Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

N.G. et Société de l'assurance automobile du Québec

2014 QCCLP 4859

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

25 août 2014

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

505782-03B-1303   535713-03B-1403   542874-03B-1405

543522-03B-1406

 

Dossier CSST :

100303692

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administratif

 

Membres :

Michel Piuze, associations d’employeurs

 

Yves Poulin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

N... G...

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Société de l’assurance automobile du Québec

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 542874-03B-1405

[1]           Le 29 mai 2014, madame N... G... (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 mai 2014 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 8 avril 2014, déclare que le diagnostic de trouble de conversion est en relation avec l’événement du 10 janvier 2010, déclare que la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu en regard de ce diagnostic, puisque sa lésion professionnelle n’est pas consolidée et déclare qu’elle est justifiée de poursuivre le paiement des soins et des traitements puisqu’ils sont toujours nécessaires. Cette décision fait suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale émis le 31 mars 2014 en regard de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

Dossier 505782-03B-1303

[3]           Le 15 mars 2013, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision conjointe rendue par la CSST et la Société de l’assurance automobile du Québec (la S.A.A.Q) le 7 février 2013.

[4]            Par cette décision, la CSST se prononce à l’égard d’une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation à compter du 18 juillet 2012 des lésions subies à la suite de l’événement initial du 17 janvier 1991. Elle conclut qu’il n’y a pas de lien entre la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation et l’événement initial et refuse donc la réclamation de la travailleuse. Quant à la S.A.A.Q., elle conclut également à l’absence de relation entre les diagnostics de trouble d’équilibre, trouble anxio-dépressif et algodystrophie réflexe à l’hémicorps droit et l’accident de la route initial qui a eu lieu le 15 octobre 1997. Elle refuse donc la réclamation de la travailleuse sous l’angle de la Loi sur l’assurance automobile du Québec[1].

Dossier 535713-03B-1403

[5]           Le 7 mars 2014, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 21 février 2014 à la suite d’une révision administrative.

[6]           Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 21 novembre 2013, déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 septembre 2013 et n’a pas donc pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).

 

 

Dossier 543522-03B-1406

[7]           Le 5 juin 2014, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 30 mai 2014 à la suite d’une révision administrative.

[8]           Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 1er mai 2014 et déclare qu’elle n’a pas à rembourser, à la travailleuse, les frais de déménagement.

[9]           La travailleuse est présente et représentée à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à St-Joseph-de-Beauce le 16 juin 2014. Chemise C Roy 1990 inc. (l’employeur) n’est pas représenté à l’audience puisqu’il a cessé ses opérations. La S.A.A.Q. a informé le tribunal par écrit de son absence à l’audience. La cause est mise en délibéré le 16 juin 2014.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossiers 505782-03B-1303, 535713-03B-1403, 542874-03B-1405 et 543522-03B-1406

[10]        D’une part, la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a subi une récidive, rechute ou aggravation le 18 juillet 2012 des lésions subies à la suite de l’événement initial du 17 janvier 1991 en regard du diagnostic d’algodystrophie à l’hémicorps droit.

[11]        D’autre part, elle demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a subi une récidive, rechute ou aggravation le 18 septembre 2013 de l’événement initial du 17 janvier 1991 toujours en regard du diagnostic d’algodystrophie à l’hémicorps droit qui a nécessité des traitements particuliers au cours de cette période.

[12]        Par ailleurs, la travailleuse demande au tribunal de déclarer que le diagnostic à retenir en relation avec la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010, est celui de trouble d’adaptation posé par le docteur Sirois dans le cadre de son expertise du 10 janvier 2013. Cette lésion n’est pas consolidée et la travailleuse doit pouvoir bénéficier d’un suivi psychothérapeutique et par un psychiatre.

[13]        Finalement, la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais de déménagement encourus pour se loger dans un appartement plus adapté à sa condition, en raison des limitations fonctionnelles qu’elle conserve à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 542874-03B-1405

[14]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[15]        En s’appuyant sur la preuve offerte, ils en viennent à la conclusion que le diagnostic d’ordre psychique à retenir en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010 est celui de trouble de l’adaptation avec humeur mixte, dépressive et irritable, de sévérité modérée et d’évolution chronique. À cette fin, ils retiennent les conclusions de la première expertise émise par le docteur Sirois, de même que les différents symptômes que présente la travailleuse.

[16]        De plus, ils sont d’opinion que cette lésion professionnelle n’est pas consolidée, qu’elle requiert un suivi psychothérapeutique et une référence au service psychiatrique de la région, qu’il est prématuré de se prononcer relativement aux séquelles permanentes que la travailleuse pourrait conserver à la suite de cette lésion professionnelle et qu’elle a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu en regard de ce diagnostic.

[17]        Par conséquent, les membres sont d’avis d’accueillir la requête déposée par la travailleuse le 29 mai 2014 et de modifier la décision rendue par la CSST le 23 mai 2014 à la suite d’une révision administrative.

Dossier 505782-03B-1303

[18]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[19]        En accordant une valeur probante à l’expertise de la docteure Claudine Morand qui s’appuie sur l’ensemble des renseignements contenus au dossier et sur la littérature médicale traitant d’aggravation de CRPS de type II, ils concluent que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation du CRPS de type II de son membre supérieur droit qui s’est propagée à tout l’hémicorps droit.

[20]        Par ailleurs, les membres considèrent qu’il n’y a pas de lien entre les diagnostics de trouble d’équilibre, de trouble anxio-dépressif et d’algodystrophie réflexe à l’hémicorps droit et l’accident de la route dont a été victime la travailleuse le 17 octobre 1997.

[21]        Les membres sont ainsi d’avis d’accueillir la requête déposée par la travailleuse le 15 mars 2013 et de modifier la décision rendue conjointement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la S.A.A.Q. le 7 février 2013 à la suite d’une révision administrative.

Dossier 535713-03B-1403

[22]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[23]        Ils considèrent que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 septembre 2013 des lésions subies à la suite de l’événement initial du 17 janvier 1991, mais qu’il s’agit plutôt de la continuité de la récidive, rechute ou aggravation du 18 juillet 2012 relativement au diagnostic de CRPS de type II de tout l’hémicorps droit.

[24]        Par conséquent, les membres sont d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse déposée le 7 mars 2014 et de modifier la décision de la CSST rendue le 21 février 2014, à la suite d'une révision administrative.

Dossier 543522-03B-1406

[25]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[26]        Ils considèrent que la preuve prépondérante démontre que la travailleuse a droit au remboursement des frais de déménagement du 1er mai 2014 puisque son logement n’était pas adapté à sa condition et ne constituait pas la solution appropriée pour lui permettre d’avoir accès à son domicile.

[27]        Par conséquent, les membres sont d’opinion d’accueillir la requête déposée par la travailleuse le 5 juin 2014 et d’infirmer la décision rendue par la CSST le 30 mai 2014 à la suite d’une révision administrative.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[28]        La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer à l’égard de plusieurs litiges. Dans un premier temps, elle doit établir les conclusions médicales d’ordre psychique relatives à la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

[29]        Puis, le tribunal doit déterminer si la travailleuse a subi des récidives, rechutes ou aggravations respectivement les 18 juillet 2012 et 18 septembre 2013.

[30]        Finalement, le tribunal doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais de déménagement en raison des limitations fonctionnelles qu’elle conserve à la suite de sa lésion professionnelle.

[31]        Avant de se prononcer spécifiquement à l’égard de l’un ou l’autre des litiges dont le tribunal est saisi, il apparaît opportun, à ce stade-ci, de résumer la preuve offerte.

[32]        La travailleuse occupe un emploi de couturière chez l’employeur au moment où elle subit une lésion professionnelle le 17 janvier 1991. Elle décrit ainsi les circonstances entourant  la survenance de cette lésion professionnelle au formulaire de réclamation qu’elle produit à la CSST le 4 février 1991 :

Je pressais des collets sur une machine à collets et puis l’index de la main droite m’a coincé sur le dail qui a un degré de 150º durant 2 à 3 minutes environ. J’ai l’index le dessous brûler 2e et 3e degrés. [sic]

 

 

[33]        La travailleuse consulte le jour même un médecin qui pose le diagnostic de brûlures au 2e degré de l’index droit et procède à un débridement. Cette lésion est acceptée par la CSST et consolidée le 4 février 1991. Elle conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 4,25 % de même que des limitations fonctionnelles à la suite de cette lésion.

[34]        Le 21 juin 1993, la travailleuse subit une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion professionnelle en lien avec le diagnostic de chéloïde à l’index droit. Elle a subi trois interventions chirurgicales en lien avec cette récidive, rechute ou aggravation, soit le 22 juin 1993, le 27 septembre 1993 et le 21 octobre 1993. Cette lésion professionnelle est consolidée le 7 février 1994, mais la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique additionnelle de 9,3 % de même que les limitations fonctionnelles suivantes :

-         Elle est incapable de maintenir son doigt en extension;

-         Elle est incapable de faire de la préhension avec le bout de l’index et du pouce;

-         Elle est incapable de faire de la préhension avec l’index comme tel;

-         Son doigt est douloureux et elle ne peut pas s’en servir;

-         L’index lui nuit plus qu’il est utile;

-         Elle doit donc faire des travaux sans se servir de son index droit.

 

 

[35]        Étant donné l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles que conserve la travailleuse, elle a droit au processus de réadaptation que requiert son état. Au terme de celui-ci, un emploi convenable de couturière avec travaux variés est déterminé le 2 novembre 1994.

[36]        Le 13 avril 1995, la travailleuse subit une nouvelle récidive, rechute ou aggravation en lien avec une amputation de l’index droit. L’intervention chirurgicale a lieu le 24 avril 1995. Cette lésion professionnelle est consolidée le 12 décembre 1995 et la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique additionnelle de 9,7 % de même que des limitations fonctionnelles suivantes :

[…]

 

LF : Cette patiente ne peut faire de travail qui nécessite une dextérité fine. Elle ne peut pas non plus faire un travail où elle doit avoir une préhension de type circonférentiel entre le pouce et les autres doigts et ne peut travailler avec un outil vibrant avec sa main droite. Elle ne peut pas faire de préhension de plus de 5 livres.

 

[…]

 

[37]        En plus du diagnostic physique posé lors de cette récidive, rechute ou aggravation, la travailleuse consulte le docteur Ouellet le 4 octobre 1995 qui pose le diagnostic d’épisode psychotique. Il consolide la lésion au 5 octobre 1995, mais est d’opinion que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité psychique de 5 % pour laquelle elle est indemnisée par la CSST.

[38]        Le 13 novembre 1996, la travailleuse subit une nouvelle récidive, rechute ou aggravation alors qu’elle est l’objet de trois nouvelles interventions chirurgicales en lien avec un névrome à la main droite, les 12 novembre 1996, 6 mai 1997 et 12 janvier 1998. Cette nouvelle lésion est consolidée le 30 mars 1998 et la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique additionnelle de même que des limitations fonctionnelles. C’est le docteur Jean-François Roy, orthopédiste, qui procède à l’évaluation des séquelles permanentes.

[39]        Au terme de son évaluation, il est d’opinion que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique supplémentaire incluant un déficit anatomo-physiologique (DAP) de 5,75 % ainsi qu’un préjudice esthétique (PE) de 3,95 %. Ainsi, l’atteinte permanente reconnue par la CSST depuis la lésion professionnelle initiale totalise 21,5 % qui comprend, entre autres, un DAP de 5 % pour atteinte à l’intégrité psychique à la suite de l’amputation de l’index droit.

[40]        Le docteur Roy émet les limitations fonctionnelles suivantes :

[…]

 

LF : Madame G... devrait faire un travail qui n’implique pas l’utilisation du membre supérieur droit au niveau de la main et de l’avant-bras. Elle devrait éviter de mettre sa main au froid ou à la chaleur et devrait éviter d’utiliser des objets vibrants avec son membre supérieur droit.

 

[…]

[41]        Étant donné les limitations fonctionnelles additionnelles que conserve la travailleuse, elle a de nouveau droit à la réadaptation. Au terme de ce processus, un emploi convenable de technicienne en éducation spécialisée est déterminé pour lequel la travailleuse doit suivre une formation.

[42]        À l’audience, la travailleuse témoigne et indique qu’elle a réussi la formation et a travaillé à titre de technicienne en éducation spécialisée auprès des enfants en difficulté en milieu scolaire de 2001 à 2010.

[43]        Fait à noter, la travailleuse bénéficie d’aide personnelle à domicile remboursée par la CSST en raison de sa lésion professionnelle à la main droite et des nombreuses récidives, rechutes ou aggravations subies par la suite. Cette aide est maintenue par la CSST, dans un premier temps, entre 1998 et 2010, après quoi la CSST y met fin. Cependant, dans le cadre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 30 octobre 2012[3], cette aide personnelle est rétablie rétroactivement au 19 novembre 2010.

[44]        De 2001 à 2010, environ la travailleuse continue de faire l’objet d’un suivi médical à la clinique de la douleur où on lui administre des blocs intraveineux pour des douleurs d’allure neurologique et une dystrophie sympathique réflexe ou SDRC de type II à la main droite. La travailleuse passe une scintigraphie osseuse qui confirme ce dernier diagnostic. On lui prescrit de la médication, incluant du Lyrica, en plus d’infiltrations au niveau des cicatrices chirurgicales. En 2009, les médecins constatent la présence d’allodynie qui s’étend à toute la main de même qu’à l’avant-bras droit jusqu’au coude. L’investigation radiologique dont elle bénéficie alors met en évidence des anomalies en lien avec l’amputation de son index droit.

[45]        Le 10 janvier 2010, la travailleuse subit une nouvelle récidive, rechute ou aggravation en regard des diagnostics de douleur neuropathique à la main droite et de CRPS de type II au membre supérieur droit. Son médecin procède à une neurolyse par radiofréquences des névromes de l’index droit. La condition de la travailleuse est également traitée par des blocs veineux et une médication. On lui recommande alors l’essai d’un neurostimulateur en la dirigeant au docteur Léo Cantin, neurochirurgien.

[46]        Le 12 mai 2010, la travailleuse consulte le docteur Cantin qui conclut qu’il y a lieu de tenter l’installation d’un neurostimulateur. Il procède donc à la mise en place d’une électrode épidurale cervico-dorsale latérale droite le 28 juin 2010. En postopératoire, la travailleuse développe rapidement des faiblesses au niveau des membres inférieurs avec difficulté à la mobilisation. Ceci se confirme d’ailleurs par les notes cliniques que le docteur Cantin rédige où il constate, entre autres, la présence de paresthésies aux pieds, de même qu’une douleur au membre inférieur droit et une faiblesse. La travailleuse marche avec une canne, a une démarche atypique et des symptômes que le docteur Cantin qualifie d’atypiques.

[47]        À l’audience, la travailleuse précise que le neurostimulateur a été retiré par le docteur Cantin le 5 juillet 2010 en raison des difficultés vécues, dont le fait que lors de la stimulation des électrodes dans le territoire du membre supérieur droit, elle ressent des chocs électriques et une augmentation de la douleur.

[48]        La travailleuse affirme que c’est à la suite de la pose du neurostimulateur qu’elle a eu des difficultés à la marche et au membre inférieur droit. Ses pieds étaient « cimentés » selon son expression. Elle avait de la difficulté à les bouger et ressentait des douleurs aux deux membres inférieurs à partir des genoux en descendant. Auparavant elle marchait sans difficulté. Elle précise que le docteur Cantin n’arrivait pas à comprendre les difficultés ressenties qu’il notait également.

[49]        Après le retrait des électrodes, la travailleuse dit qu’elle n’a pas ressenti de soulagement immédiatement, mais dans les jours suivants, elle a commencé à ressentir des picotements dans les mollets et à bouger le petit orteil du pied gauche, ce qu’elle ne pouvait faire depuis la pose du neurostimulateur. Elle affirme avoir récupéré la presque totalité de l’usage de sa jambe gauche est revenue normale,  sauf qu’elle a occasionnellement ressenti des chocs électriques en 2013, pendant quelques mois, après quoi tout est entré dans l’ordre de ce côté. Elle a cependant des difficultés permanentes à la jambe droite qui occasionnent des pertes d’équilibre puisque, selon son expression, sa jambe « ne suit pas ». Elle doit donc utiliser une canne ou des béquilles canadiennes pour se déplacer. Elle affirme qu’elle a suivi rigoureusement tous les programmes d’exercices à domicile qui lui ont été prescrits, qu’elle effectue plusieurs fois par jour.

[50]        Le 17 août 2010, la travailleuse est évaluée par la docteure Dionne, neurologue, qui conclut à la non-organicité de la symptomatologie dont se plaint la travailleuse. Elle constate de nombreuses incongruités et des signes atypiques à l’examen, dont la possibilité d’une mise en charge du membre inférieur droit que la travailleuse est incapable de mobiliser en position assise ou couchée. Elle passe un électromyogramme dont les résultats sont normaux.

[51]        Ce même jour, elle est évaluée par le docteur Cantin qui constate la présence de paresthésies persistantes aux pieds et d’une douleur avec faiblesse au membre inférieur droit. La travailleuse se déplace alors à l’aide d’une canne et sa démarche est atypique. À l’examen du membre inférieur droit, le docteur Cantin note un laisser-aller se caractérisant par une diminution de la sensibilité à la piqure de la surface dorsale et des pieds. Le reste de l’examen est normal. Il conclut à des mouvements atypiques hystériformes aux changements de position. Il recommande à la travailleuse de poursuivre la physiothérapie et prévoit la revoir.

