Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Durocher et Centre Jeunesse de Montréal

2008 QCCLP 5569

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

1er octobre 2008

 

Région :

Laval

 

Dossier :

306158-61-0612-C

 

Dossier CSST :

129591509

 

Commissaire :

Ginette Morin, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Hélène Durocher

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre Jeunesse de Montréal

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 29 septembre 2008, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]        Au paragraphe 137, nous lisons : Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis que la requête de madame Durocher devrait être rejetée;

 

[4]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe : Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis que la requête de madame Durocher devrait être accueillie.

 

 

__________________________________

 

Ginette Morin

 

 

 

Me Michel J. Duranleau

Représentant de la partie intéressée

 


Durocher et Centre Jeunesse de Montréal

2008 QCCLP 5569

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

29 septembre 2008

 

Région :

Laval

 

Dossier :

306158-61-0612

 

Dossier CSST :

129591509

 

Commissaire :

Ginette Morin, juge administratif

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Françoise Morin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Hélène Durocher

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre Jeunesse de Montréal

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 20 décembre 2006, la travailleuse, madame Hélène Durocher, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 30 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 28 août 2006 et déclare que madame Durocher n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 mars 2006.

[3]                Madame Durocher est présente à l’audience qui s’est tenue à Laval les 15 février, 22 février, 13 mars, 20 mars et 10 juillet 2008 et elle n’est pas représentée. L’employeur, Centre Jeunesse de Montréal, est représenté à cette audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Madame Durocher demande de déclarer qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 8 mars 2006 et qu’elle a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS

[5]                Madame Durocher travaille comme infirmière pour le Centre jeunesse de Montréal depuis mai 1989 et, le 30 septembre 2004, elle est nommée chef du service de santé, lequel service relève de la Direction des services de réadaptation aux adolescents dont la responsabilité de gestion est alors confiée à monsieur Ronald Chartrand.

[6]                Avec cette nomination, madame Durocher devient la supérieure immédiate d’une secrétaire, de deux assistantes dentaires et de sept infirmières qui exercent leur fonction au sein de cinq différents centres de réadaptation, soit les centres Rose-Virginie Pelletier, Dominique-Savio-Mainbourg, Décarie, Cité des Prairies et Mont St-Antoine. Six médecins et deux dentistes dispensent des soins à la clientèle de ces centres, mais ils relèvent de monsieur Chartrand, madame Durocher étant plutôt appelée à jouer un rôle de personne ressource auprès d’eux.

[7]                La nomination de madame Durocher comme chef de service s’inscrit dans le contexte d’une restructuration organisationnelle décidée par un nouveau directeur général et, plus précisément, dans le contexte d’un projet amorcé en 2002 ayant pour but la réorganisation et le développement des services de santé.

[8]                À cette fin, un projet pilote a été expérimenté dans un premier centre de réadaptation, soit Dominique-Savio-Mainbourg, et il a ensuite été implanté à Rose-Virginie Pelletier et à Décarie. En tant que chargée de projet, madame Durocher a participé à l’élaboration et à la mise en place de ce projet pilote et, au moment de sa nomination comme chef de service, il fallait voir à implanter le nouveau modèle de fonctionnement au Mont St-Antoine et à Cité des Prairies.

[9]                Dans un rapport médical qu’elle remplit le 30 mars 2006, à la suite d’un examen effectué le 13 mars précédent, le médecin traitant de madame Durocher, la docteure Anne Surprenant, pose le diagnostic de trouble de l’adaptation secondaire à du harcèlement psychologique au travail. Elle prescrit le repos complet et, dans le second rapport médical qu’elle produit le 24 avril suivant, elle indique qu’elle dirige madame Durocher vers un psychologue. La docteure Surprenant maintient son diagnostic de trouble de l’adaptation dans tous les autres rapports médicaux qu’elle produit postérieurement au 24 avril 2006.

[10]           Un rapport d’évaluation produit par la psychologue qui a vu madame Durocher à compter du mois de juin 2006 est au dossier.

[11]           À la suite de l’opinion émise le 4 juillet 2006 à la demande de l’employeur par le docteur Jean-François Pépin, le dossier de madame Durocher est soumis au Bureau d’évaluation médicale. Dans un avis qu’elle rend le 30 novembre 2007 à titre de psychiatre membre de ce Bureau, la docteure Hélène Fortin retient le diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur mixte d’intensité légère à modérée. De plus, elle conclut à la consolidation de cette lésion en date du 1er janvier 2007 et ce, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles.

[12]           La décision de la CSST donnant suite à l’avis de la docteure Fortin n’est pas contestée, mais celle refusant de reconnaître que la lésion psychique diagnostiquée chez madame Durocher constitue une lésion professionnelle est contestée par cette dernière, d’où l’objet du présent litige.

[13]           Madame Durocher a témoigné au cours de l’audience et ce, en se référant a une déclaration écrite d’une trentaine de pages qu’elle a rédigée dans le contexte d’une plainte pour harcèlement psychologique déposée à la Commission des normes du travail et dans laquelle elle relate des événements survenus au travail entre les mois de septembre 2004 et mars 2006 et qui sont, selon elle, à l’origine de sa lésion psychique.

[14]           D’autres déclarations écrites préparées par madame Durocher pour les fins de sa réclamation à la CSST sont au dossier et on y retrouve essentiellement la même description des événements qu’elle fait dans ce document confectionné pour sa plainte.

[15]           La Commission des lésions professionnelles note que, dans des déclarations écrites, madame Durocher identifie plusieurs personnes de la part de qui elle estime avoir été victime de harcèlement psychologique mais, qu’à l’audience, elle a indiqué qu’elle considère qu’elle a été harcelée par seulement cinq personnes, soit par madame Josée Carignan, infirmière au centre Cité des Prairies, par madame Emma Merkx, infirmière au Mont St-Antoine, par madame Johanne Éthier, dentiste à Cité des Prairies, par madame Leila Ismail, médecin à Dominique-Savio-Mainbourg et à Rose-Virginie Pelletier et par son supérieur immédiat, monsieur Ronald Chartrand.

[16]           En tenant compte de cette précision qu’elle apporte, la Commission des lésions professionnelles retient donc les éléments suivants des déclarations de madame Durocher.

[17]           Au sujet des reproches qui concernent la docteure Éthier, madame Durocher explique qu’en mars 2005, l’assistante dentaire de cette dentiste, laquelle avait un statut d’employée temporaire, s’est adressée à elle à titre de supérieur immédiate pour lui demander de bénéficier d’un congé sans traitement et, qu’après vérification auprès de la direction des ressources humaines, elle a informé celle-ci que sa demande était acceptée.

[18]           Elle explique aussi qu’à l’annonce de cette nouvelle, cette dentiste a insisté auprès de la direction pour que l’on procède immédiatement au recrutement d’une nouvelle assistante dentaire détentrice d’un statut d’employée permanente et que cela a eu pour effet de priver l’autre assistante de la possibilité de réintégrer son emploi au terme de son congé. Madame Durocher indique qu’elle a eu l’impression de perdre la face devant cette assistante parce que l’intervention de cette dentiste entraînait pour celle-ci la perte de son emploi.

[19]           Madame Durocher explique également que docteure Éthier s’est par la suite adressée à elle plusieurs fois d’un ton agressif pour lui demander quand la nouvelle assistante dentaire serait embauchée. De plus, elle a finalement elle-même fourni à la direction des ressources humaines le nom d’une assistante avec qui elle voulait travailler et c’est elle qui a effectivement été embauchée. Madame Durocher indique que cette intervention a eu pour effet de l’empêcher de participer au processus de sélection d’une employée dont elle allait être la supérieure immédiate.

[20]           Madame Durocher explique aussi que docteure Éthier réagissait mal au fait qu’elle était la supérieure immédiate de son assistante dentaire puisque, avant sa nomination comme chef de service, cette dernière était la seule à intervenir auprès de son assistante. Madame Durocher indique à ce sujet que docteure Éthier se montrait contrariée lorsqu’elle voulait rencontrer son assistante à titre de supérieure immédiate.

[21]           Madame Durocher relate dans sa déclaration écrite quelques autres événements impliquant cette dentiste, mais elle n’élabore pas au sujet de ceux-ci lors de son témoignage.

[22]           Elle écrit que docteure Éthier lui présentait des demandes de matériel de manière agressive et qu’elle faisait réparer de l’équipement sans l’en informer. De plus, en décembre 2005, elle lui a répondu de façon agressive que sa salle d’examen n’avait pas besoin d’être agrandie et elle s’est montrée contrariée lorsqu’elle a confié à son assistante dentaire la responsabilité de présenter en réunion d’équipe une méthode de travail. Elle s’est aussi montrée contrariée lorsqu’elle a demandé à cette assistante d’enseigner à des jeunes la technique de brossage de dents.

[23]           Madame Durocher écrit de plus qu’en février 2006, lorsqu’elle a demandé à cette dentiste si elle avait aimé une présentation faite par une personne ressource en réunion d’équipe la veille, celle-ci a répondu brusquement qu’elle avait détesté ça et qu’elle avait perdu son temps.

[24]           Elle écrit finalement qu’en février 2006, cette dentiste l’a mise devant un fait accompli en l’informant par le biais d’un message laissé à sa boîte vocale qu’elle avait modifié l’horaire de travail de l’assistante dentaire.

[25]           Madame Durocher explique lors de son témoignage qu’elle n’a pas tenté d’intervenir auprès de cette dentiste pour discuter des insatisfactions qu’elle vivait dans sa relation avec elle parce qu’elle ne se sentait pas capable de faire une intervention de cette nature.

[26]           Concernant la docteure Ismail, madame Durocher explique qu’elle s’est plainte dans le passé auprès d’un autre supérieur du comportement qu’avait ce médecin avec elle et une autre infirmière lors de l’implantation du projet pilote au centre Dominique-Savio-Mainbourg.

[27]           Par ailleurs, dans sa déclaration écrite, madame Durocher relate les événements suivants qui se sont produits avec ce médecin à compter du moment de sa nomination comme chef du service de santé.

