Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Comfort Inn par Journey's End

2013 QCCLP 4374

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

15 juillet 2013

 

Région :

Outaouais

 

Dossier :

406452-07-1003

 

Dossier CSST :

131421695

 

Commissaire :

Jean-François Martel, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

 

Comfort Inn par Journey’s end

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 3 décembre 2010, Comfort Inn par Journey’s end (l’employeur) dépose une requête en vertu de l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) à l'encontre d'une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 19 octobre 2010.

[2]           La veille, soit le 2 décembre 2010, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) avait elle-même déposé une requête en vertu de l’article 429.56 de la loi à l’encontre de la même décision[2].

[3]           Par la décision faisant l’objet des deux requêtes en révision mentionnées précédemment, la Commission des lésions professionnelles :

ACCUEILLE en partie la requête du 31 mars 2010 de Comfort Inn par Journey’s end, l’employeur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 mars 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la demande de l’employeur d’être désimputé de certains coûts formulée en raison de l’alinéa 1 de l’article 326 de la loi;

DÉCLARE que l’employeur a droit au partage de l’imputation pour ce qui est du coût relié au préjudice corporel découlant de la bilatéralité, lequel doit être imputé à l’ensemble des employeurs de toutes les unités;

DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé des coûts de l’indemnité de remplacement du revenu qui excède le revenu brut qu’il versait au travailleur lors de la survenance de sa lésion professionnelle le 1er février 2007, soit 23 545,35 $ et celui de 28 196,25 $ versé au moment de la rechute, récidive ou aggravation du 7 février 2008.

 

 

 

[4]           Tel qu’il appert des paragraphes 5 et 6 de la décision du 19 octobre 2010, la contestation déposée par l’employeur devant la Commission des lésions professionnelles comportait deux volets, le premier fondé sur l’article 329 de la loi, le second sur le premier alinéa de l’article 326 :

[5]        L’employeur ne conteste pas le transfert du coût de l’indemnité pour dommage corporel découlant de la bilatéralité aux employeurs de toutes les unités. Cependant, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il ne doit assumer que 10 % des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par le travailleur et que 90 % des coûts doivent être imputés à l’ensemble des employeurs. Cette demande s’appuie sur la notion de travailleur « déjà handicapé » prévu à l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1 (la loi).

 

[6]        L’employeur demande aussi que les coûts d’indemnités de remplacement du revenu reliés à l’événement subi en 1996 par le travailleur, alors qu’il travaillait chez un autre employeur, soient soustraits des coûts d’indemnités de remplacement du revenu imputés à son dossier. Il fait cette demande en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi. En conséquence, il soutient qu’aucun délai ne lui est opposable. Il n’invoque aucunement la notion d’ « obérer injustement » prévue au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.

_______________

1             L.R.Q., c. A-3.001

 

 

 

[5]           La décision rendue par la première juge administrative a donné gain de cause à l’employeur quant au volet de sa contestation relatif à l’application de l’article 326 de la loi.  La requête en révision de l’employeur ne vise donc que l’autre volet du litige, celui concernant l’application de l’article 329 de la loi.

[6]           L’employeur et la CSST étaient tous deux représentés par procureur à l’audience sur les requêtes en révision tenue le 4 octobre 2011.

[7]           À la demande des parties[3], il y eut sursis du délibéré, en attente d’une décision finale des tribunaux supérieurs quant à l’interprétation des dispositions du premier paragraphe de l’article 326 de la loi[4].

[8]           Par sa lettre du 30 avril 2013, le procureur de l’employeur avisait le tribunal qu’il n’entendait soumettre aucun commentaire additionnel à l’argumentation déjà présentée.  L’affaire fut donc mise en délibéré à compter de cette date.

L’OBJET DES REQUÊTES

[9]           L’employeur réclame « un partage d’imputation de l’ordre de 90 % » du coût des prestations dues aux employeurs de toutes les unités « en application de l’article 329 » de la loi, tel qu’il appert des conclusions de sa requête en révision :

D’ACCUEILLIR la présente requête ;

 

DE PROCÉDER à la révision de la décision qu’elle a rendue le 19 octobre 2010, dans le dossier portant le n0 406452-07-1003 ;

 

DE DÉCLARER que l’employeur a droit, en application de l’article 329 LATMP, à un partage d’imputation de l’ordre de 90 % pour les employeurs de toutes les unités et de 10 % pour son propre dossier, à la suite de la lésion professionnelle Monsieur Gaétan Roger Lefebvre, a été victime en date du 1er février 2007.