[52]        Parallèlement au suivi médical pour sa condition physique, la travailleuse continue de consulter un psychologue, monsieur André Veilleux, qui rédige un rapport à l’intention de la CSST le 17 septembre 2010 où il résume l’évolution de la condition de la travailleuse. Il indique qu’elle est d’humeur dépressive en réaction à l’acceptation difficile de sa condition physique, n’ayant pas complété le deuil de la perte de ses capacités antérieures. Il insiste sur le fait que sa détresse est accentuée devant l’incertitude vécue quant à la possibilité d’une réorientation professionnelle. Elle se plaint d’une récupération lente et très incomplète à la suite de la perte de mobilité au niveau des jambes depuis l’intervention pour la pose d’un neurostimulateur. Il mentionne que cela rend la travailleuse anxieuse et s’ajoute à l’acceptation déjà difficile de sa condition. Il recommande donc la poursuite de ses interventions.

[53]        Le 4 octobre 2010, une ergothérapeute mandatée par la CSST procède à une évaluation fonctionnelle de la travailleuse. Elle émet des recommandations relatives à des aides techniques requises en raison des atteintes importantes au niveau du membre supérieur droit de la travailleuse. Dans un rapport complémentaire, l’ergothérapeute conclut que pour permettre à la travailleuse de continuer de conduire de façon sécuritaire son automobile, des adaptations devront être faites au véhicule.

[54]        Le 5 octobre 2010, le docteur Cantin rapporte une nette amélioration de la condition de la travailleuse. Celle-ci demeure cependant avec une douleur stable au membre supérieur droit, en plus d’une sensation de brûlure à la face plantaire des deux pieds et des paresthésies plus marquées au membre inférieur droit qu’au membre inférieur gauche. Ce neurochirurgien note une amélioration à la marche, notamment dans les escaliers. Il recommande la poursuite de la physiothérapie de même qu’une évaluation en ergothérapie en vue de l’adaptation du véhicule de la travailleuse.

[55]        À l’examen physique, le docteur Cantin constate un laisser-aller dans tous les territoires du membre inférieur droit avec démarche impliquant un mouvement atypique hystériforme. L’épreuve talons/pointes s’avère difficile, avec mouvement atypique, mais possible. L’électromyogramme étant normal, ce neurochirurgien conclut à une régression des symptômes dont la non-organicité lui semble probable. Il recommande de poursuivre la physiothérapie et l’ergothérapie. Il reverra la travailleuse trois mois plus tard.

[56]        Le 3 novembre 2010, la CSST procède à une évaluation de l’aide personnelle à domicile de la travailleuse. Après avoir rempli la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile, elle conclut que la travailleuse ne présente aucun besoin pour les activités reliées au lever et au coucher, à l’habillage et au déshabillage, aux soins vésicaux et intestinaux, à l’utilisation des commodités du domicile, à la préparation du déjeuner et du dîner, ni pour les activités reliées à son hygiène corporelle et à l’alimentation, en raison des aides techniques autorisées. Seul demeure un besoin d’assistance partielle pour la préparation du souper et du ménage léger ainsi que de l’approvisionnement.

[57]        Étant donné ces conclusions, le 24 novembre 2010, la CSST met fin au paiement de l’aide personnelle à domicile. Cependant, comme mentionné précédemment, le 30 octobre 2012, la Commission des lésions professionnelles infirme cette décision, déclare que la travailleuse continue d’avoir besoin d’aide personnelle à domicile et rétablit ce droit rétroactivement au 19 novembre 2010.

[58]        Comme principaux motifs au soutien du rétablissement de ce droit, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la condition de la travailleuse ne s’est pas améliorée, d’autant plus que la CSST a déclaré que la travailleuse était inapte à exercer tout emploi rémunérateur à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

[59]        Le 22 décembre 2010, la CSST accepte de rembourser les coûts d’adaptation de son véhicule automobile.

[60]        Le 24 mars 2011, la travailleuse consulte le docteur Alain Baribeault, physiatre, à la suite d’une référence du docteur Bougie. Lors de son évaluation, le physiatre note que la démarche de la travailleuse est d’allure spastique et qu’elle se déplace avec une canne. Il ne met cependant pas en évidence de spasticité à l’examen du tonus des membres inférieurs. À l’examen sensitif, il remarque une hyperesthésie et une hyperalgésie de l’hémicorps droit. Il note également une légère différence de coloration entre les deux mains, la droite étant plus rougeâtre. Il ne note pas de gonflement. Les doigts de la main droite sont gardés en flexion. La patiente démontre de la réticence lorsqu’on essaie de les étendre surtout le pouce. Au terme de son évaluation, il conclut à un tableau douloureux chronique avec douleur d’allure neuropathique. Il émet les recommandations suivantes :

 

 

[…]

 

Recommandation(s):

 

Il semble y avoir un épuisement des avenues thérapeutiques disponibles. Nous ne suggérons pas d’avenue chirurgicale, étant donné les expériences précédentes de la patiente. Il semble qu’il y ait de nombreuses médications qui ont été tentées. Les seules classes qui ne semblent pas avoir été essayées sont les Cannabinoïdes. Il serait peut-être pertinent d’en faire un essai.

 

Nous vous recommandons de référer la patiente à l’institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ) pour la prise en charge par une équipe multidisciplinaire en douleur chronique. Finalement, il pourrait être intéressant d’utiliser la thérapie miroir en physiothérapie.

 

La patiente nous a mentionné qu’elle devait subir une IRM de la colonne cervicale au mois d’avril. Nous pensons qu’il est important de s’assurer de l’absence d’une atteinte médullaire avec cet examen.

 

Nous avons expliqué nos recommandations à la patiente. Nous ne prévoyons pas de suivi avec elle.

 

[…]

 

 

[61]        Le 5 mai 2011, la travailleuse consulte le docteur Bédard, orthopédiste, qui conclut à des douleurs d’origine indéterminée. Il considère que l’épaule droite n’est pas la source du problème, mais suggère de cesser les traitements de physiothérapie de même que la poursuite de l’investigation.

[62]         Le 5 juillet 2011, la travailleuse revoit le docteur Cantin qui réitère le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe au membre supérieur droit dont la force musculaire est impossible à vérifier. Il rappelle que la travailleuse présente toujours une démarche atypique. Il conclut à la présence d’une hernie discale cervicale non chirurgicale de même qu’à un SDRC avec plus ou moins de somatisation associée.

[63]        Le 22 septembre 2011, la travailleuse est évaluée en physiatrie par la docteure Dahan qui pose le diagnostic de CRPS de l’hémicorps droit. Cette physiatre conclut à une invalidité permanente.

[64]        Le 6 octobre 2011, la travailleuse est évaluée par le docteur Bernier, neurologue, à la demande de la CSST, conformément à l’article 204 de la loi. Après avoir procédé à l’examen neurologique des membres supérieurs et inférieurs de la travailleuse, le docteur Bernier se prononce en ces termes au sujet du diagnostic et des autres conclusions d’ordre médical :

 

[…]

 

Réponse aux questions du mandat d’expertise:

 

·         Diagnostics :

 

Madame G... a une longue histoire de douleur neurogène ou neuropathique au niveau de la main droite, dans le territoire du nerf médian. Sa douleur a commencé à la suite de la blessure accidentelle, au niveau de l’index droit, mais a diffusé à la main, les premier et troisième doigts. La neurolyse par radiofréquences au niveau du nerf médian droit semble avoir contribué, de manière probable, à accentuer la sévérité des douleurs.

 

Madame G... a également développé, en relation avec son accident de la main droite, un syndrome de douleurs complexes régionales, probablement de type neurogène. Plusieurs examinateurs ont fait état de la présence de signes de dysautonomie. Une scintigraphie osseuse a mis en évidence une hypoperfusion à la région anatomique concernée. Madame G... a également développé des manifestations motrices sous forme de faiblesse musculaire de sa main droite, surtout dans le territoire du nerf médian, avec, probablement, un élément de désordre de mouvement s’apparentant probablement à une composante dystonique.

 

Par ailleurs, elle allègue présenter des douleurs neurogènes à tout son hémicorps droit, incluant tout le membre supérieur, une partie du visage et tout le membre inférieur. Elle allègue également présenter une faiblesse musculaire sévère, touchant tout le membre supérieur droit, incluant les muscles de l’épaule et tout le membre inférieur droit, avec des perturbations sévères de la démarche.

 

À mon avis, la faiblesse musculaire alléguée au niveau du bras et de l’épaule du côté droit, de même qu’au niveau du poignet, enfin, de tout le membre inférieur droit, m’apparaît comme étant probablement de nature non organique. Ceci est fondé sur un certain nombre de discordances, tout d’abord entre des capacités à peu près nulles au testing musculaire du membre inférieur droit et une perturbation complexe de la démarche au membre inférieur droit qui requiert une force musculaire normale pour être maintenue durant la marche. Madame G... attribue cette aggravation optimale au membre supérieur, de même qu’au membre inférieur, aux complications successives de la neurolyse et de la mise en place d’un stimulateur avec des électrodes épidurales cervicothoraciques droites. Les IRM n’ont pas montré de lésion au niveau de la moelle épinière qui pourrait expliquer de tels déficits et il semble peu probable que l’effet de la neurolyse ait pu produire une atteinte aussi sévère au membre supérieur droit.

 

·         Date de consolidation :

 

Madame G... présente un problème de douleurs neurogéniques et neuropathiques chroniques depuis environ 1992-1993 qui s’est avéré réfractaire à toutes les modalités thérapeutiques disponibles en médecine actuelle de la douleur, pour le traitement des douleurs neurogènes, incluant la composante dysautonomique. Elle a bénéficié de toutes les catégories de médicaments analgésiques, incluant les antidépresseurs tricycliques, les antiépileptiques, les opiacés. Elle a bénéficié de pharmacothérapie invasive, sous forme d’infusion de Guanéthidine. Elle fut soumise à plusieurs chirurgies de résection de névromes d’amputation. Elle a été soumise à des traitements de neurolyse par radiofréquences. Enfin, un essai de stimulateur implanté à proximité des racines cervicothoraciques du côté droit n’a pas entraîné d’amélioration.

 

Je n’ai pas d’autres modalités thérapeutiques à proposer pour ce problème sévère et complexe.

 

De plus, le problème de douleurs chroniques post-traumatiques s’est compliqué d’un syndrome de douleurs complexes régionales, qui lui-même, a entraîné des manifestations motrices sous forme de faiblesse musculaire au niveau de la main droite, surtout dans le territoire du nerf médian et probablement aussi une composante de désordre de mouvement sous forme de tremblement et de dystonie.

 

Comme je l’ai mentionné plus haut, au niveau du bras et de l’épaule droite, de même que celle qui est alléguée au membre supérieur droit, sont probablement de nature non organique et ne sont pas de nature à être améliorées par des interventions relevant de la neurologie et de la neurochirurgie.

 

Je considère donc que la blessure est consolidée au plan neurologique, en date de la présente expertise, soit le 6 octobre 2011.

 

·         Nature, nécessité, suffisance, durée des soins ou traitements administrés ou prescrits :

 

En ce qui concerne les symptômes de douleurs chroniques et les manifestations d’atteinte neurogénique au niveau de la main droite, comme je l’ai mentionné plus haut, madame G... a bénéficié, à mon avis, de toutes les modalités thérapeutiques disponibles qui ont été décrites ci-haut, également de physiothérapie, d’ergothérapie, pour une période d’une durée suffisante.

 

Je n’ai pas d’autres recommandations à formuler du point de vue neurologique, au plan thérapeutique.

 

·         Existence et pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique, selon le Barème des dommages corporels:

 

§  Atteinte motrice du nerf médian droit, au-dessous du tiers moyen et distal de l’avant-bras :

 

Faiblesse objective, résistance légère

            Classe III, 50 %

Code 112 791

DAP = 10 %

 

§  Atteinte motrice du nerf médian droit, au-dessous de la jonction du tiers moyen distal de l’avant-bras :

 

Classe II, hypoesthésie incluant dysesthésies et douleurs

25 %

Code 113 059

DAP = 5 %

 

·         Évaluation des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle :

 

À cause de la perte fonctionnelle de force musculaire au niveau des trois premiers doigts de la main droite, à cause des douleurs neuropathiques sévères, des dysesthésies de contact au niveau des doigts et de la paume de la main droite dominante, madame G... ne pourra, à toute fin pratique, et ceci de manière permanente, utiliser sa main droite pour saisir un objet, même inférieur à un kilo. Sa dextérité manuelle sera presque nulle au niveau de la main droite, même pour accomplir des tâches élémentaires de la vie quotidienne et domestique comme se vêtir et faire sa toilette, accomplir des travaux de ménage, utiliser de manière efficace, un clavier d’ordinateur, utiliser toute forme d’outils et d’ustensiles, etc.

 

De plus, madame G... présente depuis près de 20 ans des douleurs chroniques de type neurogénique qui ont été réfractaires à toutes les formes de traitements qui ont été tentés. Ses douleurs sont sévères, chroniques, quotidiennes et quasi constantes. Les conséquences biologiques, psychologiques et sociales de douleurs chroniques aussi sévères entraînent un état de fatigue, dépression, trouble du sommeil, trouble de concentration dont les effets combinés et cumulatifs rendent madame G... totalement inapte à occuper toute forme d’emploi rémunérateur, soit à temps complet ou à temps partiel.

 

À mon avis, le déficit sensitivomoteur à la main droite combiné aux séquelles d’ordre purement orthopédique, de même que le taux de sévérité du syndrome de douleurs chroniques réfractaires, a entraîné un état d’incapacité complète permanente, comme l’a écrit le médecin de famille de madame G..., le docteur Bougie.

 

[…]

 

 

[65]        Le 29 novembre 2011, le docteur Bougie rédige un rapport complémentaire en réaction à l’expertise du docteur Bernier. Il se dit en désaccord avec ce dernier, invoquant la persistance d’un syndrome douloureux chronique de tout l’hémicorps droit malgré le résultat négatif de l’investigation radiologique au dossier. Il ajoute que la travailleuse a également développé un état psychologique pour lequel elle n’a obtenu à ce jour aucune évaluation et qui nécessite l’octroi d’une atteinte permanente. En raison du caractère continu de la douleur et de son effet sur le comportement de la travailleuse, au plan neurologique, le médecin qui a charge considère celle-ci inapte à tout travail, alors qu’elle demeure porteuse de limitations fonctionnelles de classe IV. Il recommande que la travailleuse soit évaluée en lien avec les séquelles permanentes d’ordre psychique qu’elle conserve à la suite de la lésion professionnelle.

[66]        Le 14 février 2012, le docteur Jean-Maurice D’Anjou, physiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale, évalue la travailleuse. Il doit se prononcer sur le diagnostic, la date de consolidation, les soins ou traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et les limitations fonctionnelles consécutives à la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

[67]        Au descriptif de l’état actuel de la condition de la travailleuse, il mentionne qu’elle présente des douleurs qu’elle évalue entre 7 à 8 sur 10 aux membres supérieur et inférieur droits. Elle décrit des sensations de  « courants électriques fréquents » aux  membres supérieur et inférieur droits, mais aussi un « courant électrique » à tout l’hémicorps droit comprenant les régions thoracique et abdominale. Elle doit utiliser une canne pour ses déplacements, car elle a l’impression que sa jambe droite ne peut pas la supporter. La douleur ressentie à la jambe droite varie en fonction de la température. Elle se plaint de pertes d’équilibre. Elle décrit aussi avoir eu quelques petites incontinences urinaires, mais pas d’incontinence fécale. Au plan des activités de la vie quotidienne, la travailleuse se dit très peu active, vivant seule, elle pleure à plusieurs occasions au cours de l’entrevue.

[68]        À l’examen physique, le docteur D’Anjou note une démarche très atypique. De plus, la travailleuse a dû se lever à deux reprises au cours de l’entrevue qui a duré plus d’une heure en raison de la douleur diffuse ressentie à tout l’hémicorps droit. Elle est incapable de marcher sur la pointe des pieds ou sur les talons, même avec de l’aide pour garder l’équilibre. Les mouvements de la colonne lombaire sont légèrement limités lors de la flexion antérieure mesurée à 70 degrés. En position assise, le docteur D’Anjou note l’absence de mouvement volontaire au niveau du membre inférieur droit que ce soit la flexion de la hanche, la flexion extension du genou ou la flexion extension de la cheville. Il en va de même en position de décubitus dorsal. Les forces musculaires sont normales au membre inférieur gauche cependant, il note une hypoesthésie ou une dysesthésie à l’ensemble du membre inférieur droit et de tout l’hémicorps droit. Il n’y a pas d’atrophie musculaire à la circonférence des deux cuisses et des mollets. Le membre inférieur droit ne présente aucun changement trophique ni chaleur ou rougeur au niveau de la peau. Il n’y a pas de sudation ou d’œdème des tissus mous ou de cyanose de la peau. Les mouvements de la colonne cervicale sont complets. Il note une hypoesthésie à l’ensemble du membre supérieur droit et l’évaluation de la force musculaire est impossible, car il y a un laisser-aller à l’évaluation des muscles biceps, triceps, extenseur du poignet. À l’examen de l’épaule droite, les mouvements sont mesurés à 90º lors de l’élévation antérieure et de l’abduction lors des mouvements actifs, mais à 180º lors des mouvements passifs.

[69]        Au terme de son évaluation, il écrit ce qui suit à l’égard du diagnostic :

[…]

 

1. Diagnostic

 

Madame G... a présenté suite au premier accident de 1991 des douleurs de type neuropathiques à la main droite. Un diagnostic de syndrome douloureux régional complexe a été évoqué dès 1998.

 

Je considère que ce diagnostic de syndrome douloureux régional complexe doit être accepté pour le membre supérieur droit.

Par la suite, il y a eu aggravation du tableau douloureux suite à une neurolyse par radiofréquence faite le 10 janvier 2010. L’augmentation des douleurs au membre supérieur droit a entraîné une consultation en neurochirurgie et possibilité de l’installation d’un neurostimulateur à la région cervico-dorsale.

