Breton et Bombardier Aéronautique inc. |
2014 QCCLP 3396 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE DÉCISION EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 24 octobre 2013, monsieur Yvon Breton (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révision ou la révocation de la décision rendue le 17 octobre 2013 par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur à l’encontre de la décision rendue le 30 janvier 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative; et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 30 juin 2011.
[3] L’audience est tenue le 7 mai 2014 à Montréal. Le travailleur est présent et il n’est pas représenté. Bombardier Aéronautique inc. (l’employeur) a informé la Commission des lésions professionnelles de son absence à l’audience et fourni une argumentation écrite. À l’audience, la soussignée a autorisé le travailleur à produire des documents supplémentaires. L’affaire est mise en délibéré à la réception de ces documents le 14 mai 2014.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision du 17 octobre 2013 et de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 30 juin 2011.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations d’employeurs est d’avis que la décision du 17 octobre 2013 doit être maintenue puisque, selon elle, les explications du travailleur concernant les motifs de son absence à l’audience du 15 octobre 2013 ne sont pas crédibles. Elle rejetterait la requête en révision du travailleur.
[6] Quant au membre issu des associations syndicales, il est d’avis que le travailleur a des motifs suffisants justifiant son absence de l’audience initiale. Il estime que son droit d’être entendu a été violé et que la décision doit être révoquée. De plus, il estime que la preuve établit que le travailleur a subi un accident du travail le 30 juin 2011 et accueillerait sa réclamation.
LES FAITS ET LES MOTIFS EU ÉGARD À LA REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision du 17 octobre 2013.
[8] La Commission des lésions professionnelles ne peut réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue que pour l’un des motifs prévus à l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). La disposition se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la révision ou de la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, une partie doit démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs prévus par le législateur à la disposition précitée, sans quoi, sa requête doit être rejetée.
[10] Comme l’énonce la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles[2], le pouvoir de révision ou de révocation prévu à l’article 429.56 de la loi doit être considéré comme une procédure d’exception ayant une portée restreinte.
[11] La jurisprudence rappelle invariablement que le recours en révision ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49.
(…)
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[12] En l’espèce, le travailleur ayant été absent à la première audience, il invoque qu’il n’a pu se faire entendre au sens du deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[13] Comme la Commission des lésions professionnelles le retient dans l’affaire Valois[3], le motif énoncé au deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi concerne le cas où une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre et non pas le cas où l’on invoque une violation des règles de justice naturelle qui est plutôt décidé à la lumière du troisième paragraphe du premier alinéa de cette disposition. La Commission des lésions professionnelles énonce avec justesse :
[50] La Commission des lésions professionnelles estime en effet que ce deuxième motif vise davantage la situation où une partie n’a pu se présenter à l’audience pour des raisons que le tribunal juge suffisantes. Cette interprétation s’impose, ne serait-ce que s’il fallait inclure au deuxième motif les cas de violation des règles de justice naturelle par un commissaire, le dernier alinéa de l’article 429.56 n’aurait aucun sens puisque le commissaire à qui on reproche un tel manquement pourrait à la limite être saisi de la requête en révision ou en révocation de sa propre décision, situation qui ne peut se présenter si ces cas sont analysés dans le cadre du troisième motif de l'article 429.56.
[14] Cette interprétation est reprise à bon droit dans l’affaire Lebrasseur[4]. La juge administrative énonce que le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi vise, avant tout, la partie qui n’était pas présente à l’audience pour des motifs que le tribunal juge suffisants. C’est également ce que retient la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Casino de Hull et Gascon[5] déposée par le travailleur à l’audience :
[24] Le fait qu’une partie n’ait pu se faire entendre constitue un motif de révocation expressément prévu au second paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Et, même si ce motif n’était pas expressément prévu, la violation des règles de justice naturelle constituerait, de toute façon, un vice de fond de nature à invalider la décision et permettrait la révocation en vertu du troisième paragraphe dudit article 429.56.
[15] Aussi, la Commission des lésions professionnelles a décidé à bon droit dans Imbeault et S.E.C.A.L.[6], que lorsque le deuxième paragraphe de l’article 429.56 est soulevé par une partie au soutien d’une requête en révocation, il revient à la Commission des lésions professionnelles d’apprécier la preuve et de décider si des raisons suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pu se faire entendre. Pour être suffisantes, les raisons invoquées doivent être sérieuses et il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre. La règle qui doit toujours guider le tribunal, lorsqu’il a à décider de cette question, est le respect des règles de justice naturelle.
[16] Soulignons que la règle audi alteram partem est une règle fondamentale, soit une règle de justice naturelle à laquelle la Commission des lésions professionnelles est soumise. D’ailleurs, la Cour supérieure rappelle l’importance de cette règle dans l’affaire Hall en ces termes :
Le droit d’être entendu, soit le respect de la règle audi alteram partem, est la première règle de justice naturelle qui doit être observée. Un tribunal chargé de trancher une question doit entendre les deux parties13.
