Décision

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Commission municipale du Québec

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Date :

6 juillet 2016

 

 

 

           

 

Dossier :

CMQ-65259    (29359-16)

 

 

                                                                                           

 

 

 

Juges administratifs :

Thierry Usclat, vice-président

 

Martine Savard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personne visée par l’enquête :  Bernard Noël, conseiller

                                                           Ville de Saguenay

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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ENQUÊTE EN ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE

EN MATIÈRE MUNICIPALE

 

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DÉCISION

LA DEMANDE

[1]           La Commission municipale du Québec est saisie d’une demande d’enquête en éthique et déontologie transmise par le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire selon l’article 22 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale[1].

[2]           La demande d’enquête allègue que Bernard Noël, a eu une conduite dérogatoire à l’égard des articles 5.4 et 5.7 du Code d’éthique et de déontologie pour les élus municipaux de la Ville de Saguenay[2] (le Code d’éthique).

[3]           La demande reproche particulièrement à monsieur Bernard Noël, conseiller municipal de la Ville de Saguenay, d’avoir fait un voyage personnel à Nice pour assister au Tour de France, voyage payé entièrement par Promotion Saguenay inc. qui est subventionné par la Ville de Saguenay, utilisant et détournant ainsi les ressources de la Ville à des fins personnelles.

[4]           Lors de la journée d’audience du 9 mai 2016, monsieur Noël est présent et représenté par Me Pierre Mazurette du cabinet Gauthier Bédard. Me Marc-André LeChasseur agit à titre de procureur indépendant de la Commission.

[5]           À cette occasion, monsieur Noël reconnaît avoir commis les actes qui lui sont reprochés et admet avoir contrevenu aux articles 5.4 et 5.7 du Code d’éthique, conformément à son plaidoyer transmis à la Commission quelques jours auparavant

[6]           La Commission accepte ce plaidoyer et entend monsieur Noël, puis les représentations des procureurs sur les sanctions devant lui être imposées.

 

 

 

LES FAITS

[7]           Au moment des faits reprochés, monsieur Bernard Noël est conseiller de la Ville de Saguenay depuis 14 ans et président de l’arrondissement de Jonquière.

[8]           En novembre 2012, Bernard Noël signe une déclaration d’intérêts pécuniaires où il indique qu’il occupe le poste de président de la Coupe des Nations - Ville de Saguenay ainsi que le poste de vice-président du conseil d’administration des jeux du Québec de l’hiver 2013.

[9]           La Coupe des Nations des moins de 23 ans de l’Union cycliste internationale (UCI) est une course cycliste qui s’est déroulée de 2008 à 2013. Bernard Noël est l’un des fondateurs.

[10]        Les événements faisant l’objet de la plainte se sont déroulés lors de la dernière édition de la Coupe des Nations, en 2013.

[11]        Des subventions sont versées à Promotion Saguenay inc. par la Ville de Saguenay, tel qu’il ressort des résolutions ainsi que des procès-verbaux des séances extraordinaires du comité exécutif de la Ville en 2012 et 2013.

[12]        Promotion Saguenay inc. est un organisme fondé par la Ville de Saguenay qui reçoit annuellement environ 9 millions de dollars de la Ville. Le président du conseil d’administration de Promotion Saguenay inc. est le maire de la Ville de Saguenay, monsieur Jean Tremblay.

[13]        Promotion Saguenay inc. redistribue environ les deux-tiers de cette somme à différentes entreprises et organisations, dont la Coupe des Nations et ce, depuis le début de l’événement sportif en 2008.