 

Le docteur Léo Cantin a procédé à l’installation d’électrodes épidurales à la fin juin 2010. Il y a eu par la suite complications avec apparition de douleurs au niveau des deux membres inférieurs.

 

Tous les médecins qui ont examiné madame G... par la suite, c’est-à-dire des neurologues, neurochirurgiens, électromyographistes, n’ont pas mis en évidence de déficit neurologique pouvant expliquer la faiblesse du membre inférieur droit et la douleur du membre inférieur droit.

 

L’étude du dossier démontre qu’il n’y a jamais eu de changement trophique mis en évidence pour le membre inférieur droit, c’est-à-dire changement de coloration de la peau, œdème, ankylose. Il y a certainement eu une manifestation de douleur au membre inférieur droit et de faiblesse, mais ces changements ne permettent pas de porter un diagnostic de syndrome douloureux régional complexe pour le membre inférieur droit.

 

Je ne retiendrai donc pas le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe pour le membre inférieur droit.

 

Pour ce qui est de l’atteinte neurologique avec faiblesse du membre inférieur droit et aggravation de la faiblesse du membre supérieur droit suite aux traitements de janvier 2010, les neurologues qui ont examiné madame G... ont tous mis en évidence des discordances à l’examen clinique.

 

À l’examen d’aujourd’hui, je notais une démarche très atypique. Lors de la marche avec une canne, madame G... fait d’abord une mise en charge sur son membre inférieur droit avec flexion du genou à environ 20 ou 30°.

 

Lors de la phase d’appui, elle fait une extension complète de son genou ce qui nécessite une force musculaire importante du membre inférieur droit.

 

J’ai de plus noté que lorsque madame G... a embarqué sur la balance, elle a utilisé son membre inférieur droit pour monter sur le plateau de la balance, plateau qui est environ 6 pouces du sol. Il y a donc une force musculaire objectivable à l’observation que nous n’avons pas été en mesure de démontrer lors de l’examen clinique.

 

Ces éléments de discordance nous empêchent de reconnaître une faiblesse objective du membre inférieur droit.

 

Sur le plan diagnostique, je retiendrai donc le diagnostic de douleurs neuropathiques à la main droite, de syndrome douloureux régional complexe pour le membre supérieur droit.

 

[…]

 

 

[70]        Il consolide la lésion en date du 6 octobre 2011. Au niveau des soins ou traitements, il recommande de continuer une médication à titre palliatif ou de support, mais aucun autre traitement supplémentaire n’est recommandé.

[71]        Il dresse le bilan suivant des séquelles et conclut qu’étant donné le tableau douloureux du membre supérieur droit avec douleurs chroniques de type neurogénique, réfractaire à toute forme de traitement, la travailleuse présente une incapacité complète et permanente l’empêchant d’occuper tout emploi rémunérateur.

[…]

 

4.  EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DE LA TRAVAILLEUSE

 

SÉQUELLES ACTUELLES

 

Code           Description                                                                               DAP %

102383        Atteinte permanente des tissus mous du membre supérieur droit      2 %

                   (syndrome douloureux régional complexe) avec séquelles

                   Fonctionnelles.

112591        Faiblesse du nerf médian droit                                                      10 %

113059        Hypoesthésie classe II nerf médian droit                                         5 %

100633        Amputation de la phalange distale de l’index droit                            2 %

100642        Amputation de la phalange moyenne de l’index droit                        2 %

100651        Amputation de la phalange proximale de l’index droit                       1 %

100660        Amputation de plus de 50 % du 2e métacarpe droit                         0,5 %

101945        Dysesthésie métacarpo-phalangienne de l’index droit                    0,25 %

 

PRÉJUDICE ESTHÉTIQUE

 

Code           Description                                                                                PE %

224368        Cicatrice vicieuse au majeur droit                                                 2,25 %

224466        Amputation de trois phalanges à l’index droit                                 1,5 %

224484        Préjudice esthétique amputation du 2e métacarpe droit                   0,2 %

 

SÉQUELLES ANTÉRIEURES

 

Code           Description                                                                               DAP %

100633        Amputation phalange distale index droit                                          2 %

100642        Amputation phalange moyenne index droit                                      2 %

100651        Amputation phalange proximale index doit                                      1 %

100660        Amputation de plus de 50 % 2e métacarpe droite                           0,5 %

101945        Dysesthésie métacarpo-phalangienne index droit                          0,25 %

 

PRÉJUDICE ESTHÉTIQUE

 

Code           Description                                                                                PE %

224368        Cicatrice vicieuse au majeur droit                                                 2,25 %

224466        Amputation de trois phalanges à l’index droit                                 1,5 %

224484        Amputation du 2e métacarpe droit                                                 0,2 %

 

[…]

 

 

[72]        À titre informatif, la travailleuse a également été victime d’un accident d’automobile le 15 octobre 1997 ayant causé des séquelles permanentes en regard d’un diagnostic d’entorse cervico-dorso-lombaire. Étant donné cette situation, des décisions conjointes sont rendues par la CSST et la S.A.A.Q. à la suite de l’avis émis par le Bureau d’évaluation médicale. Cet avis est entériné par la CSST, mais la S.A.A.Q. ne reconnaît pas de relation avec l’accident d’automobile du 15 octobre 1997.

[73]        Le 12 avril 2012, la CSST et la S.A.A.Q. rendent une décision conjointe relative à l’atteinte à l’intégrité physique que conserve la travailleuse à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010. Cette dernière est établie par la CSST à 22 % correspondant à une indemnité pour préjudice corporel de 14 888,72 $. Cependant, aucune séquelle permanente supplémentaire consécutive à l’accident d’automobile n’est reconnue par la S.A.A.Q.

[74]        Le 9 juillet 2012, la travailleuse est évaluée par le docteur Jean-François Roy à la demande de son représentant en regard des séquelles permanentes qu’elle conserve à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

[75]        Après avoir procédé à une revue du dossier, le docteur résume les manifestations de la condition au moment de la consultation comme suit :

[…]

 

MANIFESTATIONS ACTUELLES

 

Madame G... se plaint de douleurs 24 heures sur 24, perçues comme une lourdeur, une décharge électrique, des coups de couteau et des brûlures au niveau du membre supérieur et du membre inférieur droit, et ce, incluant le thorax et l’abdomen du côté droit. Ceci inclut également la mâchoire inférieure du côté droit. La douleur la réveille fréquemment la nuit. Elle ne peut se coucher sur le côté droit. Sa tolérance assise, debout et à la marche est de 10 minutes, avec une douleur qui s’amplifie au niveau de l’hémicorps droit. La douleur est également amplifiée par les pentes et les escaliers.

 

Elle utilise une canne du côté gauche et ceci fait en sorte qu’elle ne peut transporter de paquets, car son membre supérieur droit est inefficace. La douleur est amplifiée par le froid et l’humidité.

 

Elle présente une légère incontinence à l’effort sans plus.

 

[…]

 

 

[76]        Le docteur Roy constate des limitations d’amplitude tant au rachis cervical qu’au rachis lombaire. Il note une certaine raideur de toute la musculature paratronculaire à droite que ce soit autant au niveau cervical qu’au niveau thoracolombaire. Il note également une limitation des amplitudes articulaires de l’épaule droite tant au niveau des mouvements actifs que passifs.

[77]        À l’examen neurologique, il note une diminution de la sensibilité de tout l’hémicorps droit sans topographie précise. La force musculaire s’évalue à 3/5 à droite de façon diffuse. Elle est évaluée à 5/5 à gauche. Il note la présence d’un pied tombant à droite avec une faiblesse au niveau de la flexion plantaire bilatéralement. Il n’y a pas de pied tombant à gauche. Il note une faiblesse évaluée à 3/5 au niveau des cuisses bilatéralement. En position debout, lorsque la travailleuse se tient uniquement sur la jambe droite, elle tombe au sol comme « une poupée de chiffon ». Elle présente une incapacité à se relever par la suite et nécessite de l’aide. Comme elle ne peut utiliser adéquatement son bras droit, elle a de la difficulté à se relever. Il note également une certaine négligence au niveau de son membre supérieur droit qu’elle garde contre elle qui est même notée au membre inférieur droit. Elle marche avec une canne du côté gauche par obligation pour une faiblesse qui est du côté opposé ce qui entraîne une démarche assez particulière. Lorsqu’elle marche, elle applique une charge de son corps sur son quadriceps du côté droit en même temps qu’elle applique un peu de poids sur sa canne du côté gauche, mais cette démarche est possible démontrant une force à 5/5 et non à 3/5. Les réflexes ostéotendineux aux membres supérieur et inférieur sont strictement normaux de façon symétrique à +2. L’examen vasculaire est normal.

[78]        Au terme de son évaluation, le docteur Jean-François Roy écrit ce qui suit :

[…]

 

DISCUSSION

 

Madame G... présente des séquelles d’une brûlure au niveau de l’index du côté du membre supérieur droit post-accident datant du 7 janvier 2011 [sic] et pour laquelle il y a eu de multiples chirurgies au niveau de sa main entraînant finalement une amputation du 2° rayon de la main droite. Ceci a entraîné de façon secondaire une algodystrophie pour laquelle l’essai d’un neurostimulateur effectué au niveau cervical de façon percutanée par le docteur Cantin, neurochirurgien.

 

Depuis les instants suivant la pose de ce neurostimulateur au niveau cervical madame G... présente une atteinte de tout l’hémicorps du côté droit qui, selon les différents intervenants, est une atteinte significative pour laquelle on accorde une invalidité totale, mais qui est un élément de discordance et qui passe pour une hystérie

 

Lorsque nous regardons le dossier, le problème principal chez madame Gibert est cette atteinte de l’hémicorps du côté droit qui la gêne de façon considérable dans ses activités de la vie quotidienne incluant la position debout, la marche et même dans ses activités de la vie quotidienne (AVQ) Il s’agit d’une atteinte par négligence au niveau du membre supérieur et du membre inférieur

 

Cette atteinte, même si elle est psychiatrique, occasionne un déficit physique secondaire et qui gêne madame G... au même point que si elle avait eu un vrai dommage au niveau de sa moelle cervicale. Pour cette occasion, nous jugeons qu’il devrait y avoir une compensation CSST pour ce qui est des dommages qui résultent de cette hystérie de conversion qui a été induite par la pose du neurostimulateur par le docteur Cantin.

 

Lorsque nous regardons le DAP, nous sommes d’accord avec celui qui a été ajouté par le docteur D’Anjou quant au membre supérieur droit .Par contre, madame G... a de plus une atteinte équivalant à une attente cérébro-spinale ou si l’on veut une atteinte médullaire. Elle présente une classe II pour ce qui est de l’atteinte cérébro-spinale sous le code 211 176, car elle peut se lever debout et marcher, mais ne peut négocier des dénivellations, des escaliers, des terrains accidentes ou des longues distances sans requérir une aide mécanique telle que sa canne. Ceci équivaut à un DAP de 20 %.

 

De plus, elle présente une atteinte du membre supérieur droit qui est compatible avec une atteinte cérébro-spinale étant donné qu’elle présente une négligence du membre supérieur droit équivalent à une classe II, soit qu’elle peut utiliser son membre supérieur atteint pour saisir ou tenir sans difficulté pour ses soins personnels, mais avec de difficultés à manipuler il s’agit donc du code 311 228 pour un DAP de 20 %.

 

Nous jugeons également que madame G... devrait être évaluée en psychiatrie pour documenter de façon non équivoque cette atteinte de type hystérie de conversion en relation avec son atteinte physique l’opinion d’un neurologue pourrait également être concluante de façon non équivoque de cette atteinte.

 

Par ailleurs, nous sommes d’accord avec la date de consolidation du 6 octobre 2011. Nous jugeons qu’il n’y a pas de traitement supplémentaire à ajouter autre qu’une évaluation ergonomique de son domicile et possiblement de son véhicule.

 

Cette expertise a été produite au meilleur de mes connaissances en présence de madame G... et de son dossier médical. Je suis prêt à en défendre les conclusions si nécessaire.

 

[…]

 

 

[79]        Le 18 juillet 2012, la travailleuse dépose une réclamation à la CSST pour récidive, rechute ou aggravation. Cette réclamation fait suite à une consultation auprès du docteur Bougie qui pose les diagnostics de trouble d’équilibre de même qu’un trouble anxiodépressif et algodystrophie réflexe à l’hémicorps droit, prescrit des béquilles canadiennes de même que des orthèses aux pieds et recommande une aide-personne à domicile de même qu’une consultation auprès du psychologue monsieur Veilleux.

[80]        Dans le cadre de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 30 octobre 2012, elle déclare que l’évaluation de la condition de travailleuse en regard de sa lésion professionnelle du 10 janvier 2010 est incomplète. Elle retourne le dossier à la CSST afin que cette dernière obtienne une évaluation de la condition psychique de la travailleuse de même qu’une évaluation neurologique complémentaire prenant en considération l’ensemble des symptômes dont se plaint la travailleuse au niveau du membre inférieur droit.

[81]        Ainsi, le 10 janvier 2013, elle est évaluée par le docteur Alain Sirois, psychiatre. Il ne note aucun antécédent psychiatro-familial ou personnel, les premières consultations en psychothérapie ayant eu lieu après l’événement d’origine.

[82]        À l’examen mental, le docteur Sirois retient ce qui suit :

[…]

 

EXAMEN MENTAL :

 

Madame N... G... s’est présentée à la rencontre en se déplaçant laborieusement au moyen de deux cannes, d’une manière parfois assez impressionnante, mais sans que nous puissions constater avec certitude qu’elle dramatisait la situation ou qu’elle cherchait à nous impressionner. Elle a offert une bonne collaboration, démontrait un état de conscience normal sans aucun signe de dissociation hystérique, s’exprimait dans un langage simple et concret, mais convenable et de manière courtoise. Elle a fait usage de jurons à quelques reprises, dans des moments où elle paraissait exaspérée et exprimait de la colère, mais elle ne s’est pas montrée hostile ni méfiante à notre endroit, sans paraître non plus chercher à vouloir tirer la sympathie ni agir de manière ouvertement séductrice.

 

L’attention et la concentration paraissaient mauvaises, la mémoire était normale, elle était bien orientée dans les trois sphères et démontrait un bon jugement et une autocritique normale. Nous avons constaté que madame s’exprimait d’une manière volontiers dramatique, avec expression faciale changeante, qu’elle était souvent souriante avec une mimique très expressive et qu’elle passait facilement du sourire aux sanglots, ce qui nous a paru témoigner d’un style de communication traduisant parfois certains traits histrioniques de sa personnalité. Nous n’avons pas constaté toutefois qu’elle était théâtrale ni manipulatrice et elle décrivait d’autres aspects de sa personnalité, tels que la méticulosité, le besoin de contrôle, un souci un peu rigide pour l’ordre et la propreté correspondant à des traits de caractère différents, plus volontiers obsessionnels-compulsifs ce qui nous permet d’avancer que son caractère n’est pas uniquement constitué de traits histrioniques alors que son histoire personnelle et développementale n’est pas très impressionnante eu égard à des facteurs qui auraient pu favoriser le développement d’un trouble de la personnalité histrionique ou témoigner d’un mode relationnel pathologique propre à ce style de caractère, quoiqu’on ait déjà parlé d’un trouble de la personnalité dans les évaluations antérieures.

 

Le discours était souvent circonstanciel, mais cohérent, et il n’y avait pas de relâchement des associations. L’humeur était à la fois intensément irritable et colérique, avec une présentation affective intense, un peu dramatique, labile, mais mobilisable, et madame pouvait se ressaisir et ne pleurait plus et n’était plus agitée à la fin de l’examen. L’exploration du contenu de la pensée ne révélait pas d’idées délirantes ni de préoccupations bizarres, irrationnelles ou fantaisistes. On ne peut certainement pas parler chez madame de l’attitude dite « de belle indifférence » souvent caractéristique de l’hystérie de conversion, en ce sens qu’elle devenait clairement dysphorique en disant s’être sentie diminuée et humiliée à chaque fois que des tiers ont constaté qu’elle n’arrivait plus à marcher, et qu’elle disait être très frustrée et malheureuse d’être obligée de demander de l’aide pour accomplir des tâches banales pour lesquelles elle avait toujours été autonome. Nous n’avons retrouvé aucun indice à l’effet que madame aurait pu retirer des avantages sur le plan affectif ou matériel, qu’elle ait pu échapper à certaines responsabilités, attirer la sympathie ou l’attention de personnes auprès desquelles elle se placerait dans un lien de dépendance pathologique par le biais de ses symptômes locomoteurs ou des douleurs nouvelles aux jambes et au côté droit. Seule la description de douleurs et d’une sensation d’anesthésie à l'hémiface droit nous rend circonspect, sans que nous puissions nous prononcer comme le fera le neurologue sur la probabilité d’une explication physiologique de ce phénomène.

 

Madame ne décrivait aucune hallucination et le reste de l’examen était normal.

 

Dans l’ensemble, nous croyons avoir constaté la présence de traits histrioniques chez cette personne, dont l’histoire au long cours et la réaction émotionnelle par rapport aux symptômes apparus depuis qu’on a tenté l’installation d’un neurostimulateur ne soutiennent pas l’hypothèse qu’un trouble de conversion pourrait à lui seul expliquer l’évolution de sa condition.

 

[…]

 

[83]        Au terme de son évaluation, il pose le diagnostic multiaxial suivant :

[…]

 

IMPRESSION DIAGNOSTIQUE:

 

Axe I.          Trouble de l’adaptation avec humeur mixte, irritable et dépressive, de sévérité modérée et d’évolution chronique.

Axe II.          Il y a présence de traits de personnalité histrionique et obsessionnelle- compulsive, sans évidence à l’effet que madame serait porteuse d’un trouble de la personnalité.

