Construction Rafco inc. c. Ville de Sherbrooke | 2022 QCCS 2751 | ||||||
COUR SUPÉRIEURE | |||||||
(Chambre civile) | |||||||
CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | SAINT-FRANÇOIS | ||||||
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N° : | 450-17-006947-189 | ||||||
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DATE : | 19 juillet 2022 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | CLAUDE VILLENEUVE, J.C.S. | |||||
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CONSTRUCTION RAFCO INC. | |||||||
et | |||||||
9204-5822 QUÉBEC INC., f.a.s.r.s. TÈRATÈR | |||||||
et | |||||||
GESTION L. ELIAS INC. | |||||||
et | |||||||
9017-8914 QUÉBEC INC., f.a.s.r.s. LES ENTREPRISES M.F. GUILLEMETTE | |||||||
et | |||||||
GROUPE SELECT LTÉE | |||||||
et | |||||||
9253-2308 QUÉBEC INC. | |||||||
et | |||||||
LES ENTREPRISES LACHANCE INC. | |||||||
et | |||||||
CONSTRUCTIONS CHRISTIAN BELLEAU INC. | |||||||
et | |||||||
JEAN MATHIEU et STÉPHANIE PULINCKX | |||||||
et | |||||||
LES HABITATIONS M. FONTAINE INC. | |||||||
et | |||||||
9181-3212 QUÉBEC INC., f.a.s.r.s. EXCAVATION G.G. LAROCHE | |||||||
et | |||||||
LAROCHE IMMOBILIER INC. | |||||||
Demandeurs | |||||||
c. | |||||||
VILLE DE SHERBROOKE | |||||||
Défenderesse | |||||||
et | |||||||
COMMISSION SCOLAIRE DE LA RÉGION DE SHERBROOKE | |||||||
Mise en cause | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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[1] Au moyen de leur Demande de pourvoi en contrôle judiciaire en annulation de modifications du rôle d’évaluation foncière (le « Recours »[1]), les demandeurs veulent que le Tribunal déclare illégaux, nuls de nullité absolue et annule 495 certificats de l’évaluateur et avis de modification du rôle d’évaluation foncière (les « Avis ») émis par la Ville de Sherbrooke (la « Ville ») pour le rôle triennal 2016 à 2018.
[2] Ils plaident que les Avis seraient incomplets et ne respecteraient pas les dispositions impératives de l’article 12.2 du Règlement sur la forme ou le contenu minimal de divers documents relatifs à la fiscalité municipale[2] (le « Règlement »), en vigueur durant la période en litige[3], en raison du fait que la Ville aurait omis de référer à une des dispositions législatives en vertu desquelles la modification au rôle était requise.
[3] Bien que les demandeurs aient raison de soutenir qu’il manque une référence à une disposition législative sur certains Avis, ceux-ci sont néanmoins déclarés valides en application de l’article 3 de la Loi sur la fiscalité municipale[4] (la « LFM ») puisque l’omission n’a causé aucun préjudice réel aux demandeurs et que le but des Avis a été atteint.
[4] En tout temps pertinent au litige, les demandeurs étaient propriétaires de terrains vacants situés sur le territoire de la Ville[5].
[5] À l’exception des demandeurs Mathieu et Pulinckx qui ont acquis un terrain à des fins personnelles[6], les entreprises demanderesses œuvrent dans le domaine de la promotion et/ou construction et/ou vente et/ou exploitation de projets immobiliers.
[6] Dans le but de pouvoir exploiter et vendre leurs immeubles, la plupart des demandeurs développent de nouveaux quartiers de la Ville en procédant, entre autres, à des opérations de lotissement et à des travaux de construction de réseaux d’aqueduc et d’égout, puis d’aménagement des rues. Tous ces travaux sont exécutés aux frais des promoteurs et ils doivent être réalisés en conformité des ententes conclues avec la Ville en vertu de l’article 145.21 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[7].
[7] En cours d’exécution des travaux, la Ville obtient un rapport d’ingénierie visant à vérifier la conformité des travaux de construction des rues avant leur pavage. Il s’agit de l’étape de la réception temporaire des travaux (phase 1). Il faut retenir qu’après cette étape, des permis de construction peuvent être délivrés par la Ville.
[8] Or, la présence des services d’aqueduc et d’égout sanitaire dans l’emprise d’une rue publique peut aussi entraîner une hausse de la valeur de l’immeuble, un changement de la catégorie d’immeubles[8] et surtout une augmentation du montant des taxes foncières. Nous y reviendrons.
[9] Une fois les travaux de pavage complétés (phase 2) et sur recommandation de son service d’ingénierie, la Ville procède à l’acceptation définitive des travaux. Par la suite, les promoteurs cèdent à la Ville les rues qu’ils ont construites (avec les réseaux d’aqueduc et d’égout) afin qu’elle en assure la gestion et l’entretien.
[10] Ainsi, le transfert de la propriété des rues ne survient qu’après l’approbation définitive des travaux par la Ville (phase 2). Il peut donc s’écouler plus de deux ans entre le début des travaux et leur acceptation définitive. Dans l’intervalle, les demandeurs doivent assumer la responsabilité de la gestion et de l’entretien des rues, en plus de payer les taxes foncières dont le taux peut varier selon les catégories d’immeubles.
[11] En effet, chaque année, les municipalités du Québec fixent, en vertu de l’article 244.38 LFM, un taux d’imposition de base à l’égard des immeubles situés sur leur territoire. Ce taux constitue le taux particulier de la catégorie « résiduelle ».
[12] Dans le but, entre autres, de mieux contrôler l’étalement du périmètre urbain, les municipalités peuvent aussi décréter un taux d’imposition particulier plus élevé pour les terrains vagues desservis (« TVD »), et ce, afin d’inciter les promoteurs à les vendre en priorité avant de se lancer dans d’autres projets immobiliers.
[13] C’est ce que la Ville décide de faire, à compter de l’année 2010, en décrétant un taux de taxation plus élevé pour les TVD, équivalant à 1,5 fois le taux de base relatif aux immeubles résiduels[9].
[14] Puis, à compter de l’année 2014, ce taux de taxation passe au double de celui des immeubles résiduels[10], faisant dire aux demandeurs que la Ville procède maintenant à une « double taxation » des TVD situés sur son territoire.
[15] À compter de l’année 2016, la Ville décide aussi de revoir son processus de taxation afin de devancer l’éligibilité de certains immeubles au taux de taxation de la classe des TVD. En effet, alors qu’auparavant l’évaluateur municipal procédait à la modification du rôle à l’égard des immeubles desservis par un réseau d’aqueduc et d’égout à partir du moment où la Ville devenait propriétaire des rues (phase 2), il le fait maintenant rétroactivement à la date de réception temporaire des travaux (phase 1).
[16] En conséquence, le propriétaire d’un TVD doit maintenant payer le double du taux de taxation de base dès que la phase 1 est complétée, et ce, avant même que le permis de construction soit délivré.
[17] Mais surtout, à l’exception de deux cas isolés[11], on peut constater que la valeur au rôle des TVD augmente considérablement, ce qui entraîne aussi une hausse des taxes.
[18] Cette situation incite certains des demandeurs à exercer des pressions politiques auprès des autorités de la Ville, avec l’aide de représentants de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (« APCHQ »), afin de faire réviser, entre autres, cette « double taxation » des TVD.
[19] Dans le but de répondre aux préoccupations des membres de l’APCHQ, la Ville organise une séance d’information à laquelle assistent plusieurs des demandeurs. Au cours de cette rencontre qui se tient le 14 décembre 2015, Monsieur Richard Gagné, qui est alors chef de la division de l’évaluation de la Ville, leur explique notamment les critères de qualification d’un TVD, le taux de taxation applicable et le processus de modification du rôle d’évaluation foncière.
[20] À compter du mois de janvier 2017, la Ville envoie les Avis en litige[12], dont certains ont une portée rétroactive au mois d’avril 2016.
[21] Puis, quelques jours après l’envoi de chaque Avis, la Ville transmet un nouveau compte de taxes à la personne au nom de laquelle le bien visé est inscrit au rôle ou l’était immédiatement avant la modification[13].
