste ni avant, ni après le 25 juin 2009.
[107] Considérant ce qui précède, le tribunal considère donc l’opinion du docteur Langlois de faible valeur probante et ne la retient pas puisque l’existence de lésions dégénératives significatives au niveau C6-C7 n'est pas démontrée de manière prépondérante et que la preuve tend à démontrer que ce serait davantage la hernie discale que le travailleur s’est infligé, le 9 avril 2009, qui causerait la sténose foraminale au niveau C6-C7.
[108] Ceci est suffisant en soi pour écarter l’entièreté de l’opinion du docteur Langlois.
[109] Cependant, d’autres éléments méritent d’être soulignés.
[110] D’une part, la littérature médicale qui accompagne son opinion apparaît peu pertinente en l’espèce.
[111] Ainsi, l’auteur Carette prend comme cas type à la base de son propos le cas d’une femme âgée de 37 ans, symptomatique, sans histoire de traumatisme, et qui ne présente pas de hernie discale cervicale. Ce qui est loin d’être comparable au cas sous étude. Dans l’article de la revue Spine, il y est question de sujets symptomatiques, présentant une radiculopathie causée par une hernie discale, et dont la symptomatologie se serait estompée dans un délai moyen de six mois à la suite d’un traitement conservateur. Cependant, tous les sujets de cette étude ont bénéficié d’infiltrations de cortisone en guise de traitement, contrairement au travailleur, ce qui pourrait possiblement avoir influencé la durée de la symptomatologie.
[112] D’autre part, le docteur Langlois dans son opinion réfère à l’événement du 9 avril 2009 comme un « incident banal qui se produit régulièrement dans la vie de tous les jours » et qui entraîne rarement une radiculopathie. Avec respect, il s’agit là d’une affirmation étonnante qui ne repose sur aucune preuve de nature statistique ou épidémiologique.
[113] La preuve démontre plutôt que l’événement du 9 avril 2009 fût suffisamment important pour causer une hernie discale au niveau C6-C7 chez un travailleur asymptomatique jusque là malgré une fracture compressive du corps vertébral de C6 survenue plus de 20 ans auparavant sans lésion dégénérative significative antérieure démontrée. La preuve démontrant que ce serait davantage la hernie discale C6-C7 consécutive à l’événement qui aurait causé la radiculopathie C7 gauche, démontrée par l’investigation clinique et paraclinique, laquelle a persisté par la suite pour la même raison.
[85] Le tribunal siégeant en révision ne retient pas non plus ce reproche adressé au premier juge administratif. Il estime plutôt qu’il faut considérer que l’appréciation et l’analyse de la preuve sont ici faites par un tribunal administratif spécialisé en matière médicale, de sorte que le premier juge administratif dispose des connaissances pertinentes pour analyser, comme il l’a fait, l’ensemble de la preuve, dont l’opinion du docteur Langlois, et en tirer des conclusions, compte tenu des faits et de la question en litige.
[86] Dans la décision Simmons Canada inc. et Niding[12], la Commission des lésions professionnelles écrit au sujet de la connaissance spécialisée du tribunal :
[36] La connaissance spécialisée du tribunal ne peut lui servir de sauf-conduit pour pallier à une preuve insuffisante ou pour faire appel à une preuve extrinsèque. En somme, la connaissance d’office élargie ou connaissance spécialisée constitue un outil permettant au tribunal de comprendre et d’analyser la preuve8.
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8 Petit et IAMGOLD-Mine Doyon, précitée note 7.
[87] C’est ce qu’a fait le premier juge administratif dans sa décision. Sa connaissance spécialisée ne lui a pas servi à ajouter à la preuve, mais plutôt à bien la comprendre et à en faire une analyse compte tenu de la question à trancher, soit de déterminer si la déficience a eu un impact sur la survenance de la lésion ou sur ses conséquences.
[88] Dans le cadre de cette analyse, le premier juge administratif s’en est tenu aux résultats des examens paracliniques et aux opinions émises par les divers médecins au dossier. Il a opposé ces éléments de la preuve à l’opinion du docteur Langlois, en expliquant pourquoi il retenait tel élément plutôt qu’un autre. Il a de plus expliqué pourquoi il estimait que la littérature déposée au soutien de l’opinion du docteur Langlois n’était pas pertinente au cas sous étude.
[89] Les motifs exposés dans sa décision permettent de conclure que le premier juge administratif n’a pas écarté de manière capricieuse l’opinion du médecin expert de l'employeur. Les motifs de la décision permettent aussi de comprendre le raisonnement du premier juge administratif l’ayant mené à la conclusion selon laquelle c’est davantage la hernie discale que le travailleur s’est infligé le 9 avril 2009 qui causerait la sténose foraminale C6-C7 que les lésions dégénératives. Sa conclusion apparaît logique, intelligible et repose sur la prépondérance de la preuve. De l’avis du tribunal siégeant en révision, elle constitue une issue possible acceptable, compte tenu des faits et du droit[13].