[28]           Lors d’une réunion d’équipe tenue en mai 2005 à laquelle assistaient des invités, madame Durocher s’est sentie mal à l’aise parce que la docteure Ismail s’est présentée à cette réunion « en sacrant ».

[29]           En septembre 2005, en sa présence, la docteure Ismail a expliqué à un médecin nouvellement embauché que son supérieur était monsieur Chartrand et ce, sans faire mention de son rôle à titre de chef du service de santé.

[30]           En janvier 2006, lorsqu’elle a demandé à la docteure Ismail d’examiner une adolescente qui aurait normalement due être vue par un autre médecin, celle-ci a manifesté son mécontentement en disant « on ne commencera pas ça ».

[31]           Au mois de février suivant, lors d’une réunion d’équipe où un avocat expliquait la nécessité d’informer le chef de service de la réception d’une citation à comparaître, la docteure Ismail a dit « haut et fort » qu’elle ne s’adresserait pas à elle en pareilles circonstances.

[32]           Au cours de ce même mois, la docteure Ismail n’a pas voulu tenir compte de la suggestion de madame Durocher selon laquelle il était souhaitable de ne pas recevoir plus d’un médecin résident à la fois.

[33]           Le 24 février 2006, la docteure Ismail l’a présentée à un médecin résident en la situant comme infirmière, de sorte qu’elle a dû elle-même préciser qu’elle était aussi chef du service de santé. De plus, la docteure Ismail a porté peu d’attention aux informations qu’elle devait lui transmettre concernant l’état de santé d’une adolescente et, lorsqu’elle lui a parlé d’un autre cas, elle lui a fait perdre la face en lui posant des questions pour lesquelles elle n’avait pas de réponses. Ce même jour, elle a aussi retardé l’émission d’une prescription sachant qu’elle attendait après celle-ci et, à la fin de la journée, elle lui a souhaité de bonnes vacances, alors qu’elle ne lui avait pas dit qu’elle quittait pour un tel congé.

[34]           En ce qui concerne les infirmières, madame Durocher explique qu’avant sa nomination comme chef du service de santé, ces employées travaillaient sans supervision d’un supérieur immédiat, de sorte que plusieurs n’étaient pas d’accord avec sa décision de les rencontrer en équipe, mais surtout avec sa décision de rencontrer chacune d’elles une fois par mois pour de la supervision individuelle. Madame Durocher explique de plus que, dans ce contexte et dans celui des changements amenés par le nouveau modèle d’intervention, elle s’attendait à être la cible de critiques, mais pas de manifestations « de violence, de mépris et de harcèlement » comme cela a été le cas de la part de mesdames Merkx et Carignan.

[35]           Lors de son témoignage et dans sa déclaration écrite, madame Durocher apporte les explications suivantes au sujet de ces deux infirmières.

[36]           Le 14 octobre 2004, lors d’une rencontre de supervision avec madame Carignan, cette dernière a déclaré qu’elle était contre le projet pilote expérimenté au centre Dominique-Savio-Mainbourg et qu’elle ne croyait pas en celui-ci, le tout avec une attitude méprisante puisqu’elle tenait ces propos sans la regarder et avec les bras croisés.

[37]           Le 27 octobre suivant, lorsque madame Durocher s’est présentée à Cité des Prairies en raison d’une situation d’intoxication alimentaire, madame Carignan a ignoré sa présence et, plutôt que de travailler en collaboration, elle accomplissait ses tâches en solo. Dans sa déclaration écrite, madame Durocher indique que, lorsqu’elle a invité madame Carignan à revoir le contenu d’un communiqué qu’elle souhaitait envoyer au personnel, cette dernière « a ri d’elle et l’a discréditée dans ses compétences professionnelles ».

[38]           Le 12 novembre 2004, lorsqu’elle a rencontré madame Merkx en compagnie de madame Isabelle Lajoie, autre infirmière affectée au Mont St-Antoine, dans le but d’entreprendre l’implantation du projet pilote à ce centre, celle-ci a évité son regard et a montré des signes d’impatience. Le 19 novembre suivant, madame Merkx l’a ignorée au moment de son entrée dans son bureau et, lorsqu’elle l’a informée qu’elle était attendue pour une réunion, elle a soupiré d’impatience. De plus, elle l’a ridiculisée en imitant son arrivée à son bureau.

[39]           Le 3 décembre 2004, madame Merkx est arrivée en retard à une réunion et elle a refusé d’expliquer comment elle procédait pour la distribution des médicaments sous prétexte qu’elle gérait cela à sa façon. De plus, elle a déclaré qu’elle n’avait pas besoin d’un chef de service, surtout pas d’elle qui voulait toujours tout changer, et qu’elle ne viendrait pas lui dire comment faire son travail. Plus tard, devant les explications qu’elle apportait sur le nouveau mode de fonctionnement du service de santé, madame Merkx est demeurée indifférente.

[40]           Le 11 octobre 2005, lors d’une réunion d’équipe, madame Carignan lui a remis un permis d’absence pour des vacances en lui disant « tu as besoin de me le signer ».

[41]           Le 27 octobre 2005, lors d’une réunion à laquelle assistaient monsieur Chartrand et madame Louise Gagné, seconde infirmière affectée à Cité des Prairies, madame Carignan l’a insultée en lui disant qu’elle prenait les infirmières pour des pions, qu’elle ne tenait pas compte d’elles et qu’elle leur donnait l’impression que leur travail ne valait rien.

[42]           Le 8 novembre 2005, lorsqu’elle s’est rendue à Cité des prairies pour tenir une réunion ave mesdames Gagné et Carignan, cette dernière ne lui a pas dit bonjour à son arrivée.

[43]           Le 24 novembre 2005, madame Merkx l’a mise devant un fait accompli en l’informant par courriel qu’elle serait en vacances durant la période des fêtes de Noël.

[44]           Le 29 novembre 2005, lorsqu’elle a appris que l’infirmière travaillant avec elle était en congé de maladie, madame Carignan a dit à madame Durocher « si tu penses que je vais rester seule » et, le 6 décembre suivant, lors de son retour au travail après un congé d’une semaine, elle a critiqué les changements apportés à son lieu de travail durant son absence.

[45]           Dans sa déclaration écrite, madame Durocher indique que, lorsqu’elle s’est rendue rencontrer madame Carignan les 13 et 15 décembre 2005, cette dernière ne lui a pas dit bonjour à son arrivée et qu’elle a eu « des regards et des attitudes de mépris ». Madame Durocher n’apporte pas d’explications additionnelles à ce sujet lors de son témoignage.

[46]           Le 19 janvier 2006, lorsqu’elle a constaté qu’un classeur avait été déplacé pour tenir compte de l’arrivée d'une nouvelle employée, madame Carignan a remis celui-ci à son emplacement initial.

[47]           Le 8 février 2006, madame Carignan devait présenter en réunion d’équipe le contenu d’une formation à laquelle elle avait assistée, mais elle a quitté la réunion avant la fin et ce, en disant à madame Durocher qu’elle pouvait très bien assumer cette tâche.

[48]           Le 20 février 2006, madame Merkx s’est absentée du travail sans aviser madame Durocher et, le lendemain, elle a expliqué à cette dernière qu’elle n’avait pu l’informer parce qu’elle ne connaissait pas son numéro de téléphone.

[49]           Le 8 mars suivant, lors d’une réunion d’équipe des infirmières du Mont St-Antoine, madame Merkx a ignoré ses explications au sujet d’un formulaire à réviser et elle l’a regardée avec mépris lorsqu’elle lui a expliqué qu’un formulaire qu’elle utilisait aurait dû être soumis à l’équipe pour approbation.

[50]           Questionnée à ce sujet, madame Durocher explique que, même si elle était la supérieure immédiate de mesdames Merkx et Carignan, elle n’est pas intervenue auprès d’elles dans le but de rechercher qu’elles se comportent autrement. Elle indique à ce sujet qu’elle n’était pas capable de faire ce type d’intervention directe auprès de ces personnes parce qu’elle avait peur d’elles. Elle indique de plus qu’elle n’a pas reçu de monsieur Chartrand le support dont elle avait besoin pour faire face aux situations problématiques qu’elle vivait.

[51]           Concernant ce manque de support, madame Durocher explique qu’elle rencontrait monsieur Chartrand une fois par mois pour de la supervision individuelle et que ces rencontres duraient généralement une heure. Elle indique cependant que 80 % du temps des rencontres était consacré au traitement de diverses questions administratives, laissant ainsi peu de temps pour le traitement de problématiques relationnelles. Elle pouvait entre-temps consulter monsieur Chartrand, mais seulement pour des problématiques ponctuelles.

[52]           Madame Durocher explique aussi qu’elle a rapporté à monsieur Chartrand les difficultés qu’elle rencontrait avec mesdames Merkx et Carignan, mais que celui-ci banalisait la situation plutôt que de l’outiller pour y faire face. Il lui disait seulement que la réaction de ces employées était normale, qu’il fallait laisser passer du temps et qu’elles allaient finir par s’ajuster. Il a parfois suggéré d’imposer des mesures disciplinaires, mais elle considérait qu’il était préférable d’opter pour une approche axée sur la recherche d’une collaboration. C’est ce qu’elle voulu faire en continuant de rencontrer ces deux infirmières sans aborder directement avec elles leurs comportements, mais cela n’a finalement rien donné.

[53]           Une fois seulement monsieur Chartrand lui a donné un conseil précis, soit d’éviter le rapport de force installé entre elle et madame Merkx en ne rencontrant pas cette dernière dans son propre bureau.

[54]           Madame Durocher indique qu’elle désirait que monsieur Chartrand lui explique comment gérer des employés difficiles, mais qu’elle ne lui a pas fait une telle demande parce qu’elle ne voulait pas lui donner l’impression de lui dire quoi faire.

[55]           À une étape de son témoignage, madame Durocher indique qu’une fois nommée chef de service, elle a été formée par la direction des ressources humaines sur la gestion des absences au travail et sur les mesures disciplinaires à imposer en certaines situations.