[22] C’est dans ce contexte que les demandeurs obtiennent une opinion juridique sur la légalité de cette « double imposition » de la part de la Ville et la portée rétroactive de la taxation.
[23] Dans cette opinion juridique datée du 11 janvier 2018, dont une copie est remise aux autorités municipales[14], Me Raymond Mainguy confirme la légalité des modifications apportées par l’évaluateur de la Ville au rôle d’évaluation foncière en raison d’une « augmentation de la valeur à la suite de l’ajout d’un service d’aqueduc et d’égout » en vertu de l’article 174 (18o) LFM[15].
[24] Par contre, Me Mainguy émet l’opinion que les terrains en litige ne peuvent pas se classer dans la catégorie des TVD puisque les rues ont toujours un « caractère privé et qu’on ne peut pas considérer qu’il y a présence de services d’aqueduc et d’égout dans l’emprise d’une rue publique »[16]. Il remarque aussi que certains Avis omettent de préciser qu’ils soient émis en raison d’une modification de la classe de catégorie d’immeubles, sans aucune référence à l’article 174 (13.1.1o) LFM, et ce, en contravention de l’article 12.2 du Règlement. Selon cet avocat, cette omission est de nature à entraîner la nullité des Avis[17]. Il recommande donc à ses clients d’instituer un recours en nullité.
[25] La Ville reçoit signification du Recours en date du 20 mars 2018, au moyen duquel les demandeurs contestent quelques 495 Avis.
[26] L’évaluateur Gagné, qui a analysé chacun des Avis contestés par les demandeurs, a judicieusement préparé un tableau faisant état des différentes modifications apportées au rôle d’évaluation foncière depuis 2016 (le « Tableau »)[18].
[27] Ce Tableau classe les modifications en différentes catégories, soit :
- Catégorie 1 :
Les immeubles dont l’avis de modification indique que la valeur a été augmentée à la suite de l’ajout d’un service d’aqueduc et d’égout (art. 174 (18o) LFM) avec également modification de la classe de catégorie d’immeuble, celle-ci passant de la classe « résiduelle » à la classe TVD.
- Catégorie 2 :
Les immeubles dont l’avis de modification indique qu’ils ont fait l’objet d’une modification à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM) et pour lesquels il y a eu création d’un nouveau lot et d’un nouveau dossier au rôle d’évaluation foncière, dont les Avis indiquent qu’ils font désormais partie de la catégorie d’immeuble de la classe TVD;
- Catégorie 2.1 :
Les immeubles qui ont fait l’objet d’une modification à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM) et pour lesquels il y a eu création d’un nouveau lot et d’un nouveau dossier au rôle d’évaluation foncière, dont les Avis indiquent qu’ils font désormais partie de la catégorie d’immeuble de la classe « résiduelle »;
- Catégorie 3 :
Les immeubles qui ont fait l’objet d’une modification à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM) avec également modification de la classe de catégorie d’immeuble, celle-ci passant de la classe « résiduelle » à la classe TVD;
- Catégorie 3.1 :
Les immeubles qui ont fait l’objet d’une modification à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM), mais sans modification de la classe de catégorie d’immeuble, celle-ci étant encore de la classe « résiduelle »;
- Catégorie 4 :
Les immeubles dont l’avis indique que la valeur aurait augmenté à la suite de l’ajout d’un service d’aqueduc et d’égout (art. 174 (18o) LFM) avec modification de la classe de catégorie d’immeuble, celle-ci passant de la classe « résiduelle » à la classe TVD, mais dont la valeur au rôle demeure néanmoins inchangée;
- Catégorie 5 :
L’immeuble dont l’avis indique que la valeur a augmenté à la suite de l’ajout d’un service d’aqueduc et d’égout (art. 174 (18o) LFM) avec modification de la classe de catégorie d’immeuble, celle-ci passant de la classe « résiduelle » à la classe TVD, et dont la valeur au rôle a aussi augmenté en raison d’une modification de la mesure frontale de l’immeuble;
- Catégorie 6 :
Les immeubles qui ont fait l’objet d’un avis de modification à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM) et dont le dossier est annulé considérant que le numéro de lot n’existe plus.
- Catégorie 7 :
Les quatre immeubles qui ont fait l’objet d’un avis de modification à la suite d’une erreur d’écriture, de calcul ou autre erreur matérielle (art. 174 (16o) LFM)[19], ou en raison d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM) qui n’affecte pas la valeur au rôle, ni la classe de taxation[20].
[28] En cours d’instruction de leur recours, les demandeurs se sont désistés de leur demande à l’égard des avis faisant partie des catégories 2.1, 3.1, 6 et 7 du Tableau considérant que les modifications apportées au rôle d’évaluation foncière n’avaient aucune incidence sur le montant des taxes. Une liste des avis qui ne sont plus en litige est annexée à la fin du présent jugement[21] et le Tribunal en prend acte dans ses conclusions.
[29] Le litige porte uniquement sur les Avis relatifs aux immeubles regroupés sous les catégories 1, 2, 3, 4 et 5 en raison du fait qu’ils sont passés à la catégorie des TVD, entraînant en conséquence le double taux de taxation rétroactivement à la date de réception temporaire des travaux (phase 1).
[30] Il y a lieu de formuler ainsi les questions en litige :
[31] L’existence ou non d’un préjudice réel au sens de l’article 3 LFM sera analysée dans le cadre de la troisième question en litige.
[32] Chacune de ces questions sera analysée en fonction des faits et du droit applicable.
[33] Avant de répondre aux différentes questions en litige, il convient de faire un survol des différentes catégories d’immeubles prévues à la LFM de façon à comprendre pourquoi les immeubles des demandeurs se classent désormais dans la catégorie des TVD.
[34] L’article 244.30 LFM définit ainsi les catégories d’immeubles aux fins de taxation :
« 244.30. Pour l'application de la présente section, les catégories d'immeubles sont:
1° celle des immeubles non résidentiels;
2° celle des immeubles industriels;
3° celle des immeubles de six logements ou plus;
4° celle des terrains vagues desservis;
4.1° celle des immeubles agricoles;
5° celle qui est résiduelle.
La composition de la catégorie des immeubles non résidentiels et de la catégorie résiduelle varie selon les diverses hypothèses quant à l'existence de taux particuliers à d'autres catégories.
Une unité d'évaluation peut appartenir à plusieurs catégories. »
(Les emphases sont ajoutées.)
[35] Le rôle d’évaluation foncière doit donc identifier, entre autres, chaque unité d’évaluation qui appartient à la catégorie des TVD conformément à l’article 244.36 LFM à la suite de l’adoption d’une résolution de la Ville à cet effet[22].
[36] Avant 2004, la LFM définissait ainsi la catégorie des TVD :
« Catégorie des terrains vagues desservis.
244.36. Appartient à la catégorie des terrains vagues desservis toute unité d'évaluation qui est constituée uniquement d'un tel terrain et, le cas échéant, de tout bâtiment visé au deuxième alinéa.
Est vague le terrain sur lequel aucun bâtiment n'est situé. Un terrain est également vague lorsque, selon le rôle d'évaluation foncière, la valeur du bâtiment qui y est situé ou, s'il y en a plusieurs, la somme de leurs valeurs est inférieure à 10 % de celle du terrain.
Est desservi le terrain qui est adjacent à une rue publique en bordure de laquelle les services d'aqueduc et d'égout sanitaire sont disponibles.
(…) »
(Les emphases sont ajoutées)
[37] À la suite de l’adoption, le 18 décembre 2003, de la Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal[23], le troisième alinéa de l’article 244.36 LFM a été modifié comme suit :
« Est desservi le terrain dont le propriétaire ou l’occupant peut, en vertu de l’article 244.3, être le débiteur d’un mode de tarification lié au bénéfice reçu en raison de la présence des services d’aqueduc et d’égout sanitaire dans l’emprise d’une rue publique. »
(Les emphases sont ajoutées)
[38] Cet article 244.3 LFM, auquel réfère le troisième alinéa précité, énonce ce qui suit :
« 244.3. Le mode de tarification doit être lié au bénéfice reçu par le débiteur.