 

Axe III.         Douleurs neuropathiques à la main droite et syndrome douloureux régional complexe, troubles locomoteurs marqués à la jambe droite plus qu’à la jambe gauche, paresthésies et troubles de la sensibilité tactile du côté droit.

 

Axe IV.        Facteurs stresseurs environnementaux et psychosociaux : Douleurs chroniques, perte d’intégrité physique, troubles du sommeil consécutifs à la douleur, troubles locomoteurs.

 

Axe V.         Évaluation globale du fonctionnement : 60.

 

[...]

 

[84]        Le docteur Sirois conclut que la travailleuse ne présente pas de trouble de conversion et s’exprime comme suit à ce sujet :

[…]

 

ANALYSE ET AVIS MOTIVÉ :

 

Le cas de madame N... G... est d’une complexité considérable sur le plan médical et il s’avère également complexe dans son analyse du point de vue psychiatrique. Nous tenons à rappeler que la conversion est toujours un diagnostic d’exclusion, pour lequel il ne suffit pas que l’on constate des signes ou des symptômes inexplicables du point de vue médical, mais qu’il est nécessaire de confirmer l’existence d’une dynamique inconsciente sous-jacente à la production des symptômes et répondant à certains critères spécifiques. Nous comprenons que madame est une personne dont le caractère comporte des traits un peu dramatiques et hyperémotifs, que l’on peut décrire comme histrioniques, avec d’autres traits de personnalité appartenant plutôt à la lignée obsessionnelle-compulsive. La revue de son histoire personnelle incluant l’histoire développementale ne met pas en évidence qu’elle aurait pu être victime d’un traumatisme précoce qui rende plus probable l’apparition d’un trouble de conversion à l’âge adulte, ni qu’elle ait démontré un style relationnel faisant apparaître une recherche intense d’attention et de sécurité affective par le biais d’une érotisation à outrance des relations. Madame ne paraît pas avoir jamais été très instable au plan émotionnel. Elle n’a pas d’histoire de victimisation ni de traumatismes sexuels qui serait également de nature à augmenter la probabilité qu’apparaisse une pathologie psychiatrique faisant intervenir les mécanismes de dissociation et de conversion nécessaires à l’apparition d’un trouble de conversion.

 

Il n’est pas non plus très évident qu’il existe des facteurs de risques familiaux de maladie mentale ni que l’hypothèse d’un trouble affectif bipolaire qu’avait retenu le docteur Thibodeau lors d’une consultation psychiatrique en 1995 ait été fondée.

 

Nous comprenons que madame a été hospitalisée en psychiatrie pour le traitement d’un épisode psychotique aigu qui a émergé après plusieurs mois de souffrances physiques envahissantes au cours desquels elle ressentait des symptômes mixtes d’anxiété et de dépression, et auquel a probablement contribué l’effet d’une médication antidépressive à laquelle elle est particulièrement sensible. Il est probable que c’est l’annonce qu’elle devrait être amputée après qu’elle ait tenté de tolérer pendant des mois des douleurs décrites comme très intenses et incommodantes qui a été le déclencheur de la crise psychotique et l’on constate que madame s’est rétablie rapidement de la manière typique d’une psychose aiguë réactionnelle et qu’il n’y a jamais eu de rechute. Elle n’a pas repris d’antidépresseurs pendant plusieurs années au cours desquelles elle ne manifestait plus les symptômes anxieux et dépressifs réactionnels présents à l’époque de sa crise psychotique et n’aurait commencé à montrer de nouveaux signes de détresse, qui ont incité son médecin traitant à lui prescrire des antidépresseurs après l’apparition d’un syndrome douloureux régional complexe suite à un essai infructueux de la soulager de ses douleurs au moyen d’une intervention chirurgicale.

 

Plusieurs des médecins qui ont examiné madame en étant munis d’examens diagnostics complets n’ont pas été en mesure de démontrer une base organique à des symptômes neurologiques très étranges et atypiques dont elle s’est plainte immédiatement après l’installation d’un neurostimulateur.

 

On a envisagé pour cette raison l’hypothèse d’un trouble de conversion que l’examen psychiatrique long et approfondi incluant une revue détaillée de son histoire personnelle et une étude approfondie des évaluations faites antérieurement lors d’épisodes de traitements pour des problèmes psychiatriques ne nous permet pas de démontrer. Nous constatons par ailleurs qu’il existe des discordances entre certains détails que nous constatons objectivement et des faits que nous rapporte madame par rapport à l’hypothèse d’un trouble de conversion. La façon dont elle réagit émotionnellement à ses problèmes locomoteurs et à ses douleurs aux jambes et au côté droit ne sont pas ceux auxquels nous pourrions nous attendre dans l’hypothèse d’un trouble de conversion.

 

Nous retenons notre opinion en ce qui concerne les problèmes d’anesthésie et de douleurs à l’hémiface droit, en indiquant qu’il n’est pas impossible qu’une partie des symptômes soit de nature psychogène et induits par les problèmes médicaux de madame qui sont nettement prépondérants, auquel cas il faudrait songer à l’hypothèse d’un trouble somatoforme surajouté à une pathologie médicale.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[85]        Le docteur Sirois retient donc un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur mixte, dépressive et irritable, de sévérité modérée et d’évolution chronique. Il mentionne cependant que ce diagnostic ne peut pas expliquer les symptômes physiques atypiques de la travailleuse qui découlent des douleurs chroniques et de l’aggravation de ses limitations depuis l’intervention pour la pose d’un neurostimulateur.

[86]        Dans un rapport complémentaire qu’il rédige le 31 janvier 2013, le docteur Sirois se prononce à l’égard de la consolidation de la lésion psychique en date du 10 janvier 2013 et de l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité psychique qu’il évalue à 5 % selon le Règlement sur le barème des dommages corporels[4] (le Barème) correspondant au code 222547 des syndromes névrotiques groupe 1 mineur.

[87]        Relativement aux soins ou traitements, le docteur Sirois est d’opinion que, hormis les interventions de soutien psychologique, il n’existe pas de traitement curatif autre que la correction de la condition physique à l’origine des symptômes psychologiques de la travailleuse. Il est d’opinion que la travailleuse ne conserve pas de limitations fonctionnelles d’ordre psychiatrique.

[88]        Le 7 février 2013, une décision conjointe est rendue par la CSST et la S.A.A.Q. en lien avec cette réclamation pour récidive, rechute ou aggravation qui est refusée par ces deux organismes. Pour la CSST, il n’y a pas de lien entre la réclamation pour la récidive, rechute ou aggravation du 18 juillet 2012 et l’événement initial du 17 janvier 1991. Pour la S.A.A.Q., il n’y a pas de relation entre les diagnostics de trouble d’équilibre, trouble anxiodépressif et algodystrophie réflexe à l’hémicorps droit posés le 18 juillet 2012 et l’accident d’automobile subi le 15 octobre 1997. Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.

[89]        Le 13 mars 2013, la travailleuse est évaluée par le docteur Duchastel, neurologue, à la demande de la CSST. Au terme de son évaluation, il conclut comme suit :

[…]

 

EN RÉSUMÉ

 

Ce dossier demeure complexe, étant donné l’incident initial du 17 janvier 1991. Au cours de la présente expertise, nous avons essayé de résumer la situation afin de répondre au questionnement de la juge administrative à la CLP, Maître Geneviève Marquis, qui a vu madame le 30 octobre 2012.

 

L’histoire a été très bien résumée par le docteur Jean-Pierre Bernier, neurologue, lors de son expertise du 6 octobre 2011. Il a constaté qu’il n’y a pas de raison organique pour expliquer l’hémiparésie droite et il suggère une somatisation. Le 7 février 2011, le Dr Jean-Maurice D’Anjou, physiatre, est du même avis.

 

AVIS MOTIVÉ

 

Ayant examiné ce volumineux dossier afin de répondre à l’interrogation de la juge administrative, Maître Geneviève Marquis, du 30 octobre 2012;

 

Considérant les conclusions de somatisation lors de l’expertise du docteur Jean-Pierre Bernier du 6 octobre 2011 et du Dr Jean Maurice D’Anjou du 7 février 2012;

 

Considérant mon examen neurologique d’aujourd’hui identique à celui des docteurs Jean-Pierre Bernier et Jean Maurice D’Anjou.

 

EN RÉPONSE À VOS QUESTIONS

 

1.     DIAGNOSTIC : Somatisation importante d’hémiparésie hémicorporelle droite.

 

2.     LA DATE DE CONSOLIDATION : En date d’aujourd’hui, le 13 mars 2013.

 

3.    DAP : Nous ne donnons pas de DAP en neurologie pour cette hémiparésie droite de nature somatique, mais nous la considérons comme telle. Nous pensons que le rapport du docteur Alain Sirois, psychiatre qui a procédé à une évaluation le 13 janvier 2013, dont nous n’avons cependant pas le rapport au dossier, est important à considérer.

 

4.    NATURE/NÉCESSITÉ/SUFFISANCE DE TRAITEMENTS : Il n’y a pas de nécessité de traitement en neurologie.

 

5. L’EXISTENCE DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES : II n’y a pas de limitation fonctionnelle en neurologie, mais le tableau psychiatrique pourra modifier celle-ci.

 

 

[90]        Il retient donc un diagnostic de somatisation importante d’hémiparésie hémicorporelle droite, consolide la lésion en date de son examen. Il considère qu’elle ne conserve aucune séquelle permanente au plan neurologique. Il mentionne au passage que l’avis du docteur Sirois dont il n’a pas copie devrait être pris en considération.

[91]        Le 3 juin 2013, le docteur Sirois rédige un rapport complémentaire. Après avoir pris connaissance de l’évaluation à laquelle a procédé le docteur Duchastel. il conclut comme suit :

[…]

 

Le docteur Duchastel mentionne dans ses conclusions avoir éliminé toutes les hypothèses neurologiques qui pourraient expliquer la plainte de faiblesse d’un hémicorps de madame G..., ce qui rend plus probable qu’un trouble de conversion ou un trouble somatoforme non spécifié reste la seule explication du problème, apparu subitement lors d’une procédure médicale que l’on pourrait voir comme un facteur de stress psychologique auquel madame G... peut avoir réagi inconsciemment en générant les symptômes décrits. Il s’agirait dans ce cas d’un trouble de conversion non consolidé, puisqu’il n’a pas fait l’objet d’interventions spécifiques par un psychothérapeute qualifié, capable d’utiliser les données médicales lors d’interventions de soutient comportant un volet de psychoéducation qui pourrait permettre la résolution complète de ce symptôme éventuellement.

 

[…]

 

 

[92]        Le 25 juillet 2013, le docteur Bougie rédige un rapport complémentaire en réaction aux évaluations des docteurs Duchastel et Sirois. Il n’est pas d’accord avec la conclusion de ces deux experts et considère que l’hypothèse la plus probable est un CRPS de type II en s’appuyant sur l’atypie de la présentation, sur la description de sensations de brûlure et de froideur de la peau, sur la variabilité de la douleur selon la température extérieure, sur l’augmentation de celle-ci par des stimulis légers et sur sa chronicité.

[93]        Le 18 septembre 2013, la travailleuse dépose une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation en regard du diagnostic de « épaule droite → RRA, chiropraxie utile, essai et continuité. »

[94]        Le 4 décembre 2013, la travailleuse consulte le docteur Stanley Élysée, neurologue, à la demande du docteur Cantin, neurochirurgien. À l’examen physique, il ne constate aucune évidence de déficit moteur au niveau des membres supérieur et inférieur gauches. Il note que l’évaluation motrice des membres droits est très difficile en raison des douleurs. À l’examen en position couchée, il constate une faiblesse globale de tous les groupes musculaires du membre inférieur droit, tant proximaux que distaux à 1-2 sur 5. Aucun mouvement contre gravité n’est possible. Elle ne présente pas de spasticité. Les réflexes ostéotendineux sont présents et relativement normaux à l’exception du rotulien droit qui est un peu plus vif, mais non diffusé et non accompagné d’une extension de la zone réflexogène. Sur le plan sensitif, il note une hypoesthésie subjective au tact et à la piqure de tout l’hémicorps droit, des orteils jusqu’au cou. Il n’y a pas d’évidence de trouble sensitif profond. Il n’y a pas d’erreur du sens de position. La station debout, les pieds joints est relativement bien supportée.

[95]        Au terme de son évaluation, le docteur Élysée émet l’opinion qu’il est difficile de caractériser cliniquement la symptomatologie que présente la travailleuse. Le caractère homolatéral du déficit sensitif superficiel et du déficit moteur et l’absence de spasticité ne font pas penser à une myopathie cervicale. Il rappelle que la symptomatologie a débuté après l’installation de la sonde de stimulation épidurale et que l’examen par résonance magnétique fait une semaine plus tard ne révélait aucune anomalie au niveau de la moelle cervicale. Il mentionne n’avoir aucune expérience en suivi de stimulation épidurale, mais a du mal à s’expliquer comment cette stimulation pourrait entraîner cette symptomatologie qui n’est pas compatible avec une atteinte médullaire. Il dit ne pas avoir d’explication à l’égard de la condition clinique que présente la travailleuse. Il émet l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une symptomatologie fonctionnelle et ne voit pas quel autre bilan complémentaire pourrait être réalisé. Il ne formule pas de recommandation particulière à l’égard du suivi de la travailleuse.

[96]        Le 6 décembre 2013, la travailleuse est évaluée par la docteure Hélène Masson, neurologue et membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle doit se prononcer à l’égard du diagnostic, de la consolidation, des soins ou traitements, de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

[97]        Au terme de son évaluation, elle retient ce qui suit :

 

 

 

[…]

 

DISCUSSION :

Depuis l’installation des électrodes épidurales le 27 juin 2010 Madame G... a développé une polysymptomatologie progressive à l’hémicorps droit impliquant l’hémiface, l‘hémicrâne, le thorax, l’abdomen et le membre inférieur droit et incluant des douleurs, une faiblesse musculaire, des troubles de la démarche, des troubles de sensibilité. À cela s’ajoute également une dysarthrie au froid, des difficultés à retenir ses urines et ses selles. Un début de symptomatologie est en train de se réinstaller à gauche.

 

À son examen neurologique, plusieurs examinateurs (neurologues, physiatres, 1 neurochirurgien) ont noté le caractère incongruant et inconsistant au point de vue anatomique et fonctionnel. Mon examen aborde dans le même sens à savoir qu’il n’y a pas d’évidence de pathologie neurologique évolutive chez cette patiente mis à part le syndrome régional complexe au membre supérieur droit. II n’y a pas de syndrome régional complexe en particulier au membre inférieur droit.

 

Il n’a pas de lésion structurale à sa RMN du cerveau ni à celle de la moelle qui explique une telle polysymptomatologie. La cartographie osseuse est par ailleurs normale.

 

Étant donné qu’il n’y a pas de désordres neurologiques identifiés à l’hémicorps droit et que je ne suis pas psychiatre, je retiens le diagnostic de trouble somatoforme selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-4) ou le diagnostic de troubles de symptômes somatiques selon le nouveau Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).

 

J’ai lu attentivement le rapport du psychiatre, le docteur Sirois, qui ne retient pas les diagnostics de conversion puisque nous n’avons pas identifié de facteur psychologique de stresseur pouvant expliquer cette conversion.

 

Dans son rapport Dr Sirois note cependant que madame G... a déjà présenté un épisode psychotique bref en 1995 probablement secondaire à l’annonce qu’elle devait être amputée. Madame G... s’est rétablie rapidement de cet événement psychiatrique et il n’y a pas eu de récidive. Il note aussi à son axe 11 la présence de traits de personnalités histrioniques et obsessionnelles compulsives. Ce qui peut quand même témoigner d’une certaine fragilité et d’un terrain prédisposant.

 

Dans son rapport complémentaire le Dr Sirois note que s’il n’y a pas de diagnostic neurologique retenu « Il s‘agirait, dans ce cas, d’un trouble de conversion non consolidé puisqu’il n’a pas fait l‘objet d‘une intervention spécifique par un psychothérapeute qualifié capable d‘utiliser les données médicales lors d‘interventions de soutien comportant un volet de psycho éducation qui pourrait permettre la résolution complète de ces symptômes éventuellement »

 

Le docteur Sirois a proposé de la faire voir par une équipe spécialisée dans ce domaine.

 

Il est vrai que l’approche typique pour un problème de ce genre, consistant à une intervention rapide et intensive dans laquelle il existe une composante physique qui vise la restauration fonctionnelle par le truchement d’exercices physiques et de réentraînement à l’effort. D’autre part, un suivi psychologique est amorcé pour discuter des conflits qui ont mené à cet état.

 

Je doute que cette approche renverse la symptomatologie actuelle pour les raisons suivantes:

1-La polysymptomatologie s’est installée depuis juin 2010 alors même qu’elle était en suivi prolongé en physiothérapie, en ergothérapie et en psychologie. Madame G... a quand même bénéficié de très bons intervenants dans le domaine.

 

2- L’un des facteurs prédictifs le plus important pour le succès d’une telle intervention est l’acceptation du diagnostic. Or madame G... est convaincue que l’ensemble de sa symptomatologie est secondaire à l’échec de l’installation des électrodes épidurales. Morgante F. et al Psychogenic movement disorders. Continuum 2013 :19(5) :1383-

1396.

 

3-La CSST a d’ailleurs déclaré la travailleuse inapte à exercer tout emploi rémunérateur, et ce, à la suite d’avis médicaux unanimes se rapportant à l’évolution de la condition de son membre supérieur droit depuis la RRA du 10 janvier 2010.

 

En ce qui me concerne, sur le plan neurologique, je suis donc en accord avec le diagnostic de trouble somatoforme retenu par le docteur Yves Duchastel.

Je retiens la date de consolidation comme étant du 6 décembre 2013 en date de mon examen.