[56]           C’est à sa demande que monsieur Chartrand a rencontré les infirmières de Cité des Prairies le 27 octobre 2005 et ce, après qu’elle l’ait informé des difficultés qu’elle continuait de rencontrer dans l’implantation du nouveau modèle d’intervention à cet endroit, particulièrement avec madame Carignan. Toutefois, devant les insultes prononcées par cette dernière à son endroit, monsieur Chartrand n’a fait aucune intervention et il ne lui a apporté aucun support.

[57]           Le lendemain 28 octobre, monsieur Chartrand a rencontré avec elle les chefs de service du centre Rose-Virginie Pelletier, mais il ne l’a pas supporté parce qu’il n’a pas profité de cette occasion pour aborder les difficultés de travail en équipe vécues par une infirmière de ce centre et qui ont conduit celle-ci à démissionner.

[58]           Madame Durocher indique que, après cette dernière réunion, elle s’est sentie incapable de dire à monsieur Chartrand qu’il ne la supportait pas, mais elle lui a tout de même dit qu’elle trouvait son rôle de chef de service difficile et qu’elle verrait où elle en serait face à celui-ci au mois de mai prochain. Madame Durocher indique qu’elle a utilisé le mois de mai comme point de repère tout simplement parce que c’est à cette époque de l’année qu’elle a été embauchée comme infirmière en 1989, mais qu’il est faux de prétendre qu’elle a alors formellement convenu avec monsieur Chartrand qu’ils feraient ensemble le point à ce moment sur son avenir comme gestionnaire.

[59]           Madame Durocher relate d’autres événements pour lesquels elle considère ne pas avoir eu de support de la part de monsieur Chartrand.

[60]           Elle donne comme exemple le fait que, peu de temps après sa nomination, monsieur Chartrand lui a demandé de congédier une infirmière dont les services n’étaient pas appréciés par certains médecins, alors qu’elle aurait plutôt préféré offrir à celle-ci un meilleur encadrement. Elle convient cependant qu’une intervention de cet ordre auprès d’une infirmière relevait de ses responsabilités à titre de chef de service.

[61]           Elle explique aussi qu’en juin 2005, lorsqu’elle a fait part à monsieur Chartrand d’une situation particulière à laquelle elle venait d’être confrontée lors d’une rencontre avec une infirmière vivant des difficultés personnelles, ce dernier s’est limité à lui dire qu’il s’agissait d’une personne qui resterait fragile toute sa vie.

[62]           Madame Durocher reproche également à monsieur Chartrand d’avoir tardé à régler la problématique dont elle lui a fait part le 15 septembre 2005 concernant les difficultés de fonctionnement entre un médecin et une infirmière du centre Rose-Virginie Pelletier, ce qui a eu comme conséquence qu’elle n’a pas su pendant un certain temps quelle réponse donner à cette infirmière quant aux actions qui seraient prises.

[63]           À une autre étape de son témoignage, madame Durocher reconnaît que monsieur Chartrand est intervenu auprès de l’infirmière concernée, soit madame Judith Arsenault, le 28 septembre 2005 et qu’il a fait le nécessaire pour que le médecin avec qui il était difficile de travailler quitte en décembre 2005.

[64]           Madame Durocher indique finalement que, même si monsieur Chartrand ne lui donnait pas le support dont elle avait besoin comme chef de service, sa relation avec lui était néanmoins « correcte et cordiale », sauf en date du 8 mars 2006 lorsqu’il a fait preuve d’abus de pouvoir.

[65]           Madame Durocher explique à ce sujet que, lors de sa rencontre de supervision du 17 février 2006, elle et monsieur Chartrand ont convenu de se revoir le 8 mars 2006 pour discuter d’une politique de distribution des médicaments, mais que les choses se sont déroulées tout autrement.

[66]           Dès son entrée dans son bureau, sans même lui dire bonjour, monsieur Chartrand a lancé brusquement sur son bureau copie d’une plainte faite la veille par deux infirmières au sujet du comportement d’un chef de service et ce, en lui demandant d’un ton fâché « comment se fait-il qu’une telle plainte se soit rendue aux ressources humaines »

[67]           Après qu’elle ait expliqué les événements ayant conduit à cette plainte, monsieur Chartrand lui a dit qu’on lui avait demandé de traiter celle-ci et il s’est mis à lui poser plusieurs questions sur l’avancement de ses mandats. Madame Durocher indique que monsieur Chartrand était fâché, qu’il posait ses questions en rafale et qu’elle avait l’impression qu’il ne faisait que rechercher une erreur qu’elle aurait commise.

[68]           Ensuite, monsieur Chartrand lui a dit que les médecins et dentistes avaient rencontré le directeur général pour se plaindre de son attitude à leur endroit et, lorsqu’elle l’a questionné sur les raisons justifiant cette démarche, il lui a dit qu’il n’était pas présent à cette rencontre et qu’il ne savait pas exactement ce qui s’y était dit. Il lui a toutefois dit qu’il savait qu’on lui reprochait d’être rigide dans ses interventions auprès d’eux et il a ajouté que les psychologues n’aimaient pas non plus travailler avec elle. Il a aussi ajouté que certains chefs de service trouvaient difficile de travailler avec elle et qu’il considérait lui-même qu’elle avait des difficultés à entretenir des relations harmonieuses avec les autres, qu’elle était trop émotive et toujours sur la défensive.

[69]           Finalement, monsieur Chartrand lui a demandé ce qu’elle comptait faire au mois de mai prochain et c’est alors qu’elle a compris que ses propos tenus de manière anodine à ce sujet au mois d’octobre 2005 avaient mal été interprétés. Elle a donc demandé à monsieur Chartrand s’il souhaitait qu’elle parte et, par un hochement de la tête, il lui a signifié que c’était effectivement ce qu’il désirait. Devant cette réponse, elle s’est sentie congédiée et elle a quitté le bureau de monsieur Chartrand. Ce dernier a tenté de la retenir, mais étant incapable de rester, elle lui a dit qu’elle le rappellerait.

[70]           Elle s’est rendue au travail les 9 et 10 mars, mais monsieur Chartrand n’a pas cherché à la joindre. C’est elle qui, le 10 mars, a téléphoné à sa secrétaire pour lui indiquer que si monsieur Chartrand souhaitait la congédier, il devait lui signifier le tout au moyen d’un écrit formel. Cette secrétaire lui a offert de parler à monsieur Chartrand, mais elle a refusé parce qu’elle ne se sentait pas capable de s’entretenir avec lui.

[71]           Madame Durocher indique qu’à ces deux dates, elle a effectivement dit à des collègues de travail qu’elle avait été congédiée parce que c’est ce qu’elle avait compris de sa discussion avec monsieur Chartrand.

[72]           Après qu’elle ait consulté la docteure Surprenant le 13 mars et qu’elle ait présenté à la CSST une réclamation visant la reconnaissance du caractère professionnelle de sa lésion psychique, différents événements ont fait en sorte que, en octobre 2006, l’employeur a mis fin au lien d’emploi qui l’unissait à madame Durocher. Des plaintes faites pour congédiement illégal et pour harcèlement sont pendantes devant la CSST et la Commission des normes du travail.

[73]           Madame Durocher a fait témoigner quatre personnes avec qui elle a travaillé, soit mesdames Diane Dumontais, Denise Turcotte, Isabelle Lajoie et Judith Arsenault.

[74]           Madame Denise Turcotte est retraitée depuis juillet 2005, mais elle a travaillé comme infirmière avec madame Durocher au centre Rose-Virginie Pelletier. Elle explique qu’elle a pu constater à cette occasion que madame Durocher est une personne passionnée et rigoureuse dans l’exécution de son travail.

[75]           Elle explique aussi qu’elle a demandé en 2003 d’être affectée au centre Dominique-Savio-Mainbourg pour participer au défi que représentait la réorganisation des services de santé à ce centre et elle relate les problèmes auxquels elle a alors été confrontée, particulièrement une difficulté à travailler en équipe avec la docteure Ismail. Elle fait aussi état de l’aide que madame Durocher lui a apportée pour faire face aux difficultés qu’elle vivait.

[76]           Madame Turcotte explique aussi que la nomination de madame Durocher comme chef du service de santé ne plaisait pas à toutes les infirmières. Certaines croyaient qu’elles n’avaient pas besoin d’un chef de service, tandis que d’autres auraient souhaité que ce poste soit comblé par affichage et non pas octroyé d’emblée à madame Durocher.

[77]           Elle explique aussi que le climat de travail chez les infirmières était difficile à l’automne 2004 parce que certaines étaient en poste depuis longtemps et se sentaient menacées par la restructuration des services de santé. Dans ce contexte, les réunions d’équipe n’étaient pas toujours très agréables parce qu’il existait plusieurs tensions relationnelles.

[78]           Pour sa part, madame Isabelle Lajoie explique qu’elle a travaillé comme infirmière chez l’employeur durant deux ans, soit de octobre 2003 à novembre 2004 au centre Décarie et ensuite au Mont St-Antoine jusqu’à ce qu’elle donne sa démission en novembre 2005. Entre les mois de février et de novembre 2005, elle était cependant en congé de maladie.

[79]           Elle explique aussi quel était le climat de travail qui prévalait au centre Décarie et celui qu’elle a pu observer au Mont St-Antoine à compter du moment où elle a commencé à travailler à cet endroit en compagnie de madame Merkx. Elle indique que cette infirmière avait ses propres méthodes de travail et qu’il s’agit selon elle d’une personne intimidante et ayant le verbe facile. De plus, elle adoptait une attitude de supériorité face à madame Durocher et elle se comportait de manière insolente avec elle.

[80]           Elle relate à ce sujet que madame Merkx disait ouvertement qu’elle ne voulait pas d’un chef de service et qu’elle était contre la réorganisation des services de santé. Elle relate de plus que madame Merkx ne saluait pas madame Durocher lors des réunions et qu’elle ne la regardait pas non plus lorsque cette dernière expliquait des choses. Aussi, une fois, madame Merkx s’est présentée en retard à une réunion convoquée par madame Durocher et, une autre fois, elle a déclaré qu’elle trouvait cette dernière stressante.

