Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Fraser et Arrondissement Saint-Léonard

2013 QCCLP 1151

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

21 février 2013

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

462927-63-1202-C

 

Dossier CSST :

133224022

 

Commissaire :

Pierre Arguin, juge administratif

______________________________________________________________________

 

Yolande Fraser

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Arrondissement Saint-Léonard

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 20 février 2013, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

 

 

[3]        La date de la décision aurait dû se lire ainsi : Le 20 février 2013 et non 2012.

 

 

_________________________________

 

Pierre Arguin

 

 

 

 

Monsieur Daniel Morin

S.C.F.P. (local 429)

Représentant de la partie requérante

 

 

Madame Marie-France Pinard

Service du Capital humain

Ville de Montréal

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Geoffroy H. Lamarche

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentant de la partie intervenante

 

 


Fraser et Arrondissement Saint-Léonard

2013 QCCLP 1151

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

20 février 2012

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

462927-63-1202

 

Dossier CSST :

133224022

 

Commissaire :

Pierre Arguin, juge administratif

 

Membres :

Francine Melanson, associations d’employeurs

 

Serge Lavoie, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Yolande Fraser

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Arrondissement Saint-Léonard

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

Et

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]          Le 20 février 2012, madame Yolande Fraser (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 février 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]          Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues les 24 et 29 novembre 2011. Elle déclare que les frais d’entretien ménager pour la période du 9 septembre 2009 au 4 mai 2010, ainsi que d’éventuels frais de même nature, ne peuvent être remboursés. La CSST déclare également qu’elle ne peut reconsidérer sa décision du 31 juillet 2008 établissant à 41 772 $ le revenu brut annuel de la travailleuse.

[3]          L’audience est tenue à Joliette le 30 janvier 2013 en présence de la travailleuse et de son représentant. L’Arrondissement Saint-Léonard (l’employeur) n’est pas présent, mais est représenté. Il en est de même de la CSST. L’affaire est mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]          La travailleuse demande de déclarer qu’elle a droit au remboursement de certains travaux ménagers périodiques.

[5]          Elle demande également de modifier le revenu brut annuel ayant servi au calcul de ses indemnités, afin qu’il soit porté à 42 755 $ au lieu de 41 772 $.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]          Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis que la décision de la CSST portant sur le revenu brut annuel retenu aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu doit être reconsidérée.

[7]          Ils estiment que le revenu déterminé est erroné et que cette erreur, qui ne fut découverte par l’employeur et par la travailleuse qu’en octobre 2011, porte sur un fait essentiel. Comme la demande de reconsidération de la travailleuse fut produite dans les 90 jours de cette découverte, la décision litigieuse doit donc faire l’objet d’une reconsidération aux fins d’y substituer le bon montant.

[8]          Sur la question portant sur le remboursement des travaux ménagers présentés, les membres sont d’avis que la travailleuse ne rencontre pas les critères prévus pour obtenir de l’aide personnelle à domicile puisqu’elle est maintenant capable de prendre soin d’elle-même.

[9]          Ces membres estiment également que ces travaux constituent des tâches domestiques et que celles-ci ne sont pas visées par l’article 165 de la loi, qui porte sur le remboursement des travaux d’entretien courant du domicile. En outre, ils sont d’avis que la travailleuse n’a pas démontré par une preuve prépondérante qu’elle est incapable de les accomplir compte tenu de ses limitations fonctionnelles.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]       Le tribunal doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement de certains travaux ménagers périodiques et au remboursement des travaux ménagers présentés pour la période du 9 septembre 2009 au 4 mai 2010.

[11]       Le tribunal doit également déterminer si le revenu brut annuel assurable, déterminé par la CSST aux fins du calcul des indemnités payables à la travailleuse, doit être modifié.

[12]       Le 13 mars 2008, la travailleuse, une agente de bureau, glisse sur une plaque de glace sur le trottoir de l’entrée principale de l’édifice menant à son travail. Pour éviter de chuter, elle exécute un mouvement de torsion de la hanche droite, perd l’équilibre et retombe avec force sur ses pieds. À ce moment, elle ressent une vive douleur, sous la forme d’une chaleur, dans le bas du dos.