Le bénéfice est reçu non seulement lorsque le débiteur ou une personne à sa charge utilise réellement le bien ou le service ou profite de l’activité mais aussi lorsque le bien ou le service est à sa disposition ou que l’activité est susceptible de lui profiter éventuellement. Cette règle s’applique également, compte tenu des adaptations nécessaires, dans le cas d’un bien, d’un service ou d’une activité qui profite ou est susceptible de profiter non pas à la personne en tant que telle mais à l’immeuble dont elle est propriétaire ou occupant.
L’extension donnée par le deuxième alinéa au sens de l’expression «bénéfice reçu» ne s’applique pas si le mode de tarification est un prix exigé de façon ponctuelle pour l’utilisation du bien ou du service ou pour le bénéfice retiré d’une activité. L’activité d’une municipalité qui consiste à étudier une demande et à y répondre est réputée procurer un bénéfice au demandeur, quelle que soit la réponse, y compris lorsque la demande a pour objet un acte réglementaire ou que la réponse consiste dans un tel acte. »
(Les emphases sont ajoutées)
[39] Ainsi, avant la modification législative, un terrain non construit, qui appartenait à la catégorie d’immeubles « résiduelle », ne devenait un TVD que s’il était adjacent à une rue publique en bordure de laquelle les services d’aqueduc et d’égout sanitaire étaient maintenant disponibles. Désormais, un tel terrain peut devenir un TVD dès qu’il est susceptible de bénéficier des services d’aqueduc et d’égout sanitaire à partir de l’emprise d’une voie publique, et ce, sans nécessairement qu’il soit adjacent à celle-ci[24].
[40] Abordons maintenant la première question en litige.
[41] À première vue, la question peut surprendre considérant l’intitulé précis du Recours des demandeurs (« Demande de pourvoi en contrôle judiciaire »). Toutefois, ceux-ci ont plaidé qu’il ne s’agissait pas d’un véritable pourvoi en contrôle judiciaire, mais plutôt d’un recours en nullité des Avis, de sorte qu’il n’y aurait aucune norme de contrôle applicable.
[42] Le Recours est fondé sur l’article 529 (2o) du Code de procédure[25] et les articles 172 et 181 de la LFM. Ces dispositions énoncent ce qui suit :
« 529. La Cour supérieure saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire peut, selon l’objet du pourvoi, prononcer l’une ou l’autre des conclusions suivantes:
(...)
2° évoquer, à la demande d’une partie, une affaire pendante devant une juridiction ou réviser ou annuler le jugement rendu par une telle juridiction ou une décision prise par un organisme ou une personne qui relève de la compétence du Parlement du Québec si la juridiction, l’organisme ou la personne a agi sans compétence ou l’a excédée ou si la procédure suivie est entachée de quelque irrégularité grave;
(…)
Le pourvoi doit être signifié dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.
________________________
172. L’article 171 n’exclut pas le pourvoi en contrôle judiciaire prévu au paragraphe 1 du premier alinéa de l’article 529 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01), qui ne peut toutefois pas être intenté après l’expiration d’un délai d’un an qui commence à courir à l’expiration du délai prévu par le deuxième alinéa de l’article 171.
181. Une demande de révision peut être déposée, ou un recours en cassation ou en nullité exercé, à l’égard d’une modification faite en vertu de l’article 174 ou 174.2, dans le délai prévu à l’article 132, au paragraphe 3° du deuxième alinéa de l’article 171 ou au premier alinéa de l’article 172, selon le cas.
Toutefois, une demande de révision ne peut être déposée à l’égard d’une modification faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 174 ou du paragraphe 1 de l’article 174.2.
En outre, aucune demande de révision ne peut être formulée ni aucun recours en cassation ou en nullité exercé à l’égard des modifications effectuées au moyen d’un certificat global prévu au troisième alinéa de l’article 176. »
(Les emphases sont ajoutées.)
[43] Or, avec l’entrée en vigueur du nouveau C.p.c. en date du 1er janvier 2016, le législateur a voulu unifier et simplifier l’ensemble des anciens recours en contrôle judiciaire[26] sous un seul véhicule procédural, en l’occurrence le pourvoi en contrôle judiciaire[27].
[44] Selon la nature de la demande, le Tribunal peut être appelé, entre autres, à réviser ou annuler une décision rendue par un organisme municipal comme la Ville si celle-ci a agi « sans compétence ou l’a excédée ou si la procédure suivie est entachée de quelque irrégularité grave »[28]. En d’autres termes, il s’agit pour le Tribunal de contrôler la légalité de la décision et non l’opportunité de celle-ci.
[45] L’article 34 C.p.c. énonce d’ailleurs ce qui suit au sujet du pouvoir de surveillance de la Cour supérieure à l’égard des décisions prises par les organismes municipaux :
« 34. La Cour supérieure est investie d’un pouvoir général de contrôle judiciaire sur les tribunaux du Québec autres que la Cour d’appel, sur les organismes publics, sur les personnes morales de droit public ou de droit privé, les sociétés et les associations et les autres groupements sans personnalité juridique.
Ce pouvoir ne peut s’exercer dans les cas que la loi exclut ou qu’elle déclare être du ressort exclusif de ces tribunaux, personnes, organismes ou groupements, sauf s’il y a défaut ou excès de compétence.
La cour est saisie au moyen d’un pourvoi en contrôle judiciaire. »
[46] Le Recours est donc un véritable pourvoi en contrôle judiciaire des Avis.
[47] Précisons que le délai entre l’envoi des avis et la signification du Recours n’est pas en litige[29].
[48] Ce qui nous amène à analyser la norme de contrôle applicable à la décision de la Ville de délivrer les Avis.
[49] Tel que mentionné, les demandeurs plaident que l’analyse de la légalité des Avis ne serait pas soumise à une norme de contrôle particulière[30].
[50] Ils ont tort puisqu’il y a toujours une norme de contrôle applicable[31].
[51] Depuis l’arrêt Vavilov[32], l’analyse a comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la « décision raisonnable ».
[52] Le caractère raisonnable de la décision « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »[33].
[53] Dans l’arrêt Catalyst Paper Corp.[34], la Cour suprême établit que le pouvoir d’un tribunal d’annuler un règlement municipal (ou comme en l’espèce, un rôle de taxation), est limité et qu’il ne peut être exercé pour la seule raison que le règlement impose un plus grand fardeau fiscal à certains contribuables par rapport à d’autres. La Cour écrit notamment ce qui suit à propos de la révision judiciaire d’une décision prise par un organisme municipal :
« [12] Les décisions et les règlements d’une municipalité, à l’instar de tout acte administratif, peuvent être révisés de deux façons. D’abord, les exigences en matière d’équité procédurale et le régime législatif qui régit la municipalité peuvent l’obliger à respecter certaines exigences de nature procédurale, notamment en matière d’avis ou de vote, et sa décision ou son règlement peut être jugé invalide si elle néglige de suivre ces procédures. Mais en plus de pouvoir être annulés au motif que ces exigences légales minimales n’ont pas été respectées, il se peut que les actes d’une municipalité le soient parce qu’ils outrepassent ce que le régime législatif permettait de faire. Cette révision sur le fond est fondée sur la présomption fondamentale, découlant de la primauté du droit, selon laquelle le législateur ne peut avoir voulu que le pouvoir qu’il a délégué soit exercé de façon déraisonnable, ou, dans certains cas, incorrecte.
(…)
[24] Il est donc clair que les tribunaux appelés à réviser le caractère raisonnable de règlements municipaux doivent le faire au regard de la grande variété de facteurs dont les conseillers municipaux élus peuvent légitimement tenir compte lorsqu’ils adoptent des règlements. Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs. Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.
[25] La norme de la décision raisonnable restreint les conseils municipaux en ce sens que la teneur de leurs règlements doit être conforme à la raison d’être du régime mis sur pied par la législature. L’éventail des issues raisonnables est donc circonscrit par la portée du schème législatif qui confère à la municipalité le pouvoir de prendre des règlements.
(…)
[28] La nécessité de suivre des processus raisonnables impose d’autres limites aux municipalités en matière d’adoption de règlements. Pour établir si un règlement relève de la portée du régime législatif, il faut tenir compte de facteurs tels l’omission de suivre les processus établis et la poursuite de fins illégitimes. Les conseils municipaux doivent adopter des processus convenables et ils ne peuvent agir à des fins illégitimes. Comme l’a affirmé le juge Gonthier au nom de la Cour dans Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village), 1991 CanLII 82 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 326, « [u]n acte municipal posé à des fins déraisonnables ou condamnables ou à des fins non prévues par la loi est nul » (p. 349). »
(Les emphases sont ajoutées.)