 

 

[10]        La requête en révision de la CSST portait, pour sa part, sur l’application du premier alinéa de l’article 326 de la loi ; elle concluait comme suit :

ACCUEILLIR la présente requête ;

 

RÉVISER la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 19 octobre 2010 ;

 

DÉCLARER que l’employeur doit être imputé du coût des prestations versées en raison de la lésion professionnelle du travailleur, monsieur Gaétan-Roger Lefebvre.

 

 

[11]        La CSST s’est cependant désistée de sa requête en révision, le 18 mars 2013, de telle sorte que le tribunal n’est plus saisi de ce recours.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]        La requête en révision de l’employeur allègue que la décision rendue le 19 octobre 2010 comporte une ou des « erreurs manifestes et déterminantes ».

[13]        Pareille situation correspond à celle visée par le troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[14]        Aucun vice de procédure n’est allégué.

[15]        Interprétant le sens des mots « vice de fond (...) de nature à invalider la décision » dans les affaires Donohue et Franchellini[5], la Commission des lésions professionnelles a jugé qu’ils font référence à une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Ces décisions ont été suivies à maintes reprises dans la jurisprudence subséquente.

[16]        Il a également été jugé que le recours en révision ne doit pas être un appel déguisé, compte tenu du caractère final des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles, ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :

429.49.

(…)

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[17]        Siégeant en révision judiciaire de certaines décisions de la Commission des lésions professionnelles, les tribunaux supérieurs ont entériné, à plusieurs reprises, l’interprétation des textes législatifs pertinents que celle-ci retient.

[18]        Ainsi, en 2003, dans l’affaire Bourassa, la Cour d’appel a, en outre, rappelé qu’« il [le recours en révision] ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation »[6].

[19]        Dans l’arrêt Godin[7], l’honorable juge Fish précise qu’une décision ne peut être révisée pour le simple motif que la formation siégeant en révision ne partage pas l’opinion du premier juge administratif, que ce soit à l’égard de l’appréciation de la preuve, de l’interprétation de la règle de droit applicable ou même du résultat de l’analyse ; dans chaque cas, conclut-il, là où plus d’une issue raisonnable est possible, c’est celle retenue par le premier juge administratif qui doit prévaloir :

[51]    Accordingly, the Tribunal commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions.  Where there is room on any of these matters for more than one reasonable opinion, it is the first not that last that prevails.

 

 

[20]        Dans son arrêt Amar c. CSST[8], la Cour d’appel réitère qu’une divergence d’opinion quant à l’interprétation du droit ne constitue pas un motif de révision.

[21]        Dans l’affaire CSST c. Fontaine[9], sous la plume de l’honorable juge Morissette, la Cour reprend avec approbation les propos du juge Fish et ajoute que le vice de fond de nature à invalider dont parle la loi réfère à une « faille » dans la première décision telle qu’elle dénote de la part de son auteur une « erreur manifeste, donc voisine d’une forme d’incompétence, ce dernier terme étant entendu ici dans son acception courante plutôt que dans son acception juridique ».

[22]        La même règle fut répétée dans l’arrêt Touloumi[10] :

[5]        Il ressort nettement de l’arrêt Fontaine qu’une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

 

 

[23]        Cette approche a toujours cours à la Commission des lésions professionnelles[11].

[24]        Il ressort notamment de ce qui précède qu’une décision exhibant un « raisonnement parfaitement intelligible » n’est pas sujette à révision[12].

[25]        Ainsi, dans le présent cas, la décision du 19 octobre 2010 fait autorité.  Elle ne saurait être révisée pour le motif que le soussigné ne partagerait pas l’opinion de la première juge administrative quant à l’appréciation de la preuve ou l’interprétation du droit ou encore quant à l’issue du litige, à moins qu’à l’égard de l’un de ces sujets, l’employeur

[26]        ne démontre qu’elle est entachée d’une erreur grave, évidente (manifeste) et déterminante.

[27]        Le recours en révision n’est pas un appel.

[28]        Qu’en est-il en l’espèce?

[29]        D’emblée, il convient de citer le texte de l’article 329 de la loi dont l’employeur s’est autorisé pour réclamer un partage de coût :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[30]        L’employeur allègue d’abord que le paragraphe 57 de la décision du 19 octobre 2010 contient une erreur manifeste et déterminante.