 

Il y a suffisance des soins et des traitements sur le plan neurologique.

 

Je ne doute pas que les symptômes à l’hémicorps droit entraînent une grande détresse et d’importantes perturbations de la capacité à fonctionner dans la vie quotidienne, mais sur le strict plan neurologique je ne peux objectiver de déficit anatomique, il n’y a pas d’atteinte à l’intégrité physique et pas de limitation fonctionnelle.

 

Madame G... aura une évaluation en psychiatrie au BEM tel que demandé par la Commission des lésions professionnelles pour finaliser ce dossier très complexe où la lésion professionnelle date de 1991 avec RRA en 2010.

 

[notre soulignement]

 

 

[98]        Elle pose donc le diagnostic de nature psychiatrique de trouble somatoforme selon le DSM-IV ou encore celui de trouble de symptôme somatique selon le DSM-5. Elle ne voit aucune évidence de pathologie neurologique évolutive. Elle consolide la lésion en date du 6 décembre 2013 et est d’avis qu’au plan neurologique, il y a suffisance de soins ou traitements et que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[99]        Le 28 février 2014, la travailleuse est évaluée par la docteure Claudine Morand, physiatre, à la demande de son procureur. Fait à noter, la rencontre qui a débuté à 9 h 30 s’est terminée à 14 h 50. La travailleuse se déplaçait avec des béquilles canadiennes et avait dû quitter son domicile à 6 h 45 pour arriver à 9 h au bureau de la physiatre situé à Québec, ayant dû s’arrêter à deux ou trois occasions et changer fréquemment de positions en cours de trajet.

[100]     D’entrée de jeu, la docteure Morand fait une revue des différentes chirurgies et interventions subies par la travailleuse depuis l’événement initial du 6 janvier 1991. Elle ne constate aucun antécédent personnel, CSST ou familial pertinent à la lésion en cause.

[101]     Au plan psychosocial, la docteure Morand inscrit que la travailleuse vit seule depuis une dizaine d’années, sans personne à charge. Elle habite dans un trois et demi au deuxième étage avec un escalier de 14 ou 15 marches situé à l’extérieur pour y accéder. (À l’audience la travailleuse a fourni une photo de cet escalier démontrant  que la rampe se situe à droite lorsque la travailleuse doit gravir l’escalier). Elle indique que la travailleuse prévoit déménager dans un quatre et demi le 1er mai 2014 pour faciliter ses déplacements et les rendre plus sécuritaires. Ce nouveau logement sera muni d’un palier intérieur de quatre ou cinq marches pour y accéder. Elle confirme que la travailleuse a occupé l’emploi de technicienne en éducation spécialisée jusqu’au 9 janvier 2010, cumulant trois emplois à ce même poste. Puis, la docteure Morand procède à un historique exhaustif au plan médical et au niveau des investigations.

[102]     À l’examen physique, la docteure Morand constate ce qui suit :

[…]

 

EXAMEN PHYSIQUE :

 

L’examen physique s’est fait de 12 h 30 à 12 h 50; Madame était souffrante fatiguée, spasmée malgré la prise de Motrin le matin.

Cette dame mesure 4’11 et pèse 95 livres sur la balance, ce qui est une diminution d’environ 12 à 13 livres.

Elle s’est présentée avec ses 2 béquilles canadiennes et accompagnée d’un bénévole pour lui apporter son sac qu’elle ne peut transporter elle-même.

 

Elle collabore bien et est constante dans ses réponses directes et identiques, comme elle le fait avec les autres médecins consultants, spécialistes ou intervenants.

C’est une personne qui semble être crédible tout le long de l’entrevue et qui démontre les mêmes difficultés à marcher et dans son trouble de mouvement impliquant son membre supérieur droit et inférieur droit.

 

La démarche sur les talons et les pointes était impossible.

 

Elle présente un spasme récurrent au membre supérieur droit et décrit des sensations de courants électriques au membre supérieur droit et au membre inférieur droit, au simple mouvement ou effort léger, correspondant à de l’allodynie. Tout l’hémicorps droit est ressenti différent au toucher et la piqure de l’hémicorps gauche, comme décrit sur la feuille du schéma corporel.

La compression légère des MCP (métacarpo-phalangienne) reproduit sa douleur, ainsi que des MTP (métatarso-phalangienne) au niveau des orteils. Elle doit changer de position fréquemment, tout au long de l’entrevue, environ aux 10 à 15 minutes; lorsqu’elle est debout, elle prend appui sur les meubles ou garde une position de flexion de son genou droit.

La température et la sudation sont normales et symétriques aux membres supérieurs et inférieurs. La coloration de la main droite est plus foncée au site des chirurgies antérieures et surtout le 3 ième MCP.

Pas d’œdème ou de changement de coloration aux orteils.

Cependant, sur la photo du 23 juin 2013, on constate le gonflement de presque toutes les orteils du pied droit comparativement à celles de gauche.

Pas de lésion des ongles, ni de changement de la pilosité.

Les réflexes ostéotendineux sont évalués à 2/4, soit bicipital, tricipital et stylo-radial droits et gauches et à 2/4 pour les rotuliens et achilléens droits et gauches.

À la piqûre et au toucher, il y a diminution de la sensibilité d’environ 50 % à l’hémicorps droit.

Le Tinel est négatif à gauche, alors que le Phalen est légèrement positif à gauche.

 

[…]

 

Pas de fasciculation, ni atrophie significative.

 

La mesure des forces de préhension a été faire à l’aide d’un dynamomètre au Cran 2 :

 

[…]

 

Il est difficile d’évaluer les amplitudes articulaires de l’épaule droite, du coude, du poignet et des doigts, à cause des spasmes provoqués.

 

La manœuvre de Spurling était négative aux membres supérieurs; il n’y a cependant pas d’ankylose. Elle est toujours incapable de faire activement les mouvements de la hanche, du genou et du pied. Cependant, passivement, les amplitudes articulaires sont complètes. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle ne peut bouger son membre inférieur droit, elle répond spontanément « c’est comme si il était absent ».

Ce phénomène de pseudo-négligence motrice est bien décrit dans la littérature. (Voir la discussion)

 

[…]

 

Mentionnons qu’il n’y a pas de Hoffmann, que les cutanés plantaires sont en flexion. Pas de clonus aux membres inférieurs.

 

Signes physiques ce jour en relations avec les critères de Budapest pour le SDRC :

 

Madame a effectivement de l’hyperalgésie mécanique dès qu’on la fait forcer ou tenir debout, un changement de coloration au niveau de sa main droite, 3ème MCP; et de l’allodynie à la compression des MTP et des MTP.

Il n’y a pas de gonflement, ni de changement de sudation aux 4 membres.

Cependant, il y a une faiblesse antalgique associée à un trouble de mouvements et de la motricité touchant le membre supérieur droit et le membre inférieur droit (démarche saccadée, spasmée avec tremblements du membre supérieur et inférieur droit).

J’ai regardé les photos et le CD qu’elle m’a remis de même qu’au Dr Masson, démontrant l’hyperalgésie thermique au froid et son impact sur la démarche et son parler.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[103]     Au terme de son évaluation, la docteure Morand élabore en détail les éléments qui l’amènent aux conclusions qu’elle retient. Étant donné la complexité du présent dossier, le tribunal croit utile de reproduire en entier cette discussion :

[…]

 

DISCUSSION:

 

Le 30 janvier 2012, Madame Geneviève Marquis, commissaire de la CLP déclare cependant incomplète l’évaluation de la condition de la travailleuse dans le cadre de la lésion professionnelle qu’elle a subie à compter du 10 janvier 2010.

Elle retourne le dossier à la CSST afin que cette dernière obtienne une évaluation de la condition psychique de la travailleuse, de même qu’une évaluation neurologique complémentaire, en lien avec l’évolution détériorée de madame G....

 

Il est important de revoir les différentes évaluations qui nous renseignent sur l’évolution de Madame en lien avec sa condition physique.

Étant physiatre, je constate les différents diagnostics psychiatriques émis, et je crois que le premier diagnostic émis par le Dr Sirois, le 10 janvier 2013, de trouble d’adaptation rejoint celui de Monsieur Veilleux, son psychologue, du 29 juin 2010, décrit au BEM du Dre Masson, neurologue, en décembre 2013 : que l’adaptation à la douleur a toujours été très sollicitante et est devenue si exigeante a cours de la dernière année qu’elle dépasse ses capacités d’adaptation.

 

Madame avait déjà été évaluée en neurologie par le Dr Bernier du 6 octobre 2011:

Au bilan des séquelles, le DAP pour le membre supérieur droit totalise 24.30 % et les limitations fonctionnelles sont:

 

À mon avis, le déficit sensitivo-moteur à la main droite, combiné aux séquelles d’ordre purement orthopédique, de même que le taux de sévérité du syndrome de douleurs chroniques réfractaires ont entraîné un état d’incapacité complètement permanente.

De plus, Dr Bernier mentionne que l’atteinte motrice alléguée au membre inférieur droit de même qu’à la partie proximale du membre supérieur droit est probablement de nature non organique.

Ce qui diffère donc de l’examen du Dr Léo Cantin en pré-opératoire, qui décrit l’irradiation de la douleur en proximale du membre supérieur droit, donc son territoire, la posture dystonique, la faiblesse antalgique et le déficit sensitif de C5 à C8, qui en fait représente tout le membre supérieur droit, qui a justifié l’implantation du neurostimulateur. (rf : selon l’historique de BEM du Dr Masson en décembre 2013 :

 

Puis Iors des visites subséquentes, le Dr Cantin, neurochirurgien, décrit bien le 5 juillet 2011, la propagation de la douleur qui atteint maintenant l’hémiface droite et l’hémicorps droit. Je me questionne pourquoi il a considéré que la propagation de la douleur et le déficit sensitif au membre supérieur droit en lien avec le SDRC et le reste comme de la somatisation, ou non organique, tel que mentionné par le neurologue, Dr Bernier.

 

La littérature médicale à ce sujet, révèle ceci :

 

La douleur est le symptôme majeur du SDRC, selon Dr Nadine Attal, La Lettre. P 3 :

- qui est initialement limité au territoire lésé, mais qui peut secondairement s’étendre aux régions proximales, voir à tout l’hémicorps ou aux membres controlatéraux, comme rapporté par Mitchell dans les causalgies (Bonica 1990, Livingston 1976, Veldman et Goris 1996 et al).

- il s’agit d’une douleur spontanée, continue, avec des paresthésies/dysesthésies, des brulures, d’intensité variable, telle qu’elle empêche toute activité.

- elle est presque toujours aggravée par l’effort et des facteurs psychologiques (le stress, les émotions).

-des douleurs provoquées indépendantes de la douleur spontanée, sont observées dans 70 % des cas :

allodynie/hyperalgésie mécanique ou thermique, notamment au froid, (Blumberg et Jänig,1994, et al)

 

Selon le volume de la Pathologie de l’appareil locomoteur de Bergeron, Fortin, Leclaire, p. 1037:

 

En 1993, Veldman a publié sur le sujet la plus grande étude prospective sur une population sélectionnée et a décrit qu’un traumatisme, principalement une fracture, précédait le syndrome douloureux dans 65 % des cas et une chirurgie, dans 19 % des cas. Les symptômes avaient débuté dans les 24 premières heures dans 75 % des cas.

Donc l’atteinte hémicorporelle a débuté rapidement après l’installation des électrodes par le Dr Cantin, en juin 2010.

 

Les principaux facteurs prédisposant au SDRC du membre supérieur droit ont été les chirurgies orthopédiques de la main avec les amputations, ainsi que la neurolyse du nerf médian pour les facteurs liés aux traitements, qui ont fait suite au facteur lié à l’évènement, initial, la lésion des tissus mous par la brulure de l’index droit. De plus, il est reconnu comme facteur lié au patient selon monsieur Veilleux, le psychologue, Madame était dépressive avant l’installation des électrodes, ce qui est un autre facteur prédisposant au syndrome douloureux régional complexe.

 

Donc pour la RRA, l’examen physique peut ne pas révéler les signes de catégorie 2 (les changements vasomoteurs) et de catégorie 3 des critères de Budapest (l’activité sudomotrice excessive anormale et asymétrique).

Malgré ces informations qui distinguent l’évènement initial de la RRA, au cours de l’évolution les critères de Budapest sont-ils respectés pour porter le diagnostic avec une bonne sensibilité et spécificité?

Selon l’article du Centre patronal de santé et sécurité du travail du Québec, août 2011, p. 2 & 3 :

 

- La douleur est continuelle et disproportionnée par rapport à l’évènement initial.

 

- Madame rapporte au moins un symptômes dans 3 catégories sur 4 :

- Les dysesthésies sous formes de chocs électriques à tout l’hémicorps;

- Les changements de coloration à la main et au pieds droits, les gonflements des orteils qu’elle a photographiés;

- L’atteinte de la motricité, touchant l’hémicorps, dont la faiblesse et les chutes, les tremblements et les spasmes...

 

- Le médecin rapporte au moins un signe dans 2 des catégories sur 4 :

- L’allodynie et l’hyperalgésie pour la catégorie 1 (troubles de la sensibilité);

- Les atteintes de la motricité, dont la dysfonction motrice touchant l’hémicorps droit: faiblesse, tremblements et dystonie, pour la catégorie 4.

 

- Il n’y a aucun autre diagnostic qui puisse mieux expliquer les symptômes (l’intensité de la douleur) et les signes (perte fonctionnelle).

 

- Ce qui rejoint l’avis du DR Réjean Bougie, son médecin de famille dans son rapport complémentaire du 25 juillet 2013 après la lecture des rapports des Drs Duchastel et Sirois : le seul diagnostic probable est le SDRC de type II probable, de cette douleur crucifixante, d’autant plus qu’il est sévère selon l’avis des neurochirurgiens (Dr Turcotte et Or Cantin) et invalidant le travail, la marche avec béquilles canadiennes, la conduite automobile avec un véhicule adapté à cause de la faiblesse du membre inférieur droit par la SAQ, etc...

 

Mentionnons quelques signes décrits par d’autres spécialistes au dossier:

le tableau d’hyperalgésie du membre inférieur droit a bien été décrit à l’examen sensitif par la neurologue Dre Dionne le 17 aout 2010 et d’allodynie à l’hémicorps par la physiatre Dr Dahan le 27 septembre 2011, ce qui objective les troubles de la sensibilité de catégorie 1, de critères de Budapest.

La dysfonction motrice ou la catégorie 4, a été décrit par plusieurs intervenants, dont la faiblesse, ou le déficit moteur (Dr Elysée, le 4/12/2013) les tremblements, les déformations dystoniques du membre supérieur et inférieur droits (Dr Cantin, le 5/7/2011).

Le Dr Bernier, avait décrit le désordre du mouvement qui s’apparente à une composante dystonique le ainsi que les tremblements le 6 octobre 2011.

 

À l’examen clinique du SDRC : mentionnons que dans la définition du syndrome douloureux régional complexe (BFL page 1037), le syndrome est associé à un moment ou un autre de l’évolution, à de l’allodynie ou à de l’hyperalgésie, à de l’œdème, à un changement du flot sanguin cutané ou à une activité sudomotrice anormale.

Une atteinte de la motricité se retrouve dans presque tous les cas, associée ou non à des changements trophiques. Le syndrome peut évoluer différemment dans le temps.

 

Il est probable que les mécanismes périphériques initiaux mènent progressivement à une intégration centrale de la douleur qui se manifesterait, avec le temps, par un comportement moteur semblable à celui des accidents vasculaires cérébraux (BFLp.1039). À l’examen physique (p.1043) on mentionne que l’intolérance au froid est plus fréquemment observée en phase chronique ou dans le syndrome douloureux régional complexe de type II. L’allodynie se retrouve chez 30 à 74 % des patients et est associée aux formes les plus sévères, celles qui ont tendance à perdurer. On observe une hypoesthésie du membre atteint chez la moitié des patients.

En phase chronique, elle est également présente à l’hémicorps ipsilatéral dans 33 % des cas. On observe une hypoesthésie dans le territoire du trijumeau dans 49 % des cas de SDRC du membre supérieur (BFL 1043).

 

Dans ce dossier, l’atteinte de la motricité au membre inférieur droit, même si elle n’est pas associée à des changements trophiques (sauf sur les photos du pied droit) est associée à une douleur importante et un trouble sensitif qui a bien été documenté par les différents spécialistes. L’intolérance au froid est démontré sur le vidéo.

 

Quelle est la physiopathologie qui explique le SDRC?

Elle n’est pas complètement élucidée.

Selon les études récentes (BFL p.1038), les systèmes nerveux périphérique et central (somatosensitif et somatomoteur) jouent un rôle tout aussi important que le système sympathique dans la génèse et le maintien de ce syndrome douloureux.

 

L’allodynie mécanique, l’hyperalgésie cutanée, la douleur spontanée observée chez les patients qui présentent un syndrome douloureux régional complexe pourraient s’expliquer par la présence de cette sensibilisation centrale, principalement spinale.

 

Les signes sensitifs s’étendent au-delà de la région douloureuse de l’extrémité atteinte, dans la grande majorité des cas. Ils ont conclu que les altérations fonctionnelles du système nerveux central peuvent entraîner une atteinte sensitive ou motrice chez les malades présentant un SDRC.

 

Selon l’article « Syndrome douloureux régional complexe » mai 2009, diapo 13 et 14, chez 70 % des patients, il existe sur le membre concerné, en dehors de la zone douloureuse, des troubles sensitifs à type hypoesthésie et peuvent avoir une topographie hémicorporelle chez 33 % d’entre eux. La sensation de « membre étranger » se retrouve chez 30 %, tel que le mentionne Madame pour son membre inférieur droit.