[54] Ceci étant dit, bien que les demandeurs ne soient pas d’accord avec la décision de la Ville d’augmenter le taux de taxation des TVD, ils ne remettent pas en cause l’opportunité de la décision de l’évaluateur municipal de délivrer les Avis. Si tel avait été le cas, la norme de contrôle à appliquer aurait été celle de la décision raisonnable eu égard au processus qui a mené à son adoption et le Tribunal aurait eu à décider si la décision s’inscrit dans un éventail d’issues possibles[35].
[55] Les demandeurs contestent plutôt la légalité des Avis considérant qu’ils n’auraient pas été émis en conformité de la réglementation applicable, ce qui, selon eux, contreviendrait à l’équité procédurale.
[56] Or, la norme applicable à la question de savoir si les Avis ont été émis dans le respect de l’équité procédurale demeure celle de la « décision correcte » et elle doit être évaluée dans le contexte où elle a été prise et eu égard à l’ensemble des circonstances[36]. Le Recours sera donc analysé à la lumière de cette norme.
[57] Les prétentions des parties sont les suivantes :
i) Les demandeurs :
[58] Ils plaident que les Avis en litige sont illégaux car la Ville a omis de préciser qu’une modification avait été apportée à la classe de la catégorie des immeubles (qui devenaient des TVD) en plus de ne pas référer à la disposition législative applicable, en l’occurrence l’article 174 (13.1.1o) LFM.
[59] Ils avancent donc que les Avis sont nuls puisqu’ils ne respectent pas l’article 12.2 du Règlement qui prévoyait ce qui suit à l’époque où ils ont été envoyés[37]:
« SECTION 2.1
12.2. En plus de ce que prescrit l’article 180 de la Loi, l’avis de modification prévu à cet article doit contenir les mentions suivantes:
1° le rôle visé par la modification;
2° l’identification des inscriptions au rôle visées par la modification;
3° un renvoi à la disposition législative en vertu de laquelle a été effectuée la modification;
4° la date de prise d’effet de la modification. »
(Les emphases sont ajoutées.)
[60] Puisque l’omission de faire référence à la disposition législative serait, selon eux, une condition essentielle à la validité des Avis, et référant à l’arrêt Immeubles Port Louis[38], ils plaident que cette omission entraîne leur nullité sans qu’il soit nécessaire de prouver un quelconque préjudice puisque le but de la procédure n’est pas atteint.
ii) La Ville :
[61] La Ville concède qu’une référence à l’article 174 (13.1.1o) LFM aurait dû être indiquée sur certains Avis[39].
[62] Mais elle réplique que les Avis sont néanmoins conformes à l’esprit du Règlement puisque les renseignements modifiés sont tous bien identifiés sur chacun des Avis, de même que la répartition fiscale avant et après la modification, tout comme l’indication de l’ancienne et la nouvelle classe de la catégorie d’immeubles.
[63] Elle ajoute que le but des Avis est certainement atteint puisque les demandeurs savaient que leurs immeubles passaient à la catégorie des TVD et qu’ils ont même mandaté un avocat pour vérifier la légalité du processus de taxation de cette catégorie d’immeubles.
[64] En conséquence, elle plaide que le recours des demandeurs est irrecevable en l’absence de préjudice réel, et ce, en vertu de l’article 3 LFM. Nous y reviendrons.
[65] À ce stade-ci, il convient de faire un survol législatif du processus de modification du rôle.
iii) Le processus de modification du rôle d’évaluation foncière :
[66] Le rôle de taxation jouit d’une présomption de validité et d’exactitude et celle-ci s’applique à toutes les inscriptions, autant les inscriptions initiales que celles faites lors de la tenue à jour du rôle, de sorte qu’il appartient à la personne qui prétend que le rôle comporte une erreur ou une irrégularité de la prouver[40].
[67] Le principe de l’immuabilité du rôle sous-tend toute la LFM. La Cour d’appel en expose ainsi les raisons dans l’arrêt Sears[41] :
« La L.F.M. a pour but d'assurer une source de financement pour les dépenses municipales. À cette fin est confectionné un rôle composé d'unités d'évaluations. Le rôle ne peut être modifié, pendant la période pour laquelle il est déposé, que selon les prescriptions prévues par la loi. Le premier objectif, très général, vise à assurer un ordre public en répartissant équitablement les dépenses municipales entre les citoyens. Cet objectif doit être mesuré à un autre qui réside dans la stabilité des finances municipales tant à l'égard de la municipalité qu'à l'égard des contribuables. C'est ce que les tribunaux qualifient d'immuabilité du rôle.
Le législateur a fait un choix entre ces deux objectifs. Il établit à l'article 76 L.F.M. que le rôle demeure en vigueur pour tout l'exercice pour lequel il est fait. C'est la primauté de la règle de l'immuabilité du rôle. La modification du rôle pour tenir compte des différents changements qui peuvent s'avérer nécessaires est assujettie à une procédure stricte. Il peut s'agir de modifications à la suite de plaintes des citoyens (article 124 L.F.M.), de certificats émis par l'évaluateur (article 174 L.F.M.) ou encore à la suite de jugements prononçant la nullité ou la cassation du rôle (article 183 L.F.M.). »
(Les emphases sont ajoutées)
[68] Le rôle peut évidemment être modifié pendant la période pour laquelle il est déposé lorsqu’un changement s’impose dans la situation de l’unité de taxation, à la condition toutefois de respecter les prescriptions prévues par la loi.
[69] Un des buts de la tenue à jour du rôle est de veiller à ce qu’aucun contribuable n’échappe au paiement de sa juste part en raison d’une erreur commise par la municipalité[42].
[70] L’évaluateur effectue une modification du rôle au moyen d’un certificat qu’il signe[43] et qu’il transmet notamment au greffier de la municipalité[44]. Celui-ci expédie ensuite un avis de la modification à la personne au nom de laquelle le bien visé est inscrit au rôle, ou l’était immédiatement avant la modification[45].
[71] Dans le cas des Avis en litige, la modification a effet à compter de la date fixée dans le certificat de l’évaluateur, laquelle ne peut être antérieure à la plus récente des dates suivantes : la date où survient l’événement qui justifie la modification, ou le premier jour de l’exercice financier qui précède celui au cours duquel la modification est faite[46].
[72] Rappelons que les Avis ont été envoyés à la suite d’une modification au rôle initiée par l’évaluateur municipal en vertu de l’article 174 LFM, et plus particulièrement les alinéas 12o, 13.1.1o a) et 18o.
[73] Il est utile de les reproduire :
« TENUE À JOUR DU RÔLE
174. L’évaluateur modifie le rôle d’évaluation foncière pour:
(…)
12° donner suite à une des opérations cadastrales suivantes: une division, une subdivision, une nouvelle division, une redivision, une annulation, une correction, un ajouté ou un remplacement de numéros de lots fait en vertu de la Loi sur le cadastre (chapitre C-1) ou des articles 3043 et 3045 du Code civil;
13.1.1° eu égard à l’article 57.1.1, ajouter une mention indûment omise ou supprimer une mention indûment inscrite et, dans la mesure où le rôle doit contenir des renseignements à ce sujet, tenir compte du fait qu’une unité d’évaluation:
a) devient visée à l’article 57.1.1 ou cesse de l’être;
(…)
18° refléter l’augmentation ou la diminution de valeur d’une unité d’évaluation découlant du fait qu’un service d’aqueduc ou d’égout devient ou cesse d’être à la disposition d’un immeuble faisant partie de l’unité;
(…) »
[74] Ainsi, en vertu de cet article, le rôle doit être tenu à jour et faire l’objet d’une modification, entre autres, dans les cas suivants :
i) Pour donner suite à une des opérations cadastrales énoncées à l’alinéa 12o;
ii) Pour ajouter une mention indûment omise ou supprimer une mention indûment inscrite et pour tenir compte du fait qu’une unité d’évaluation devient visée à l’article 57.1.1 al. 2 LFM, notamment quand elle appartient désormais à la catégorie des TVD;
iii) Pour refléter l’augmentation ou la diminution de valeur d’une unité d’évaluation du fait qu’un service d’aqueduc et d’égout devient ou cesse d’être à la disposition d’un immeuble faisant partie de l’unité.