[14]        Le 13 mars 2013, Bernard Noël téléphone à madame Christiane Côté, secrétaire à l’emploi de la Coupe des Nations, et lui demande de préparer une lettre demandant une subvention de 5 500 $ à Promotion Saguenay inc. Selon la demande d’enquête, madame Côté, résume la demande de monsieur Noël ainsi :

 

« […] il m’a demandé de faire une lettre de 5 000 $ à Promotion Saguenay […] je lui ai demandé : quel justificatif ? Et c’est là qu’il m’a ouvert une parenthèse et il m’a expliqué que le maire lui avait dit : Toi Bernard, t’en fais beaucoup pour Saguenay, comme les jeux du Québec […] qu’est-ce qu’on peut te donner pour te récompenser ? […] Il a dit : Moi, ma femme et ma fille, on travaille tous les soirs et toutes les fins de semaine, on aimerait ça aller au Tour de France […] après l’avoir écouté, on met quoi dans la lettre ? Il m’a dit : Mixe, mets des maillots, des médailles. Et c’est là qu’il m’a dit : Finalement, faits-là de 5 500 $ […] Moi j’ai envoyé la lettre […] » (E-1 : Plainte contre Bernard Noël, p. 8). »

[15]        Bernard Noël envoie une lettre à Ghislain Harvey, président de Promotion Saguenay inc., par laquelle il sollicite un montant de 5 500 $ pour défrayer le coût des médailles, des maillots et des autres récompenses des vainqueurs le 21 mars 2013. Il s’agit d’une demande de subvention supplémentaire.

[16]        Dans sa déclaration sous serment accompagnant son plaidoyer du 21 avril 2016, monsieur Noël reconnaît que cette demande n’avait pas fait l’objet de discussions au conseil d’administration de la Coupe des Nations et qu’elle a été faite à sa seule initiative.

[17]        Le 30 avril 2013, Ghislain Harvey, envoie à Bernard Noël une lettre relative à la transmission d’un chèque de 5 500 $ de Promotion Saguenay inc. à la Coupe des Nations.

[18]        Du 27 juin au 8 juillet 2013, Bernard Noël effectue un voyage en France pour le Tour de France. Il est accompagné de son épouse et de sa fille. Une facture de CAA Québec relative à ce séjour en confirme le coût au montant de 4 422,44 $.

[19]        Le 14 mai 2013, un chèque de 4 422,44 $ est émis par Coupe des Nations à Bernard Noël. Ce montant est utilisé pour payer les billets d’avion et l’hôtel de la famille Noël.

[20]        Le 6 juin 2013, un chèque de 1 098,25 $ est émis par Coupe des Nations à Bernard Noël. Cette somme est versée à Bernard Noël pour payer les dépenses de son voyage. Pour justifier ce montant, il a fourni entre autres des reçus d’essence.

[21]        Le 13 septembre 2014, Promotion Saguenay inc. transmet aux médias une facture de plus de 11 000 $ pour justifier la demande de subventions supplémentaires du conseiller municipal Bernard Noël. Promotion Saguenay inc. considère que la demande est justifiée puisque le coût total des objets promotionnels est de plus de 11 000 $.

[22]        Les extraits des fichiers Excel relatifs au budget de la Coupe des Nations, datés du 23 mars 2013 et du 8 avril 2013, révèlent par ailleurs des prévisions budgétaires pour des « maillots » et des « trophées » ainsi que pour des « bourses ».

[23]        Dans sa déclaration sous serment du 21 avril 2016, monsieur Noël reconnaît avoir dit publiquement que Promotion Saguenay inc. lui avait versé le montant de 5 500 $ pour défrayer les coûts de son voyage en France avec son épouse et sa fille.

[24]        Le 12 septembre 2014, Bernard Noël soutient dans les médias qu’il est allé en France pour prendre des notes et pour rencontrer des intervenants dans le but d’organiser un événement cycliste qui remplacera la Coupe des Nations, soit le Grand Prix cycliste. Il soutient par ailleurs qu’il a demandé à la Coupe des Nations de lui avancer l’argent pour son voyage « parce qu’il n’est pas riche ».

[25]        Le 21 avril 2016, Bernard Noël signe une déclaration sous serment et dépose un plaidoyer reconnaissant les faits et les manquements reprochés; il reconnaît alors avoir contrevenu aux articles 5.4 et 5.7 du Code d’éthique.

[26]        Dans sa déclaration sous serment du 21 avril 2016, il reconnaît toutefois qu’il n’y a aucun lien entre le Grand Prix cycliste, l’événement qui a remplacé la Coupe des Nations en 2014, et le Tour de France. Il reconnaît par ailleurs qu’aucune résolution n’a été votée par le conseil d’administration de la Coupe des Nations quant à la nécessité de sa présence au Tour de France.

