Jack Victor ltée et Apari Vasquez |
2009 QCCLP 4488 |
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Dossier 348716
[1] Le 15 mai 2008, Jack Victor ltée (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 9 mai 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision en révision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 17 janvier 2008 et déclare que madame Maria Genova Apari Vasquez (la travailleuse) a subi une maladie professionnelle, soit une ténosynovite de De Quervain au poignet gauche.
Dossier 372027
[3] Le 11 mars 2009, l’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 23 février 2009 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision en révision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 21 janvier 2009 et déclare que la travailleuse demeure avec une atteinte permanente évaluée à 2,20 % à la suite de l’évaluation complétée par son médecin traitant, le docteur Hyacinthe, et qu’elle a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1312,56 $.
[5] À l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 30 mars 2009 à Montréal, les deux parties étaient présentes et représentées. Le 1er avril 2009, la représentante de la travailleuse a déposé un complément d’information concernant les prestations d’assurance salaire. La cause a été mise en délibéré le 1er avril 2009.
Question préalable
[6] L’employeur soumet que la réclamation de la travailleuse a été présentée en dehors du délai prévu à l’article 270 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Il demande donc à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrecevable la réclamation de la travailleuse.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[7] Dans l’éventualité où la Commission des lésions professionnelles déclare recevable la réclamation de la travailleuse, le représentant de l’employeur demande au tribunal de déclarer que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle sous la forme d’une maladie professionnelle le 15 mars 2007.
[8] Quant à la seconde requête concernant l’atteinte permanente, il demande au tribunal de réserver les droits de l’employeur de demander un avis au Bureau d’évaluation médicale dans l’éventualité où la lésion professionnelle est reconnue.
LES FAITS
[9] La travailleuse, née en 1956, est opératrice de machine à coudre depuis 13 ans chez l’employeur.
[10] Elle est suivie depuis plusieurs années pour une condition cervicale, mais qui ne l’a jamais empêchée de faire son travail.
[11] De plus, tel qu’il appert du dossier médical du docteur Jean-Luc Bourbeau, médecin traitant de la travailleuse, elle consulte, le 16 novembre 2005, notamment, pour des douleurs récurrentes aux mains. Un diagnostic de tendinite aux mains est posé à cette date.
[12] En date du 3 mai 2006, le docteur Bourbeau note que la travailleuse consulte pour une arthrose multi-articulaire et de l'ostéoporose.
[13] Le 29 novembre 2006, parmi les problèmes mentionnés, le docteur Bourbeau écrit que la travailleuse présente une cervicalgie intermittente et une douleur à l’épaule gauche. Elle se plaint de douleurs importantes aux mains avec dysesthésies qui l’empêchent de dormir. Il suggère une consultation pour éliminer une possibilité de discopathie compressive à la colonne cervicale.
[14] La travailleuse passe divers examens à la demande de son médecin, telle qu’une tomodensitométrie de la colonne cervicale qui révèle un léger pincement sans évidence de hernie discale et sans discopathie compressive.
[15] La travailleuse présente aussi des paresthésies aux mains et subit un électromyogramme le 20 février 2007 dont le résultat ne confirme pas le syndrome du canal carpien qui demeure, néanmoins, envisagé par le docteur Lemay, neurologue. D’après les renseignements cliniques obtenus lors de cet examen, la travailleuse présente également une douleur au poignet gauche et au pouce gauche.
[16] Le 15 mars 2007, le docteur Bourbeau recommande un arrêt de travail du 19 mars au 29 avril 2007 pour une tendinite sévère du poignet gauche. Il complète un formulaire pour l’assurance collective dans lequel il indique, en réponse à la question « si la condition est attribuable à un accident du travail ou à une maladie professionnelle », que « par ailleurs geste répétitif, manipulation membre supérieur avec sollicitation fréquente de l’articulation du pouce davantage à gauche qu'à droite ». Il ajoute, par ailleurs, que la preuve de relation entre les conditions médicale et la situation occupationnelle n’est pas évidente pour l’instant, mais qu’elle demeure possible.