[75] Dans l’arrêt Groupe Champlain, la Cour d’appel rappelle qu’en raison du fait que l’article 174 LFM déroge au principe de l’immuabilité du rôle en cours d’exercice, le pouvoir de modification commande une interprétation restrictive[47].
[76] Selon l’article 180 LFM et le Règlement[48], un avis de modification au rôle d'évaluation foncière doit obligatoirement contenir les mentions suivantes :
[77] Dans la présente affaire, seul le 3e élément est en litige puisque toutes les autres mentions sont conformes aux exigences réglementaires.
[78] Tel que mentionné, il est admis que certains des Avis contestés devaient notamment faire référence à l’alinéa 13.1.1o de l’article 174 LFM puisqu’il s’agit d’une mention qui était obligatoire en vertu de l’article 12.2 du Règlement.
[79] Est-ce que cette mention impérative était toutefois essentielle à la validité des Avis?
[80] Une réponse négative s’impose.
[81] Voici pourquoi.
[82] L’article 3 de la LFM énonce ce qui suit :
« 3. Nulle action, défense ou exception, fondée sur l’omission de formalités, même impératives, dans un acte d’une Communauté, d’une municipalité, d’un centre de services scolaire, d'une commission scolaire, d’un de leurs fonctionnaires ou d’un évaluateur, n’est recevable à moins que l’omission n’ait causé un préjudice réel, ou à moins qu’il ne s’agisse d’une formalité dont l’inobservation entraîne, d’après les dispositions de la loi, la nullité de l’acte où elle a été omise. »
(Les emphases sont ajoutées.)
[83] Pour que cette disposition remédiatrice trouve application, la preuve d’une omission d’accomplir une formalité imposée par la LFM doit évidemment être faite puisque sans une telle omission, ce moyen de défense offert à la Ville n’est pas utile[49]. Cette première condition est satisfaite en l’espèce.
[84] Dans l’arrêt Immeubles Port Louis[50], la Cour suprême énonce la distinction qui doit être faite entre de « simples formalités » et des formalités dont le respect constitue une « condition essentielle à la validité d’un acte ». Alors qu’un manquement portant sur la première peut être sauvé par une disposition législative en ce sens, il en va autrement du cas de la seconde où le manquement entraîne la nullité de l’acte sans qu’il soit requis de démontrer un préjudice. Elle écrit ce qui suit à ce sujet :
« En vertu de l'art. 14 du Code municipal, nulle action, poursuite ou procédure fondée sur la forme ou sur l'omission de formalités même impératives, dans des actes ou procédures relatifs à des matières municipales, n'est recevable, à moins que la forme ou l'omission n'ait causé une injustice réelle ou que les formalités omises ne soient de celles dont l'omission rende nuls, d'après les dispositions du Code municipal, les procédures ou autres actes municipaux qui doivent en être accompagnés. L'article 11 de la Loi sur les cités et villes et l’article 3 de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., ch. F-2.1, sont au même effet. Néanmoins, ces articles ne touchent que les simples informalités (voir City of Beaconsfield c. Bagosy, précité). Le professeur Jacques L'Heureux dans Droit municipal québécois (1984), t. 2, affirme aux pp. 319 et 320 :
En vertu de la jurisprudence, lorsqu'une formalité est une condition essentielle à la validité d'un acte, son omission entraîne la nullité de l'acte sans qu'il soit nécessaire de prouver préjudice.
Les notions de "formalité essentielle" et « d'"élément essentiel" demeurent, toutefois, assez imprécises en jurisprudence. En fait, on peut dire que, globalement parlant, les tribunaux annulent un acte pour irrégularité de procédure lorsque le but de la procédure n'a pas été atteint.
La jurisprudence a établi que les illégalités qui atteignent la procédure dans sa substance ou qui affectent un droit fondamental sont admissibles à une contestation élargie. (…) »
(Références omises. Les emphases sont ajoutées.)
[85] À titre d’exemple, dans l’arrêt Ville de Lévis c. Collège de Lévis[51], la Cour d’appel indique que l’absence des indications relatives à la façon d’exercer un droit et à la façon d’établir le délai au cours duquel ce droit peut être exercé constituent des omissions sur un point fondamental qui rendent l’avis nul, sans qu’il soit nécessaire de prouver préjudice.
[86] En résumé, l’acte attaqué est nul et la disposition remédiatrice prévue à l’article 3 LFM ne trouve pas application dans les cas suivants :
- la loi spécifie que l’omission d’une formalité entraîne sa nullité;
- l’omission d’une formalité cause un préjudice réel au contribuable;
- un acte peut être annulé, même en l’absence de préjudice réel, lorsque la formalité omise s’avère une condition essentielle à sa validité. Une irrégularité de procédure entraînera la nullité de l’acte lorsque le but visé par la procédure n’aura pas été atteint.
[87] Or, le Tribunal en vient à la conclusion qu’aucune de ces situations ne s’applique dans la présente affaire.
[88] D’une part, aucune disposition de la LFM ne prévoit la nullité d’un certificat de modification du rôle d’évaluation foncière en cas d’omission de respecter les dispositions du Règlement.
[89] D’autre part, aucun des demandeurs ne subit de préjudice réel résultant de l’omission de la Ville d’indiquer le renvoi à toutes les dispositions législatives en vertu desquelles a été effectuée la modification au rôle d’évaluation foncière.
[90] Cette conclusion s’impose pour les raisons qui suivent.
[91] Premièrement, vu l’absence de changement de classe de catégorie d’immeubles, la référence à l’article 174 (13.1.1o) LFM n’était même pas requise concernant les Avis regroupés sous les catégories 2.1, 3.1 et 7 dans le Tableau préparé par l’évaluateur[52]. Il en est de même pour les Avis de catégorie 6 puisque les lots ont cessé d’exister et, par voie de conséquence, ne font plus l’objet d’une taxation.
[92] Les demandeurs se sont d’ailleurs désistés de leur demande à ce sujet au début de l’instruction du Recours.
[93] Deuxièmement, les interrogatoires hors cour des demandeurs démontrent qu’aucun d’entre eux n’a subi de réel préjudice en lien avec l’absence du renvoi approprié à l’article 174 (13.1.1o) de la LFM.
[94] L’objet de leur réprimande envers la Ville concerne principalement le taux élevé de taxation des TVD et non l’imprécision des Avis.
[95] Comme le taux de taxation n’apparaît pas sur les Avis, mais plutôt sur les comptes de taxes, il est difficile de concevoir en quoi une référence à l’article 174 (13.1.1o) LFM aurait évité que les demandeurs puissent subir un préjudice.
[96] Troisièmement, l’absence de référence à l’article 174 (13.1.1o) LFM pourrait, au mieux, justifier qu’une demande de révision soit présentée tardivement.
[97] Or, il n’y a eu aucune demande de révision des Avis de la part des demandeurs auprès de la section des affaires immobilières du Tribunal administratif du Québec (« TAQ »), et ce, même après avoir été avisés de la nature précise des modifications apportées au rôle et avoir obtenu l’opinion juridique de Me Mainguy, ou encore après avoir reçu les nouveaux comptes de taxes qui indiquent le taux de taxation des TVD et le crédit appliqué durant la période où les immeubles étaient de la catégorie « résiduelle ».
[98] Quatrièmement, tel qu’indiqué lors de l’instruction du Recours, les entreprises demanderesses œuvrent dans le domaine de la promotion et/ou construction et/ou vente et/ou exploitation de projets immobiliers, de sorte qu’elles savent nécessairement que leurs immeubles deviennent desservis par un réseau d’aqueduc et d’égout ou encore, qu’ils ont fait l’objet d’une opération cadastrale puisque ce sont elles qui s’en occupent.
[99] Dès lors, il est difficile de concevoir que les entreprises demanderesses[53] ne puissent pas anticiper la nature des modifications qui seront apportées au rôle en vertu des dispositions de la LFM, et ce, avant même de recevoir les Avis.