[13]       Le 13 juin 2008, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse à titre d’accident du travail survenu le 13 mars 2008, dont le diagnostic est celui d’entorse à la hanche droite.

[14]       Le 3 juin 2010, la Commission des lésions professionnelles rend une décision qui entérine un accord intervenu entre les parties et déclare que seul le diagnostic d’anomalie acétabulaire suggérant une fracture de stress avec entorse de l’insertion du rectus femoris est en relation avec l’aggravation d’une condition personnelle survenue à la suite de la lésion professionnelle du 13 mars 2008.

[15]       Le 7 janvier 2010, la travailleuse subit une chirurgie, à savoir une prothèse totale de la hanche droite. Elle retourne à son domicile le 13 janvier suivant et reçoit temporairement de l’aide personnelle à domicile pendant sa convalescence.

[16]       Le 27 mai 2011, la lésion de la travailleuse est consolidée avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 21,60 % et des limitations fonctionnelles de classe II décrites comme suit :

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

·         Travailler en position accroupie;

·         ramper;

·         grimper;

·         effectuer des mouvements avec amplitudes extrêmes de l’articulation en cause.

 

Éviter les activités qui impliquent de :

 

·         Soulever, porter et tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kg;

·         effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents avec effort de l’articulation en cause (comme l’actionnement d’un pédalier ou pour la marche prolongée);

·         rester debout plusieurs heures;

·         pivoter sur le membre inférieur en cause;

·         monter fréquemment plusieurs escaliers;

·         marcher en terrain accidenté ou glissant;

·         travailler dans une position instable (ex. : dans des échafauds, échelles, escaliers).

 

 

Les travaux ménagers

[17]       Le 20 octobre 2011, la CSST accepte de payer les frais suivants d’entretien courant du domicile : le déneigement du stationnement et de deux voies d’accès au domicile, la tonte de la pelouse, le ratissage du terrain, la taille de la haie, les travaux de peinture intérieure et extérieure et le grand ménage annuel pour le lavage des murs, plafonds et fenêtres[1].

[18]       Le 24 novembre 2011, la CSST refuse toutefois de rembourser les frais ménagers présentés par la travailleuse pour la période du 9 septembre 2009 au 4 mai 2010, ainsi que des frais futurs de même nature. Cette décision est maintenue par la CSST, le 13 février 2012, à la suite d’une révision administrative, d’où la partie du litige portant sur la question des travaux ménagers.

[19]       Dans sa décision du 13 février 2012, la CSST conclut que la travailleuse est capable de prendre soin d’elle-même en dépit de son atteinte permanente grave à l’intégrité physique. La CSST y est également d’avis que les travaux requis par la travailleuse sont des travaux visant à assurer la propreté, le confort et la commodité des lieux et non « des travaux d’entretien habituel, normal, ordinaire, qui doivent être faits périodiquement ou selon les saisons et qui sont nécessaires pour conserver les lieux en bon état tels le déneigement, la peinture intérieure ou extérieure, le grand ménage et l’entretien du terrain ».

[20]       Sur la question du remboursement des travaux ménagers requis, la travailleuse reconnaît à l’audience être capable de prendre soin d’elle-même. Elle ajoute que tel n’a pas toujours été le cas puisqu’elle a eu droit temporairement à de l’aide personnelle à domicile dans les semaines qui ont suivi sa chirurgie à la hanche.

[21]       Elle témoigne qu’elle exécute maintenant l’ensemble du ménage de son domicile, tout en recevant de l’aide plutôt occasionnelle de son fils, âgé de 18 ans, mais ajoute que celui-ci est de moins en moins présent en raison de ses nombreuses activités.

[22]       La travailleuse témoigne toutefois être désormais incapable de nettoyer son réfrigérateur ou sa cuisinière. Elle ajoute également qu’elle ne peut plus se pencher dans certains recoins, tirer de gros meubles aux fins de laver le plancher dans son intégralité ou épousseter à partir d’un escabeau. Elle ajoute qu’elle exécutait elle-même de telles tâches avant son accident du travail. Elle témoigne qu’elle lave désormais le plancher sans déplacer les meubles ni les électroménagers. En outre, elle mentionne qu’elle lave et nettoie ce qui est maintenant à sa portée.