[17] À compter du 31 mars 2007, il semble que la problématique au poignet gauche devienne dominante.
[18] La travailleuse transmet ensuite son certificat médical, tel qu’il appert de son témoignage, à la secrétaire chez l’employeur de l'usine. Elle n’est pas revenue au travail entre le 19 mars et le 29 avril 2007.
[19] Le 28 avril 2007, le docteur Bourbeau prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 26 mai 2007.
[20] Le 16 mai 2007, le docteur Bourbeau complète pour la première fois une attestation médicale CSST avec un diagnostic de tendinite du poignet gauche avec la mention « déclaration de maladie occupationnelle à compter du 16 mai 2007 ».
[21] Dans une seconde attestation médicale CSST, toujours datée du 16 mai 2007, le docteur Bourbeau précise à la CSST qu’il faut considérer le dossier à compter du 16 mai 2007, devant le cours réfractaire de la tendinite.
[22] La travailleuse est toujours suivie par le docteur Bourbeau. Le diagnostic évolue vers celui de tendinite de De Quervain.
[23] Le 20 août 2007, une résonance magnétique démontre une ténosynovite de De Quervain d’allure chronique sans déchirure tendineuse.
[24] Le 30 août 2007, la travailleuse passe une échographie du poignet gauche qui démontre des signes de tendinopathie impliquant le premier compartiment des extenseurs. Le processus est décrit comme étant chronique. La travailleuse reçoit des infiltrations de cortisone qui sont notées comme améliorant la symptomatologie.
[25] Ce n’est que le 27 septembre 2007 que la travailleuse reprend le travail. Elle effectue son travail régulier pour le quitter de nouveau le 29 novembre 2007. C’est à compter du deuxième arrêt de travail le 29 novembre 2007 que la travailleuse complète finalement une réclamation à la CSST, le 3 décembre 2007.
[26] Il est à noter que, selon une note du docteur Bourbeau complétée le 20 septembre 2007 adressée à l’employeur, un retour au travail est recommandé à partir du 27 septembre 2007, à temps régulier, mais avec des restrictions, soit celles de ne pas faire de gestes répétitifs impliquant des mouvements des membres supérieurs et d’éviter des manipulations de charges de plus de 10 kilogrammes.
[27] En date du 29 novembre 2007, le docteur Bourbeau mentionne qu’il n’est plus à l’aise de continuer dans le dossier de la travailleuse en raison d’un conflit de compatibilité. La travailleuse est ensuite suivie par le docteur Chartrand.
[28] Puis, la travailleuse complète une réclamation à la CSST le 3 décembre 2007 dans laquelle elle indique la date du 19 mars 2007 à titre de « date d’événement ». Elle écrit la description suivante :
Début 2007, j’avais de la douleur à mon pouce gauche et m’empêchait de travailler. Le diagnostic du médecin a été tendonite poignet gauche et j’ai arreté de travailler de mars au septembre. Depuis mon retour au travail la douleur est revenue et a augmenté. Fin novembre, le médecin dit d’arreter de travailler. [sic]
[29] La travailleuse relate, dans son témoignage, avoir rencontré un conseiller syndical, monsieur Costa, chez l’employeur au mois de mai 2007. Elle ne peut préciser la date, mais elle mentionne ne pas avoir fait de réclamation à la CSST à la suite d’une conversation qu’elle eue avec monsieur Costa dans laquelle elle a compris qu’il était préférable qu’elle ne présente pas de réclamation.
[30] Aux notes évolutives de la CSST, on peut lire une note du 11 janvier 2008 dans laquelle la CSST communique avec monsieur Costa, délégué syndical. La note est à l’effet suivant :
M. Costa déclare qu'effectivement E et lui-même M. Costa ont dirigé T vers les assurances de la compagnie car ils croyaient qu’elle allait avoir de la difficulté avec la CSST étant donné qu’au départ l’arrêt de travail était pour des raisons de santé personnelle.
Il informe que T a reçu 1 semaine de salaire avec l'assurance de la compagnie et par la suite l’assurance emploi.
