Enseignes Décor design plus 1998 |
2012 QCCLP 5272 |
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[1] Le 27 décembre 2011, Enseignes Décor Design Plus 1998 (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 décembre 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 septembre 2011 et déclare que le coût des prestations doit être imputé au dossier de l’employeur pour la lésion professionnelle subie par Michel Collin (le travailleur) le 15 novembre 2010.
[3] L’audience était prévue le 19 juin 2012 à Joliette, mais la représentante de l’employeur a informé le tribunal qu’elle y serait absente et qu’elle produirait plutôt une argumentation écrite. La cause a été mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Dans son argumentation écrite, la représentante de l’employeur indique que la décision rendue le 9 décembre 2011 par la CSST en révision administrative est mal fondée en faits et en droit. Elle demande de retirer du dossier de l’employeur la portion des coûts liés à la passation d’un test d’imagerie par résonance magnétique (IRM) cervicale.
LA PREUVE
[5] Le travailleur est manœuvre chez l’employeur lorsque, le 15 novembre 2010, il subit un accident du travail ainsi décrit dans sa réclamation à la CSST :
Je me suis retrouver avec 400 lbs dans les bras et toute seul lors d’un levage d’enseigne dans l’usine erreur de manœuvre.
[sic]
[6] L’attestation médicale rédigée le 19 novembre 2010 indique qu’une entorse lombaire est survenue à la suite d’un effort important. Des myalgies sont aussi notées.
[7] Il semble que la CSST ait accepté la réclamation pour une entorse lombaire, mais aucune décision en ce sens n’est au dossier.
[8] Le 29 novembre 2010, la docteure Métiver, soit le médecin qui a assuré une bonne part du suivi, indique que l’entorse lombaire est améliorée. Elle suspecte une neuropathie du nerf médian et une hernie discale cervicale en notant une hypoesthésie à l’épaule droite et une diminution du réflexe bicipital droit; le médecin demande que le travailleur passe une IRM cervicale et un électromyogramme (EMG).
[9] Le travailleur a passé l’IRM de la colonne cervicale le 4 janvier 2011. L’interprétation des résultats n’a rien démontré de très concluant concernant l’aspect musculosquelettique de la lésion, sinon une légère uncarthrose à C4-C5 et une légère sténose foraminale à C4-C5. Toutefois, une lésion néoplasique de la moelle cervicale est observée pour laquelle une évaluation neurochirurgicale est suggérée.
[10] Le 10 janvier 2011, la docteure Métivier signe un Rapport final dans lequel elle consolide la lésion sans séquelles. Elle ajoute toutefois qu’une masse cervicale a été trouvée et que cette condition est en observation. Une demande de consultation est faite auprès du docteur M. Giroux, neurochirurgien.
[11] Un rapport médical signé par ce médecin est rédigé le 12 janvier 211 dans lequel il indique notamment que le travailleur a une paresthésie. Il prescrit de la physiothérapie pour une entorse dorsale.
[12] Dans un autre rapport rédigé ce même jour, nous lisons que le travailleur a forcé sur une enseigne et qu’il aurait eu des douleurs aux poignets et une douleur dorsale interscapulaire. Le 26 avril 2011, le docteur Giroux constate une bonne évolution en physiothérapie et il suggère un retour au travail progressif en même temps que la poursuite de la physiothérapie.
[13] Le 4 août 2011, la CSST décide de la capacité du travailleur à reprendre son emploi à compter du 13 juin 2011.
[14] Dans son argumentation écrite, la représentante de l’employeur indique ce qui suit :
· Le travailleur est porteur d’une condition personnelle, soit une tumeur à la moelle épinière au niveau cervical.
· Cette tumeur a été détectée par le biais d’une IRM; les coûts de cet examen, soit la somme de 648,10 $, ont été imputés au dossier de l’employeur tel qu’il appert d’un document émanant de la CSST qui liste les frais du dossier.
· Or, la CSST n’a jamais statué sur l’admissibilité d’une quelconque pathologie cervicale alors que seule une entorse lombaire a été reconnue.
·
Elle se reporte à de la jurisprudence[1]
qui indique que dans un cas similaire à celui qui nous occupe, il a été reconnu
que c’est le premier alinéa de l’article
[15] Le tribunal constate que nulle part dans cette argumentation il n’est question de l’application du deuxième alinéa de l’article 326, bien que la CSST en révision administrative se soit prononcée uniquement sur cette disposition.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[16] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le dossier de l’employeur doit être imputé des coûts liés à la passation d’une IRM cervicale le 4 janvier 2011.