[23]       La travailleuse souhaite donc recevoir l’aide d’une personne pouvant accomplir lesdites tâches à toutes les deux semaines ou à tous les mois, de façon à ce que l’ensemble de son ménage soit complété « à son goût ».

[24]       La travailleuse témoigne que la CSST lui rembourse, sur présentation de pièces justificatives, certains travaux tels le déneigement, la tonte de la pelouse, la taille de la haie, l’installation et le démantèlement de son abri d’auto, la peinture intérieure et extérieure, ainsi que le grand ménage annuel, mais qu’elle n’atteint pas le montant annuel maximal prévu par la loi pour de tels travaux. Elle précise qu’il lui arrive de faire exécuter certains de ces travaux sans requérir de pièces justificatives, afin de parer au plus pressé.

[25]       Contre-interrogée par le représentant de la CSST, la travailleuse mentionne que sa condition s’est légèrement améliorée depuis sa consolidation en raison de certains exercices qu’elle accomplit régulièrement.

[26]       Suivant l’article 158 de la loi, trois conditions sont requises pour qu’une aide personnelle à domicile soit accordée à un travailleur, à savoir qu’en raison de sa lésion professionnelle, il doit être « incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement, si cette aide s’avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile »[2].

[27]       Toutes les conditions prévues par l’article 158 de la loi doivent être présentes en raison de l’emploi par le législateur de la conjonction « et ». Le défaut d’en remplir une seule suffit donc pour faire échec à une demande fondée sur cette disposition[3].

[28]       En l’espèce, la travailleuse ne répond pas à ces conditions puisqu’elle est capable de prendre soin d’elle-même, ce qu’elle a admis lors de son témoignage. Ce défaut suffit donc à lui seul pour rendre inapplicable cette disposition[4].

[29]       En outre, la travailleuse n’a pas non plus démontré que l’aide qu’elle requiert « est nécessaire à son maintien à domicile ».

[30]       Comme l’article 158 de la loi est inapplicable en l’espèce, il y a lieu de déterminer si l’article 165 de la loi peut s’appliquer. Cette disposition se lit comme suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[31]       D’emblée, il n’est pas contesté que la travailleuse a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle, ce que la CSST reconnaît dans sa décision du 13 février 2012.

[32]       Par ailleurs, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles est partagée sur la question à savoir si des tâches ménagères tels le nettoyage d’un réfrigérateur ou d’un four, le déplacement de meubles ou le lavage des planchers, qui sont normalement comprises dans l’expression « tâches domestiques » utilisée à l’article 158, peuvent également constituer des « travaux d’entretien courant » d’un domicile au sens de l’article 165, lorsqu’un travailleur est capable de prendre soin de lui-même.

[33]       D’une part, dans l’affaire Roy et Brasserie Channy inc.[5], il a été décidé qu’il y avait lieu de faire une distinction entre les expressions « tâches domestiques » et « travaux d’entretien courant de son domicile », utilisées aux articles 158 et 165 de la loi. L’extrait pertinent de cette décision se lit comme suit :

À la lumière des définitions précitées, la Commission d’appel est d’avis que le déplacement de meubles et de lavage de planchers se retrouvent davantage dans la catégorie des tâches domestiques et qu’il apparaît difficile de les relier à des soins, réparations ou dépenses qu’exige le maintien en bon état d’un bien. En somme, il s’agit de travaux requis pour la propreté, le confort et la commodité des lieux et qui ne se justifient pas au titre du maintien en bon état physique d’un bien.

 

 

[34]       D’autre part, dans les affaires Lebel[6] et Frigault[7], il fut décidé que l’inapplicabilité de l’article 158 de la loi ne constituait pas un obstacle à une demande de remboursement pour des tâches ménagères similaires, présentée en vertu de l’article 165. Toutefois, ces décisions ajoutent qu’il importe alors que le travailleur demeure avec une atteinte permanente grave et des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de reprendre de telles activités, qu'il effectuait auparavant.