[sic]
[31] Par la suite, le docteur Chartrand réfère la travailleuse au docteur Hyacinthe, chirurgien plasticien.
[32] Le docteur Hyacinthe recommande une intervention chirurgicale qu’il pratique le 18 mars 2008, soit une décompression de la ténosynovite de De Quervain. Dans le protocole opératoire, il est mentionné qu’il y a cinq tendons à l’intérieur de la gaine avec réaction inflammatoire au niveau de la styloïde distale du radius.
[33] La travailleuse est suivie par la suite par le docteur Hyacinthe et le docteur Chartrand.
[34] Le 30 mai 2008, la travailleuse passe une seconde résonance magnétique du poignet gauche qui démontre des changements compatibles avec un syndrome de De Quervain, ténosynovite et tendinopathie des tendons du long abducteur et court extenseur du pouce.
[35] Le 11 juin 2008, le docteur Hyacinthe constate une amélioration en postopératoire.
[36] Le 16 juillet 2008, le docteur Hyacinthe confirme que la travailleuse est améliorée par la chirurgie.
[37] La lésion est consolidée par le docteur Hyacinthe le 16 octobre 2008 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[38] Dans le rapport d’évaluation médicale, le docteur Hyacinthe constate que la travailleuse demeure avec une légère raideur au niveau du poignet secondaire à la fibrose des tissus mous, mais que la condition n’engendre pas de limitations fonctionnelles permanentes et devrait disparaître progressivement.
[39] Lors de l’examen physique du poignet, le docteur Hyacinthe constate, du côté radial, un léger gonflement résiduel au niveau de la styloïde distale du radius, soit le site opératoire. La mobilité du poignet est toutefois complète. Le docteur Hyacinthe octroie à la travailleuse un pourcentage de 2 % pour fibrose des tissus mous, secondaire à une tendinite de De Quervain, laquelle est documentée à la résonance magnétique.
[40] Le 11 janvier 2008, le docteur Florin Zaharia, médecin régional à la CSST, après avoir visionné une cassette vidéo des tâches effectuées par la travailleuse, émet l’opinion suivante :
Nouvelle cassette vidéo visionnée. On visualise maintenant très bien le pouce gauche. On remarque que lors du mouvement de pression de la main gauche pour faire avancer le tissus à travers la machine à coudre, le pouce est en position contraignante par rapport aux autres doigts, et il y a sollicitation des tendons de De Quervain, dont la mise en tension est même visible par intermittence. Donc cette structure anatomique est sollicitée de façon prolongée et répétitive. Relation acceptable. [sic]
[41] Le 17 janvier 2008, la CSST rend une décision dans laquelle elle reconnaît que la travailleuse a subi une lésion professionnelle sous la forme d’une maladie professionnelle. Cette décision est contestée par l’employeur, maintenue par la révision administrative et contestée à la Commission des lésions professionnelles, d’où le présent litige.
[42] Le 4 février 2008, la CSST rend une décision dans laquelle elle déclare que la travailleuse demeure avec une atteinte permanente de 2,20 % à la suite du rapport d’évaluation médicale complété par le médecin traitant, ce qui lui donne droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1312,56 $. Cette décision est contestée par l’employeur et maintenue par la révision administrative de la CSST le 23 février 2009. L’employeur conteste cette décision à la Commission des lésions professionnelles, d’où le présent litige.
[43] Le 26 août 2008, le docteur Pierre Major, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de l’employeur. Lors de sa rencontre avec la travailleuse, il note que la travailleuse utilise une machine à coudre de type overlock et effectue la même tâche depuis 12 ans. Les douleurs sont apparues progressivement depuis le mois de janvier 2007.
[44] Lors de l’examen physique, le docteur Major constate que la travailleuse se plaint de douleurs persistantes à la région du poignet gauche. Elle décrit des douleurs au site de chirurgie, se manifestant à la déviation cubitale au niveau du poignet. L’extension du pouce gauche contre résistance provoque une légère sensibilité au site de la cicatrice. La flexion du pouce avec tension au niveau du premier compartiment par une manœuvre de Finkelstein provoque une sensibilité locale à la région cicatricielle.