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13 Harelkin c. Université de Régina, [1979] 2 R.C.S. 561.
[17] Les auteurs Pépin et Ouellette confirment que la justice naturelle exige qu’un tribunal administratif respecte la règle audi alteram partem.[7] Quant au professeur Garant, il rappelle à son tour que l’importance de la règle audi alteram partem « est telle qu’on doit la considérer comme la règle d’or du droit administratif »[8].
[18] Il y a donc lieu dans le cadre du présent recours en révocation de décider, conformément au deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi, si le travailleur n’a pu se faire entendre lors de l’audience du 15 octobre 2013 pour des raisons que le tribunal juge suffisantes.
[19] En l’espèce, le travailleur est absent et il est non représenté lors de l’audience prévue devant le premier juge administratif le 15 octobre 2013. L’employeur est également absent. Le travailleur n’était pas non plus représenté lors du processus de conciliation précédant cette audience.
[20] Devant la soussignée, le travailleur explique qu’il ne s’est pas présenté à l’audience du 15 octobre 2013 puisque, selon lui, un accord de conciliation était intervenu le 2 octobre précédent, soit le lendemain du rapport écrit de son médecin. Il écrit à sa requête en révision adressée au premier juge administratif ce qui suit :
Le 23 octobre j’ai reçu la décision de la commission au fait que je n’aurais pas subi un accident du travail le 30 juin 2011 et que ma situation n’était due qu’à la vieillesse de mon corps.
Je conteste cette décision, car il y a eu au préalable une entente entre l’accidenté en l’occurrence moi-même, le représentant de la Commission des lésions professionnelles, M … [conciliateur] et mon employeur, le 2 octobre 2013.
Cette entente m’a été soumise via la C.L.P., elle stipulait que mon employeur me proposait d’assumer les frais encourus dû à mon accident.
N’ayant pas eu d’aggravation de ma situation médicale depuis, que ma déchirure du labrum (visible via la résonnance magnétique) semble stable, que je ne désire pas subir une opération (risque trop élevé d’empirer ma situation) et que la situation ne m’empêche pas de fonctionner présentement, j’ai accepté la proposition de l’employeur.
Veuillez prendre note que, avoir su que cette démarche sous-entendait que je n’ai pas subi cette blessure au travail, je n’aurais pas accepté et je me serais présenté au tribunal.
Le représentant de la C.L.P. [le conciliateur] dit qu’il regrette cette situation, qu’habituellement il suit mieux ces dossiers et que cela n’aurais pas dû se terminer ainsi. Dans ma conversation téléphonique il m’a dit qu’après vous avoir fait parvenir ce fax qu’il entrera en contact avec vous et qu’il vous expliquera la situation.
[sic]
[21] Lors de la présente audience, le travailleur explique qu’il avait compris que l’employeur était prêt à payer les dépenses si en contrepartie il acceptait l’absence de séquelles de la lésion professionnelle. Le travailleur devait fournir un avis de son médecin à cet effet. Le travailleur était d’accord avec cette entente. Il a donc vu son médecin le 1er octobre 2013 et ce dernier a rempli le rapport final.
[22] Le travailleur fournit le rapport de son médecin. Il avait la croyance sincère que le dossier était donc réglé. La soussignée estime que son témoignage à cet effet est tout à fait crédible et ne souffre d’aucune ambigüité à ce sujet.
[23] Cependant, ce rapport laisse voir que la lésion professionnelle est consolidée avec une atteinte permanente à l'intégrité physique. Le tribunal comprend ainsi les raisons pour lesquelles la conciliation a véritablement achoppé. L’employeur souhaitait une absence d’atteinte permanente à l'intégrité physique, mais le rapport final conclut le contraire.
[24] D’ailleurs, à la suite de la présente audience, le travailleur dépose l’offre écrite de règlement en date du 9 juillet 2013, qui confirme les termes de l’accord qui devait avoir lieu. On y lit :
Tel que discuté, l’offre de règlement de Bombardier.
Je suis à votre disposition pour informations et explications complémentaires
Salutations
Signé par le conciliateur
En reconnaitra sa lésion professionnelle du 30 juin 2011, y incluant le diagnostic de déchirure du Labrum (SLAP)
En contrepartie, et considérant que le travailleur ne désire pas faire l’objet d’une intervention chirurgicale, celui-ci devra produire un rapport médical avec consolidation sans APPIPP (atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique] sans L.F. [limitation fonctionnelle]. Dans la mesure où son médecin retient des limitations fonctionnelles préventives, celles-ci devront être compatibles avec son travail (travail qu’il occupe d’ailleurs depuis le 30 juin 2011
Le T devra aussi reconnaître et admettre dans l’accord que, depuis le 30 juin 2011, il n’a fait l’objet d’aucun arrêt de travail et/ou assignation temporaire en raison de sa lésion professionnelle. En réalité, l’accident du 30 juin 2011, ne l’a pas empêché de faire son travail normal.