[81]           Madame Lajoie explique également que, lors des réunions d’équipe élargie, madame Merkx faisait front avec mesdames Carignan et Gagné pour « narguer » madame Durocher et pour manifester leur désaccord avec la restructuration des services de santé. Elle indique que la façon qu’avaient mesdames Merkx et Gagné de narguer madame Durocher se traduisait par des regards complices et des propos échangés à voix basse. Elle indique aussi que, dans le cas de madame Carignan, cela se traduisait autrement, soit par des bras croisés, un regard posé ailleurs et une attitude de désintéressement.

[82]           Elle explique enfin qu’elle considère que madame Durocher est une infirmière exceptionnellement compétente, passionnée, énergique et visionnaire. Elle considère qu’elle n’avait cependant pas ce qu’il fallait pour faire face aux personnes qui se comportaient de manière méprisante avec elle. Avec les autres, elle n’était pas autoritaire, elle ne haussait pas le ton et elle était coopérante.

[83]           Quant à elle, madame Judith Arsenault explique qu’elle a travaillé comme infirmière au centre Rose-Virginie Pelletier d’avril à novembre 2005 et qu’elle a rencontré plusieurs difficultés dans l’exercice de son travail à cet endroit, notamment avec les psychologues et les éducateurs qui comprenaient mal le rôle que l’infirmière devait jouer au sein d’une équipe multidisciplinaire. Elle a avisé madame Durocher de ses difficultés et cette dernière a informé monsieur Chartrand, lequel lui a téléphoné pour lui dire qu’il parlerait aux personnes concernées. Elle a toutefois remis sa démission en novembre 2005 parce que le travail qu’elle devait faire à ce centre ne correspondait pas à ses attentes.

[84]           Madame Arsenault explique aussi qu’au cours de sa période d’emploi, elle a assisté à deux réunions d’équipe élargie, soit en mai et en octobre 2005, et qu’elle a pu constater que certaines participantes se montraient peu intéressées à ces réunions, soit mesdames Gagné, Carignan, Merkx et Ismail. Elle indique que le désintéressement de ces personnes se traduisait par des soupirs, des retards et une non-écoute de ce qui se disait. En outre, madame Carignan se montrait très résistante face aux changements à implanter au niveau des services de santé.

[85]           Elle a aussi pu constater que certaines personnes manifestaient de l’« hostilité » à l’égard de madame Durocher durant les réunions et que cela se traduisait par des soupirs et un regard porté vers le haut lorsque cette dernière parlait.

[86]           Madame Arsenault indique finalement qu’elle considère que madame Durocher est une personne honnête et qu’elle était respectueuse avec tous au travail.

[87]           Madame Diane Dumontais est maintenant à la retraite et elle explique qu’elle a travaillé durant de nombreuses années pour le compte de l’employeur notamment, comme conseillère cadre en dotation de personnel durant ses dernières années de carrière.

[88]           Elle explique également qu’elle a rencontré madame Durocher dans le contexte de cette fonction en octobre 2004 lorsqu’elle est venue la rencontrer pour combler des postes d’infirmières et qu’elle a alors constaté que ses demandes étaient présentées de manière un peu confuse parce qu’elle ne connaissait pas la procédure à suivre. Notamment, elle ne savait pas si elle avait ou non le budget requis, de sorte qu’elle devait lui dire de faire les vérifications nécessaires auprès de son supérieur. Cependant, madame Durocher revenait parfois sans avoir toutes les réponses.

[89]           Madame Dumontais indique qu’elle savait que madame Durocher avait des rencontres de supervision avec son supérieur, mais qu’elle la sentait peu encadrée.

[90]           Madame Dumontais explique aussi qu’elle a constaté que madame Durocher souhaitait embaucher des infirmières ayant un profil bien particulier compte tenu de la nouvelle approche privilégiée pour les services de santé et que ce profil ne correspondait pas à celui des infirmières déjà en poste. Ce constat l’a amenée à se dire que madame Durocher avait un important défi à relever et qu’elle pourrait facilement être confrontée à des problématiques de résistance au changement.

[91]           Enfin, madame Dumontais explique que, chez l’employeur, la personne qui est nommée gestionnaire bénéficie d’un encadrement différent selon qu’elle possède ou non une expérience de gestion. S’il s’agit d’une personne sans expérience, la pratique veut qu’elle soit jumelée avec un cadre de grande expérience et qu’elle puisse de plus bénéficier au besoin de sessions de formation. Elle indique à ce sujet qu’on ne procède pas systématiquement à l’élaboration d’un plan de formation pour chaque personne nommée cadre, mais plutôt à l’offre d’activités de formation précise lorsque l’on constate une méconnaissance précise en cours de fonction.

[92]           Madame Dumontais indique en dernier lieu qu’elle n’a pas revu madame Durocher après que le processus de dotation de poste amorcé en octobre 2004 ait été finalisé.

[93]           Le représentant de l’employeur a fait témoigner monsieur Ronald Chartrand, supérieur immédiat de madame Durocher au moment des événements concernés par le litige.

[94]           Monsieur Chartrand explique qu’il est maintenant retraité et qu’il a travaillé pour le compte de l’employeur durant 36 ans. À compter de 1976, il n’a occupé que des postes de gestion, dont, à compter de 2002, celui de directeur des services de réadaptation aux adolescents dans le contexte duquel il avait la responsabilité d’environ 25 cadres. En 2004, on lui a aussi confié la responsabilité des services de santé et c’est dans ce contexte qu’il est devenu le supérieur immédiat de madame Durocher.

[95]           Il explique à ce sujet qu’avant 2004, les médecins et dentistes relevaient de la direction des services professionnels et que les infirmières ne bénéficiaient d’aucun encadrement de la part d’un supérieur immédiat. De plus, en 2002 la direction avait décidé de réorganiser et de développer les services de santé et, après que le nouveau modèle de fonctionnement élaboré pour l’atteinte de cet objectif ait été expérimenté au centre Dominique-Savio-Mainbourg en 2003, il a été décidé d’implanter celui-ci dans tous les autres centres. C’est cette réalité qui a amené la direction à conclure en 2004 qu’il était nécessaire de créer un poste de chef du service de santé et de confier celui-ci à une infirmière bachelière.

[96]           Parce que madame Durocher détenait cette qualification professionnelle et parce qu’elle avait été impliquée dans la conception et l’implantation du projet pilote à Dominique-Savio-Mainbourg, il lui a donc offert ce poste. Cette dernière n’a pas d’emblée accepté cette offre notamment, parce qu’elle n’avait aucune expérience de gestion. Après qu’il lui ait expliqué qu’il pourrait lui offrir le support requis puisqu’il était lui-même gestionnaire depuis de nombreuses années, madame Durocher a finalement accepté de relever ce défi. Par une note de service datée du 30 septembre 2004, il a informé le personnel de la nomination de madame Durocher au poste de chef du service de santé.

[97]           Monsieur Chartrand explique qu’il rencontrait ses cadres à chaque mois pour faire de la supervision individuelle et qu’il abordait alors avec eux différents aspects de leur travail : suivi des plans d’action en cours, évolution du travail d’équipe, situations problématiques rencontrées chez les jeunes et chez le personnel, besoins de formation, etc. En outre, parce qu’il privilégiait une approche « porte ouverte », les cadres pouvaient en tout temps le rencontrer pour discuter d’une problématique particulière.

[98]           Il indique que madame Durocher a aussi bénéficié de ces rencontres de supervision, mais de manière plus fréquente parce qu’elle n’avait pas d’expérience de gestion. De septembre à décembre 2004, il a rencontré cette dernière à 10 reprises pour de la supervision individuelle et, entre les mois de janvier et décembre 2005, il l’a rencontrée 22 fois. De janvier 2006 à mars 2006, il a l’a vue à 7 reprises en rencontre de supervision.

[99]           Une partie des rencontres portait sur les actions à prendre pour poursuivre la réorganisation des services de santé, notamment l’identification des postes additionnels nécessaires et la demande au conseil d’administration des budgets requis, mais une autre partie était consacrée au support dont madame Durocher avait besoin compte tenu de certaines problématiques relationnelles qu’elle rencontrait.

[100]       Monsieur Chartrand indique que la nomination de madame Durocher ne plaisait pas à tous et que, par ailleurs, il y avait chez les infirmières beaucoup de résistance face aux changements organisationnels en cours puisque cela impliquait pour elles de remettre en question des pratiques en place depuis de nombreuses années.

[101]       Monsieur Chartrand explique à ce sujet que madame Durocher lui parlait ouvertement des tensions et des résistances auxquelles elle était confrontée, particulièrement avec mesdames Merkx, Carignan et Gagné, et qu’il la conseillait sur la manière de faire face à ces problématiques. Son approche à cet égard était de la sensibiliser au fait qu’elle devait prendre le temps de connaître et d’apprivoiser chacun de ses employés et, à l’inverse, de laisser le temps à ceux-ci de s’adapter à elle, d’accepter qu’ils devaient dorénavant fonctionner avec un chef de service. Il insistait aussi beaucoup sur le fait qu’il n’était pas urgent de procéder rapidement à l’implantation de toutes les nouvelles façons de faire et qu’elle ne devait pas perdre de vue le fait que certaines travaillaient depuis 30 ans selon leurs propres méthodes. Il insistait sur le fait qu’elle devait ajuster ses attentes face aux employés proches de la retraite et se raccrocher davantage au fait que les nouvelles infirmières qui allaient être prochainement embauchées auraient plus de facilité à adhérer au nouveau modèle d’intervention.