[45] Le docteur Major confirme que la travailleuse présente des signes de tendinite de De Quervain au poignet gauche avec symptômes inflammatoires persistants. Il mentionne que la résonance magnétique effectuée en postopératoire confirme la présence d’atteintes inflammatoires aux dépens du premier compartiment des extenseurs.
[46] Dans un rapport complémentaire, le docteur Major, qui a aussi visionné la même cassette vidéo que la CSST, émet les conclusions suivantes :
Nous remarquons que dans les deux (2) postes filmés, la main gauche sert essentiellement à guider le matériel pour la couture, la machine elle-même entraîne le matériel. Il n’y a donc pas d’effort à porter pour supporter ou tirer sur le matériel.
De façon occasionnelle et très légère, il y des pinces pouce - index ou pouce - index - majeur qui sont repérées, mais le tout ne demande pas d’effort et la position n’est jamais maintenue de façon prolongée.
Il n’y a pas non plus de déviation au niveau du poignet pouvant entraîner une sollicitation significative au niveau des tendons du premier compartiment des extenseurs, le poignet demeurant à toute fin pratique, neutre dans les phases de travail.
Il n’y a dans ce contexte, aucune contrainte de répétition sollicitant le premier compartiment des extenseurs, il n’y a pas de contrainte de position ni de force retrouvée, les temps de repos sont très largement suffisants.
[47] Il conclut qu’il n’y a pas de relation entre le travail effectué par la travailleuse et le diagnostic.
Description du travail
[48] La travailleuse coud des coutures de pantalons depuis 14 ans. Elle ferme l’extérieur du pantalon. Elle effectue deux coutures par pantalon. La travailleuse mentionne que quatre personnes faisaient le même travail qu’elle. Elle est la plus ancienne et elle effectuait des modèles spéciaux qui nécessitaient un peu plus de manipulations.
[49] La travailleuse est payée à l’heure et elle effectue une moyenne de 39 heures par semaine. L’employeur a déposé à l’audience un relevé des heures. Selon ces relevés, en 2006-2007, la travailleuse effectuait des heures qui pouvaient varier, mais, la plupart du temps, autour de 35 heures par semaine, parfois 39, parfois moins. Exceptionnellement, elle a fait des semaines de 21 heures ou de 29 heures.
[50] Une vidéo du poste de travail a été faite chez l’employeur avec une autre travailleuse, car la travailleuse n’est pas en mesure de mobiliser son poignet et son pouce gauche. La travailleuse qui était présente lors de cette bande vidéo a admis qu’il s’agissait bien de ses tâches.
[51] Le travail consiste à prendre un pantalon, un à la fois, et de coudre les coutures des côtés.
[52] Elle tient le tissu de sa main gauche lorsqu’elle coud. Elle utilise toujours ses deux mains pour travailler. En fait, la travailleuse doit assembler les morceaux ensemble de la main gauche et elle pousse le matériel.
[53] Sur la bande vidéo visualisée, le tribunal a pu faire certaines observations. La couturière effectue à répétition toute la journée des coutures de pantalon. Une couture prend moins de une minute à réaliser. Pour coudre une couture de pantalon, la couturière doit réajuster son tissu entre six et huit fois en moyenne, parfois davantage. Lorsqu’elle réajuste le tissu, la couturière utilise ses deux mains pour s’assurer que la doublure, le pantalon, le tissu formant la poche soient bien alignés et elle tient le matériel toujours de la main gauche lorsqu’elle coud. Une couture peut être interrompue jusqu’à huit fois pour permettre à la couturière de repositionner le tissu.
[54] Les mouvements de la main gauche pour repositionner et guider le tissu sont variés, mais le tribunal a observé que le poignet gauche est souvent porté en déviation radiale.