[35]       Aussi intéressante soit la question à savoir si les tâches ménagères présentées par la travailleuse, lesquelles sont manifestement comprises dans l’expression « tâches domestiques » employée à l’article 158 de la loi, peuvent également constituer « des travaux d’entretien courant » d’un domicile au sens de l’article 165 de la loi, il n’y a pas lieu d’en disposer ici.

[36]       En effet, le tribunal est d’avis que la travailleuse n’a pas démontré en l’espèce que son atteinte permanente et ses limitations fonctionnelles l’empêchent d’effectuer les tâches dont elle requiert le remboursement.

[37]       En effet, contrairement au dossier Frigault, où deux rapports d’ergothérapeutes ont été déposés au soutien de la demande de remboursement, il n’y a en l’espèce que le témoignage de la travailleuse au soutien de ses prétentions.

[38]       Or, celle-ci ne fait qu’alléguer être incapable d’exécuter certaines tâches domestiques, sans en faire la démonstration de façon prépondérante.

[39]       La travailleuse n’a pas démontré en quoi les limitations fonctionnelles pertinentes reconnues dans le dossier l’empêchent d’accomplir les tâches domestiques, dont elle requiert le remboursement. En outre, la description des limitations fonctionnelles retenues n’interdit pas l’exécution des mouvements décrits par la travailleuse dans son témoignage, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas répétitifs ou fréquents.

[40]       À cet égard, le tribunal peine à croire que la travailleuse soit tenue de nettoyer sa cuisinière et son réfrigérateur à chaque mois, encore moins à chaque deux semaines.

[41]       En effet, de telles tâches peuvent de toute évidence être accomplies moins souvent que le souhaiterait la travailleuse. Elles peuvent également être exécutées à son rythme, si elle le souhaite, tout en respectant ses limitations fonctionnelles.

[42]       La demande de remboursement des tâches ménagères présentée par la travailleuse ne satisfait donc pas aux conditions requises par les articles 158 et 165 de la loi.

Le revenu brut annuel assurable

[43]       Quant à la partie du litige portant sur le revenu brut annuel assurable de 41 772 $, la travailleuse demande la reconsidération de la décision rendue à cet effet par la CSST le 31 juillet 2008.

[44]       À cet égard, le formulaire intitulé « Avis de l’employeur et demande de remboursement » transmis par l’employeur à la CSST, le 23 juillet 2008, établissait le « salaire annuel brut » de la travailleuse à 41 772 $.

[45]       Un talon de paie produit au dossier pour la période de paie du 13 avril au 19 avril 2008[8] montre d’ailleurs que la travailleuse a reçu pour cette période un salaire brut hebdomadaire de 803,32 $. Ce salaire hebdomadaire correspondait donc à un salaire annuel brut de 41 772 $.

[46]       Dans le cadre de son témoignage, la travailleuse reconnait avoir reçu ensuite des avis périodiques de la CSST mentionnant que le montant de ses indemnités a été établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 41 772 $, mais soumet qu’elle croyait que ce montant était conforme à la réalité.

[47]       La travailleuse ajoute qu’en octobre ou en novembre 2011, soit après son retour au travail, elle a reçu un dépliant rédigé par son employeur, adressé à tous les employés, qui mentionnait que ceux-ci étaient sur le point de recevoir une augmentation salariale.

[48]       Elle s’est donc informée auprès d’un employé du service de la rémunération pour connaître le montant de son éventuelle augmentation.

[49]       Après avoir procédé à établir ce calcul, un représentant de l’employeur a ensuite informé la travailleuse qu’une erreur s’était glissée dans le calcul du salaire qu’elle recevait depuis 2007 et qu’elle aurait dû plutôt gagner annuellement 42 755 $ depuis ce temps.

[50]       Il appert que l’employeur ait omis, depuis 2007, de verser à la travailleuse un montant forfaitaire hebdomadaire, correspondant à la différence entre 42 755 $ et 41 772 $, qui devait lui être versée dans le cadre du processus d’intégration des conventions collectives issues des anciennes municipalités qui ont fait l’objet d’un regroupement au sein de la nouvelle Ville de Montréal dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi portant réforme de l’organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l’Outaouais[9].