[90] Pour appuyer son argument, l'employeur souligne le fait que lors de l’audience, le premier juge administratif n’était pas assisté d’un assesseur médical.
[91] Selon l’article 423 de la loi, l’assesseur a pour fonctions de siéger auprès d’un commissaire et de le conseiller sur toute question de nature médicale, professionnelle ou technique.
[92] La présence d’un assesseur médical en audience n’est pas obligatoire. Le commissaire n’est d’aucune façon empêché de siéger ou de rendre une décision par l’absence d’un assesseur médical. Par ailleurs, la connaissance spécialisée du tribunal n’est pas tributaire de la présence à l’audience de l’assesseur médical. Un commissaire siégeant sans assesseur demeure investi de la connaissance spécialisée.
[93] Ceci étant, il demeure que l’appréciation de la force probante et de la prépondérance de la preuve appartient au premier juge administratif. Le présent tribunal ne peut y substituer sa propre appréciation.
[94] Par ailleurs, le recours en révision n’est pas un appel basé sur les mêmes faits.
[95] L'employeur joint à sa requête en révision un document du docteur Langlois daté du 15 janvier 2013 dans lequel il commente les paragraphes 99 à 115 de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 décembre 2012.
[96] Les commentaires formulés par le docteur Langlois visent à soutenir l’opinion qu’il a émise au soutien de la demande de partage de coûts présentée par l'employeur. Ces commentaires ne permettent toutefois pas de conclure que le premier juge administratif a commis une erreur manifeste et déterminante dans l’analyse et l’appréciation de la preuve.
[97] À titre d’exemple, le docteur Langlois reconnaît dans ce document que les lésions dégénératives et la hernie discale sont les deux acteurs pouvant expliquer la radiculopathie C7. Il reconnaît aussi que le radiologiste n’a pas commenté, lors de la résonance magnétique du 17 septembre 2010, les lésions dégénératives, justifiant cela par le fait que cet examen a été demandé en raison de la détérioration du tableau clinique. Le docteur Langlois écrit de plus que le diagnostic retenu par le docteur Evoy n’exclut pas les autres facteurs étiologiques. Il reconnaît que l’évaluation de l’accident revêt un caractère subjectif.
[98] De l’avis du tribunal siégeant en révision, l'employeur, en produisant les commentaires du docteur Langlois, tente de parfaire la preuve présentée devant le premier juge administratif. Or, le recours en révision n’est pas l’occasion pour une partie de parfaire sa preuve ni de présenter de nouveaux arguments. L'employeur a eu tout le loisir de présenter sa preuve devant le premier juge administratif et le tribunal siégeant en révision ne saurait s’en remettre à ce document produit au soutien de la requête en révision pour conclure autrement ou conclure à une erreur d’interprétation de la preuve médicale, erreur qui n’est pas démontrée par ailleurs.
[99] Pour réussir dans son recours, l'employeur devait démontrer que la décision du 4 décembre 2012 est entachée d’une erreur grave, évidente et déterminante. Cette démonstration n’a pas été faite, que ce soit dans l’analyse par le premier juge administratif de la demande de transfert de coûts ou celle de la demande de partage de coûts.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision de l'employeur, Domtar inc. (usine de Windsor).
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Diane Lajoie |
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Me Marie-Claude Riou |
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Vaillancourt, Riou & ass. |
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Représentante de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve [1998] C.L.P. 733.
[3] Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783.
[4] Tribunal administratif du Québec c. Godin [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.); Amar c. CSST [2003] C.L.P. 606 (C.A.); CSST c. Fontaine [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[5] Champagne et Ville de Montréal, C.L.P. 236011-63-0406, 23 février 2006, S. Di Pasquale; Techno-Pro inc. (fermé) et A.C.Q. Mutuelle 3-R [2010] C.L.P. 587.
[6] Tribunal administratif du Québec c. Godin , citée note 4.
[7] Bourassa c. CLP [2003] C.L.P. 601 (C.A.) requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 22 janvier 2004 (30009); CSST c. Fontaine, citée note 4.
[8] [2005] C.L.P. 921 (C.A.).
[9] Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 octobre 2005, L. Nadeau (05LP-220).
[10] C.L.P. 85003-09-9701, 11 juin 1998, C. Bérubé.
[11] C.L.P. 114354-32-9904, 18 octobre 2002, M.-A. Jobidon.
[12] 2011 QCCLP 3986.
[13] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.
AVIS :
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