(Les soulignements ont été ajoutés)
[25] Ainsi, les termes de l’entente n’ont pas été rencontrés et il n’y a pas eu d’accord. L’audience a donc eu lieu. Les parties étant absentes, le premier juge administratif a rendu une décision sur dossier. D’ailleurs, l’employeur plaide avec justesse dans son argumentation écrite qu’il n’y a effectivement pas eu d’accord.
[26] Cependant, le travailleur croyait sincèrement qu’il y avait accord puisqu’il avait fourni le rapport médical complété par son médecin le 2 octobre 2013. Il témoigne que le conciliateur de la Commission des lésions professionnelles ne l’a pas informé de l’absence d’accord et du fait que l’audience aurait lieu. Il témoigne qu’avoir su, il se serait certainement présenté lors de l’audience du 15 octobre 2013.
[27] Le travailleur avait clairement une croyance erronée. Il s’est mépris, mais la soussignée estime qu’il s’agissait d’une erreur honnête, de sorte que les raisons qu’il invoque sont considérées sérieuses par le tribunal. Au surplus, il y a lieu de noter que le travailleur n’a fait preuve d’aucune négligence. Il n’était pas représenté lors du processus de conciliation et a manifestement mal compris. Tel que vu précédemment, la règle qui doit toujours guider le tribunal, lorsqu’il a à décider de cette question, est le respect des règles de justice naturelle. Ainsi, dans les circonstances de la présente affaire, les motifs invoqués par le travailleur sont suffisants pour justifier son absence à l’audience du 15 octobre 2013.
[28] Par conséquent, la soussignée conclut que le travailleur n’a pas pu se faire entendre au sens du deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi. La décision doit donc être révoquée.
[29] Puisque la preuve au dossier, jointe au témoignage du travailleur et aux documents déposés après l’audience sont suffisants pour trancher le litige au fond, et que l’employeur avait informé la Commission des lésions professionnelles de son absence pour l’audience du 15 octobre 2013 et pour celle du 7 mai 2014, pour une meilleure administration de la justice, la soussignée rend la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.
LES FAITS
[30] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle en raison d’un accident du travail le 30 juin 2011. Il explique qu’il a trébuché dans le cadre de son travail et qu’il a fait une chute de tout son long dans un escalier, le bras gauche en extension. Le formulaire de réclamation du travailleur se lit comme suit :
Je procédais à une mise à jour d’un programme sur le contrôle d’une machine. Le passage qui permet d’y accéder est obstrué par un ventilateur sur pied de 3 pieds de diamètre par 2 pieds de haut. J’ai passé entre le ventilateur et l’unité de la machine de côté en voulant me retourner et du même mouvement commencer à monter l’escalier qui était tout de suite après. Mon pied droit s’est accroché sur un bout de tuyau qui dépassait de la machine. J’ai chuté de tout mon long dans l’escalier en me protégeant de mon bras gauche. Lésion avant-bras et douleur à l’épaule.
[31] Le jour même de l’événement, le travailleur consulte au bureau médical chez son employeur. Une note de l’infirmière, déposée à la suite de la présente audience, laisse voir que le travailleur souffre d’une contusion et de douleurs au coude, poignet, avant-bras, bras, épaule et genou gauches. Il présente une abrasion de 10 x 5 cm au niveau du coude et de l’avant-bras gauche. L’infirmière nettoie et panse les plaies. Elle prescrit des traitements avec de la glace au coude, bras, avant-bras et poignet gauches.
[32] Selon la preuve documentaire au dossier, une enquête d’accident est faite le 4 juillet 2011, rapport qui est signé par le superviseur et le chef d’équipe les 6 et 11 juillet 2011.
[33] Le travailleur poursuit son travail régulier pendant deux semaines et prend ensuite ses vacances pendant six semaines; il reprend alors son travail régulier jusqu’au 30 septembre 2011, date à laquelle il consulte un médecin.
[34] Le 30 septembre 2011, le docteur Hani pose le diagnostic de trauma à l’épaule gauche et constate une douleur non localisée à un tendon. Il demande une radiographie de l’épaule gauche qui est effectuée le 1er octobre suivant par le docteur Trinh. La radiographie est interprétée comme montrant :
Il n’y a pas de fracture, ni de luxation.
Sur un des trois films effectués, on note une calcification infra-millimétrique dans les tissus mous au niveau à la grosse tubérosité. Ceci pourrait correspondre à une tendinite calcifiée.