[51]       La travailleuse témoigne avoir reçu, vers le mois de décembre 2011, un chèque représentant les arrérages qui lui étaient dus depuis 2007, à la suite de cette erreur de son employeur.

[52]       Dans l’intervalle, soit le 24 novembre 2011, la travailleuse transmettait à l’agent de la CSST une demande de reconsidération, rédigée le 17 novembre 2011, faisant état de « l’erreur qui s’est glissée dans mon dossier lors de la transmission de l’avis de l’employeur et demande de remboursement en juillet 2008 ».

[53]       En annexe à sa demande, la travailleuse a joint une « note » de l’employeur, rédigée, le 17 novembre 2011, à l’intention du même agent de la CSST. La note de l’employeur demandait également la reconsidération de la décision du 31 juillet 2008 établissant à 41 772 $ le revenu brut annuel assurable de la travailleuse. L’extrait pertinent de cette note se lit comme suit :

Tel que demandé, vous trouverez ci-joint le salaire de madame Yolande Fraser, suite à une réévaluation de celui-ci. Lors de la transmission de l’ADR (avis de l’employeur et de demande de remboursement) du 6 juillet 2008, l’information inscrite dans la case du salaire annuel brut aurait dû être 42 755,00 $ au lieu de 41 772,00 $. Nous sommes désolés des inconvénients qui s’en suivent, mais comme cette erreur pénalise notre employé, nous vous demandons de reconsidérer ses prestations.

 

 

[54]       Le 29 novembre 2011, la CSST rend une décision en vertu de laquelle elle refuse de reconsidérer sa décision du 31 juillet 2008 au motif que la demande de la travailleuse ne respecte pas les délais prescrits par l’article 365 de la loi. Cette décision est confirmée par la CSST, le 13 février 2012, à la suite d’une révision administrative.

[55]       À l’audience, la CSST soumet que la travailleuse a mis près de 39 mois avant de soumettre sa demande de reconsidération, soit largement en dehors du délai prévu de 90 jours de la décision contestée.

[56]       De façon subsidiaire, la CSST ajoute qu’en étant plus diligente, la travailleuse aurait pu découvrir l’erreur portant sur le montant véritable de sa rémunération annuelle bien avant l’automne 2011.

[57]       Le tribunal est d’avis que la CSST fait fausse route et que sa décision rendue le 31 juillet 2008, qui détermine le revenu brut annuel de la travailleuse à 41 772 $, devait être reconsidérée à la suite de la demande présentée par cette dernière.

[58]       La disposition pertinente applicable en l’espèce est l’article 365 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[10] (la loi) qui se lit comme suit :

365.  La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

 

[59]       Il est manifeste que le premier alinéa de cette disposition est inapplicable puisque le délai de 90 jours prévu pour corriger « toute erreur » est largement dépassé ici.

[60]       Il convient toutefois d’appliquer le second alinéa de cette disposition puisque la décision du 31 juillet 2008 a été rendue avant que ne soit connu « un fait essentiel », soit l’erreur commise par l’employeur dans le calcul de la rémunération qu’il versait alors à la travailleuse.

[61]       Celle-ci s’est d’ailleurs vue privée, pendant quatre ans et à son insu, d’une partie de son salaire véritable.

[62]       L’employeur reconnaît d’ailleurs que l’erreur émane de lui, ce qui peut être compréhensible en raison de la complexité attribuable à l’harmonisation des  conventions collectives des anciennes municipalités regroupées au sein de la nouvelle Ville de Montréal.

[63]       Or, l’arrondissement de Saint-Léonard, pour lequel la travailleuse travaillait au moment de sa lésion professionnelle, est issu de l’ancienne Ville de Saint-Léonard, laquelle a fait partie intégrante de ce regroupement[11].

[64]       Comme l’« Avis de l’employeur et demande de remboursement », transmis par ce dernier à la CSST, mentionnait que la travailleuse recevait un salaire annuel brut de 41 772 $, ce qui correspondait exactement à la rémunération alors versée à cette dernière, ce que ses talons de paie attestent d’ailleurs, la travailleuse pouvait raisonnablement comprendre que ce montant était conforme à la réalité.