[100] Cinquièmement, le Tribunal constate que les demandeurs reconnaissent que la valeur d’un terrain peut augmenter lorsqu’il devient desservi par un service d’aqueduc et d’égout (art. 174 (18o) LFM), ce qui est le cas des immeubles visés par les Avis regroupés dans les catégories 1 et 5 du Tableau préparé par l’évaluateur.
[101] Ils admettent aussi que la valeur d’un terrain peut augmenter à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM), ce qui est le cas des immeubles visés par Avis regroupés dans la catégorie 3 du Tableau préparé par l’évaluateur.
[102] Quant aux Avis appartenant à la catégorie 2, on peut difficilement voir quel pourrait être le préjudice subi par les demandeurs puisque les immeubles visés ont fait l’objet d’une modification à la suite d’une opération cadastrale (art. 174 (12o) LFM) et pour lesquels il y a eu création d’un nouveau lot et d’un nouveau dossier au rôle d’évaluation foncière. Comme il s’agit de nouveaux lots et dossiers de taxation, il ne s’agit pas, en soi, de « modification » puisque tous les éléments sont nouveaux et il est bien précisé dans chacun de ces Avis que l’immeuble appartient à la classe de catégorie des TVD.
[103] Quant aux deux immeubles visés par les Avis regroupés dans la catégorie 4[54], la raison de la modification indiquée dans le carré rouge, c’est-à-dire « Augmentation de valeur à la suite de l’ajout d’un service d’aqueduc et d’égout », apparaît manifestement erronée puisque leur valeur n’a même pas changé en dépit de l’ajout de tels services. Le seul changement qui apparaît est la modification de la classe de catégorie d’immeubles, qui passe de « résiduelle » à TVD. Une simple lecture permet facilement de comprendre la raison de l’envoi de ces Avis.
[104] Or, pour tous ces Avis, les demandeurs ne contestent pas le pouvoir de la Ville d’imposer un taux particulier à la catégorie des TVD considérant qu’il n’excède pas le double du taux de base, ce pouvoir étant expressément conféré à la Ville par l’article 244.49 LFM qui énonce ce qui suit :
« E. — Taux particulier à la catégorie des terrains vagues desservis
244.49. Le taux particulier à la catégorie des terrains vagues desservis doit être égal ou supérieur au taux de base.
Il ne peut excéder le double de ce dernier. »
[105] Sixièmement, à la suite d’une décision rendue par le TAQ[55], les demandeurs ne contestent plus que les immeubles en litige (soit ceux visés par les Avis de catégories 1, 2, 3, 4 et 5 dans le Tableau) puissent se classer dans la catégorie des TVD.
[106] Le Recours ne doit donc pas servir de moyen détourné d’éviter que les immeubles soient taxés en vertu d’un pouvoir de taxation dûment exercé qui n’est pas contesté. Pourtant, il apparaît évident que les demandeurs cherchent uniquement, par la voie de leur Recours, à éviter de devoir payer les taxes qui s’imposent en raison d’une omission de la Ville qui ne leur cause aucun préjudice réel.
[107] Ce qui nous amène à l’analyse du dernier critère, qui est d’ailleurs l’enjeu principal de la présente affaire, à savoir le caractère essentiel ou non de la mention omise par la Ville quant à la validité des Avis. En effet, si la mention est jugée essentielle, les Avis peuvent être annulés, même en l’absence de préjudice[56].
[108] Or, dans l’arrêt Sears précité[57], la Cour d’appel conclut que l'absence de référence à la disposition habilitante n’entraînait pas la nullité des certificats émis par un évaluateur municipal. Elle écrit ce qui à ce sujet :
« La forme des certificats n'est cependant pas imposée par la L.F.M. et je ne vois rien qui puisse justifier une conclusion aussi drastique que celle que suggère l'appelante. Par la mention "R. & D. Réévaluation du dossier suite à l'omission des équipements" à la rubrique "Remarques", Sears était suffisamment informée des motifs d'intervention de l'évaluateur pour décider de l'opportunité de se pourvoir contre les modifications. Rien dans la preuve versée au dossier ne suggère d'ailleurs que Sears ait subi quelque préjudice. »
[109] Cette décision de la Cour d’appel a été rendue avant l’entrée en vigueur de l’article 12.2 du Règlement. Toutefois, le législateur a tout de même maintenu le libellé de l’article 3 de la LFM.
[110] Le législateur a donc énoncé des formalités « impératives » à l’article 12.2 du Règlement tout en maintenant la disposition remédiatrice prévue à l’article 3 de la loi. Il faut donc encore donner un sens à cette dernière disposition.
[111] Comme nous venons de le voir, les Avis devaient préciser la raison de la modification et mentionner le droit d’en demander la révision de même que la façon et le délai pour le faire, ces éléments étant étroitement liés au droit de contester et à la règle audi alteram partem.
[112] En effet, un des objectifs principaux des Avis était de permettre aux contribuables visés, en l’occurrence les demandeurs, de connaître rapidement les modifications à leur situation fiscale et de faire valoir, le cas échéant, leur droit de les contester selon la procédure prévue par la loi[58].
[113] Rappelons que tous les Avis en litige précisent clairement la modification de la classe de catégories des immeubles, et ce, autant avant qu’après la modification.
[114] Il est manifeste que les demandeurs ont bien compris que leurs immeubles devenaient inscrits dans la catégorie des TVD, ce qui pouvait affecter le taux de taxation et augmenter le montant des taxes. En effet, selon ce qui appert de l’opinion juridique rédigée par Me Mainguy, celui-ci a été mandaté par les avocats des demandeurs afin d’obtenir « une opinion juridique sur la légalité de l’inscription au rôle d’évaluation de la Ville de Sherbrooke de certains immeubles qui sont la propriété de vos clients dans la catégories des terrains vagues desservis et ce, dans le cadre de la réalisation de développements immobiliers »[59].
[115] En conséquence, le but de la procédure est certainement atteint car les demandeurs ont compris qu’il y avait un changement de catégories d’immeubles dans le cadre de la réalisation de leurs projets immobiliers.
[116] Par ailleurs, dans l’affaire Ville de Drummondville c. Cour du Québec[60], qui est similaire au présent cas et qui a été rendue après l’entrée en vigueur de l’article 12.2 du Règlement, l’honorable juge Jean-Guy Dubois de notre Cour a décidé que l’absence de renvoi à la disposition législative, en vertu de laquelle a été effectuée la modification, n’était pas une condition essentielle à la validité du certificat de modification.
[117] Considérant la règle du stare decisis horizontal et puisque le Tribunal peut difficilement distinguer la présente cause de l’affaire Ville de Drummondville, une retenue judiciaire s’impose[61]. En effet, dans le récent arrêt Sulllivan, la Cour suprême énonce ce qui suit :
« [75] Le principe de la courtoisie judiciaire - voulant que les juges traitent les décisions de leurs consœurs et confrères avec courtoisie et considération - et les principes de la primauté du droit qui appuient la règle du stare decisis impliquent que les décisions antérieures devraient être suivies, à moins que les critères énoncés dans la décision Spruce Mills soient satisfaits. Lorsqu’ils sont correctement formulés et appliqués, les critères de cette décision établissent un rapport juste entre les impératifs concurrents de la certitude, de la justesse et de l’évolution équilibrée du droit. Les tribunaux de première instance ne devraient s’écarter des décisions faisant autorité rendues par un tribunal de juridiction équivalente que dans trois situations précises :
1. La justification d’une décision antérieure a été compromise par des décisions subséquentes de cours d’appel;
2. La décision antérieure a été rendue per incuriam (« par imprudence » ou « par inadvertance »); ou
3. La décision antérieure n’a pas été mûrement réfléchie, c.‑à‑d. qu’elle a été prise dans une situation d’urgence (« exigent circumstances »). »
(Les emphases sont ajoutées.)
[118] La décision Ville de Drummondville n’étant visée par aucune de ces situations, il est opportun que le Tribunal maintienne la même position que son collègue, l’honorable juge Dubois.