[102]       Au sujet de madame Merkx, monsieur Chartrand indique que madame Durocher se plaignait du fait qu’elle était une personne dure et résistante. Il indique aussi qu’il convient que cette infirmière semble de prime abord difficile, mais qu’il la connaît depuis longtemps et qu’il s’agit seulement d’une personne qui a besoin d’être écoutée et convaincue. Il conseillait donc à madame Durocher de prendre le temps nécessaire pour avant tout chercher à la convaincre, mais en lui disant aussi que si son comportement en devenait un d’obstination, il faudrait alors penser à intervenir autrement.

[103]       De plus, il a rencontré madame Merkx pour la questionner sur son attitude à l’égard de madame Durocher et elle lui a expliqué qu’elle trouvait que cette dernière imposait de manière rigide le nouveau modèle de fonctionnement, sans respecter et utiliser ses compétences professionnelles acquises depuis longtemps. Il a alors expliqué à madame Merkx que madame Durocher était sa supérieure immédiate et qu’elles devaient toutes les deux apprendre à travailler ensemble. Il a aussi pris le temps de lui expliquer en quoi consistait la réorganisation des services de santé et de la rassurer sur les impacts que cela entraînerait pour elle.

[104]       Après, il a vu madame Durocher pour lui faire part du résultat de sa rencontre avec madame Merkx et pour la sensibiliser au fait qu’un nouveau chef de service n’obtient jamais d’emblée la collaboration immédiate de tous ses employés et qu’il doit alors faire le nécessaire pour apprivoiser ceux qui se montrent résistants.

[105]       Il tenait les mêmes propos concernant les plaintes de madame Durocher à l’égard de mesdames Gagné et Carignan, notamment face au fait que cette dernière gardait les bras croisés lors des réunions. Il répétait à madame Durocher que madame Carignan était à ce moment à cette étape de son cheminement, qu’elle devait se donner le temps de faire évoluer les choses avec elle, qu’elle était une jeune cadre et que construire une équipe solide ne se faisait pas en quelques mois, mais plutôt en deux ou trois ans.

[106]       Monsieur Chartrand explique également que madame Durocher lui a rapporté en supervision qu’il y avait au sein de son équipe deux infirmières qui vivaient d’importantes difficultés personnelles et qu’il a dû la conseiller sur la façon de supporter ces employées. C’est dans le contexte de ce support conseil qu’il a indiqué à madame Durocher qu’une des infirmières avait une histoire de fragilité bien particulière et qu’elle devrait apprendre à tenir compte de cet aspect dans ses interventions auprès d’elle.

[107]       Monsieur Chartrand explique que, lorsque madame Durocher lui a rapporté des problèmes pour lesquels il était nécessaire pour lui d’intervenir directement à titre de supérieur hiérarchique, il n’a pas hésité à le faire. Il donne l’exemple des difficultés de fonctionnement rencontrées avec un médecin par madame Arsenault et dont madame Durocher lui a fait part en septembre 2005 et il explique les mesures qu’il a prises pour régler la situation. Il donne aussi l’exemple d’une intervention qu’il a faite auprès d’une personne en particulier qui, une fois, s’était adressée à madame Durocher de manière inacceptable. Cette personne a ensuite présenté ses excuses à madame Durocher.

[108]       Par ailleurs, monsieur Chartrand explique qu’en septembre 2005, il a commencé à se questionner plus sérieusement sur les habiletés de madame Durocher à assumer un rôle de gestionnaire parce que, un an après sa nomination, elle continuait toujours de vivre trop intensément, parfois même de manière exagérée, chaque situation présentant le moindre niveau de tension, mais aussi parce qu’elle se sentait constamment agressée par tout son entourage.

[109]       Il donne comme exemple le fait qu’elle n’arrivait pas comme gestionnaire à prendre du recul face au fait qu’une infirmière gardait les bras croisés en réunion et le fait que chaque commentaire de la part d’un autre chef de service constituait selon elle une agression à son endroit. Il devait constamment vérifier la teneur exacte de ce qui s’était dit et lui expliquer ensuite en quoi il ne s’agissait pas d’une agression, mais plutôt d’un commentaire fait par un collègue.

[110]       De plus, d’autres intervenants, dont les psychologues, lui rapportait à cette époque qu’ils trouvaient difficile de travailler avec madame Durocher parce qu’elle se comportait avec eux de manière rigide et avec une attitude de méfiance généralisée.

[111]       À cette époque, il fait part au directeur général de sa préoccupation concernant les difficultés rencontrées par madame Durocher.

[112]       De plus, en septembre 2005, parce que madame Durocher continuait de se plaindre de relations difficiles avec les chefs de services, il a décidé de tous les rencontrer avec elle dans le but précis de lui permettre de présenter, en sa présence, en quoi consistait le nouveau modèle de fonctionnement des services de santé et d’expliquer quelle était la collaboration attendue de tous. Il dépose copie de l’ordre du jour préparé à sa demande par madame Durocher pour la tenue de ces rencontres et il indique que celles-ci ont eu lieu les 6, 14, 20 et 28 octobre 2005.

[113]       Il indique qu’il a toutefois été obligé de faire lui-même la présentation du 28 octobre parce que madame Durocher n’a pas voulu la faire. Elle était déçue parce qu’elle venait d’apprendre le départ prochain d’une infirmière, madame Arsenault et, pour cette raison, elle refusait de venir à cette dernière rencontre. Il a fini par la convaincre d’y assister, mais elle est demeurée silencieuse tout au long de celle-ci.

[114]       De plus, puisque madame Durocher rapportait des difficultés persistantes avec les deux infirmières de Cité des Prairies, soit mesdames Gagné et Carignan, il a décidé de les rencontrer avec madame Durocher pour faire le point. Cette rencontre a eu lieu le 27 octobre et monsieur Chartrand indique que, contrairement à ce qu’elle prétend, madame Durocher n’a pas été insultée par madame Carignan à ce moment.

[115]       Monsieur Chartrand explique à ce sujet que, après que madame Durocher ait situé quels étaient les changements à mettre en place compte tenu de la nouvelle philosophie d’intervention du service de santé, madame Carignan a dit qu’elle n’était pas contre ceux-ci, mais qu’elle ne voulait pas être seulement qu’un « pion » dans ce projet. À la suite de ce propos, sans dire un mot, madame Durocher s’est levée et a quitté la salle. À son retour quelques minutes plus tard, il a invité madame Carignan à élaborer sur ce qu’elle venait de dire et cette dernière a alors donné comme exemple qu’elle était d’accord pour qu’un bilan de santé fasse dorénavant partie du plan d’intervention des jeunes, mais qu’elle jugeait qu’il n’était pas nécessaire de procéder ainsi pour tous les jeunes de son centre puisque certains y sont hébergés pour quelques jours seulement. Madame Durocher a alors quitté la salle, elle est revenue quelques minutes plus tard en pleurant et elle a de nouveau quitté.

[116]       Monsieur Chartrand explique qu’il a ensuite rencontré madame Durocher pour discuter de cet événement, notamment pour l’inviter de nouveau à tenir compte de l’expérience de son personnel, mais qu’elle a déclaré à ce moment qu’« elle ne croyait pas en l’honnêteté de celui-ci ».

[117]       Il explique de plus que, après la rencontre avec les chefs de service de Rose-Virginie Pelletier le 28 octobre, alors que madame Durocher se plaignait de la difficulté de son rôle, il a convenu avec elle qu’il faudrait évaluer et décider au mois de mai prochain si elle était toujours à sa place dans un poste de chef de service. Il a dit à madame Durocher que si elle n’arrivait pas d’ici là à se sentir bien dans son rôle de gestionnaire et qu’elle continuait à toujours se sentir en conflit avec tout le monde, il faudrait alors regarder à quelle autre fonction elle pourrait être affectée.

[118]       Monsieur Chartrand indique que madame Durocher était d’accord avec cette décision et qu’elle a elle-même suggéré le mois de mai comme moment pour faire le point parce qu’il s’agissait de sa date anniversaire d’entrée en fonction chez l’employeur. Il était lui-même d’accord pour laisser évoluer les choses durant quelques mois.

[119]       Monsieur Chartrand explique qu’après le mois d’octobre 2005, malgré une certaine accalmie, madame Durocher a cependant continué de se plaindre constamment de difficultés relationnelles avec tous, particulièrement du sentiment d’être agressée par tout le monde, de sorte qu’il a discuté de la situation avec le directeur général au début du mois de février 2006. Il explique aussi qu’ils ont alors tous les deux conclu qu’il était souhaitable que madame Durocher soit réorientée vers une autre fonction puisque la nature des difficultés relationnelles qu’elle rencontrait depuis septembre 2004 était incompatible avec une fonction de gestion.

[120]       Monsieur Chartrand indique que cette décision ne se fondait aucunement sur une remise en question des compétences de madame Durocher à titre d’infirmière ni sur la quantité de travail accompli par elle comme gestionnaire, mais uniquement sur des habiletés relationnelles nécessaires à l’exercice d’une fonction de gestion qu’elle ne possédait pas ou qu’elle n’arrivait pas à développer.

[121]       Il indique également que, lors de cette rencontre avec le directeur général, ce dernier l’a informé que les médecins et dentistes étaient venus le voir pour discuter d’une question et, qu’à cette occasion, ils s’étaient plaints de la difficulté pour eux de travailler avec madame Durocher. Monsieur Chartrand indique que le directeur général ne lui a pas rapporté tous les propos tenus par les médecins et dentistes, mais qu’il lui a dit qu’ils s’étaient surtout plaints d’une difficulté à travailler en collaboration avec madame Durocher en raison de son attitude rigide.

[122]       Monsieur Chartrand explique qu’une fois la décision prise de retirer madame Durocher de ses fonctions de chef de service, il a rencontré cette dernière le 17 février 2006 en supervision individuelle, mais qu’il a alors décidé de ne pas aborder cette question avec elle à ce moment. Il indique à ce sujet que madame Durocher avait amorcé la rencontre en disant qu’elle avait encore l’impression d’être en conflit avec tout le monde et que, puisqu’elle s’apprêtait à partir en vacances, il a jugé préférable d’attendre son retour au travail après une période de repos pour lui annoncer la nouvelle. Il lui a donc dit qu’il aborderait avec elle ce sentiment de conflit perpétuel à son retour de vacances, lors de la prochaine rencontre de supervision prévue pour le 8 mars 2006.