[65]       Dans le contexte de cette affaire, la travailleuse n’avait pas à faire enquête pour vérifier si l’employeur pouvait avoir commis une erreur, non pas dans la rédaction de son avis et sa demande de remboursement, mais dans le calcul même du salaire qu’il lui versait chaque semaine.

[66]       En l’espèce, le salaire brut annuel apparaissant dans l’avis de l’employeur correspondait en tous points à la rémunération alors versée à la travailleuse, et aux talons de paie qui lui étaient remis, de sorte que celle-ci ne disposait alors d’aucun indice susceptible de lui mettre la puce à l’oreille au sujet d’une quelconque erreur portant sur sa rémunération.

[67]       La travailleuse n’avait pas à se transformer en experte de la rémunération ou en application des conventions collectives, alors même que les spécialistes de l’employeur n’ont pas su relever telle erreur avant novembre 2011.

[68]       L’erreur résulte ici de l’omission de l’employeur de verser en temps opportun à la travailleuse un montant forfaitaire hebdomadaire aux fins de l’intégration et de l’harmonisation des diverses conventions collectives issues des anciennes municipalités regroupées au sein de la nouvelle Ville de Montréal.

[69]       Ce fait essentiel, à savoir l’erreur de l’employeur dans le calcul de la rémunération qu’il devait verser à la travailleuse, existait avant la décision de la CSST.

[70]       Cette erreur constitue manifestement un fait essentiel puisqu’elle était susceptible de modifier la détermination du revenu brut annuel assurable de la travailleuse.

[71]       Au moment de rendre la décision du 31 juillet 2008, ce fait essentiel n’était pas connu de la CSST. Il n’était alors pas davantage connu de la travailleuse, ni même de son propre employeur.

[72]       Puisque ce fait essentiel n’est devenu connu de la travailleuse qu’en octobre ou en novembre 2011, la demande de reconsidération qu’elle a transmise à la CSST, le 24 novembre 2011, l’a été à l’intérieur des 90 jours de sa découverte.

[73]       Dans les circonstances, la CSST aurait donc dû reconsidérer sa décision du 31 juillet 2008 pour y substituer le montant de 42 755 $ à titre de revenu brut annuel assurable de la travailleuse aux fins du calcul de ses indemnités.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame Yolande Fraser, la travailleuse;

INFIRME en partie la décision rendue le 13 février 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le revenu brut annuel assurable de la travailleuse, aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu résultant de sa lésion professionnelle du 13 mars 2008, est de 42 755 $;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des travaux ménagers présentés pour la période du 9 septembre 2009 au 4 mai 2010;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des travaux ménagers périodiques.

 

 

__________________________________

 

Pierre Arguin

 

 

Monsieur Daniel Morin

S.C.F.P. (local 429)

Représentant de la partie requérante

 

 

Madame Marie-France Pinard

Service du Capital humain

Ville de Montréal

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Geoffroy H. Lamarche

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          Par ailleurs, le 21 décembre 2011, la Commission des lésions professionnelles rend une décision qui accorde à la travailleuse le remboursement des frais concernant l’installation et le démantèlement de son abri d’auto.

 

[2]          Cameron et Services des données Asselin, [1998] C.L.P. 890 .

[3]          CSST et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 ; Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault; Frigault et Commission scolaire de Montréal, C.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau; Turgeon et Pro santé enr., C.L.P. 130628-01A-0001, 2 août 2001, R. Arseneau; Calandrino et Banyo Canada inc., C.L.P. 172440-71-0111, 4 septembre 2002, D. Taillon; Espinosa et Air Nova inc., C.L.P. 192230-31-0210, 20 décembre 2002, H. Thériault.

[4]          CSST et Fleurent, précitée.

[5]          C.L.P. 78743-03-9604, 20 juin 1997, J.-G. Roy.

[6]          Précitée.

[7]          Précitée.

[8]          L’arrêt de travail de la travailleuse a débuté le 7 juillet 2008.

[9]          L.Q. 2000, c. 56.

[10]         L.R.Q., c. A-3.001.

[11]         Voir : L.Q. 2000, c. 56, Annexe I, art. 5.

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