 

Y-a-t-il un lien entre les troubles sensitifs à l’hémicorps droit décrits, la douleur et les troubles du mouvements? Selon le volume de Pathologie de l’appareil locomoteur, p 1039:

En phase chronique, les troubles sensitifs résulteraient d’un mécanisme de centralisation de la douleur ou du système nerveux central (SNC);

La diffusion des troubles sensitifs ayant une topographie hémicorporelle dont touchant tout l’hémicorps est d’environ 33 % des cas. (Rf.: SDRC, Unité de douleur Catherine de Sienne, mai 2009, #13)

Rommel et coll. ont noté une augmentation de la fréquence de l’allodynie mécanique et des troubles de mouvements chez les patients qui présentaient un déficit sensitif dans l’hémicorps ipsilatéral, contrairement à ceux qui présenterait un déficit limité au membre douloureux (BFL p. 1039)

Veldmann a rapporté une augmentation de la prévalence des troubles du mouvement en lien avec la durée du SDRC; ce qui suggère que les mécanismes spinaux et supra-spinaux pourraient expliquer le symptôme moteur observé dans le syndrome douloureux régional complexe (BFL p.l039)

 

Dans le présent dossier, l’évènement initial a été en 1991 et la RRA en 2010, c’est donc très chronique et probablement pas réversible après plus de 2 ans d’évolution.

 

En phase chronique du SDRC, les motoneurones seraient exposés à une stimulation sensitive exagérée pouvant entraîner une posture en retrait du membre ou une dystonie.

La dystonie ou la myoclonie peuvent se développer suite à une réorganisation corticale sous-corticale particulièrement après une atteinte nerveuse périphérique. Le syndrome douloureux régional complexe est de façon de plus en plus évidente une maladie systémique qui implique à la fois le système nerveux central et les systèmes nerveux périphériques.

 

Des troubles de la fonction motrice ont été observés aussi par Bierklein chez la très grande majorité des patients, tels qu’une faiblesse, une perte de mouvements actifs, des troubles de la coordination, des tremblements, des myoclonies et de la dystonie. Des troubles moteurs tendent à persister en phase chronique et ils expliquent souvent à eux seuls la perte fonctionnelle vécue par les patients après plusieurs années d’évolution.

Malgré la faiblesse musculaire, les études électromyographiques et les potentiels évoqués somatosensitifs sont normaux.

Une posture dystonique accompagne près du tiers des cas de SDRC sévère et prolongé, particulièrement si le tonus musculaire est augmenté. Une progression proximale peut conduire à une posture à flexion du coude; parfois, on retrouve un equinus de la cheville et plus rarement, une flexion du genou peut s’observer lors d’une atteinte du membre inférieur (BFL p. 1044). Une dystonie, de façon intermittente, peut survenir dans 30 % des cas, après des activités répétitives ou même lors des mouvements volontaires isolés. On observe des tremblements et parfois, un comportement de surprotection et d’héminégligence.

 

Quant à la démarche atypique décrite chez madame G..., je réfère à l’article « Fondation internationale de recherche sur le DSR/SDRC » où on explique ainsi le problème de mouvements: Ils ont de la difficulté à se mouvoir parce qu’ils ont mal lorsqu’ils bougent; de plus, iI semble exister un effet inhibiteur direct sur la contraction musculaire. Ils décrivent une difficulté à initier le mouvement, comme s’ils présentaient des articulations rigides, des tremblements et des secousses involontaires sévères peuvent même être présentes. Le stress psychologique peut exacerber ces symptômes. La survenue de crampes musculaires peut être sévère et complètement incapacitante. Certains patients décrivent un « arrêt des muscles » des membres, en raison de l’augmentation du tonus, ce qui laisse les doigts et les orteils dans une position fixe (dystonie). Les patients atteints de mouvements tellement bizarres peuvent être inexactement diagnostiqués d’un trouble de mouvements psychogénétique. De plus, le fait que les changements comportementaux extrêmes surviennent souvent après une lésion plutôt insignifiante chez les patients avec syndrome douloureux régional complexe (SDRC) peut faire penser que le patient est atteint d’un trouble psychogénétique (texte p.6). Des critères spécifiques de diagnostics ont été établis pour les diagnostics de troubles de mouvements psychogénétiques dans les cas du SDRC (réf. 10, article de Fahns, dans Dystonie, Advance and Neurology paru en 1988. Malheureusement, les médecins ne suivent pas quelques fois ces directives de diagnostics et rapportent avec insouciance un trouble psychogénétique. Ce diagnostic erroné peut être accablant pour le patient. De plus, un examen clinique parfois utilisé pour démontrer que le patient est en train de simuler une faiblesse musculaire est appelé « détection de la faiblesse ». Cet examen n’est pas un indicateur fiable de mouvements psychogénétiques.

 

La conclusion du Dr Masson, neurologue au BEM, est un trouble somatoforme, sans déficit anatomique objectivé ni limitation fonctionnelle, sur le plan neurologique strictement, chez une patiente qui a un SDRC sévère indéniable.

Donc, le problème de madame relève essentiellement de la psychiatrie, alors que le SDRC est une maladie du système nerveux central et/ou périphérique, sans lésion démontrable avec les IRM standard, les EMG, comme on le retrouve dans d’autres diagnostics en lien avec la douleur, telle que la fibromyalgie et les migraines par exemple.

 

Pour les psychiatres, les conclusions sur les diagnostics sont également variables et dépendent de celle des neurologues, qui recherchent une lésion objectivable, comme mentionné par Dr Stanley, par des examens complémentaires.

Or, iI n’en existe pas de test ou d’examen radiologique spécifique pour valider le diagnostic du SDRC et la littérature médicale est constante à ce sujet, c’est la condition clinique au questionnaire et à l’examen physique qui confirme ou non le diagnostic. Donc tous les examens peuvent être normaux, incluant la scintigraphie osseuse.

Il est assez surprenant que les critères de Budapest, n’aient pas été cités ou décrits dans ce volumineux dossier de CRPS, à ma connaissance.

 

D’où l’importance de référer cette clientèle à des spécialistes (neurologue, anesthésiologiste, physiatre psychiatre, etc.) qui ont de l’expertise en douleur chronique et l’expérience clinique avec ces patients diagnostiqués de SDRC et l’évolution de ces patients afin de bien diagnostiquer et orienter les traitements.

Dans ma pratique actuelle en physiatrie, je suis l’évolution de certains patients ayant des CRPS sévères et touchant l’hémicorps depuis plus de 15 ans, j’ai fait installé des neurostimulateurs, demander des sympathectomies, lorsque le traitement médical n’était pas suffisant, etc. La douleur chronique est ma concentration principale comme médecin formateur et en formation médicale continue.

 

Finalement, pour le dernier BEM en psychiatrie, le Dr Laliberté a conclu que c’est un trouble de conversion, non consolidée. Pourtant, le Dr Sirois explique que la façon dont madame réagit émotionnellement à ses problèmes locomoteurs n’est pas celle à laquelle il pourrait s’attendre dans l’hypothèse d’un trouble de conversion. De plus, Madame n’a pas les critères de belle indifférence, comme le décrit Dr Laliberté et la durée des symptômes est très longue, malgré les traitements reçus en psychologie, par le même psychologue qui l’a accompagnée pour le retour aux études, et la réorientation professionnelle, avec succès pendant quelques années. Les critères cliniques sont-ils suffisants pour supporter ce diagnostic et débuter d’autres traitements en psychologie, tel que recommandé?

Rappelons que Dr Cliche, psychiatre, qui a suivi madame pendant son hospitalisation (de plus de 2 semaines) ne retient pas de diagnostic de trouble de personnalité, mais une dépression majeure en lien avec son traumatisme, que le Dr Bougie son médecin traitant depuis de nombreuses années, maintient son opinion de syndrome douloureux régional complexe de type II et traite la douleur sévère avec des narcotiques et une approche multimodale. Ça semble aussi complexe à ce niveau, la douleur prédomine-t-elle dans la conversion?

 

Par définition le SDRC: la douleur est la condition sine qua non du diagnostic, de même que la notion de distribution « régionale » et le terme « complexe » dénote la nature variée et dynamique de la présentation clinique pour un même patient au cours du temps, ainsi que d’un patient à l’autre. (Rf: La lettre de l’institut UPSA de la douleur, p.2)

 

La complication d’une atteinte de l’hémicorps se retrouve chez 33 % des patients qui présentent un syndrome douloureux régional complexe et comme Madame a eu une causalgie (ou CRPS de type II) de type sévère, dont elle n’a jamais mis en doute le diagnostic, ou non accepté. [sic]

 

 

[104]     La docteure Morand conclut qu’il est fort probable que la travailleuse a développé un syndrome hémicorporel dans le contexte de multiples interventions chirurgicales subies, telles des amputations, la neurolyse, l’implantation d’un neurostimulateur spinal avec une condition psychologique fluctuante ou dépressive avant l’implantation des électrodes, d’une complication possible de la neurostimulation à un niveau où la moelle épinière est comprimée (mal position des électrodes qui ont été repositionnées) tout comme l’échec avec le neurostimulateur transcutané. Elle rappelle que les critères de Budapest sont présents, tant au membre supérieur qu’au membre inférieur droits et que la littérature médicale supporte un diagnostic uniciste de CRPS de l’hémicorps droit avec ses composantes douloureuses, physiques et psychologiques. Ceci l’amène donc à poser le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe de tout l’hémicorps droit considérant que le syndrome déjà présent au membre supérieur droit s’est propagé à la suite de la neurolyse faite en janvier 2010 et l’implantation d’électrodes en juin 2010 au membre inférieur droit.

[105]     La docteure Morand réfère ensuite à la littérature médicale relative au facteur aggravant d’un SDRC dont notamment le volume Pathologie de l’appareil locomoteur, 2008, deuxième édition de Bergeron, Fortin et Leclerc. Elle réfère notamment au mécanisme d’aggravation d’un SDRC en précisant ce qui suit :

[…]

 

Comment l’aggravation ou RRA du SDRC se manifeste-t-elle? Selon le volume « Pathologie médicale de l’appareil locomoteur de Bergeron, Fortin et Leclaire 2008, p. 1045, au paragraphe intitulé : RECHUTE OU AGGRAVATION:

Initialement, les signes et symptômes se retrouvent à l’endroit du traumatisme. Ils peuvent devenir plus diffus, migrer proximalement et s’étendre au thorax et à l’hémiface.

Le syndrome réapparaît localement après une période de quelques mois ou quelques années. Le syndrome douloureux peut survenir à distance après quelques mois ou quelques années. Les, chute ou aggravation après le traumatisme initial prennent la forme d’un syndrome douloureux. Dans la très grande majorité des cas, les changements vasomoteurs ou sudomoteurs sont absents. Il s’agit d’un syndrome douloureux accompagné d’hyperesthésie ou d’allodynie.

 

- une atteinte cérébrospinale affectant la station debout et la démarche, code 211176, de classe II, 20 %, car Madame peut se lever debout et marcher, mais ne peut négocier la dénivellation, les escaliers, les terrains accidentés et de longues distances sans requérir une aide mécanique ou autre;

- une classe II, 20 %, code 311228 (volume du barème, pages 138-139) Madame peut utiliser le membre atteint pour saisir et tenir sans difficulté pour ses besoins personnels, mais avec difficulté â manipuler; atteinte unilatérale DAP 20 %, code 311228;

- également une atteinte pour la bilatéralité pour le syndrome du canal carpien gauche documenté à l’EMG: code 100526, tunnel carpien sans décompression, sans séquelles fonctionnelles, mais avec changements électromyographiques, DAP 1 %,

 

Il faut retenir que le syndrome douloureux régional complexe est un diagnostic essentiellement clinique où s’associent douleur, œdème, troubles vasomoteurs et la condition psychologique n’est pas un facteur prédisposant (article du Centre patronal de Sante et Sécurité du travail du Québec, août 2011) Le SDRC n’ est plus considéré comme une déficience qui apparait en raison des conditions préexistantes telles qu’une maladie métabolique ou une prédisposition psychologique (trouble de personnalité, anxiété) ne sont plus considérées comme des causes préalables. Les troubles de la motricité, du mouvement ou d’une démarche atypique ont bien été documentés dans la littérature par les experts reconnus mondialement pour le syndrome douloureux régional complexe.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[106]     La docteure Morand est d’avis qu’il existe une relation entre l’événement initial du 17 janvier 1991 et la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010 à la suite de la neurolyse du nerf médian et du 10 août 2010 à la suite de l’implantation du neurostimulateur épidural.

[107]     Au niveau des soins ou traitements, elle recommande, tout comme le faisait le docteur Baribeault, une prise en charge par une équipe multidisciplinaire et une rééducation fonctionnelle comportant notamment un programme par imagerie motrice. Elle croit qu’un support psychologique à long terme est important, d’où l’intérêt d’une équipe multidisciplinaire.

[108]     Le 3 mars 2014, la travailleuse est évaluée par le docteur Richard Laliberté, psychiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale. Il doit se prononcer à l’égard du diagnostic, de la date de consolidation, des soins ou traitements, de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles relativement à la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010.

[109]     Au terme de son évaluation, le docteur Laliberté se prononce ainsi à l’égard du diagnostic :

[…]

 

1- Diagnostic :

 

Inutile de rappeler la complexité du dossier, mon opinion tient compte cependant du fait qu’on ne peut expliquer sur une base neurologique ou organique, la symptomatologie présentée par madame G... en lien avec les plaintes de difficultés au membre inférieur droit.

 

Au niveau diagnostic, devant une telle situation, trois hypothèses sont à considérer :

 

1- La simulation;

 

2- Trouble factice avec symptômes physiques;

 

3- Conversion.

 

1- Simulation : Il s’agit d’une situation clinique où une personne produit intentionnellement des symptômes physiques ou psychologiques en étant motivé par des considérations extérieures, entre autres à la recherche de gains secondaires. Je ne retiens personnellement pas cette hypothèse chez madame G.... Les problématiques présentes chez madame G... sont très importantes, incapacitantes, elles ont été observées par plusieurs intervenants. Bien qu’on puisse mettre en évidence certains gains secondaires possibles en lien avec la symptomatologie rapportée par madame G..., ceux-ci ne m’apparaissent actuellement pas très importants considérant le fait par ailleurs que madame a été considérée comme étant inapte à tout emploi. Je ne pense pas qu’on puisse retenir un tel diagnostic pour expliquer la condition clinique chez madame G....

 

2- Trouble factice: il s’agirait d’une situation où une personne produit volontairement des symptômes physiques ou psychologiques dont la motivation principale n’est pas d’obtenir des gains secondaires, mais plutôt celui de : « jouer le rôle de malade ». Dans une telle situation, il n’y aurait pas de motif extérieur pour expliquer le comportement ou si ceux-ci sont présents, ils ne sont pas majeurs. Je ne pense pas que madame G... produise intentionnellement une symptomatologie et à mon avis, on peut éliminer le diagnostic de trouble factice.

 

3- Trouble de conversion: Dans le trouble de conversion, il y a présence de symptômes de déficit touchant la motricité ou les fonctions sensitives ou sensorielles. Par définition, il n’y a pas de cause organique pour expliquer le tableau clinique. La symptomatologie alléguée n’est pas produite de façon intentionnelle, la personne qui la rapporte est réellement convaincue de souffrir d’un trouble physique et les motifs qui sous-tendent cette production de symptomatologie sont inconscients.

 

Il est toujours difficile de retenir un diagnostic de trouble de conversion. On doit s’assurer qu’il n’y a aucune cause organique pour expliquer le tableau clinique, ce qui semble être le cas chez madame G.... Il arrive qu’on retrouve quelques années suivant un diagnostic de trouble de conversion, une cause organique qui n’avait pas, au préalable, été diagnostiquée.

 

On retrouve la plupart du temps chez les personnes présentant un tel diagnostic, des caractéristiques propres à leur personnalité alors qu’on parle d’attitude dramatique ou de traits de personnalité de nature histrionique. Il y a parfois histoire de troubles dissociatifs ou de dépression majeure. Bien qu’il puisse y avoir présence de gains secondaires ou avantages reliés à la symptomatologie présente, une telle situation ne peut expliquer en elle-même, l’apparition de la symptomatologie. Le processus est inconscient. Par définition, la personne qui en souffre est absolument convaincue du caractère organique de problèmes qu’elle présente.

 

On a décrit également chez les personnes présentant une telle symptomatologie, le phénomène de la ‘belle indifférence’ alors qu’on observe souvent chez les personnes qui souffrent d’un trouble de conversion, qu’ils sont peu concernés la symptomatologie, cette situation n’étant pas rare elle ne constitue pas cependant un critère diagnostic pour pouvoir poser le diagnostic de trouble de conversion. On décrit parfois au contraire, des attitudes dramatiques et de natures histrioniques. Madame G... ne m’apparaît pas présenter le phénomène de ‘belle indifférence’, mais cette situation ne permet pas d’exclure le diagnostic de trouble de conversion.

 

Dans la majorité des cas, la symptomatologie apparaît de façon aiguë et a une durée relativement brève. Dans le dossier qui nous intéresse, l’apparition de la symptomatologie s’est faite rapidement après l’intervention de juin 2010, on doit parler actuellement d’une situation qui se chronicise. Le fait que la symptomatologie persiste depuis longtemps n’exclut pas le diagnostic de trouble de conversion.

 

Après avoir évalué l’ensemble du dossier et suite à ma rencontre avec madame G..., en tenant compte du fait qu’il est évident que les problématiques au membre inférieur droit ne peuvent être expliquées sur une base médicale et compte tenu du style de personnalité de madame G..., d’un antécédent d’épisode psychotique bref, de la symptomatologie présente, mon opinion est à l’effet que madame G... présente un diagnostic de trouble de conversion.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[110]     Le docteur Laliberté est d’opinion que la lésion n’est pas consolidée et recommande de reprendre un suivi psychothérapeutique et d’envisager une référence au service psychiatrique de la région. Il est donc trop tôt pour qu’il se prononce à l’égard d’une éventuelle atteinte permanente à l’intégrité psychique et l’existence de limitations fonctionnelles.