[55] Le tribunal a pu observer que la couturière tient le matériel de la main gauche avec les quatre doigts en appui d’un côté et le pouce gauche en appui latéral dans une position d’abduction variable. La couturière effectue aussi des mouvements qui ressemblent à une pince réalisée avec le pouce et l’index ou avec l’index et le majeur d’un côté et le pouce de l’autre. Lorsqu’elle effectue des mouvements de pince de la main gauche, la couturière maintient son poignet gauche en déviation radiale.
[56] Lorsque la couturière coud une couture, le tribunal a observé qu’à au moins quatre reprises, elle tient le matériel avec le pouce en appui latéral et en abduction de manière importante alors que l’index et le majeur sont aussi appuyés. Il est possible d’observer qu’elle appuie sur les différents tissus pour le maintenir en place et droit lorsqu’elle coud. La couturière oriente le tissu avec les doigts de la main gauche.
[57] La travailleuse, qui a témoigné à l’audience, mentionne qu’elle doit appuyer fermement et exercer une pression sur les doigts de la main gauche pour maintenir les couches de tissu en place.
[58] La seconde partie de la couture qui implique le bas du pantalon demande moins d’intervention pour réajuster le tissu. Il arrive que la couturière fasse glisser en tenant le pantalon de la main gauche dans un mouvement qui semble plus fluide.
[59] La travailleuse effectue ce même travail toute la journée, durant huit heures. Elle dispose de deux pauses de 10 minutes, en avant-midi et en après-midi, et de une heure pour dîner.
[60] Elle coud environ 150 pantalons par jour, donc 300 coutures par jour.
[61] La travailleuse mentionne qu’elle n’a jamais eu de problèmes au poignet et au pouce avant le mois de janvier 2007 environ.
[62] Depuis 2008, la travailleuse ne travaille plus à la machine à coudre. Elle fait plutôt le coupage des fils à la main.
[63] Questionnée sur les symptômes qu’elle éprouvait en 2006, soit des douleurs à l’épaule, des douleurs cervicales, des paresthésies, la travailleuse mentionne qu’il ne s’agissait pas du tout des mêmes types de douleurs lorsqu’elle éprouvait des paresthésies ou, encore, une douleur cervicale. Elle n’a jamais manqué le travail pour cette condition.
[64] Monsieur Joe Leggio a témoigné à l’audience. Il est responsable de la santé et sécurité du travail. Il est à l’emploi de l’entreprise depuis 1998. Il mentionne avoir pris connaissance de la réclamation de la travailleuse seulement en décembre 2007. Il ne se souvient pas avoir eu de conversations avec la travailleuse lui ayant conseillé de ne pas présenter de réclamation à la CSST. Il ne se souvient pas avoir eu une discussion à cet effet avec monsieur Costa en mai 2007.
[65] Le docteur Major, chirurgien orthopédiste, a témoigné à l’audience. Il mentionne que, concernant le diagnostic de ténosynovite de De Quervain, il s’agit d’une inflammation au niveau des gaines tendineuses dans le premier compartiment des extenseurs. Ce compartiment comprend le long abducteur du pouce qui sert à écarter le pouce des autres doigts. Il comprend également le court extenseur du pouce qui lui sert à diriger le pouce vers l’arrière de la main.
[66] Dans l’analyse des activités à risques, il faut considérer, selon le docteur Major, les sollicitations actives et passives. En actif, on doit évaluer les mouvements volontaires impliquant une extension et/ou une abduction du pouce. L’utilisation d’un ciseau lors de l’ouverture de celui-ci serait un bon exemple de sollicitation active. En passif, on doit rechercher les activités qui impliquent un étirement important des tendons concernés. Par exemple si le poignet est en flexion et déviation cubitale et qu’un mouvement de pince est effectué, alors les tendons de la loge de De Quervain sont étirés passivement.