[123]       Concernant le déroulement de cette rencontre, monsieur Chartrand explique qu’il a débuté celle-ci en questionnant madame Durocher sur une plainte déposée la veille par deux infirmières de son équipe concernant le comportement d’un chef de service parce qu’il avait été informé le matin même de l’existence de cette plainte et qu’il était surpris de ne pas en avoir été informé avant par madame Durocher. Cette dernière lui a expliqué les circonstances ayant donné lieu à cette plainte et il lui a signifié qu’elle aurait dû en tant que chef de service l’informer de la situation.

[124]       Monsieur Chartrand indique qu’il n’était pas fâché et qu’il n’a pas non plus interpellé madame Durocher sur cette question en lui lançant la plainte sur son bureau. Il lui a cependant signifié clairement qu’il n’appréciait pas le fait qu’elle ne l’ait pas informé de l’existence de cette plainte. De plus, il a bouclé cette question assez rapidement parce qu’il était conscient du fait qu’il devait lui annoncer quelque chose de désagréable, soit qu’on lui retirait ses responsabilités de gestion.

[125]       Il a poursuivi la rencontre en lui rappelant qu’elle avait dit le 17 février qu’elle avait encore l’impression d’être en conflit avec tout le monde et il a enchaîné en lui disant que les médecins et dentistes s’étaient récemment plaints auprès du directeur général de leur difficulté à travailler avec elle. Dès ces paroles prononcées, madame Durocher s’est levée en déclarant que « tout le monde la poignardait au dos, alors qu’elle n’avait jamais eu de problèmes avec personne ».

[126]       Monsieur Chartrand indique qu’il a alors demandé à madame Durocher de se rasseoir pour que la discussion puisse se poursuivre parce qu’il estimait qu’elle avait effectivement des difficultés relationnelles et qu’ils avaient déjà convenu en octobre 2005 qu’il faudrait faire le point au mois de mai sur la pertinence pour elle de continuer à occuper des fonctions de gestion. Il a ajouté qu’il ne pouvait plus attendre jusqu’au mois de mai et qu’il fallait prendre le temps maintenant de discuter de ses difficultés. La discussion n’a cependant pas pu se poursuivre puisque, dès ces dernières paroles prononcées, madame Durocher a pris son manteau et a quitté son bureau. Il a tenté de la retenir, mais elle n’a pas voulu rester.

[127]       Après son départ et au cours des deux jours suivants, il a tenté à plusieurs reprises de rejoindre madame Durocher, mais il n’a pu lui parler. Par ailleurs, le 9 mars, quelqu’un des ressources humaines lui a appris que madame Durocher prétendait qu’elle venait d’être congédiée. Il précise que son intention n’était pas de congédier madame Durocher lorsqu’il l’a rencontrée le 8 mars 2006, mais bien d’examiner avec elle à quel autre poste elle pouvait être réaffectée. Il précise de plus que seul le directeur général a le pouvoir de congédier un cadre.

[128]       Il a tenté de poursuivre la discussion avec madame Durocher en lui demandant, par lettre datée du 10 mars 2006, de venir le rencontrer, mais elle n’a pas donné suite à cette demande. Il ne l’a pas revue par la suite.

[129]       Au sujet des médecins et dentistes, monsieur Chartrand indique que certains lui ont rapporté qu’ils trouvaient difficile de travailler en collaboration avec madame Durocher et ce, avant qu’ils voient le directeur général à ce sujet en février 2006.

[130]       Concernant les reproches de madame Durocher à l’endroit de la dentiste Éthier, monsieur Chartrand explique qu’il a lui-même permis le non-respect de la procédure habituelle de recrutement en demandant à celle-ci de s’impliquer personnellement dans la recherche d’une nouvelle assistante dentaire. Il indique qu’il a pris cette décision parce que la direction des ressources humaines est moins familière avec le recrutement de ce type d’employé, qu’il y a généralement peu de candidatures puisque le salaire qui leur est offert est bien inférieur à celui versé en pratique privée et surtout, qu’il est très important pour un dentiste de pouvoir choisir l’assistante avec qui il se sentira confortable de travailler. Il indique de plus que la docteure Éthier est une personne qui a le tempérament d’une fonceuse et qu’elle s’est effectivement impliquée « en poussant ».

[131]       Monsieur Chartrand indique que, sauf peut-être pour des détails, madame Durocher ne s’est cependant pas plainte d’autre chose de particulier au sujet de cette dentiste.

[132]       Concernant la docteure Ismail, il indique qu’il sait qu’une problématique a existé dans le passé entre ce médecin et madame Durocher, mais que cette dernière ne lui a pas rapporté d’événements précis qui seraient survenus à compter du moment de sa nomination comme chef de service.

[133]       Concernant le fait que madame Durocher aurait été, à sa demande, contrainte de congédier une infirmière, monsieur Chartrand indique que cela n’est pas exact. Il explique que l’infirmière en cause a plutôt démissionné de son propre chef parce qu’elle était sur une liste de rappel et qu’elle a pu obtenir un poste permanent au Centre jeunesse de Laval. Il dépose copie de la lettre rédigée par cette infirmière dans laquelle elle explique ainsi sa démission.

[134]       Enfin, questionné sur les raisons justifiant le fait que madame Durocher a reçu un boni au rendement en novembre 2005, monsieur Chartrand explique qu’elle a reçu le montant minimal et que cela servait à reconnaître la quantité de travail accompli au cours de l’année indépendamment du fait des difficultés relationnelles rencontrées.

L’AVIS DES MEMBRES

[135]       Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête de madame Durocher devrait être rejetée.

[136]       Il estime que madame Durocher n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 mars 2006 parce qu’il considère que la preuve ne démontre pas que la lésion psychique dont elle a souffert à cette époque est reliée à une série d’événements survenus au travail à compter du mois de septembre 2004 pouvant constituer un événement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la loi.

[137]       Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis que la requête de madame Durocher devrait être rejetée.

[138]       Elle estime que la preuve démontre que la lésion psychique de madame Durocher est reliée à l’exercice de son travail de gestionnaire dans un contexte de réorganisation du travail et de résistance au changement et qu’un tel contexte peut être assimilé à la survenance d’un événement imprévu et soudain.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[139]       La Commission des lésions professionnelles doit décider si madame Durocher à subi une lésion professionnelle le 8 mars 2006.

[140]       La notion de lésion de « lésion professionnelle » est définie comme suit à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[141]       C’est d’un accident du travail dont il est question dans la présente affaire puisque madame Durocher prétend que la lésion psychique diagnostiquée chez elle en mars 2006 est reliée à une série d’événements survenus au travail à compter de sa nomination comme chef du service de santé en septembre 2004. C’est donc en référant à la notion d’« accident du travail » telle que définie à l’article 2 de la loi que la réclamation de madame Durocher doit être analysée :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[142]       L’article 28 de la loi prévoit une présomption de lésion professionnelle, mais cette disposition ne peut trouver application parce que c’est d’un trouble de l’adaptation avec humeur mixte dont il est question. Selon la jurisprudence bien établie du tribunal, une lésion d’ordre psychique ne constitue pas une blessure selon le sens généralement attribué à ce terme, de sorte que la présomption de lésion professionnelle édictée par l’article 28 ne peut trouver application lorsque c’est de ce type de lésion dont il est question.[2]

[143]       L’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale en novembre 2007 concernant ce diagnostic à retenir dans le cas de madame Durocher n’a pas été contesté, de sorte que, conformément aux dispositions de l’article 224.1 de la loi, c’est celui qui lie le tribunal aux fins de la présente décision :

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[144]       La jurisprudence reconnaît qu’une lésion psychique peut être attribuable à un accident du travail impliquant une série d’événements qui paraissent bénins lorsqu’ils sont considérés isolément, puisque ceux-ci peuvent, par leur superposition, devenir significatifs et présenter ainsi le caractère d’imprévisibilité et de soudaineté requis par la loi[3].

[145]       Le caractère objectif des faits allégués doit cependant être prouvé de manière prépondérante puisque la seule perception subjective qu'a un travailleur d’une situation donnée s’avère insuffisante aux fins de conclure à la survenance d’un événement imprévu et soudain[4]. De plus, les événements allégués doivent présenter un caractère particulier en ce qu’ils ne peuvent s’inscrire dans le contexte habituel, normal ou prévisible de ce qui est susceptible de se produire dans un milieu de travail[5].

[146]       À ce sujet, comme le précise le tribunal dans l’affaire Lelièvre et Société de transport de Montréal[6], les situations qui relèvent de l’exercice du droit de gérance de l’employeur ne peuvent être assimilées à un événement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la loi, sauf si la preuve démontre que l’exercice de ce droit l’a été de façon abusive :

[46] De façon générale, il a été décidé que les réactions consécutives à l’exercice du droit de gérance par l’employeur ne peuvent être assimilées à un événement imprévu et soudain puisqu’ils font partie du cadre normal des relations de travail. Dans Tremblay et Hydro-Québec6, la Commission des lésions professionnelles s’exprimait ainsi :

 

La Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'il faut généralement exclure du champ d'une lésion professionnelle les problèmes normaux de relations du travail ou administratifs auxquels doit faire face tout travailleur. Le statut de salarié implique forcément certaines contraintes et il apparaîtrait quelque peu abusif d'assimiler à une lésion professionnelle la non-adaptation d'un travailleur à celles-ci. De même, certains gestes posés par l'employeur dans le cours normal de sa gestion sauraient difficilement être invoqués comme pouvant avoir des effets négatifs sur le psychique d'un travailleur au point qu'il faille l'associer à une lésion professionnelle si tels gestes ne revêtent qu'un caractère administratif. À titre d'exemple, il apparaîtrait difficile de reconnaître à titre de lésion professionnelle la réaction négative d'un travailleur à l'annonce de la faillite de son employeur et, par conséquent, à la perte de son emploi.