[27]        Il reconnaît alors que son voyage à Nice était de nature personnelle et payé avec de l’argent de la Ville de Saguenay ayant transité par Promotion Saguenay inc. et la Coupe des Nations.

[28]        Dans cette même déclaration assermentée, monsieur Noël déclare que les raisons données à Christine Côté, secrétaire de la Coupe des Nations, relativement au paiement de son voyage à Nice, étaient fausses.

[29]        Il y déclare n’avoir jamais obtenu l’autorisation du maire Jean Tremblay afin d’effectuer le voyage aux frais des contribuables, pour le récompenser.

[30]        Monsieur Noël a remboursé la totalité de la somme dont l’utilisation lui est reprochée et il ne se représentera pas comme candidat aux prochaines élections.

[31]        Le 2 mai 2016, Bernard Noël a démissionné de son poste de président du conseil d’arrondissement.

Témoignage de monsieur Noël sur la sanction

[32]        À l’occasion du dépôt de son plaidoyer par lequel il reconnaît les faits et les actes dérogatoires qui lui sont reprochés, monsieur Noël explique les circonstances dans lesquelles les manquements se sont produits.

[33]        Il reconnaît avoir commis des manquements au Code d’éthique de la Ville. Il déclare être désolé des inconvénients qui découlent des gestes qu’il a posés. Il s’excuse sincèrement auprès de toute la population et des personnes qu’il a blessées.

[34]        Il parle de son implication en tant que bénévole dans le domaine sportif depuis plus de 35 ans, notamment pour les Jeux du Québec et la Coupe des Nations. Il précise que son épouse et sa fille sont également impliquées en tant que bénévoles.

[35]        Il confirme que sa femme et sa fille l’ont accompagné lors du voyage à Nice mais précise qu’il a remboursé les billets d’avions et les frais d’hébergement de sa fille et de sa femme, après que cette affaire ait été rendue publique.

[36]        En ce qui concerne son billet d’avion et ses frais, les administrateurs ne lui ont pas demandé le remboursement et n’ont jamais adopté une résolution à cet effet. Il a tout de même décidé de rembourser son billet d’avion au montant de 1 029 $.

[37]        Lors de son témoignage, il fait abondamment état des impacts que la médiatisation de cette affaire. Selon son témoignage, il a été l’objet de reportages négatifs sur lui et sa famille pendant près d’un an et demi. Ils ont été énormément affectés.

[38]        Il explique que sa préoccupation en tant que conseiller est de bien administrer les biens et les ressources de la Ville.

[39]        Il reconnaît ne pas être intervenu assez tôt lors des séances du conseil municipal et avoir fait preuve de laxisme.

Représentations sur sanction

[40]        Me LeChasseur résume les faits et rappelle que monsieur Noël a reconnu les faits et admis avoir commis les manquements qui lui sont reprochés.

[41]        Selon Me LeChasseur, monsieur Noël a utilisé de façon abusive et injustifiée les ressources de la Ville et contrevenu ainsi à l’article 5.4 du Code d’éthique. Celui-ci a également commis un abus de confiance et une malversation selon l’article 5.7 du Code d’éthique.

[42]        Selon lui, l’objectif de la sanction est de rétablir la confiance des citoyens, d’avoir un effet dissuasif et de regagner le respect des citoyens.

 

 

[43]        Me LeChasseur énonce les facteurs aggravants et atténuants dont la Commission devrait tenir compte dans la détermination de la sanction.

[44]        Monsieur Noël est un homme impliqué et engagé depuis longtemps dans sa communauté. Cependant, il a agi en contravention des dispositions impératives de son Code d’éthique.

[45]        Il rappelle la jurisprudence et notamment les décisions Plourde[3] et Dickey[4], où on retrouve trois éléments dont la Commission doit tenir compte lors de l’imposition d’une sanction : la parité des sanctions, la globalité des sanctions et la gradation des sanctions.