[67] Concernant la vidéo qu’il a visionnée, le docteur Major est d’avis qu’il n’y a pas de contrainte ou effort en extension ou abduction du pouce. Il y a bien des mouvements de pince pouce-index et pouce-index majeur, mais c’est bref et n’exigeant pas d’effort. Il n’y a pas de contrainte de positionnement au niveau du poignet qui entraîne une sollicitation passive par étirement des tendons concernés. Le poignet est plutôt en position assez neutre. La main est souvent posée sur la table et, même si on observe une certaine abduction du pouce, la sollicitation à ce niveau n’est pas importante, puisque le pouce est appuyé sur la surface de travail. À son avis, les fléchisseurs sont davantage sollicités que les tendons du premier compartiment.
[68] Le docteur Major mentionne que la ténosynovite de De Quervain est une maladie assez fréquente dans le groupe d’âge des 30 à 50 ans et, particulièrement, chez les femmes. La plupart du temps on ne trouve pas de cause. Par ailleurs, le fait de faire le même travail depuis 12 ans sans changement oriente vers une cause personnelle. Il en conclut qu’il n’y a pas de relation entre la pathologie et le travail effectué.
[69] Le représentant de l’employeur soumet que la réclamation a été présentée hors délai. Il soumet de la jurisprudence reconnaît que la réclamation doit être déposée lors de la connaissance de la travailleuse qu’elle est atteinte d’une maladie qui peut être reliée à son travail et c’est à ce moment que le délai commence à courir.
[70] Il soumet que, dès le mois de mars 2007, le médecin traitant a identifié qu’il y a des sollicitations au travail sur le formulaire de réclamation d’assurance salaire.
[71] Quant au fond, il demande au tribunal de retenir la preuve à l’effet qu’il n’y a pas de relation entre les mouvements et le diagnostic posé. Il soumet que les efforts sont négligeables et que la présomption prévue à l’article 29 de la loi ne devrait pas s'appliquer. Et, quoi qu’il en soit, le témoignage du docteur Major démontre l’absence de relation entre le travail et la lésion.
[72] La représentante de la travailleuse soumet que la réclamation a été présentée dans le délai, puisqu’à compter de mai 2007 il s’agit d’une première attestation médicale CSST et la réclamation de la travailleuse a été présentée dans le délai de six mois suivant cette attestation médicale.
[73] Elle soumet que la travailleuse a démontré que la présomption s’applique et qu’elle n’est pas renversée. Elle soumet que la travailleuse a démontré effectuer un travail qui sollicite les extenseurs du pouce.
[74] La représentante de la travailleuse a produit en preuve un extrait de littérature médicale, soit « La ténosynovite de De Quervain », présenté par l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (IRSST)[2].
[75] Concernant l’étiologie de cette maladie, il est mentionné que les tendinites et les ténosynovites peuvent survenir lorsque les structures musculotendineux sont soumises à des sollicitations régulières qui, à la longue, finissent par excéder la tolérance du tendon et des membranes synoviales, des sollicitations intenses ou inhabituelles, un retour au travail après une absence, une augmentation de la production, un changement de tâches, la pratique intensive d’un sport ou d’un instrument de musique, un traumatisme local.
[76] Les tendinites et les ténosynovites du membre supérieur peuvent aussi être associées à des maladies métaboliques, une infection ou un état de santé particulier comme la grossesse.
L’AVIS DES MEMBRES
[77] La membre issue des associations d’employeurs est d’avis d’accueillir les requêtes présentées par l’employeur.
[78] Sur la question du délai, elle estime que la réclamation est hors délai et que la travailleuse n’a pas présenté de motifs raisonnables. Sur le fond, elle est d’avis que la travailleuse n’a pas démontré que les mouvements qu’elle effectue sont la cause de la lésion qu’elle présente.
[79] La membre issue des associations syndicales est plutôt d’avis de rejeter les requêtes présentées par l’employeur.
[80] Elle est d’avis que le délai, dans ce cas-ci, a été respecté.