[31]        Pour bien comprendre le reproche que l’employeur formule, il est utile de citer les paragraphes 56, 57 et 58 de la décision :

[56]      Suivant le témoignage de madame Lea, directrice générale de l’établissement où travaille le travailleur, ce dernier ne cachait aucunement les difficultés qui résultaient de son accident du travail survenu chez un précédent employeur. Au contraire, elle savait que le travailleur devait compenser avec son bras gauche du fait de sa maladie au coude droit. Elle affirme que les autres travailleurs étaient aussi au courant.

 

[57]      Cependant, cette observation de l’employeur est insuffisante pour le tribunal afin d’accorder un partage de coûts supplémentaires à celui déjà consenti par la CSST pour le facteur de la bilatéralité.  En effet, aucune opinion médicale n’est déposée permettant de confirmer cette affirmation de l’employeur et d’expliquer le rôle qu’aurait pu jouer la maladie au coude droit dans la survenance de celle au coude gauche.

 

[58]      Le fait que le travailleur ne cachait pas ses limitations fonctionnelles au coude droit ne peut être suffisant pour en déduire que le handicap a joué un rôle déterminant dans la survenance de l’événement ou dans la gravité des séquelles, mis à part le facteur de bilatéralité.

 

 

[32]        Or, l’employeur plaide qu’une preuve de faits largement suffisante a été administrée à cet égard et qu’en conséquence, aucune opinion médicale n’était requise.

[33]        Au soutien de son argument, l’employeur réfère au paragraphe 17 de la décision du 19 octobre 2010 rapportant les explications fournies par le travailleur à l’agent d’indemnisation ainsi qu’au témoignage de madame Rachel Lea à l’audience corroborant les dires du travailleur, le tout tel qu’il appert des paragraphes 7 à 10 de sa requête en révision :

7. Or, au paragraphe 17 de la décision sous étude, la CLP écrit ce qui suit:

 

«[17] Appelé à détailler les circonstances de son événement à l’agent d’indemnisation, le travailleur explique qu’il doit tourner 107 matelas tous les trois mois. Sa douleur a débuté le 30 janvier 2007. Cette journée- là, il a reçu une livraison de 32 matelas. Il s’est occupé seul de décharger les matelas du camion et de les rentrer dans l’hôtel. Par La suite, il a sorti les vieux matelas et il a déplacé les nouveaux dans les chambres. Il dit qu’il doit utiliser plus souvent son bras gauche compte tenu des problèmes qu’il a à son coude droit depuis 1996. L’agent consulte le médecin régional de la CSST et accepte la réclamation du travailleur à titre de nouvel événement, survenu le 1er février 2007 plutôt qu’en rechute, récidive ou aggravation de l’événement de 1996.»

 

8. Cette affirmation du travailleur a d’ailleurs été corroborée par le témoignage de Madame Rachel Lea, lors de l’audience. Selon la preuve non contredite, le travailleur présentait des limitations fonctionnelles au membre supérieur droit et de son propre aveu, il devait utiliser davantage son membre supérieur gauche.

 

9. Dans ces circonstances, comment la CLP pouvait-elle exiger de l’employeur qu’il produise une preuve de nature médicale destinée à appuyer cet état de fait? Toute la preuve nécessaire se trouvait déjà au dossier. Qu’est-ce qu’un médecin aurait bien pu dire de plus?

 

10. En ce qui concerne le lien entre la survenance de la lésion et le handicap reconnu, qu’est-ce qu’un médecin aurait bien dire de plus encore une fois? Il est clair, manifeste et non contesté que le travailleur utilisait davantage son bras gauche en raison des séquelles affectant son bras droit. Donc, la lésion a été acceptée comme étant en relation avec l’événement, alors que le travailleur a dû surutiliser [sic] son membre supérieur gauche. À compter de ce moment, il est bien clair que le travailleur, qui a dû manipuler des matelas, a déployé des efforts importants impliquant principalement le membre supérieur gauche. Cela crève les yeux! Alors comment peut-on soutenir un seul instant que le handicap n’a pas contribué à la survenance de la lésion professionnelle de 2007? Et comment peut-on raisonnablement soutenir qu’une preuve médicale était nécessaire?

 

 

[34]        À l’évidence, pour manipuler des matelas et des sommiers comme il l’a fait les 30 janvier et 1er février 2007, le travailleur devait se servir de ses deux membres supérieurs, et non pas d’un seul.