[46]        Nous sommes en présence ici d’un évènement unique. De plus, monsieur Noël a remboursé rapidement et partiellement les coûts du voyage et a offert un plaidoyer de culpabilité, bien que cela arrive de nombreux mois après le dépôt de la plainte.

[47]        En regard des actes dérogatoires commis par monsieur Noël, seules les sanctions suivantes sont possibles :

-         La réprimande;

 

-         Le remboursement de toute rémunération, allocation ou autre somme reçue pour la période qu’a duré le manquement;

 

-         La suspension sans rémunération du membre du conseil.

 

[48]        Dans ces circonstances, Me LeChasseur suggère qu’une suspension de soixante jours soit imposée à monsieur Noël.

[49]        De son côté Me Mazurette rappelle les principes devant guider la Commission dans le choix de la sanction[5].

[50]        Il énonce certains facteurs atténuants notamment, le plaidoyer de monsieur Noël qui a permis de réduire le temps d’audience et éviter l’assignation de neuf témoins dans ce dossier ainsi que le remboursement du coût du voyage. Il ajoute également qu’il s’agit d’un premier manquement.

[51]        Selon Me Mazurette, le fait d’admettre son erreur, est un facteur que la Commission doit apprécier de manière favorable à l’élu lors de la détermination de la sanction. Il attire l’attention de la Commission sur la décision qu’elle a rendue dans l’affaire Savoie[6].

[52]        Il plaide également que la gravité subjective du geste est moindre ici puisque l’organisme a été privé d’une somme d’argent relativement modeste pendant une période limitée ce qui n’a pas eu pour effet de lui causer un préjudice appréciable.

[53]        Il rappelle que monsieur Noël a un grand respect pour les citoyens.

[54]        Il ajoute que monsieur Noël était de bonne foi[7] lorsqu’il a commis le manquement qui lui est reproché. Il croyait sincèrement que le conseil d’administration cautionnait la tenue de son voyage et le paiement par l’organisme.

[55]        Selon lui, monsieur Noël  a été déjà sanctionné par la population et les médias continuent de le vilipender.

[56]        Après avoir fait une distinction entre la présente affaire et le dossier Hovington[8], Me Mazurette, suggère que l’imposition d’une réprimande serait une sanction suffisante, proportionnelle et appropriée dans les circonstances.

ANALYSE

La sanction

[57]      Les dispositions pertinentes du Code d’éthique sont les suivantes :

            «  5.4.   Utilisation des ressources de la municipalité

Il est interdit à tout membre d’utiliser les ressources de la municipalité ou de tout autre organisme visé à l’article 5.1, à des fins personnelles ou à des fins autres que les activités liées à l’exercice de ses fonctions.

La présente interdiction ne s’applique pas lorsqu’un  membre utilise, à des conditions non préférentielles, une ressource mise à la disposition des citoyens.

 

          5.7     Abus de confiance et malversation

Il est interdit à un membre de détourner à son propre usage ou à l’usage d’un tiers un bien appartenant à la municipalité. »

[58]      En matière disciplinaire, la sanction doit être établie en fonction de différents facteurs dont la parité, la globalité et la gradation des sanctions.

[59]      Ces facteurs établis en matière disciplinaire, sont aussi applicables par la Commission lorsqu’elle sanctionne un élu qui a commis un manquement à son Code d’éthique.

[60]      En matière d’éthique et de déontologie municipales, la sanction doit tenir compte de la gravité du manquement, ainsi que des dispositions de la LEDMM et des objectifs de celle-ci.

[61]      La sanction doit aussi permettre de rétablir la confiance que les citoyens doivent entretenir envers les institutions et les élus municipaux.

[62]        Les dispositions suivantes de la LEDMM sont pertinentes :

« 26.  Si la Commission conclut que la conduite du membre du conseil de la municipalité constitue un manquement à une règle prévue au code d'éthique et de déontologie, elle décide, en prenant en considération la gravité du manquement et les circonstances dans lesquelles il s'est produit, notamment du fait que le membre du conseil a ou non obtenu un avis écrit et motivé d'un conseiller à l'éthique et à la déontologie ou pris toute autre précaution raisonnable pour se conformer au code, d'imposer une ou plusieurs des sanctions prévues à l'article 31 ou qu'aucune sanction ne soit imposée.