[119] Il est donc bien établi que la validité d’un certificat de modification n’est aucunement entachée en raison du fait que le motif de son émission n’a pas été communiqué ou encore parce que le motif communiqué est erroné. La jurisprudence refuse, en effet, de sanctionner par la nullité pareil défaut ou omission. Sous réserve du droit à l’ajournement en faveur du contribuable qui ne pourrait valablement soumettre sa contestation en raison du préjudice causé par l’effet de surprise, ce qui n’est nullement le cas des demandeurs dans la présente affaire, la jurisprudence n’interdit aucunement la preuve d’un motif autre que celui divulgué au certificat[62].
[120] Dans ce contexte, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale et la formalité omise par la Ville ne donne pas ouverture à une annulation des Avis « pour irrégularité de procédure » puisque le but de la procédure a été atteint. La décision étant correcte eu égard à l’ensemble des circonstances, il n’y a pas matière à intervention judiciaire.
[121] Le Recours est donc rejeté.
[122] Quant aux frais de justice, il y a lieu de déroger à la règle voulant qu’ils soient généralement dus à la partie qui a gain de cause[63] compte tenu que le litige prend sa source dans une omission de l’évaluateur de la Ville qui aurait facilement pu être évitée.
[123] PREND ACTE du désistement des demanderesses concernant la demande d’annulation des certificats de l’évaluateur et avis de modifications du rôle d’évaluation foncière visés par l’Annexe A du présent jugement;
[124] DÉCLARE que tous les autres certificats de l’évaluateur et avis de modifications du rôle d’évaluation foncière visés par la demande contreviennent au troisième alinéa de l’article 12.2 du Règlement sur la forme ou le contenu minimal de divers documents relatifs à la fiscalité municipale RLRQ, c. F-2.1, r.6 (tel qu’il se lisait à l’époque pertinente au litige), en ce qu’ils omettent de référer à une des dispositions législatives en vertu de laquelle a été effectuée la modification au rôle d’évaluation foncière, en l’occurrence l’article 174 (13.1.1o a) de la Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ, c. F-2.1;
[125] DÉCLARE que ladite omission n’est pas une formalité essentielle à la validité desdits certificats de l’évaluateur et avis de modifications du rôle d’évaluation foncière et que ceux-ci sont valides considérant l’absence de préjudice réel causé aux demandeurs;
[126] REJETTE en conséquence la Demande de Pourvoi en contrôle judiciaire en annulation de modifications du rôle d’évaluation foncière re-re-re-modifiée datée du 8 avril 2022;
[127] Sans frais de justice.
| ||
| __________________________________CLAUDE VILLENEUVE, j.c.s. | |
| ||
Me Paul-Émile Senécal | ||
(Crochetière Pétrin s.e.n.c.r.l.) | ||
Avocat des demanderesses | ||
| ||
Me Tiffany Dorais | ||
(Chabot Cormier Martel et Associés) | ||
Avocate de la défenderesse | ||
| ||
Date d’audience : | 11 avril 2022 | |
« ANNEXE A »
(Liste des certificats de l’évaluateur et avis de modification du
rôle d’évaluation foncière qui font l’objet d’un désistement)
GROUPE SELECT LTÉE (PIÈCE P-15.4)
Numéro de lot au Registre Foncier | Numéro de certificat de l’évaluateur et avis de modification du rôle d’évaluation foncière |
|
|
5882620 | 16-32788 |
5882637 | 16-32805 |
5882670 | 16-32841 |
5882681 | 16-32820 |
5882694 | 16-32776 |
5882707 | 16-32863 |
5882708 | 16-32867 |
9204-5822 QUÉBEC INC. f.a.s.r.s. TÈRATÈR (PIÈCE P-15.5)
Numéro de lot au Registre Foncier | Numéro de certificat de l’évaluateur et avis de modification du rôle d’évaluation foncière à annuler |
|
|
5831008 | 16-29042 |
5888126 | 16-31355 |
GESTION L. ELIAS INC. (PIÈCE P-15.7)
Numéro de lot au Registre Foncier | Numéro de certificat de l’évaluateur et avis de modification du rôle d’évaluation foncière |
|
|
5990467 | 16-37584 |
6105048 | 17-03600 |
6105049 | 17-03599 |
6105050 | 17-03597 |
6105051 | 17-03595 |
6105052 | 17-03593 |
6105053 | 17-03591 |
6105054 | 17-03589 |
6105055 | 17-03587 |
6105056 | 17-03562 |
6105057 | 17-03560 |
6105058 | 17-03556 |
6105059 | 17-03553 |
6105060 | 17-03551 |
6105061 | 17-03549 |
6105063 | 17-03545 |
6105062 | 17-03546 |
6109601 | 17-05437 |
6109602 | 17-05438 |
6109603 | 17-05442 |
6109604 | 17-05444 |
6109605 | 17-05446 |
6109606 | 17-05447 |
6109607 | 17-05453 |
6109608 | 17-05449 |
6109609 | 17-05450 |
6109610 | 17-05451 |
6109611 | 17-05452 |
6135779 | 17-05439 |
6135780 | 17-05440 |
6135781 | 17-05441 |
6135782 | 17-05443 |
6135783 | 17-05445 |
6135784 | 17-05448 |
6135785 | 17-05454 |
6135786 | 17-05455 |
6135787 | 17-05456 |
6135788 | 17-05457 |
6135789 | 17-05458 |
6079258 | 17-03613 |
6105025 | 17-03565 |
6105026 | 17-03590 |
6105027 | 17-03569 |
6105028 | 17-03568 |
6105029 | 17-03567 |
6105030 | 17-03566 |
6105031 | 17-03564 |
6105032 | 17-03563 |
6105033 | 17-03544 |
6105034 | 17-03534 |
6105035 | 17-03601 |
6105036 | 17-03547 |
6105037 | 17-03548 |
6105038 | 17-03550 |
6105039 | 17-03554 |
6105040 | 17-03557 |
6105041 | 17-03561 |
6105042 | 17-03586 |
6105043 | 17-03588 |
6105044 | 17-03594 |
6105045 | 17-03596 |
6105046 | 17-03598 |
6105047 | 17-04030 |
6105047 | 17-07551 |
6105064 | 17-03537 |
6105065 | 17-03538 |
6105066 | 17-03539 |
6105067 | 17-03540 |
6105068 | 17-03571 |
6079259 | 17-03616 |
6103477-P | 17-03618 |
6103979-P | 17-03623 |
LES HABITATIONS M. FONTAINE INC. (PIÈCE P-15.10)
Numéro de lot au Registre Foncier | Numéro de certificat de l’évaluateur et avis de modification du rôle d’évaluation foncière |
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5509241 | 16-30238 |
5509242 | 16-30240 |
5509243 | 16-30242 |
5509244 | 16-30244 |
5509245 | 16-30252 |
[1] Plusieurs modifications ont été apportées au Pourvoi, dont une dernière en date du 8 avril 2022, soit la demande re-re-re-modifiée (séquence #46 au plumitif).
[2] RLRQ, c. F-2.1, r.6.
[3] En effet, le Règlement a, depuis, été abrogé et remplacé par le Règlement sur la forme et le contenu minimal de divers documents relatifs à la fiscalité municipale, RLRQ, c. F-2.1, r.6.1. L’article 23 de ce nouveau règlement prévoit que les anciens articles 2 à 12.2 du Règlement demeurent applicables jusqu’au 30 juin 2021.
[4] RLRQ, c. F-2.1.
[5] Pièces P-3 à P-14.
[6] Interrogatoire de Jean Mathieu en date du 14 mai 2019, p. 5.
[7] RLRQ, c. A-19.1.
[8] Art. 174 (13.1.1o et 18o), 244.36 et 244.49 LFM.
[9] Pièce D-8.
[10] Idem.
[11] Soit les deux Avis produits sous la cote P-15.8 (p. 4 et 5) qui indiquent que la valeur au rôle est inchangée. Ces deux immeubles sont visés par des Avis de « catégorie 4 » dans le tableau préparé par l’évaluateur municipal (ce sujet sera abordé plus loin).
[12] Pièces D-4 et P-15.1 à P-15.12.
[13] Pièce D-3.
[14] Pièce D-1.
[15] L’avocat n’aborde cependant pas la question des modifications apportées au rôle en raison d’une modification donnant suite à une opération cadastrale en vertu de l’article 174 (12o) LFM.