Par ailleurs, le reste est sans particularité.
[35] Par la suite, par des attestations médicales en date des 7 octobre, 21 octobre et 4 novembre 2011, le docteur Hani pose le diagnostic de bursite calcifiée à l’épaule gauche.
[36] Entretemps, le travailleur est vu par le docteur Pham qui pose pour sa part un diagnostic de tendinite de l’épitrochlée droite avec déchirure du tendon commun des extenseurs et de tendinite de l’épitrochlée gauche.
[37] Le 12 décembre 2011, à la demande du docteur Hani, le docteur Cardinal procède à une résonance magnétique de l’épaule gauche et rédige l’opinion suivante:
OPINION :
Déchirure étendue circonférentielle du labrum (lésion de type SLAP) associée à un petit kyste para-labral antéro-inférieurement.
Petite déchirure partielle intra-tendineuse distale du sous-scapulaire.
Légère bursopathie sous-acromio-deltoïdienne.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[38] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle en raison d’un accident du travail le 30 juin 2011.
[39] La loi définit l’accident du travail comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[40] Cette définition d’accident du travail impose la preuve de la survenance d’un événement imprévu et soudain ainsi que la preuve de la relation causale entre la lésion et l’événement en question. Or, la jurisprudence a établi que l’adjectif « imprévu » signifie ce qui arrive lorsqu’on ne s’y attend pas, ce qui est fortuit, inattendu, accidentel. L’adjectif « soudain » réfère à ce qui se produit en très peu de temps, de façon brusque, instantanée, subite[9].
[41] En l’espèce, les circonstances de l’événement du 30 juin 2011 répondent sans contredit à la notion d’événement imprévu et soudain. En effet, alors que le travailleur circule au travail dans un passage obstrué par un ventilateur sur pied, il trébuche sur un bout de tuyau qui dépasse d’une machine et il fait une chute de tout son long, le bras gauche en extension, dans un escalier. Cela correspond à un événement imprévu et soudain.
[42] Reste à savoir si un lien causal existe entre cet événement du 30 juin 2011 et les blessures subies par le travailleur.
[43] Le rapport initial de l’infirmière, complété le jour même de l’accident, montre que le travailleur a notamment des blessures, contusions et abrasions au niveau du coude et de l’avant-bras gauches. Il a également des contusions au bras et à l’épaule gauches. Le 30 septembre suivant, lors de la première visite médicale, le docteur Hani diagnostique un trauma à l’épaule gauche. Puis, les investigations médicales subséquentes identifient notamment une tendinite à l’épitrochlée gauche et une bursite calcifiée à l’épaule gauche. Par la suite, une résonance magnétique est interprétée comme montrant une déchirure du labrum (SLAP) et une petite déchirure du sous-scapulaire.
[44] Compte tenu de la mécanique accidentelle au cours de laquelle le travailleur fait une chute de tout son long dans un escalier le bras gauche en extension, compte tenu de l’absence de preuve contraire, compte tenu du témoignage crédible du travailleur et compte tenu de la preuve médicale, la soussignée considère que les pathologies du bras, de l’avant-bras, du coude et de l’épaule gauches identifiées initialement par l’infirmière la journée de l’accident et investiguées par la suite pour lesquels différents diagnostics ont été posés par les médecins, y compris une déchirure du labrum (Slap) et du sous-scapulaire, ont été causées par l’événement. Il y a donc une relation causale entre l’accident du 30 juin 2011 et ces conditions pathologiques.
[45] Force est alors de conclure que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 30 juin 2011 en raison d’un accident du travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 17 octobre 2013;
ACCUEILLE la réclamation de monsieur Yvon Breton;
INFIRME la décision rendue le 30 janvier 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que monsieur Yvon Breton a subi une lésion professionnelle en raison d’un accident du travail le 30 juin 2011.
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Marie Langlois |
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Me Francine Legault |
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Langlois, Kronström & Ass. |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Voir entre autres Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.
[3] Valois et Service d'entretien Macco ltée, [2001] C.L.P. 823.
[4] Lebrasseur et Société de l'assurance-automobile, C.L.P. 208251-09-0305, 15 décembre 2004, D. Beauregard.
[5] Précité, note 3.
[6] C.L.P. 84137-02-9611, 24 septembre 1999, M. Carignan, (99LP-136).
[7] Gilles PÉPIN et Yves OUELETTE, Principes de contentieux administratif. 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1982, p. 237.
[8] Patrice GARANT avec la collaboration de Philippe GARANT et Jérôme GARANT, Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 609.
[9] Communauté urbaine de Montréal c. C.A.L.P. [1998] C.A.L.P. 470, (C.A. Montréal, 500-09-006276-984, 9 octobre 2001 appel rejeté).
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.