 

[…]

 

31.  Un manquement à une règle prévue à un code d'éthique et de déontologie visé à l'article 3 par un membre d'un conseil d'une municipalité peut entraîner l'imposition des sanctions suivantes :

 

 1° la réprimande;

 

 2° la remise à la municipalité, dans les 30 jours de la décision de la Commission municipale du Québec:

 

a)  du don, de la marque d'hospitalité ou de l'avantage reçu ou de la valeur de ceux-ci;

 

b)  de tout profit retiré en contravention d'une règle énoncée dans le code;

 

 3° le remboursement de toute rémunération, allocation ou autre somme reçue, pour la période qu'a duré le manquement à une règle prévue au code, comme membre d'un conseil, d'un comité ou d'une commission de la municipalité ou d'un organisme;

 

 4° la suspension du membre du conseil pour une période dont la durée ne peut excéder 90 jours, cette suspension ne pouvant avoir effet au-delà du jour où prend fin son mandat. »

[63]        Cette loi prévoit aussi que :

« 15.  Tout membre d'un conseil d'une municipalité qui n'a pas déjà participé à une formation sur l'éthique et la déontologie en matière municipale doit, dans les six mois du début de son mandat, participer à une telle formation.

 

Cette formation doit notamment viser à susciter une réflexion sur l'éthique en matière municipale, favoriser l'adhésion aux valeurs énoncées par le code d'éthique et de déontologie et permettre l'acquisition de compétences pour assurer la compréhension et le respect des règles prévues par celui-ci.

 

Le défaut de participer à cette formation constitue aux fins de l'article 26 un facteur aggravant.

 

Le membre d'un conseil doit, dans les 30 jours de sa participation à une telle formation, déclarer celle-ci au greffier ou au secrétaire-trésorier de la municipalité, qui en fait rapport au conseil. »

[64]        Dans l’affaire Dickey[9], la Commission a imposé une suspension de deux mois à un maire ayant suspendu la directrice générale dans le but de favoriser ses intérêts personnels :

« [162]    Le geste du maire est grave et déplorable. Il a agi isolément et précipitamment, malgré l’avertissement d’un conseiller municipal, tout en sachant que son conseil devait se pencher sur ce sujet quelques heures plus tard. […]

[163]     Les citoyens d’une municipalité doivent pouvoir faire confiance à leurs élus et, particulièrement, à leur maire. Ils doivent être confiants que les décisions prises le sont dans l’intérêt public et non dictées par une poignée de citoyens ayant des intérêts convergents dans un dossier. »

[65]        Dans l’affaire Hovington[10], la Commission a imposé une réprimande ainsi que le remboursement de tout salaire ou allocation reçue pour la période qu’a duré le manquement, soit deux mois et une semaine, à un ancien élu qui avait retenu un chèque destiné à un OBNL dans le but de nuire à une administratrice de cet OBNL et de profiter de l’effet médiatique de la remise de ce chèque dans le cadre des élections municipales.

 

[66]        Aux fins de déterminer les sanctions applicables, la Commission retient les facteurs aggravants suivants :

·        Monsieur Noël a détourné à son usage le bien public et bénéficié de façon illégale de ressources financières de la Ville afin d’assister au Tour de France à Nice;

·        Monsieur Noël a utilisé un subterfuge et a menti à madame Christine Côté afin d’obtenir le paiement de son voyage à Nice.

[67]        La Commission tient également compte des facteurs atténuants suivants :

·        Monsieur Noël est âgé de 60 ans et il est conseiller municipal depuis 16 ans;

·        Il a été impliqué comme bénévole dans le domaine sportif depuis plus de 30 ans;

·        Il a reconnu avoir commis les actes reprochés et s’en est excusé publiquement lors de l’audience;

·        Il n’a pas d’antécédents déontologiques;

·        Le risque de récidive est très faible.