[17]
L’article
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[18] Au départ, il y a lieu d’analyser si le coût lié à la passation d’une IRM constitue une prestation au sens de l’article 326. Les dispositions pertinentes se lisent ainsi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[19] Ainsi, la passation d’une IRM correspond à une mesure d’assistance médicale au sens des articles 188 et 189 et elle rencontre conséquemment la définition d’une prestation. Qu’en est-il du cas soumis en l’espèce?
[20] Le tribunal est d’avis que les coûts liés à la passation de l’IRM cervicale doivent être imputés au dossier de l’employeur. Voici pourquoi.
[21] Après avoir analysé la preuve, il y a lieu de retenir que le travailleur s’est blessé dans des circonstances où il a pu ressentir des douleurs cervicales et des paresthésies, en plus de subir une entorse lombaire; il se plaint de tels symptômes. Il est donc normal que la docteure Métivier souhaite les investiguer comme elle le note à son rapport médical du 29 novembre 2010, soit de manière contemporaine à l’accident. À ce moment, il n’y a aucune suspicion d’une tumeur cérébrale, mais le médecin traitant s’interroge plutôt sur l’existence d’autres pathologies qui pourraient résulter de l’accident survenu au travail.
[22] L’interprétation des résultats de l’IRM a permis d’écarter un diagnostic de hernie et les coûts associés à cette investigation s’inscrivent parfaitement dans le cadre du traitement de la lésion professionnelle subie par le travailleur. Il y a absence de preuve que la demande de passer l’IRM et les frais afférents soient liés à une quelconque condition personnelle. La soussignée retient plutôt qu’ils sont liés à la lésion professionnelle et que c’est manifestement de manière fortuite que la tumeur cervicale a été découverte.
[23] Les faits en l’espèce se distinguent donc de ceux rapportés dans la jurisprudence déposée. En effet, dans cette affaire, la juge administrative siégeant en révision indique ce qui suit :
[17] La Commission des lésions professionnelles doit donc analyser la preuve et déterminer si les frais de 26,35 $ et 22,35 $, facturés au nom du docteur G. Lavoie, le 1er avril 1998, doivent être imputés au dossier de l’employeur.
[18] La Commission des lésions professionnelles estime que ces frais doivent être retranchés puisque la preuve ne permet pas de convenir qu’ils sont reliés à l’accident du travail subi par la travailleuse le 9 février 1998.
[19] Pour en venir à cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles a pris en considération le fait que le dossier ne contient aucun rapport médical émanant du docteur G. Lavoie, radiologiste, permettant de croire qu’un acte médical a été posé par ce médecin. Elle a également pris en considération le fait que ce médecin, contrairement à tous les autres consultés, n’est pas rattaché au centre hospitalier où la travailleuse est traitée depuis la survenance de sa lésion professionnelle. De plus, de la preuve au dossier, une radiographie de la colonne lombaire a été réalisée le 30 mars 1998 à la demande du docteur Frenette, mais force est de constater qu’elle a été effectuée et lue par le docteur Léon Rousseau, radiologiste de l’Hôpital Laval et non par le docteur Lavoie. Enfin, quant aux notes cliniques du docteure St-Aubin du 1er avril 1998, où elle réfère à une radiographie de la colonne lombaire, la Commission des lésions professionnelles ne peut convenir de cette mention qu’elle a référé la travailleuse en radiologie pour sa lésion professionnelle puisqu’elle indique clairement que la travailleuse est suivie par deux autres médecins pour cette condition.
[20] De ces faits, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que les frais de 26,35$ et 22,35 $ facturés par le docteur G. Lavoie, radiologiste, doivent être retranchés du dossier financier de l’employeur puisque la preuve ne permet pas de conclure qu’ils sont en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 9 février 1998.
[nos soulignements]
[24]
Ainsi, contrairement à ce qui a été démontré en l’espèce les frais de
radiologie dans cette affaire avaient été inscrits au dossier de l’employeur
alors qu’ils étaient sans lien avec la lésion professionnelle. L’inscription de
certains frais au dossier de l’employeur pouvait s’assimiler à une erreur qui a
permis l’application du premier alinéa de l’article
[25]
Ajoutons que même si le tribunal n’avait pas décidé ainsi concernant
l’application du premier alinéa de l’article 326, il aurait également maintenu
la décision rendue le 9 décembre 2011 alors que le réviseur se prononce
sur l’application du deuxième alinéa de l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Enseignes Décor Design plus 1998, l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 décembre 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que les coûts relatifs à la lésion professionnelle subie par le travailleur, Michel Collin, le 15 novembre 2010, doivent être imputés au dossier de l’employeur.
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Luce Morissette |
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