[35]        Le dossier montre que l’épicondylite au coude gauche du travailleur a été reconnue à titre de « nouvelle » lésion professionnelle et non pas à titre de récidive, rechute ou aggravation (RRA) de la lésion professionnelle qu’il avait subie au coude droit dix ans plus tôt.  Sur la foi de la preuve disponible, la première juge administrative a conclu que les manœuvres effectuées par le travailleur en 2007 étaient « suffisantes en soi pour avoir occasionné une épicondylite au coude gauche », comme elle l’explique aux paragraphes 59 à 63 de sa décision :

[59]      À cela s’ajoute le fait que les circonstances des événements ayant entraîné la lésion professionnelle apparaissent suffisantes en soi pour avoir occasionné une épicondylite au coude gauche. En effet, dans le cadre de ses tâches, le travailleur a eu à manipuler 16 matelas et 16 sommiers de lits. La première journée, il a effectué cette tâche avec l’aide de l’adjointe de la directrice, mais le lendemain, il a fait cette tâche seul.

 

[60]      De la preuve présentée lui, le tribunal n’est pas convaincu que l’accident survenu le 1er février 2007 ne serait pas survenu n’eût été de la lésion au coude droit survenue chez un employeur précédent.

 

[61]      Le tribunal note aussi que la maladie au coude droit du travailleur est survenue en 1996, soit dix ans avant son événement au coude gauche. La preuve ne démontre pas que le travailleur ait été dans l’obligation de consulter à l’occasion des médecins en raison de cette condition.

 

[62]      De plus, la CSST envisageait la possibilité de traiter la lésion professionnelle du 1er février 2007 à titre de rechute, récidive ou aggravation de l’événement de 1996. Elle a plutôt décidé de considérer qu’il s’agissait d’une nouvelle lésion et l’employeur n’a pas contesté cette décision.

 

[63]      Pour toutes ces raisons, le tribunal est d’avis qu’en raison de l’absence d’une preuve médicale prépondérante permettant de considérer que la lésion professionnelle de 1996 a joué un rôle dans la survenance ou la gravité de celle survenue en 2007, il n’y a pas lieu d’accorder à l’employeur un partage de coûts supplémentaire à celui déjà accordé en raison du facteur de la bilatéralité, lequel a été confirmé dans la décision de la CSST rendue à la suite d’une révision administrative.

 

[Mes soulignements]

 

 

[36]        Dans un tel contexte, il est loin d’aller de soi - comme le prétend la requête en révision (« il est clair », « manifeste », « cela crève les yeux! » et « poser la question, c’est y répondre! ») - que la condition résultant de la lésion professionnelle de 1996 ait contribué à la survenance de celle de 2007 ou ait eu un impact appréciable sur ses conséquences.

[37]        Il ne suffit pas d’alléguer la surutilisation d’un membre en raison d’une lésion antérieure au membre opposé pour que le tribunal conclue que pareille surutilisation a effectivement joué un rôle significatif dans la production d’une nouvelle lésion professionnelle ; encore faut-il que la partie requérant un partage de coût fasse la démonstration de cette relation de cause à effet, comme l’exige l’article 329 de la loi et la volumineuse jurisprudence élaborée par la Commission des lésions professionnelles en ce sens.

[38]        Cela étant, j’estime que la première juge administrative a correctement exprimé la règle de droit applicable en la matière, au paragraphe 51 de sa décision :

[51]      Ce n’est ainsi qu’en présence des deux conditions, déficience et lien relationnel, que la Commission des lésions professionnelles peut conclure que le travailleur est « déjà handicapé » au sens de l'article 329 de la loi et que l'employeur peut, en conséquence, bénéficier d'un partage d'imputation des coûts.

 

[Mon soulignement]

 

 

[39]        Le raisonnement suivi par la première juge administrative est exempt d’erreur manifeste et déterminante ; il est exposé de façon amplement intelligible dans la décision rendue.

[40]        L’employeur plaide ensuite que « la lésion antérieure avait entraîné des séquelles plus importantes » (paragraphe 21 de la requête en révision) que celles découlant de la lésion subie en 2007.  Selon lui, on ne saurait donc « raisonnablement soutenir que le handicap antérieur n’a eu aucune influence sur les conséquences de la lésion professionnelle survenue en 2007 » (paragraphe 22 de la requête en révision).