[68]      Dans les circonstances de ce dossier, la Commission estime que la simple réprimande proposée par le procureur de l’élu n’est pas une sanction juste et appropriée.

[69]        La gravité des manquements qui touchent l’intégrité d’un membre d’un conseil municipal requiert une sanction beaucoup plus sévère. Cette sanction doit avoir un effet punitif et dissuasif.

[70]      Après avoir tenu compte de la gravité des actes reprochés, des facteurs aggravants et atténuants dans ce dossier et des éléments devant la guider lors de l’imposition de sanctions, la Commission est d’avis que l’imposition d’une suspension de 60 jours pour chacun des manquements est juste et appropriée en regard des manquements et des circonstances particulières de ce dossier.

[71]        Comme il s’agit de la même situation, ces sanctions seront purgées de façon concurrente. Ces sanctions permettront de rétablir la confiance que les citoyens doivent entretenir envers les institutions et les élus municipaux et auront un effet dissuasif suffisant.

[72]        D’autre part, la Commission est d’avis que monsieur Noël devra également rembourser toute rémunération, allocation ou autre somme reçue de la Ville ou d’un autre organisme sur lequel il siège à titre de membre du conseil y compris sa rémunération à titre de président de l’arrondissement de Jonquière, durant la période où il a voyagé aux frais de la Ville, soit du 27 juin au 8 juillet 2013.

 

EN CONSÉQUENCE, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :

  CONCLUT que monsieur Bernard Noël a commis un manquement à la règle prévue à l’article 5.4 du Code d’éthique et de déontologie pour les élus municipaux de la Ville de Saguenay en utilisant les ressources de la Ville à des fins personnelles favorisant ses intérêts et ceux de sa femme et de sa fille.

  IMPOSE à monsieur Bernard Noël, pour ce manquement une suspension de 60 jours, sans rémunération, allocation ou toute autre somme de la Ville ou d’un autre organisme sur lequel il siège à titre de membre du conseil.

   CONCLUT que monsieur Bernard Noël a commis un manquement à la règle prévue à l’article 5.7 du Code d’éthique et de déontologie pour les élus municipaux de la Ville de Saguenay en détournant à son propre usage un bien appartenant à la Ville.

  IMPOSE à monsieur Bernard Noël, pour ce manquement une suspension de 60 jours, sans rémunération, allocation ou toute autre somme de la Ville ou d’un autre organisme sur lequel il siège à titre de membre du conseil.

  DÉCIDE que ces suspensions seront purgées de façon concurrente et prendront effet à compter du 1er août 2016, pour une durée totale de 60 jours.

 

 

  IMPOSE également à monsieur Bernard Noël pour ces manquements, l’obligation de rembourser à la Ville sa rémunération et toute allocation ou autre somme reçue de la Ville ou d’un autre organisme sur lequel il siège à titre de membre du conseil, pour la période du 27 juin 2013 au 8 juillet 2013 inclusivement, et ce, dans un délai de trente jours de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

THIERRY USCLAT, vice-président et

Juge administratif

 

 

 

 

 

MARTINE SAVARD

Juge administrative

 

Me Marc-André LeChasseur

LECHASSEUR AVOCATS

Procureur indépendant de la Commission municipale

 

Me Pierre Mazurette

GAUTHIER BÉDARD

Pour l’élu Bernard Noël

 

Audience le 9 mai 2016

 

TU/MS/lg



[1].   RLRQ, chapitre E-15.1.0.1.

[2].   Règlement no VS-R-2011-44, entré en vigueur 16 novembre 2011.

[3].   Plourde, CMQ-65262, 30 septembre 2015

[4].   Dickey, CMQ-65060, CMQ-65081, CMQ-65093 (28689-15), 29 janvier 2015.

[5].   Legresley (re), 2016 CanLII 10275 (QC CMNQ).

[6].   Savoie (Re), 2013 CanLII 58984 (QC CMNQ).

[7].   Charron (Re), 2014 Can LII 70057 (QC CMNQ).

[8].   Hovington, CMQ-65013, 20 octobre 2014.

[9].   Précité, note 4.

[10].  CMQ-64911, 20 octobre 2014.

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