[81] Sur le fond, elle estime que la travailleuse a démontré qu’elle effectue un travail qui sollicite les structures anatomiques visées. Il s’agit d’un court cycle de travail à l’intérieur duquel les mêmes gestes se répètent plusieurs fois, de six à huit séquences. Et elle effectue cette répétition toute la journée. La travailleuse effectue donc des pressions sur des temps prolongés et la preuve soumise par l’employeur ne permet pas au tribunal de conclure à l’absence de relation entre les gestes et le travail. Elle est plutôt d’avis de retenir l’évaluation du docteur Zaharia consignée au dossier à l’effet qu’il y a relation entre le travail et la ténosynovite de De Quervain.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Concernant le délai
[82] Le délai pour produire une réclamation dans le cas d’une maladie professionnelle est énoncé à l’article 272 de la loi qui se lit comme suit :
272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.
Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.
La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.
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1985, c. 6, a. 272.
[83] La jurisprudence reconnaît que le délai court à partir de la connaissance de la maladie, mais aussi de la croyance d’une relation probable entre la maladie et le travail[3]. Ce type de connaissance vient généralement du médecin.
[84] En l’espèce, concernant la question du délai, le tribunal retient de la formulation du médecin sur la réclamation d’assurance qu’il n’était pas convaincu que la condition de la travailleuse était attribuable au travail. Le contexte du suivi du docteur Bourbeau démontre que la travailleuse présentait également d’autres conditions en investigation au moment de la réclamation. Elle présentait des paresthésies au membre supérieur. Elle avait été référée pour des examens auprès d’un neurologue pour, éventuellement, éliminer la possibilité d’un syndrome du canal carpien et d’une discopathie compressive de la colonne cervicale. Elle présentait aussi des douleurs aux épaules.
[85] Le libellé du docteur Bourbeau sur le formulaire d’assurance du 15 mars 2007 mentionne que la relation n’est pas évidente, malgré qu’il énonce qu’il y a une possibilité.
[86] La travailleuse a mentionné dans son témoignage que son médecin voulait qu’elle présente une réclamation à la CSST. Le tribunal juge plus prudent de s’en remettre aux écrits du médecin traitant sur ce sujet.
[87] Le docteur Bourbeau a, le 16 mai 2007, produit une attestation médicale CSST.
[88] À ce moment, le portrait médical est beaucoup plus précis. Étant donné le résultat des examens qui ont finalement éliminé certaines autres pathologies suspectées et qui ont aussi servi à préciser le diagnostic vers celui de ténosynovite de De Quervain, diagnostic qui est devenu certain et qui n’a pas été remis en cause par la suite par aucun des médecins et qui est confirmé même par le docteur Major lorsqu’il examine la travailleuse.
[89] Le portrait qui prévalait au mois de mars 2007 était moins certain. Donc, la travailleuse, lorsque le docteur Bourbeau a finalement émis une première attestation médicale CSST, avait à ce moment la connaissance nécessaire pour présenter une réclamation à la CSST, ce qui a été fait le 3 décembre 2007, soit dans un délai de six mois suivant cette attestation, ce qui en fait une réclamation produite dans le délai et recevable.
[90] Et, même en considérant que le délai n’a pas été respecté, la travailleuse avait alors des motifs raisonnables et doit être relevée du défaut.
[91] Sur la question du choix entre le recours à l’assurance collective ou la réclamation à la CSST, il faut tenir compte des circonstances et le fait de choisir l’assurance collective en premier ne constitue pas nécessairement une fin de non-recevoir à la réclamation, puisqu’il peut s’agir d’un motif raisonnable[4].
Sur le fond
[92] La loi énonce les définitions suivantes des notions de « lésion professionnelle » et de « maladie professionnelle ». Il y a lieu de reproduire aussi les articles 29 et 30 de la loi ainsi que la section IV de l’annexe I qui se lisent comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
ANNEXE I
MALADIES PROFESSIONNELLES
(Article 29)
SECTION IV
MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
|
|
1. […] |
|
2. Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite): |
un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées; |
[…] |
un travail exécuté dans l’air comprimé; |
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1985, c. 6, annexe I.
[93] La Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a subi une maladie professionnelle, soit une maladie reliée aux risques particuliers de son travail pour les motifs qui suivent.
[94] La travailleuse effectue le même travail depuis 13 ans lorsqu’elle commence à éprouver des symptômes au poignet et au pouce gauches. Le diagnostic est celui de ténosynovite de De Quervain et n’a pas été remis en cause. Il a été posé de manière constante et a été confirmé par des examens cliniques et paracliniques.