[41]        Avec respect, ce raisonnement apparaît boiteux.  En effet, les limitations fonctionnelles recommandées par le docteur Platon Papadoulos, chirurgien orthopédiste, dans son Rapport d’évaluation médicale du 11 juillet 1997, visaient le « membre supérieur droit » alors que celles retenues par la docteure Danielle Desloges, chirurgienne orthopédiste, dans l’avis qu’elle a rendu en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale, le 14 avril 2009, avaient trait quant à elles au « membre supérieur gauche ».  On ne saurait dès lors tout simplement affirmer que les séquelles de la lésion de 1996 étaient plus importantes que celles de la lésion de 2007 puisqu’elles n’étaient pas relatives au même membre.

[42]        Il est possible que l’argument soulevé par l’employeur ait été fondé, mais, là encore, une preuve d’ordre médical était indispensable pour l’étayer.  Or, cette preuve n’a pas été administrée.

[43]        D’ailleurs, les allégations contenues aux paragraphes 15 et 20 de la requête en révision ne favorisent pas la thèse de l’employeur voulant que la lésion de 2007 ait été tributaire, dans son apparition ou dans ses conséquences, de celle subie en 1996 ; elles incitent plutôt à croire le contraire :

15. Mais il y a plus. La preuve au dossier est claire à l’effet que le travailleur a été capable d’exercer son emploi au service de notre cliente pendant près de 7 ans, malgré les limitations fonctionnelles résultant de la lésion dont il a été victime en 1996.

 

[…]

 

20. Cependant, tel que nous en avons déjà fait mention, les limitations fonctionnelles antérieures n’empêchaient pas le travailleur d’exercer son emploi de préposé à l’entretien au service de notre cliente. Et ce, depuis la toute première minute de son embauche.

 

[Mes soulignements]

 

 

[44]        En conséquence, l’allégation contenue au paragraphe 19 de la requête en révision apparaît dénuée de fondement :

19. Donc, si le travailleur est incapable d’exercer son emploi à la suite de la lésion de 2007, c’est à la fois en raison des conséquences de cette lésion mais également en raison du handicap antérieur.

 

[Le soulignement apparaît dans le texte cité]

 

 

[45]        En réalité, l’employeur cherche à obtenir de la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision une nouvelle appréciation de la preuve offerte devant la première juge administrative, laquelle appréciation ferait abstraction des carences évidentes de celle-ci pour aboutir à une conclusion qui lui serait favorable.  Or, tel que souligné précédemment[13], le recours en révision ne peut servir à de telles fins.

[46]        La requête en révision n’est pas fondée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision de Comfort Inn par Journey’s end.

 

 

__________________________________

 

Jean-François Martel

 

 

 

 

Me Réjean Côté

Raymond Chabot SST inc.

Procureur de Comfort Inn par Journey’s end

 

 

Me David Martinez

Vigneault Thibodeau Bergeron

Procureur de la CSST

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           La CSST a déposé, en même temps que sa requête en révision, une intervention conformément à l’article 429.16 de la loi.

[3]           Voir : les lettres des procureurs en date des 15 et 16 mai 2012 respectivement.

[4]           Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux et al. et CSST, 2012 QCCLP 2553, (décision rendue par une formation de trois juges administratifs) ; Requête en révision judiciaire rejetée : 200-17-016380-123, 14 février 2013, Hon.J. C. Bouchard.

[5]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[6]           Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).

[7]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).  Voir au même effet : I.M.P. Group ltd (Innotech-Execaire Aviation Group) c. CLP, C.S. Montréal, 500-17-041658-082, 2 décembre 2008, j. Lebel, (08LP-172), requête pour autorisation d'appeler accueillie, C.A. Montréal, 500-09-019249-085.

[8]           [2003] C.L.P. 606 (C.A.).

[9]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[10]         CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A).

[11]         Donohue : Victoria et 3131751 Canada inc., C.L.P. 166678-72-0108, 1er décembre 2005, B. Roy ; Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau ; Ricard et Liquidation Choc, C.L.P. 217112-62C-0310, 10 février 2006, C.-A. Ducharme, (05LP-299) ; Coopérative forestière Hautes-Laurentides et Aubry, [2008] C.L.P. 763.

[12]         Commission scolaire des Phares c. CLP, C.S. Rimouski, 100-000616-062, 23 avril 2007, j. Blanchet, (07LP-14).

[13]         Voir les paragraphes 18 et 19 des présentes.

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