 

[…]

 

Bien sûr un exercice abusif de l’autorité patronale et des droits de gérance ne peut être considéré comme normal et prévisible et peut donc constituer un événement imprévu et soudain tel que l’a signalé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Denis et Ville de Gaspé9. Cependant dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve ne lui a pas été faite, de manière prépondérante, d’un exercice abusif du droit de gérance.

__________________

6              C.L.P. 101447-32-9806, 11 juin 1999, J.-G. Roy

[…]

9                     [2003] C.L.P. 1319

 

 

[147]       En outre, comme il a déjà été décidé[7], lorsque ce sont des manifestations de harcèlement psychologique qui sont alléguées être à l’origine d’une lésion psychique, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à décider si le travailleur a été victime de harcèlement selon la définition retrouvée à la Loi sur les normes du travail[8]. Elle doit plutôt déterminer si les faits mis en preuve relativement au comportement des personnes visées par la réclamation du travailleur permettent de conclure à la survenance d’un accident du travail parce que ces faits justifient qu’ils soient considérés à titre d’événement imprévu et soudain.

[148]       En l’espèce, madame Durocher prétend qu’elle a été victime d’un accident du travail parce que la lésion psychique dont elle a souffert à compter du mois de mars 2006 est attribuable au harcèlement psychologique dont elle a été l’objet à compter de sa nomination comme chef du service de santé en septembre 2004 et ce, de la part de son supérieur immédiat, monsieur Chartrand, et de la part de quatre collègues de travail, soit mesdames Merkx et Carignan, infirmières, madame Ismail, médecin, et madame Éthier, dentiste. Elle prétend qu’en plus de ce harcèlement, son supérieur a fait défaut de lui fournir le support nécessaire à l’exercice de son nouveau rôle de gestionnaire et qu’il exercé abusivement son droit de gérance le 8 mars 2006.

[149]       Après analyse, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que ces prétentions sont mal fondées et ce, pour les motifs suivants.

[150]       Tel qu’il appert de la description des événements faite par madame Durocher, on peut certes retenir que mesdames Merkx et Carignan se sont parfois comportées de manière désagréable, mais de l’avis du tribunal, il n’est pas permis de conclure que le comportement de ces personnes était à ce point particulier qu’il ne puisse pas faire partie de ce qui est susceptible de se produire dans un milieu de travail.

[151]       Madame Durocher considère qu’il s’agissait d’un comportement constamment empreint de mépris et de violence à son endroit, mais cela dit avec respect, la Commission des lésions professionnelles estime qu’une analyse objective de l’ensemble des événements que celle-ci relate démontre plutôt qu’il s’agissait en réalité de réactions associées à un phénomène de résistance à des changements organisationnels.

[152]       Il ressort en effet de l’ensemble des témoignages entendus que la nomination de madame Durocher comme chef du service de santé ne plaisait pas à tous et que la création de ce nouveau poste était menaçante pour certaines infirmières parce qu’elles n’avaient jamais auparavant travaillé sous la supervision d’un chef de service. De plus, madame Durocher avait pour mandat de poursuivre la restructuration des services de santé déjà amorcée et cette restructuration était aussi menaçante pour certains parce qu’elle impliquait de modifier des façons de faire existantes depuis déjà bien longtemps.

[153]       Il ressort également de l’ensemble des témoignages que, chez les infirmières, ce sont mesdames Merkx et Carignan qui réagissaient particulièrement mal à la nomination de madame Durocher comme chef de service et à l’implantation d’un nouveau modèle d’intervention de travail et que cela s’est traduit par diverses manifestations d’opposition à ces changements.

[154]       Cependant, même si cela pouvait être désagréable à vivre pour madame Durocher, il demeure que la preuve démontre que les agissements de ces deux personnes n’ont pas débordé le cadre de ceux auxquels un gestionnaire peut raisonnablement s’attendre de devoir faire face lorsqu’il est nouvellement nommé responsable d’un service ou encore, lorsqu’il doit procéder à l’implantation de changements organisationnels. Dans un cas comme dans l’autre, ce gestionnaire est susceptible d’être confronté à une variété de manifestations de résistance et d’insatisfaction de la part de ses employés et, tant qu’il s’agit de manifestations qui ne s’écartent pas véritablement de celles auxquelles on peut normalement s’attendre en pareilles circonstances, on ne peut conclure qu’il s’agit d’une situation justifiant qu’elle soit reconnue à titre d’événement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la loi.

[155]       La Commission des lésions professionnelles est d’avis que c’est le cas des comportements reprochés à mesdames Merkx et Carignan tels que des soupirs d’impatience, des bras gardés croisés, un contact avec les yeux évités, l’expression à haute voix, parfois vivement, de désaccords avec certaines décisions et, à deux reprises, l’absence de salutation.

[156]       Concernant la réunion du 27 octobre à Cité des Prairies, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la prétention de madame Durocher selon laquelle elle aurait alors été insultée par madame Carignan. Tel qu’il appert du témoignage de monsieur Chartrand, cette dernière a plutôt exprimé une opinion sur le nouveau modèle d’intervention et sur ce qu’elle vivait dans la façon dont celui-ci était implanté. Même en s’en remettant aux déclarations de madame Durocher, c’est une conclusion identique qui s’impose puisque, bien qu’elle ait considéré qu’il s’agissait d’insultes, ce qu’elle relate des propos tenus par madame Carignan constitue plutôt la simple expression d’une opinion de manière vive et émotive.

[157]       Par ailleurs, d’autres événements impliquant mesdames Merkx et Carignan auxquels madame Durocher fait référence ne peuvent pas être considérés comme étant du harcèlement puisqu’il s’agit également de situations auxquelles un gestionnaire est susceptible d’être confronté dans l’exercice de ses fonctions et pour lesquelles il est de sa responsabilité d’intervenir afin qu’elles ne se reproduisent plus. C’est le cas pour ce qui est des retards aux réunions, du départ d’une réunion avant sa fin, d’une absence du travail sans avis, du permis d’absence remis de manière impolie et de l’annonce d’une période de vacances sans vérification au préalable de la possibilité de s’absenter à ce moment précis.

[158]       Madame Durocher reconnaît qu’elle n’est pas intervenue auprès de mesdames Merkx et Carignan dans le but de rechercher qu’elles se comportent autrement parce qu’elle ne se sentait par capable de le faire.

[159]       Les témoignages de mesdames Turcotte, Arsenault et Lajoie ne permettent pas d’en venir à une autre conclusion. Les déclarations de ces personnes corroborent celles de madame Durocher au sujet du climat de travail affecté par les changements organisationnels et, plus précisément, au sujet des agissements de mesdames Merkx et Carignan, mais pour la Commission des lésions professionnelles, ces agissements ne peuvent être assimilés à la survenance d’un événement imprévu et soudain.

[160]       Concernant la dentiste Éthier, madame Durocher reproche principalement à cette dernière la nature de ses interventions à la suite du départ en congé sans traitement de son assistante dentaire.

[161]       Comme l’allègue madame Durocher, la docteure Éthier a peut-être insisté auprès de la direction pour que cette employée ayant un statut temporaire soit remplacée par une employée permanente, mais il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à l’employeur de décider s’il acquiesçait ou non à la demande de cette dentiste. Même si la décision prise ne plaisait pas à madame Durocher, celle-ci relevait du droit de gérance de l’employeur.

[162]       Il en est de même pour l’invitation qu’a faite monsieur Chartrand à la docteure Éthier de s’impliquer personnellement dans la recherche d’une nouvelle assistante dentaire. Monsieur Chartrand a expliqué à l’audience les raisons qui l’ont amené à faire cette invitation et il s’agit là d’une décision qui lui appartenait à titre de gestionnaire.

[163]       De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le seul fait que la dentiste Éthier se soit adressée quelquefois à madame Durocher d’un ton agressif, comme elle le prétend, pour lui demander quand son assistante serait remplacée, pour obtenir du matériel ou encore pour lui dire que sa salle d’examen n’avait pas besoin d’être agrandie ne sont pas des comportements qui débordent du cadre normal de ce qui peut se produire dans un milieu de travail. Il en est de même pour les déclarations de madame Durocher selon lesquelles la docteure Éthier s’est quelques fois « montrée contrariée » face à ses interventions auprès de l’assistante dentaire en tant que supérieure immédiate de cette employée.

[164]       Finalement, le fait que la docteure Éthier ait mis madame Durocher devant un fait accompli au mois de février 2006 en l’informant par téléphone qu’elle avait modifié l’horaire de travail de l’assistante dentaire apparaît être un incident qui témoigne d’une mésentente entre deux collègues de travail.

[165]       Concernant la docteure Ismail, madame Durocher indique lors de son témoignage qu’elle a eu des difficultés relationnelles avec ce médecin dans le passé, mais elle ne rapporte pas d’événements particuliers qui se seraient produits à compter du moment de sa nomination comme chef de service.

[166]       Par ailleurs, les quelques événements qu’elle relate dans sa déclaration écrite sont objectivement peu significatifs et ils ne se démarquent pas de ce qui est susceptible de se produire dans un milieu de travail.

[167]       Concernant monsieur Chartrand, la Commission des lésions professionnelles estime que rien dans les déclarations écrites de madame Durocher ou dans son témoignage ne permet de conclure que cette dernière a été victime de harcèlement de la part de ce supérieur. Madame Durocher déclare plutôt lors de son témoignage que sa relation avec monsieur Chartrand a toujours été « cordiale et correcte », sauf en date du 8 mars 2006 où il aurait selon elle exercé son droit de gérance de manière abusive.

[168]       Madame Durocher reproche à monsieur Chartrand de ne pas lui avoir fourni le support dont elle avait besoin pour lui permettre de faire face aux difficultés relationnelles qu’elle rencontrait dans son rôle de gestionnaire, mais de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette prétention est mal fondée.

[169]       La Commission des lésions professionnelles privilégie les déclarations de monsieur Chartrand à ce sujet, lesquelles ont été faites de manière crédible et qui n’ont pas été contredites par madame Durocher.