[111]     Le 7 mars 2014, la travailleuse communique avec madame Catherine Laroche, agente d’indemnisation responsable de son dossier à la CSST. Elle l’informe alors qu’elle déménagera en mai prochain et demande si la CSST peut rembourser les frais de déménagement (mise en boîte et déplacements) puisqu’elle n’est pas en mesure d’accomplir ces tâches. L’agente d’indemnisation l’informe qu’elle n’aurait pas droit à un tel remboursement puisque la CSST rembourse les frais pour le déménagement dans les cas où le travailleur doit se relocaliser pour se rapprocher de son travail. Puisque la travailleuse n’est pas éligible, étant inemployable, elle n’a pas droit à ces remboursements. Malgré ce refus, la travailleuse l’informe qu’elle lui fera parvenir deux soumissions et lui demande une réponse par écrit, ce à quoi l’agente d’indemnisation répond qu’elle devra d’abord faire elle-même une demande par écrit.

[112]     Lors d’une conversation téléphonique subséquente le 7 avril 2014, l’agente d’indemnisation informe la travailleuse que la CSST se prononcera sur ses demandes de remboursement telles que le déménagement, l’achat d’un quadriporteur et l’adaptation de son véhicule lorsque sa lésion sera consolidée. La travailleuse va tout de même transmettre la prescription pour le déménagement et les soumissions que l’agente mettra au dossier en attente de la consolidation.

[113]     Le 1er mai 2014, la CSST rend une décision refusant de rembourser des frais de déménagement réclamés par la travailleuse. Ce refus est confirmé à la suite d’une révision administrative le 30 mai 2014. Comme principaux motifs au soutien de ce refus, la CSST considère que le déménagement de la travailleuse ne répond à aucun des critères lui permettant d’y avoir droit, mais est plutôt effectué pour des raisons personnelles. Elle refuse donc de lui en défrayer les coûts. Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.

[114]     Comme mentionné précédemment, le 1er mai 2014, la travailleuse est déménagée dans un logement mieux adapté à sa condition puisqu’elle n’avait plus 15 marches à monter à l’extérieur avec une rampe d’accès à droite, soit du côté de son membre lésé et, de plus, son véhicule pouvait être stationné à proximité de son nouveau logis ce qui limitait d’autant son exposition au froid. En lien avec ce déménagement, la travailleuse a réclamé des frais à la CSST.

[115]     Le 6 mai 2014, la travailleuse est évaluée par le docteur Marc-André Latour, chirurgien orthopédique, à la demande de son procureur. À l’examen physique, le docteur Latour note les difficultés de la travailleuse en station debout qui est toujours en déséquilibre. Déséquilibre qu’elle vit également lorsque ses genoux sont collés en station debout au garde-à-vous. La démarche talon-pointe est impossible, la marche est saccadée. Il note une limitation des amplitudes articulaires au niveau dorsolombaire à la flexion antérieure qui est mesurée à 85º et à l’extension qui est mesurée à 20º. En position assise, il note une hypoesthésie du membre inférieur droit sans dermatome reconnu touchant tout le membre inférieur autant distal que proximal au genou droit. Aucune activité musculaire n’est notée au niveau de la cheville droite autant pour la flexion plantaire que la dorsiflexion. L’extension contre résistance du genou droit est nulle. Le psoas est à 0 sur 5, les quadriceps à 0 sur 5. L’extension du gros orteil du pied droit est à 0 sur 5, d’inversion et l’inversion de la cheville à 0 sur 5, les ischio-jambiers à 0 sur 5 bilatéralement. Les réflexes ostéotendineux sont symétriques aux niveaux rotulien et achilléen. Il note cependant un léger myoclonus achilléen droit et gauche épuisable. Le cutané plantaire n’est pas en extension au niveau du pied droit ni du pied gauche. Il n’y a pas de spasticité notée au membre inférieur droit ni au membre inférieur gauche. Aux deux membres supérieurs sur le plan neurologique, il note une hypoesthésie diffuse au membre supérieur droit sans dermatome précis à partir de l’épaule jusqu’au doigt de la main droite. Aucune spasticité n’est notée au membre supérieur droit. Sur le plan moteur, il évalue la force à 3/5 dans les territoires correspondant au myotome de C5 à D1 à droite. Les réflexes ostéotendineux stylo radial, bicipital et tricipital sont faibles et symétriques au niveau des deux membres supérieurs. Le signe de Hoffman est positif à droite. Cependant, il n’est pas reproductible à chaque fois qu’il l’effectue. La travailleuse se plaint de douleur dans tous les plans lors des mouvements de l’épaule droite. Le signe de Tinel provoque des douleurs locales au poignet droit. Il n’y a pas de cyanose de la main droite, d’œdème, d’hyperalgésie.

[116]     Au terme de son évaluation, le docteur Latour conclut comme suit :

[…]

 

Quelle que soit la condition préexistante psychiatre ou autre, la détérioration fonctionnelle est évidente même si l’organicité des symptômes et des signes n’est pas explicable. Alors, nous devons considérer, quant à ma spécialité, qu’un DAP par analogie, ce que le docteur Jean-François Roy a déjà indiqué dans son évaluation médicale comme si madame avait eu une lésion médullaire incomplète, est justifié. Toutefois, l’atteinte cérébro-spinale touchant l’usage d’un membre inclut l’hypoesthésie, faiblesse du membre atteint et la faiblesse du nerf médian droit qui avait déjà été identifiée par le docteur Bernier et également par le docteur D’Anjou, est difficilement distinguable par rapport à l’atteinte neurologique d’origine cérébro-spinale et, dans le DAP que le docteur Jean-François Roy avait retenu pour l’atteinte cérébro-spinale, on devra inclure la faiblesse du nerf médian droit.

 

De plus, le docteur Morand, physiatre, indiquait dans son évaluation que jusqu’à 33 % des syndromes complexes de douleur régionale touchent I’hémicorps droit. L’analogie que le docteur Roy a indiquée est donc justifiable et la faiblesse retrouvée au nerf médian droit qui correspondait à 10 % devrait être incluse dans l’atteinte cérébro-spinale touchant le membre supérieur droit, incluant également l’hypoesthésie classe II du nerf médian droit qui avait été retenue pour 5 %.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[117]     Il dresse le bilan suivant des séquelles :

[…]

 

DAP orthopédique:

 

Le DAP à retenir serait donc le suivant:

 

Code 102 383

Atteinte permanente des tissus mous membre supérieur droit                         DAP 2 %

 

Code 311 228

Atteinte du membre supérieur droit par analogie

à atteinte cérébro-spinale classe II                                                                DAP 20 %

 

Code 100 233

Amputation phalange distale index droit                                                        DAP 2 %

 

Code 100 642

Amputation phalange moyenne index droit                                                     DAP 2 %

 

Code 100 651

Amputation phalange proximale index droit                                                    DAP 1 %

 

Çode 100 660

Amputation plus de 50 % du 2e métacarpe main droite                                   DAP 0.5 %

 

Code 101 945

Dysesthésie métacarpo-phalangienne de l’index droit                                     DAP 0.25 %

 

Code 211 176

Atteinte membre inférieur droit classe II

par analogie l’atteinte cérébro-spinale classe II                                               DAP 20 %

 

Quant aux préjudices esthétiques, ils ne sont pas modifiés depuis le docteur D’Anjou qui avait retenu les suivants soit:

 

Code 224 368

Cicatrice vicieuse du majeur droit                                                                  PE 2.25 %

 

Code 204 466

Amputation de 3 phalanges à l’index droit                                                      PE 1.5 %

 

Code 224 484

Préjudice esthétique d’amputation du 2 métacarpe main droite                        PE 0.2 %

 

[…]

 

 

[118]     Appelé de se prononcer à l’égard d’un lien de causalité entre l’événement initial et les problèmes actuellement vécus par la travailleuse, le docteur Latour s’exprime comme suit :

[…]

 

Y a-t-il relation avec l’événement du 17 janvier 1991?

 

La continuité évolutive fait foi qu’il y a un lien avec l’événement du 17 janvier 1991 et la condition actuelle de madame, que le syndrome complexe régional douloureux type II est chronique et peut se solder d’aggravation au moindre traumatisme mineur au membre supérieur droit.

 

Le docteur Morand, dans son évaluation médicale, mentionnait plusieurs références qui faisaient le lien sur le plan physiopathologique entre la condition actuelle de madame et celle du membre supérieur droit et membre inférieur droit, ces références sont citées dans son évaluation médicale et on devra s’y référer.

 

De multiples chirurgies au membre supérieur droit sont également prédisposantes à la condition actuelle de madame. On notera par rapport à l’atteinte du membre inférieur droit qu’il y a 33 % des syndromes douloureux régional complexe qui se soldent d’une atteinte à l’hémicorps.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[119]     Puis, le docteur Latour se prononce à l’égard d’une possible récidive, rechute ou aggravation le 18 septembre 2013 en ces termes :

[…]

 

Y a-t-il relation avec la RRA du 18 septembre 2013?

 

Madame explique avoir eu une aggravation avec les traitements de chiro, mais concernant l’épaule droite, les mouvements que le docteur Jean-François Roy avait identifiés étaient sensiblement les mêmes que ceux que nous avons retrouvés aujourd’hui, presque faits passivement alors qu’activement, les douleurs sont trop importantes pour évaluer la réalité de l’ankylose à l’épaule droite, mais il n’a pas beaucoup d’informations au dossier pour étoffer davantage sur cette aggravation. Il faut noter toutefois qu’à cause du syndrome régional complexe douloureux type II chronique qu’un microtraumatisme peut aggraver et qu’un traitement en chiropractie localisé pour le membre supérieur droit peut entraîner l’augmentation des douleurs.

 

[…]

 

[notre soulignement]

 

[120]     Quant aux soins ou traitements, le docteur Latour est d’avis que l’approche pharmacologique pourrait être ajoutée en fonction des douleurs de la travailleuse et qu’elle pourrait peut-être considérer une consultation à la clinique de la douleur en vue d’évaluer l’opportunité ou non de prendre de la Méthadone. Il est d’opinion que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :

 

[…]

 

Limitations fonctionnelles :

 

Le docteur Bernier indiquait dans son évaluation médicale du 6 octobre 2011 que madame ne devait pas saisir des objets mêmes de moins de 1 kilo avec la main droite, doit éviter les travaux lourds avec la main droite et doit éviter les activités de prise fine avec la main droite ou de prise de force.

 

[…]

 

 

[121]     Finalement, le docteur Latour est d’opinion que la travailleuse ne peut occuper un emploi d’opérateur.

[122]     Le 7 mai 2014, monsieur Veilleux, psychologue, rédige un rapport d’évaluation à la suite d’une recommandation de la part du docteur Laliberté, psychiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale, en regard d’un diagnostic de trouble de conversion.

[123]     Au terme de son évaluation, il conclut comme suit :

[…]

 

Madame G... a de faibles capacités d’introspection, et compte tenu de sa réactivité d’opposition au diagnostic de trouble de conversion de même que de notre manque d’expérience dans le traitement des troubles de conversion, nous estimons ne pouvoir entamer l’intervention demandée, mais demeurons disponibles dans l’éventualité où elle présenterait de nouveau un trouble important d’adaptation face à sa lésion.

 

[…]

 

 

[124]     À la lumière de l’ensemble de la preuve offerte, le tribunal doit maintenant se prononcer, d’une part, à l’égard des conclusions médicales de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010 de même qu’en ce qui a trait à l’admissibilité des deux réclamations pour récidive, rechute ou aggravation respectivement le 18 juillet 2012 et le 18 septembre 2013. En dernier lieu, le tribunal devra déterminer si la travailleuse a droit ou non au remboursement des frais de déménagement le 1er mai 2014.

[125]     Il ressort de l’ensemble de la preuve offerte que tous les experts consultés s’entendent sur la complexité de la condition de la travailleuse, cette dernière ayant subi 11 interventions chirurgicales à la suite de la lésion professionnelle initiale du 17 janvier 1991 lui ayant causé une brûlure au 2e et au 3e degré à l’index de la main droite.

[126]     De manière générale, le tribunal ne remet aucunement en cause la crédibilité de la travailleuse à l’égard des symptômes qu’elle décrit lors de son témoignage à l’audience où lors de chacune des évaluations qu’elle a eues qui révèlent une constance au niveau de la description de ses symptômes et de la persistance de ceux-ci.

[127]      De même, le tribunal constate de l’ensemble des opinions émises par les neurologues, que ces derniers ne peuvent expliquer, par la neurologie, les difficultés vécues par la travailleuse, comme il appert des différentes évaluations auxquelles il est fait référence plus haut qui révèlent notamment une importante hypoesthésie à tout l’hémicorps droit.

[128]     Il ressort du long cheminement du dossier et de l’investigation médicale à laquelle a été soumise la travailleuse que, bien qu’au départ le docteur Sirois, mandaté par la CSST, ne croyait pas à la présence d’un trouble de conversion, il s’y est « résigné » après que les neurologues aient admis leur incapacité à expliquer, par des signes neurologiques, les symptômes dont se plaint la travailleuse.

[129]     Pourtant, il appert clairement de l’opinion médicale du docteur Sirois du 10 janvier 2013 que la travailleuse ne présente pas les critères permettant de conclure à l’existence d’un trouble de conversion.

[130]     Quant à l’expertise du docteur Laliberté, le tribunal constate qu’il retient le trouble de conversion, mais sans grande conviction, rappelant qu’il est toujours difficile de retenir un tel diagnostic. En général, les psychiatres y parviendront après avoir écarté toute autre cause organique, mais il rappelle que souvent quelques années plus tard on retrouve une cause organique qui n’avait pas, au préalable, été diagnostiquée. De plus, il indique que la travailleuse ne présente pas l’un des phénomènes caractéristiques d’une telle condition, soit celui de « belle indifférence » qui est habituellement considéré dans l’établissement d’un diagnostic de trouble de conversion.

[131]     De même, le docteur Laliberté mentionne qu’en général, l’apparition de la symptomatologie se fait de façon aiguë et est d’une durée relativement brève. Cependant, malgré le fait que la durée est chronique en l’espèce, il retient tout de même le trouble de conversion.

[132]     Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal accorde une valeur probante à la première opinion émise par le docteur Sirois qui conclut à un trouble de l’adaptation avec humeur mixte, dépressive et irritable, de sévérité modérée et d’évolution chronique. Il ressort de manière prépondérante, de l’opinion du docteur Sirois que la présentation clinique psychiatrique de la travailleuse ne concorde pas avec celle retrouvée dans un trouble de conversion.

[133]     Le tribunal prend également en considération le fait que le docteur Sirois, lorsqu’il émet sa première opinion, est très affirmatif qu’il n’y a pas de trouble de conversion. Le tribunal n’est pas convaincu par les explications subséquentes du docteur Sirois émises à la suite de l’expertise du docteur Duchastel. Il affirme alors qu’en l’absence d’hypothèse neurologique pouvant expliquer la plainte de faiblesse dans l’hémicorps, un trouble de conversion ou un trouble somatoforme non spécifié restent les seules explications du problème. Pourtant, dans le cadre de sa première expertise, il n’y avait pas de cause organique identifiée lorsqu’il avait exclu le trouble de conversion.

[134]     Par conséquent, le tribunal conclut que le diagnostic à retenir en regard de la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010, au plan psychique, est un trouble d’adaptation avec humeur mixte, dépressive et irritable, de sévérité modérée et d’évolution chronique. Cette lésion professionnelle n’est pas consolidée, comme l’a constaté le docteur Laliberté lors de son évaluation et la travailleuse doit bénéficier d’un suivi psychothérapeutique et assuré par un psychiatre.

[135]     Par ailleurs, le tribunal doit se prononcer à l’égard de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation à compter du 18 juillet 2012, soit l’aggravation du syndrome douloureux régional complexe de type II à tout l’hémicorps droit.

[136]     La loi définit ainsi la notion de lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

[137]     En l’espèce, la travailleuse prétend avoir subi des récidives, rechutes ou aggravations les 18 juillet 2012 et 18 septembre 2013. Cette notion n’est pas définie à la loi. Cependant, suivant la jurisprudence bien établie en la matière, il faut s’en remettre au sens commun des termes.

[138]     Ainsi, la rechute est une reprise évolutive, la récidive constitue une réapparition alors que l’aggravation est la recrudescence de la lésion ou de ses symptômes, incluant les complications de celle-ci[5].

[139]     De plus, il est établi que la présence d’une récidive, rechute ou aggravation nécessite une modification de l’état de santé par rapport à celui qui a existé antérieurement. C’est notamment ce qu’a rappelé la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Mendolia et Samuelsohn ltée précitée et dans l’affaire Belleau, Chabot et Commission scolaire Chomedey de Laval[6].

[140]     C’est d’ailleurs ce qui amène la Commission des lésions professionnelles à affirmer que le seul témoignage du travailleur ne suffit pas à prouver la récidive, rechute ou aggravation. Une preuve médicale doit supporter ses allégations[7].

[141]     Dans l’affaire Dubé et Les entreprises de Jalaumé enr. précitée, la Commission des lésions professionnelles précise ce qui suit :

 [14]     Certains utilisent l’expression détérioration objective pour référer à la modification de l’état de santé qu’il est nécessaire de prouver. L’usage de cette expression suscite cependant des interrogations et de la confusion, puisqu’elle suggère que seule l’aggravation est admissible à titre de lésion professionnelle, à l’exclusion de la rechute ou de la récidive4.