[16] Pièce D-1, p. 5.
[17] L’opinion de Me Mainguy porte aussi sur la notion de rue publique aux fins de qualification d’un immeuble comme terrain vague desservi. Cette question n’est plus en litige.
[18] Pièce D-2 modifiée. Les demandeurs admettent le contenu du Tableau.
[19] Soit les avis produits comme pièce P-15.7, p. 8 et 71.
[20] Soit les avis produits comme pièce P-15.7, p. 78 et 79.
[21] Annexe A. Le Tribunal l’a préparée dans l’éventualité d’un appel de cette décision, afin de clarifier ce qui ne faisait plus l’objet d’un litige.
[22] Art. 57.1.1 al. 2 LFM. Aux fins du présent litige, le Tribunal tient pour acquis qu’une telle résolution a été adoptée par la Ville.
[23] Projet de loi no 23, 2003, c. 19, art. 193.
[24] Les entreprises Lachance inc. c. Sherbrooke (Ville), 2020 CanLII 7298 (QC TAQ), par. 39 et 40.
[25] Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01 (« C.p.c. »).
[26] Soit les recours prévus aux anciens articles 33, 838, 844 et 846 du code antérieur, soit l’action directe en nullité, la requête en évocation ou en révision, la requête en mandamus et en quo warranto et, sous certains aspects, la requête en jugement déclaratoire prévue à l’ancien article 453 C.p.c. : à cet effet, voir : Le Grand Collectif sous la direction de Luc Chamberland, Code de procédure civile – commentaires et annotations – 3e éd., vol. 2, Éditions Yvon Blais, 2018, p. 2341-2342.
[27] Fraternité des policiers de Châteauguay inc. c. Ville de Mercier, 2017 QCCA 1251, par. 11.
[28] Art. 529 (2o) C.p.c.
[29] Il est pourtant bien établi en droit que la demande en nullité présentée à l’encontre d’un règlement municipal pour cause d’abus de pouvoir doit être formée dans un délai raisonnable : Lorraine (Ville) c. 2646‐8926 Québec inc., 2018 CSC 35 (CanLII), [2018] 2 RCS 577, par. 25; Marcotte c. Longueuil (Ville), 2009 CSC 43 (CanLII), [2009] 3 RCS 65, par. 38.
[30] Mémoire des demandeurs, par. [17].
[31] Université du Québec à Montréal c. Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Montréal - SPUQ, 2021 QCCA 1565, par. 12 à 14.
[32] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (« Vavilov »), par. 23.
[33] Vavilov, par. 86. Voir également : Ville de Québec c. Vidéotron ltée, 2022 QCCA 594, par. 56.
[34] Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 9.
[35] Vavilov, par. 312; Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), préc., note 34, par. 16; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, par. 53, 54 et 62; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (CanLII), [2008] 1 RCS 190, par. 47; Ville de Mont-Saint-Hilaire c. 9193-4463 Québec inc., 2021 QCCA 1685, par. 74 à 76; Ville de Québec c. Galy, 2020 QCCA 1130, par. 45.
[36] Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24 (CanLII), [2014] 1 RCS 502, par. 79; Société québécoise des infrastructures c. Ville de Montréal, 2021 QCCA 1713, par. 29 et 30; Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, local 503 c. Systèmes Techno-pompes inc., 2017 QCCA 997, par. 20 à 27; Papiers de publication Kruger inc. c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), sections locales 136, 234 et 265, 2016 QCCA 1821, par. 22; Soufiane c. Tribunal administratif du travail, 2020 QCCS 4054, par. 14; Club de tir l'Acadie c. Tribunal administratif du Québec, 2020 QCCS 2664, par. 34; Réseau de transport de la Capitale c. Ménard, 2020 QCCS 1790, par. 19 à 21; Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ) c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2020 QCCS 4502, par. 74; Retraite Québec c. Tribunal administratif du Québec, 2020 QCCS 1592, par. 17 à 21.
[37] Tel que mentionné, le Règlement a, depuis, été abrogé et remplacé par le Règlement sur la forme et le contenu minimal de divers documents relatifs à la fiscalité municipale, RLRQ, c. F-2.1, r.6.1. L’article 19 (6o) du nouveau règlement est plus précis et il prévoit notamment l’exigence d’identifier, sur l’avis de modification, les « inscriptions au rôle visées par la modification, avant et après, le motif justifiant celle-ci et le renvoi à la disposition législative concernée, incluant le paragraphe, le cas échéant ».
[38] Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village), 1991 CanLII 82 (CSC), [1991] 1 RCS 326.
[39] D’ailleurs, depuis la signification du Recours, l’évaluateur municipal a changé sa façon de faire lorsqu’il y a une modification de la catégorie d’immeubles. Il prend maintenant la peine de préciser, dans les certificats et avis de modification du rôle d’évaluation foncière qu’il délivre, que l’« unité d’évaluation devient visée à la catégorie des terrains vagues desservis », en référant à l’article 174, par. 13.1.1 LFM, et ce, en sus de mentionner les autres raisons de la modification (par exemple : « modification donnant suite à une opération cadastrale »). Un exemple d’un tel avis « bonifié » est produit comme pièce P-16.
[40] Art. 124 LFM; Communauté urbaine de Montréal c. 150528 Canada inc., 1998 CanLII 12503 (QC CA).
[41] Sears Canada inc. c. Saint-Laurent (Ville), 1996 CanLII 5866 (QC CA), p. 19 et 20 (ce passage est repris par la Cour d’appel dans : Ville de Montréal c. Diaco, 2018 QCCA 157, par. 46 et 47).
[42] Communauté urbaine de Montréal c. 150528 Canada inc., préc., note 40 : « (…) to ensure that no taxpayer shall escape paying his fair share because of error or oversight. ».
[43] Art. 176 LFM.
[44] Art. 179 LFM.
[45] Art. 180 LFM.
[46] Art. 177 (5o) LFM.
[47] Groupe Champlain inc. c. Châteauguay (Ville de), 2007 QCCA 169, par. 49. Au même effet : Ville de Montréal c. Diaco, préc., note 41, par. 50; Société en commandite Adamax Immobilier c. Ville de Montréal, 2021 QCCS 499, par. 28.
[48] Art. 12.2 du Règlement.
[49] Bridgestone/Firestone Canada inc. c. Beaulieu, 2000 CanLII 17753 (QC CS), par. 36.
[50] Immeubles Port Louis ltée c. Lafontaine (Village), préc., note 38, p. 351 et 352. Voir également : Benoit c. Ville de Sutton, 2018 QCCA 1475, par. 73.
[51] Lévis (Ville) c. Collège de Lévis, 1989 CanLII 640 (QC CA).
[52] Pièce D-2 modifiée.
[53] À l’exception peut-être des demandeurs Mathieu et Pulinckx qui ont acquis un terrain à des fins personnelles.
[54] Soit les immeubles visés par les Avis produits comme pièce P-15.8, p. 4 et 5.
[55] Pièce D-7 modifiée.
[56] Immeubles Port Louis ltée c. Lafontaine (Village), préc., note 38.
[57] Sears Canada inc. c. Saint-Laurent (Ville), préc., note 41.
[58] Québec (Commission des normes du travail) c. Québec (Ville), 1995 CanLII 5068 (QC CA).
[59] Pièce D-1, p. 1.
[60] Ville de Drummondville c. Cour du Québec, 2018 QCCS 2362.
[61] R. c. Sullivan, 2022 CSC 19, par. 86.
[62] Sears Canada inc. c. Ville de Saint-Laurent, préc., note 41; Ville de Drummondville c. Cour du Québec, préc., note 60; 9120-8215 Québec inc. c. Gatineau (Ville), 2017 QCTAQ 12208, 2017 CanLII 88879 (QC TAQ), par. 48; 9203-6615 Québec inc. c. Montréal (Ville), 2013 CanLII 72942 (QC TAQ), par. 78; Gestion Soroma Ltée et Canton d'Orford, 1999 CanLII 28588 (QC TAQ); Gaspé Toyota inc. et Ville de Gaspé, 1998 CanLII 25697 (QC TAQ), par. 10.
[63] Art. 340 C.p.c.
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