[170]       La Commission des lésions professionnelles retient de ces déclarations que monsieur Chartrand a offert à madame Durocher d’occuper un poste de chef de service en la rassurant sur le fait qu’elle pourrait bénéficier de sa longue expérience de gestionnaire pour apprivoiser son nouveau rôle.

[171]       Elle retient également que monsieur Chartrand a tenu compte du fait que madame Durocher avait un grand besoin de support compte tenu de son inexpérience en gestion, de sorte qu’il s’est assuré de la rencontrer pour de la supervision individuelle plus souvent qu’il ne le faisait avec tous les autres cadres. Ainsi, entre les mois de septembre et décembre 2004, il a rencontré madame Durocher 10 fois pour des sessions de supervision d’une durée d’environ une heure, il l’a rencontré 22 fois durant l’année 2005 pour de telles sessions et, entre le 1er janvier et le 8 mars 2006, il l’a rencontré à 7 reprises.

[172]       La Commission des lésions professionnelles retient aussi que monsieur Chartrand a fourni à madame Durocher lors de ces rencontres des conseils sur la façon de faire face aux difficultés relationnelles dont elle lui faisait part, particulièrement celles impliquant mesdames Merkx et Carignan.

[173]       Madame Durocher estime que monsieur Chartrand banalisait les événements qu’elle lui rapportait, mais ce n’est pas ce qui ressort du témoignage de monsieur Chartrand. Ce dernier a longuement élaboré sur le type de conseils qu’il a jugé nécessaire de fournir à madame Durocher étant donné la nature des problématiques auxquelles elle était confrontée et sa propre expérience en cette matière et, de l’avis du tribunal, on ne peut que conclure des explications qu’il a apportées à ce sujet qu’il n’a pas fait défaut de supporter celle-ci.

[174]       La Commission des lésions professionnelles retient de plus des déclarations de monsieur Chartrand qu’il est lui-même intervenu en certaines circonstances pour aider madame Durocher à faire sa place comme chef de service. C’est ce qu’il a fait lorsqu’il a rencontré madame Merkx pour l’inviter à mieux collaborer avec madame Durocher et lorsqu’il a rencontré avec elle mesdames Gagné et Carignan le 27 octobre 2005 parce qu’elle se plaignait d’un problème persistant de non-collaboration de la part de ces deux infirmières.

[175]       C’est aussi ce qu’il a fait lorsque, également en octobre 2005, il a rencontré tous les chefs de services parce que madame Durocher se plaignait de difficultés dans ses relations avec eux. Monsieur Chartrand est aussi intervenu lorsque madame Durocher lui a fait part d’une attitude inacceptable à son endroit de la part d’une employée et lorsqu’elle lui a fait part d’une problématique de fonctionnement existante entre un médecin et une infirmière à Rose-Virginie Pelletier.

[176]       Quant aux déclarations de madame Durocher selon lesquelles elle aurait été contrainte de congédier une infirmière plutôt que de lui offrir un meilleur encadrement, elles sont contredites tant par le témoignage de monsieur Chartrand que par la lettre de démission de l’infirmière en cause déposée en preuve.

[177]       De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le témoignage de madame Dumontais ne permet pas d’en venir à une autre conclusion. Cette dernière a expliqué qu’elle a pu constater en octobre 2004 qu’il n’était pas facile pour madame Durocher de se retrouver dans les démarches administratives à faire pour combler de nouveaux postes d’infirmière en raison de son inexpérience en la matière, mais cette dernière n’allègue rien de particulier à cet égard dans le contexte du présent litige.

[178]       Madame Dumontais a aussi expliqué qu’elle a considéré en octobre 2004 que madame Durocher était susceptible de faire face à un phénomène de résistance au changement compte tenu du nouveau modèle d’intervention à implanter, ce qui a effectivement été le cas, mais la preuve a démontré à cet égard que le phénomène auquel elle a été concrètement confrontée ne pouvait pas être assimilé à la survenance d’un événement imprévu et soudain.

[179]       Madame Dumontais a aussi déclaré qu’elle a eu l’impression que madame Durocher était peu encadrée par son supérieur immédiat, mais cette déclaration n’est pas supportée par la preuve prépondérante retenue par la Commission des lésions professionnelles.

[180]       La Commission des lésions professionnelles ne retient pas non plus la prétention de madame Durocher selon laquelle monsieur Chartrand a exercé son droit de gérance de manière abusive le 8 mars 2006.

[181]       Les déclarations de madame Durocher et de monsieur Chartrand diffèrent sur la façon dont leur rencontre s’est déroulée, mais elles ne sont toutefois pas contradictoires au sujet du contenu de cette rencontre puisqu’elles établissent clairement que celui-ci a porté sur la plainte faite par deux infirmières la veille et sur les difficultés relationnelles rencontrées par madame Durocher dans son rôle de gestionnaire. Monsieur Chartrand a d’abord fait questionné madame Durocher sur les faits à l’origine de la plainte et il lui a signifié qu’il aurait souhaité qu’elle l’informe de celle-ci. Ensuite, il a abordé avec madame Durocher les difficultés relationnelles auxquelles il estimait qu’elle faisait face dans l’exercice de son rôle de gestionnaire tout en lui faisant part des reproches exprimés par certains collègues de travail à cet égard.

[182]       Or, une telle intervention de la part de monsieur Chartrand relevait de son droit de gérance et, selon la jurisprudence constante, l’exercice de ce droit ne peut pas constituer un événement imprévu et soudain, même si cela suscite chez le travailleur concerné des réactions émotives difficiles à vivre.

[183]       Madame Durocher prétend cependant que monsieur Chartrand était fâché à cause de la plainte des infirmières, qu’il lui a posé des questions en rafale sur ses mandats et qu’ensuite, il lui a fait part d’une série d’insatisfactions face à son rôle de gestionnaire. De plus, il lui a demandé ce qu’elle entendait faire au mois de mai prochain et, lorsqu’elle lui a demandé s’il souhaitait qu’elle parte, il lui a signifié que tel était son désir par un hochement de la tête, de sorte qu’elle a quitté le bureau en se sentant congédiée.

[184]       Monsieur Chartrand prétend plutôt qu’il n’était pas fâché du dépôt de la plainte, mais qu’il a néanmoins signifié clairement à madame Durocher qu’il aurait aimé être informé de la situation. Il prétend aussi qu’il a entrepris d’aborder avec madame Durocher le fait qu’elle ne pouvait plus continuer à être gestionnaire étant donné ses difficultés relationnelles en revenant sur les propos qu’elle avait tenus à ce sujet en février et que, lorsqu’il l’a ensuite informée de la plainte faite récemment à son sujet par les médecins et dentistes, il n’a pas pu poursuivre la discussion. Madame Durocher s’est levée à l’annonce de cette plainte pour quitter le bureau, il l’a invitée à s’asseoir tout en lui faisant part de certaines de ses réflexions sur la nature des difficultés qu’elle connaissait, mais il n’a pu poursuivre la discussion puisqu’elle a pris son manteau et est partie. Il n’a pas pu aborder avec elle le fait qu’elle doive être affectée à d’autres tâches.

[185]       La Commission des lésions professionnelles privilégie le témoignage de monsieur Chartrand au sujet de la façon dont sa rencontre avec madame Durocher s’est déroulée parce qu’elle l’estime plus convaincant compte tenu des explications qu’il a données tout au long de son témoignage. Cela dit, même s’il fallait retenir les déclarations de madame Durocher à ce sujet, il demeure qu’il est difficile de conclure que le comportement qu’elle reproche à monsieur Chartrand ait été excessif et injustifié au point de considérer qu’il s’agisse de l’exercice abusif de son droit de gérance.

[186]       Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que madame Durocher n’a pas subie de lésion professionnelle le 8 mars 2006.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de la travailleuse, madame Hélène Durocher;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative; et

DÉCLARE que madame Hélène Durocher n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 mars 2006.

 

 

__________________________________

 

Ginette Morin

 

 

 

 

 

 

Me Michel J. Duranleau

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 



[1]           L. R. Q., c. A-3.001

[2]           Voir à ce sujet : Gallo et R. Faillance & Associés ltée, C.L.P. 123427-73-9909, 13 avril 2000, D. Taillon; Mancuso et Canadian Airlines Int. Ltd, C.L.P. 122614-72-9908, 25 mai 2001, D. Lévesque, requête en révision rejetée, 2 août 2002, M. Zigby.

[3]           Voir notamment : Anglade et Communauté urbaine de Montréal, C.A.L.P. 00837-60-8609, 17 juin 1988, G. Godin; St-Arnaud et Centre Jeunesse Mauricie et Centre-Du-Québec, C.L.P. 143261-04-0007, 2 février 2002, S. Sénéchal; Colligan et Les Tricots d'Anjou inc., C.L.P. 172289-63-0111, 13 mars 2002, M. Gauthier.

[4]           Voir à ce sujet : Grimard et Entreprises David Gauthier & Leclair, [2000] C.L.P.637; Lachapelle et Centre Jeunesse des Laurentides, C.L.P. 108508-64-9812, 31 août 2001, R. Daniel; Hamel et Centre Jeunesse de l'Estrie et CSST, [2002] C.L.P. 1 .

[5]           Voir entres autres : Trépanier et C.P.E. La Maison des enfants, C.L.P. 138845-05-0005, 30 octobre 2000, L. Boudreault; Boivin et CLSC Villeray, C.L.P. 156613-61-0103, 2 novembre 2001, L. Nadeau; Carrier et A.F.G. Industries ltée (Glaverbec), C.L.P. 153888-32-0012, 19 décembre 2001, G. Tardif.

[6]           C.L.P. 219149-61-0310, 9 février 2005, L. Nadeau.

[7]           Voir notamment, Bonvalot et Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont, C.L.P. 213089-71-0307, 25 octobre 2005, L. Landriault.

[8]           L. R. Q., c. N-1.1, article 81.18

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.