 

 

[15]      Pour avoir retenu cette expression à de nombreuses reprises, la soussignée précise qu’il s’agissait pour elle d’englober par ce terme générique toutes les modalités possibles de modification de l’état de santé, soit tout à la fois la rechute, la récidive et l’aggravation de la lésion initiale. La modification dont il est question est en effet nécessairement négative, d’où l’emploi du terme détérioration. Pour éviter toute confusion ultérieure, la soussignée retiendra ici les termes génériques modification de l’état de santé, pour référer globalement à la rechute, à la récidive et à l’aggravation.

                         

4                      Voir par exemple Labonté et Restaurant Normandin, 332150-31-0711, 17 avril 2009, J-L. Rivard et la jurisprudence qui y est citée.

[nos soulignements]

[142]     La soussignée adhère à cette analyse et la fait sienne.

[143]     Par ailleurs, la jurisprudence a établi que le travailleur doit démontrer un lien de causalité entre la lésion professionnelle initiale et la modification de son état de santé[8].

[144]     Toujours dans l’affaire Dubé et Les entreprises de Jalaumé enr.[9], le tribunal définit plus précisément ce qui est recherché pour établir le lien de causalité :

[18]      Cette démonstration peut être faite par le dépôt d’une opinion médicale ou, à tout le moins, par présomption de faits, y incluant des faits médicaux, tirée d’un ensemble d’indices graves, précis et concordants7.

                         

7                      Forester et Marinier Automobiles inc., [1997] C.A.L.P. 1642; Aubé et Commission scolaire de l’Énergie, 206476-04-0304, 21 octobre 2003, J.-F. Clément.

[notre soulignement]

[145]     La jurisprudence a également retenu différents critères permettant d’apprécier l’existence ou non d’un lien de causalité entre la lésion initiale et la récidive, rechute ou aggravation alléguée.

[146]     Dans l’affaire Boisvert et Halco[10], ces critères ont été ainsi définis :

­     la gravité de la lésion initiale;

­     la continuité de la symptomatologie;

­     l’existence ou non d’un suivi médical;

­     le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;

­     la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

­     la présence ou l’absence de conditions personnelles;

­     la compatibilité entre la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

­     le délai entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale.

[147]     Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif. C’est plutôt la conjonction ou la combinaison de plusieurs de ces critères qui permettra de conclure ou non à l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation.

[148]     En somme, comme la Commission des lésions professionnelles l’a rappelé dans l’affaire Beauchamp et Inspect-Sol inc.[11], pour conclure à la présence d’une récidive, rechute ou aggravation, le travailleur ou la travailleuse doit démontrer :

-       une modification de son état de santé par rapport à la situation qui prévalait au moment de la consolidation de la lésion professionnelle;

-       l’existence d’un lien de causalité entre cette modification et la lésion professionnelle initiale.

[149]     En vue de se prononcer relativement à la recevabilité de cette réclamation pour récidive, rechute ou aggravation, le tribunal dispose, d’une part, de l’avis de plusieurs neurologues qui ne voient aucune cause organique aux difficultés vécues par la travailleuse au niveau de l’hémicorps droit, soit les opinions des docteurs Duchastel, Élysée et Bernier. À celles-ci s’ajoutent l’opinion du neurochirurgien traitant, le docteur Cantin qui conclut également à la non-organicité des symptômes décrits par la travailleuse.

[150]     D’autre part, le tribunal dispose de l’opinion de quatre physiatres, soit les docteurs Baribeault[12], Dahan, D’Anjou et Morand. Hormis le docteur D’Anjou, ces spécialistes reconnaissent le SDRC de type II de tout l’hémicorps droit.

[151]     Plus spécifiquement, le tribunal retient de l’opinion étoffée de la docteure Morand qu’elle explique la condition de la travailleuse en parlant d’une aggravation du syndrome douloureux régional complexe qu’elle présentait déjà au membre supérieur droit, lequel est reconnu par la CSST.

[152]     Pour en venir à cette conclusion, la docteure Morand s’appuie notamment sur de la littérature médicale qui explique que, lors d’une aggravation d’un syndrome douloureux régional complexe, les douleurs peuvent migrer proximalement et s’étendre au thorax et à l’hémiface, que ce syndrome peut survenir à distance après quelques mois ou quelques années, que les récidives, rechutes ou aggravations prennent la forme d’un syndrome douloureux et que dans la très grande majorité des cas, les changements vasomoteurs ou sudomoteurs sont absents. Il est plutôt question d’hyperesthésie ou d’allodynie comme en l’espèce.

[153]     De plus, la docteure Morand considère que la condition psychologique que présentait la travailleuse au moment de la pose du neurostimulateur peut constituer un facteur prédisposant et que les troubles de la motricité du mouvement ou une démarche atypique ont été bien documentés dans la littérature par les experts reconnus mondialement qui traitent du syndrome douloureux régional complexe.

[154]     Le tribunal accorde une valeur probante à l’opinion émise par la docteure Morand qui est documentée, fouillée, et comporte plusieurs éléments permettant de conclure à une preuve prépondérante de relation entre la lésion initiale, les différentes récidives, rechutes ou aggravations subies dont celle du 10 janvier 2010 et les problèmes d’aggravation du syndrome douloureux régional complexe.

[155]     En concluant ainsi, le tribunal ne fait pas fi de l’ensemble de la preuve médicale, mais comprend plutôt que la neurologie n’a pu apporter d’explication aux symptômes présents chez la travailleuse et reconnus par tous les experts qui ont eu à l’évaluer.

[156]     De plus, la travailleuse ne présente pas tous les attributs d’un trouble de conversion qui aurait pu expliquer les symptômes. La preuve prépondérante milite donc en faveur de l’aggravation d’un syndrome douloureux régional complexe qui constitue, en l’espèce, une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale à compter du 18 juillet 2012.

[157]     À la lumière de la preuve offerte, le tribunal conclut que la plupart des critères jurisprudentiels propres à la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation énoncés précédemment sont présents, dont particulièrement la continuité de la symptomatologie, la gravité des différentes lésions subies par la travailleuse, la présence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles empêchant la travailleuse de refaire son emploi prélésionnel, l’absence de condition personnelle documentée qui pourrait expliquer autrement la pathologie et la compatibilité entre la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation du 18 juillet 2012 et la lésion initiale.

[158]     De plus, la travailleuse doit satisfaire au fardeau de preuve qui lui incombait en démontrant, à l’aide d’une preuve prépondérante, l’existence d’un lien de causalité entre la récidive, rechute ou aggravation du 18 juillet 2012 relative au diagnostic d’aggravation de syndrome douloureux régional complexe de type II et la lésion professionnelle initiale.

[159]     À cette fin, l’opinion émise par la docteure Morand constitue une preuve prépondérante en ce sens qui n’a pas été contredite par l’ensemble de la preuve médicale au dossier pour les motifs exposés plus haut.

[160]     Par conséquent, le tribunal conclut que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation le 18 juillet 2012 en regard du diagnostic de syndrome douloureux régional complexe de l’hémicorps droit pour lequel elle a droit aux bénéfices prévus à la loi.

[161]     En ce qui a trait à la réclamation pour la récidive, rechute ou aggravation du 18 septembre 2013, comme l’a mentionné en début d’audience le procureur de la travailleuse, il est également en lien avec le problème de syndrome douloureux régional complexe à l’hémicorps droit dont souffre la travailleuse puisque la preuve composée particulièrement de l’opinion médicale de la docteure Morand, démontre que cette aggravation n’est pas consolidée, à tout le moins en date de son examen. Dans ce contexte, le tribunal considère qu’il n’est pas opportun de se prononcer sur une nouvelle réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation, mais plutôt de considérer qu’il s’agit de la continuité de la lésion professionnelle du 18 juillet 2012.  

[162]     Relativement au remboursement des frais de déménagement que réclame la travailleuse, avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal ne partage pas l’analyse et les conclusions auxquelles en vient la CSST qui refuse ce remboursement.

[163]     La loi prévoit un droit à la réadaptation aux articles 145 et suivants qui en précise les modalités. Cette réadaptation peut être physique, sociale et/ou professionnelle. Sous le volet de la réadaptation sociale se retrouve l’adaptation du domicile. Le but de la réadaptation sociale est ainsi énoncé à l’article 151 de la loi :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

[notre soulignement]

 

[164]     Relativement à l’adaptation du domicile, l’article 153 prévoit ce qui suit :

153.  L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :

 

1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

[nos soulignements]

[165]     Lorsque l’adaptation du domicile n’est pas possible, certains frais de déménagement peuvent être remboursés au travailleur accidenté. C’est ce que vise l’article 154 :

154.  Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.

 

À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.

__________

1985, c. 6, a. 154.

 

[nos soulignements]

 

[166]     En l’espèce, la travailleuse a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique comme le démontre le résumé de l’ensemble de sa condition apparaissant à la présente décision. Elle satisfait donc à la première condition de l’article 153 de la loi.

[167]     Par ailleurs, la travailleuse ne demande pas l’adaptation de son domicile puisqu’elle n’en est pas propriétaire et voit difficilement comment elle pourrait forcer le propriétaire de l’immeuble à accepter une adaptation, mais plutôt le remboursement des frais engagés pour déménager dans un domicile mieux adapté à sa condition. Cette situation est prévue à l’article 154 qui indique que lorsque le domicile d’un travailleur visé dans l’article 153 ne peut être adapté à cette capacité résiduelle, il peut bénéficier d’un remboursement pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l’être. Une telle situation sera justifiée si la travailleuse démontre les difficultés engendrées par le logement où elle vivait avant son déménagement qui ne constituait pas la solution la plus appropriée pour lui permettre d’entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et si elle fournit deux estimations détaillées des frais de déménagement, ce qu’elle a fait comme le confirme les notes évolutives de la CSST.

[168]     Dans l’affaire Barbeau et V. Boutin Express inc.[13], la Commission des lésions professionnelles était saisie d’une demande de remboursement de frais de déménagement. Comme dans le dossier à l’étude, le travailleur s’appuyait sur l’article 154 de la loi.

[169]     Après avoir analysé l’ensemble de la preuve offerte, le tribunal en vient à la conclusion que le travailleur ne pouvait adapter son domicile qui comportait des difficultés, notamment en raison du nombre d’étages, de nombreuses marches à franchir et du système de chauffage au bois qui se trouvait au sous-sol de la maison. Le travailleur conservait des limitations fonctionnelles qui rendaient difficiles les déplacements dans les escaliers, tout comme c’est le cas en l’espèce. Au terme de son analyse, le tribunal conclut que, dans le cadre du processus de réadaptation, il est approprié, pour le travailleur, de déménager dans une habitation plus accessible pour lui.

[170]     En l’espèce, le tribunal retient de la preuve que la travailleuse vivait dans un logement comportant 15 marches extérieures à monter pour y avoir accès. La travailleuse a d’ailleurs fourni au tribunal une photo de l’escalier en question qui est relativement abrupte. Cette photo démontre que pour gravir les 15 marches menant à son appartement, la travailleuse bénéficiait d’une rampe d’escalier située à sa droite, soit du côté de son membre supérieur lésé. Il ne lui était donc pas possible de s’agripper sécuritairement à cette rampe pour se rendre à son domicile en raison des limitations fonctionnelles au membre supérieur droit qu’elle conserve à la suite des nombreuses lésions professionnelles subies.

[171]     Est-il nécessaire de rappeler qu’à la suite des nombreuses lésions professionnelles subies, la travailleuse a été déclarée inapte à tout travail par la CSST et ne peut, à toutes fins utiles, appliquer aucune force avec son membre supérieur droit.

[172]     Or, comme il s’agit d’un escalier extérieur, il est soumis aux intempéries, ce qui rend la situation plus dangereuse, particulièrement en saison hivernale alors que les marches deviennent rapidement enneigées. Ceci forçait la travailleuse à monter l’escalier en position assise, ce qui lui demandait un effort considérable, étant donné les difficultés également ressenties au membre inférieur droit depuis 2010.

[173]     De plus, cette façon de faire l’exposait davantage au froid étant donné le  temps requis pour gravir l’escalier de cette façon. Or, la travailleuse doit éviter d’être exposée au froid en raison du CRPS de type II au membre supérieur droit dont elle souffre.

[174]     Dans ces circonstances le déménagement dans un appartement mieux adapté à sa situation, puisqu’il ne comporte que 4 ou 5 marches intérieures pour y accéder et offre un accès plus facile à son véhicule automobile adapté en lui donnant accès à un stationnement situé tout près de la porte d’entrée, limitant d’autant son exposition au froid, constitue la solution la plus appropriée pour laquelle la travailleuse a droit au remboursement des frais de déménagement.

[175]     Par conséquent, le tribunal conclut que la travailleuse a droit au remboursement de son déménagement le 1er mai 2014. La CSST pourra procéder au remboursement du montant du déménagement sur présentation de pièces justificatives.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 505782-03B-1303

ACCUEILLE la requête déposée par madame N... G..., la travailleuse, le 15 mars 2013;

MODIFIE la décision rendue conjointement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l’assurance automobile du Québec le 7 février 2013 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 18 juillet 2012, des lésions subies à la suite de l’événement initial du 17 janvier 1991 en regard du diagnostic d’algodystrophie réflexe de tout l’hémicorps droit;

DÉCLARE que la travailleuse a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles relativement à ce diagnostic;

DÉCLARE qu’il n’y a pas de relation entre les diagnostics de trouble d’équilibre, trouble anxio-dépressif et algodystrophie réflexe à l’hémicorps droit et l’accident de la route dont a été victime la travailleuse  le 15 octobre 1997;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur l’assurance automobile du Québec en regard de ces diagnostics.

Dossier 535713-03B-1403

ACCUEILLE la requête de madame N... G..., la travailleuse, déposée le 7 mars 2014;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 février 2014, à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi une rechute, récidive ou aggravation le 18 septembre 2013 de l’événement initial du 17 janvier 1991, mais qu’il s’agit plutôt d’une continuité de la récidive, rechute ou aggravation du 18 juillet 2012.

Dossier 542874-03B-1405

ACCUEILLE la requête déposée par madame N... G..., la travailleuse, le 29 mai 2014;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 mai 2014 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic d’ordre psychique à retenir en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010 est celui de trouble de l’adaptation avec humeur mixte, dépressive et irritable, de sévérité modérée et d’évolution chronique;

DÉCLARE que cette lésion professionnelle d’ordre psychique n’est pas consolidée;

DÉCLARE que la condition de la travailleuse requiert un suivi psychothérapeutique et une référence au service psychiatrique de la région;

DÉCLARE qu’il est prématuré de se prononcer relativement aux séquelles permanentes que la travailleuse pourrait conserver à la suite de cette lésion professionnelle;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu en regard de ce diagnostic.

Dossier 543522-03B-1406

ACCUEILLE la requête déposée par madame N... G..., la travailleuse, le 5 juin 2014;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 mai 2014 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’en raison des limitations fonctionnelles que la travailleuse conserve à la suite de sa récidive, rechute ou aggravation du 10 janvier 2010, elle a droit au remboursement des frais générés par son déménagement le 1er mai 2014 sur présentation de pièces justificatives.

 

 

 

__________________________________

 

Ann Quigley

 

 

 

 

Me Marc Bellemare

BELLEMARE, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

Mme Susy Côté

RAICHE PINEAULT TOUCHETTE

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]           RLRQ, c. A-25.

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

[3]           2012 QCCLP 7014.

[4]           RLRQ, c. A-3.001, r. 2.

[5]           Lapointe et Cie minière Québec Cartier, [1989] C.A.L.P. 38; Lafleur et Transport Shulman ltée, 29153-60-9105, 26 mai 1993, J. L’Heureux; Les salaisons Brochu inc. et Grenier, 28997-03-9105, 18 juillet 1995, M. Beaudoin; Mendolia et Samuelsohn ltée, 50270-60-9304, 23 août 1995, J.-Y. Desjardins.

[6]           [1995], C.A.L.P. 1341.

[7]           Guettat et Cie minière Québec Cartier, 53020-61-9308, 18 août 1995, N. Lacroix; Belleau, Chabot et Commission scolaire Chomedey de Laval, précitée, note 4; Baron et Langlois & Langlois, 30990-62-9107, 23 octobre 1995; M. Lamarre; Lachance et Ministère de la Défense nationale, 56564-60-8401, 24 octobre 1995, N. Denis; Dubé et Les entreprises de Jalaumé enr. et CSST, 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif.

[8]           Boisvert et Halco, [1995] C.A.L.P. 19; Lapointe et Décorterre inc., 102372-03B-9807, 14 mai 1999, P. Brazeau; Chamberland et Résidence Jean de la lande, 132784-73-002, 6 juillet 2000, L. Desbois; Bourque et EBC - SPIE coparticipation, 122073-09-9908, 1er septembre 2000, M. Carignan; requête en révision rejetée; Lafond et Ministère du transport du Québec, 135466-04B-0003, 6 mars 2002, L. Boucher; Gérard et Commission scolaire de Rouyn-Noranda, 159855-08-0104, 21 juillet 2002, P. Prégent; Côté et Neelson inc., 229412-01B-0403, 7 février 2005, J.-F. Clément; Lavoie et Club de golf Times Rove inc., 317031-62-0705, 10 janvier 2008, R.L. Beaudoin; Bélanger et Commission scolaire des Rives du Saguenay, 325045-02-0708, 10 mars 2008, J. Morin; Lapointe et Cie minière Québec Cartier, précitée, note 5; Lafleur et Transport Shulman ltée, précitée, note 5.

[9]           Précitée, note 7.

[10]         Précitée, note 8.

[11]         C.L.P. 352639-63-0807, 21 avril 2009, I. Piché.

[12]         Pour le docteur Baribeault, il qualifie la condition de « douleurs neuropathiques chroniques. »

[13]         2012 QCCLP 6693.

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