DÉCISION SUR DOSSIER
[1] Le 25 février 2000, l’employeur a déposé une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 8 février 2000 confirmant une première décision de la CSST du 21 octobre 1996 lui imputant 100 % des coûts de la lésion professionnelle subie par M. Réal Dallaire le 27 juillet 1996.
[2] Tel qu’il apparaît d’une lettre datée du 6 avril 2000, le procureur de l’employeur a demandé à ce que le soussigné soit saisi du dossier de demande d’imputation des coûts afin qu’une décision soit rendue à partir des données du dossier, sans audience, étant donné que les questions de droit soulevées étaient similaires à deux autres dossiers précédents dont l’un avait été entendu en audience le 5 avril 2000 à Chicoutimi. Le dossier a été placé en attente de réception d’une argumentation de la part de la partie intéressée qui n’a jamais été reçue. Le dossier a donc été pris en délibéré le 9 septembre 2000.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[3] Selon les données du dossier, il apparaît clairement que l’employeur demande un partage d’imputation des coûts de l’accident subi par M. Réal Dallaire le 27 juillet 1996 et ceci en vertu de l’article 330 puisque, selon l’employeur, l’accident du travailleur est survenu à la suite d’un désastre.
LES FAITS
[4] Du 20 au 23 juillet 1996, la région du Saguenay était affectée de fortes pluies qualifiées de déluge qui ont occasionné des débordements des cours d’eau et de lacs causant de forts dommages à certaines habitations et certaines industries.
[5] La papeterie de Jonquière appartenant à Abitibi-Consolidated inc. avait été inondée. Le 27 juillet 1996, des équipes d’urgence ont été affectées à différentes tâches afin d’effectuer des travaux de reconstruction pour assurer un redémarrage rapide de la papeterie. Comme de tels travaux impliquent un risque d’incendie, les assureurs ont exigé que la réserve d’eau de l’usine soit refaite, c’est-à-dire remplir le château d’eau qui était vide.
[6] C’est ainsi que M. Dallaire, qui habituellement occupe les fonctions de papetier et de conducteur de machine à papier, mais qui est aussi lieutenant de l’équipe de pompiers de la papeterie, a été affecté à l’équipe des pompiers afin d’installer une pompe spéciale permettant de puiser l’eau directement de la Rivière-aux-Sables. En installant un tuyau relié à cette pompe, M. Dallaire a été victime d’un événement accidentel qui est ainsi décrit au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » :
« Après avoir descendu un tuyau pour l’eau derrière la centrale thermique, je remontais la pente du ravin y accédant, lorsque je mis le pied sur une roche qui bascula et me fit tomber sur le côté gauche. » (sic)
[7] Cet incident lui occasionna une contusion au thorax gauche.
[8] Dans son argumentation écrite que l’employeur a expédiée à la direction de la révision administrative à la CSST, il fait valoir que l’installation de la pompe était uniquement causée par le déluge de juillet 1996 et que c’est à cette occasion que le travailleur s’est blessé. N’eut été de ce désastre naturel, jamais le travailleur n’aurait eu à installer cette pompe le 27 juillet 1996.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[9] La question en litige concerne uniquement l’application de l’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui se lit comme suit :
330. La Commission peut imputer le coût des prestations dues à la suite d'un désastre à la réserve prévue par le paragraphe 1 de l'article 312.
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1985, c. 6, a. 330.
[10] D’abord, il est important de souligner que l’article 330 de la loi ne confère pas de droits, il ne fait que prévoir un pouvoir discrétionnaire de la CSST.
[11] Le législateur n’a pas défini la notion de désastre. C’est pourquoi il faut se référer au sens commun de ce mot et tenir compte de l’objet et du contexte de la loi. À cet effet, le soussigné retient l’interprétation qu’en a fait la commissaire Marie Lamarre dans sa décision du 16 mars 2000 (Distribution Bradan inc., 119665-72-9907) :
« … la notion de désastre que l'on retrouve à l'article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles doit plutôt s'entendre puisqu'elle est prévue dans un chapitre traitant du financement et de l'imputation des coûts découlant d'une lésion professionnelle, donc en regard d'une réclamation et d'un employeur en particulier, d'une situation visant un tel employeur et non, d'une situation qui pourrait être catastrophique ou désastreuse de façon générale pour l'ensemble de la population sans pour autant avoir de telles conséquences désastreuses en regard d'un employeur en particulier. Si l'on se réfère aux buts et objectifs visés par le législateur au chapitre X « financement » de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et plus particulièrement, en ce qui concerne l'imputation des coûts, on constate que la règle générale prévue à l'article 326 de la loi est de faire supporter à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un de ses travailleurs alors qu'il était à son emploi. Pour des raisons d'équité et dans des circonstances particulières décrites au paragraphe 2 de l'article 326 et aux articles suivants, le législateur a prévu des situations spécifiques permettant à un employeur d'obtenir soit un transfert des coûts ou un partage de l'imputation des coûts. Comme mentionné précédemment, le tribunal estime que ce n'est pas parce que la crise du verglas de 1998 a pu constituer une situation exceptionnelle, affectant l'ensemble de la population d'un territoire visé du Québec et par le fait même des employeurs et des travailleurs indistinctement, qu'il y a lieu de la considérer comme un désastre en l'espèce, en regard des activités de l'employeur, mettant en danger soit sa sécurité financière, l'existence même de ses activités économiques ou encore, étant susceptible d'entraîner sa fermeture. »
[12] Au surplus, ce n’est pas le déluge qui a été la cause directe de la lésion qu’a subi le travailleur mais bien des circonstances ou activités entourant les réparations ou la reconstruction quelques jours après ce déluge.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la contestation de l’employeur ;
CONFIRME la décision de la CSST du 8 février 2000 ;
ET
DÉCLARE que 100 % des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par M. Réal Dallaire le 27 juillet 1996 doivent être imputés au dossier de l’employeur.
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André Gauthier |
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Commissaire |
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McCarthy, Tétrault (Me Jean Berthelot) 1150, rue Claire-Fontaine, # 700 Québec (Québec)
G1R 5G4 |
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Représentant de la partie requérante |
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Panneton, Lessard (Me Stéphane Larouche) 901, boulevard Talbot, C.P. 5400 Chicoutimi (Québec)
G7H 6P8 |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
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