[95] Elle ne souffre d’aucune maladie ou condition personnelle particulière qui peut être associée à l’apparition d’une ténosynovite de De Quervain. Les seuls facteurs d’ordre personnel sont le fait qu’elle soit de sexe féminin et qu’elle soit âgée de 51 ans au moment de l’apparition de la lésion. Cependant, ces deux éléments ne constituent pas une fin de non-recevoir à la réclamation sans faire une analyse des sollicitations au travail.
[96] Le travail effectué par la travailleuse, bien que présentant un cycle très court et comportant des répétitions de mouvements et postures contraignantes à l’intérieur d’un même cycle de travail, ne se qualifie pas à première vue un travail qui comporte une répétition de mouvements sur une période prolongée au sens où l’entend la jurisprudence en raison des mouvements dynamiques variés. Mais, nous le verrons, ceux-ci, lorsque décortiqués plus précisément, comportent les mêmes contraintes exercées sur les mêmes structures anatomiques.
[97] Dans l’analyse des activités à risques, le docteur Major a identifié les mouvements volontaires impliquant une extension et/ou une abduction du pouce de même que des mouvements de pince lorsque le poignet est en flexion et déviation cubitale. Dans le document de l’IRSST intitulé « La ténosynovite de De Quervain »[5], il est mentionné que les personnes qui effectuent des mouvements du poignet tout en maintenant une prise de pince digitale avec les doigts ou qui travaillent souvent en flexion du poignet avec abduction du pouce ont des tâches qui sollicitent davantage les tendons long abducteur et court extenseur. De même, il est ajouté que l’ensemble de ces mouvements et efforts constituent des facteurs de risques pour l’apparition d’une ténosynovite de De Quervain s’ils sont accomplis de façon répétée ou maintenue de manière prolongée.
[98] En l’espèce, il s’agit d’une question d’appréciation de la preuve pour déterminer si les sollicitations sont suffisantes pour entraîner une ténosynovite de De Quervain.
[99] Selon le docteur Major, bien qu’il ait pu observer certains mouvements de pince pouce-index ou pouce-index-majeur, ceux-ci sont brefs et n’exigent pas d’effort. Il estime aussi que le poignet est souvent en position assez neutre et qu’il n’y a pas de contraintes au niveau du poignet même s’il a pu observer une certaine abduction du pouce. Le docteur Major est aussi d’avis qu’il n’y a pas de contrainte ou d’effort en extension ou abduction du pouce.
[100] Toutefois, le docteur Zaharia, médecin régional à la CSST, à partir du visionnement de la même bande vidéo, arrive à des conclusions différentes. Il note avoir remarqué que le pouce est en position contraignante par rapport aux autres doigts lors du mouvement de pression de la main gauche pour faire avancer le tissu. Il ajoute que la mise en tension est même visible par intermittence.
[101] Le tribunal, après plusieurs visionnements de la bande vidéo, arrive à des conclusions qui se rapprochent plutôt des observations du docteur Zaharia.
[102] On peut observer deux étapes par couture, dont la première étape est plus contraignante bien que des positions contraignantes aient pu être observées dans la seconde étape aussi, mais en nombre moindre. La première partie consiste à coudre la partie du haut qui comprend la doublure, le tissu de la poche et le tissu du pantalon. La seconde partie consiste à coudre le bas du pantalon après la poche. C’est dans la première partie que la couturière procède à des interruptions fréquentes pour replacer les épaisseurs de tissu et, ensuite, pour les tenir durant la couture. C’est dans cette partie du travail qu’elle tient en appui le tissu de sa main gauche dans une position contraignante qui a pu être observée de manière fréquente.
[103] On peut observer qu’à au moins quatre reprises, lorsqu’elle tient le tissu de la main gauche, le poignet gauche n’est pas en position neutre, mais en déviation radiale, et ce, pendant que le pouce est en position contraignante par rapport aux autres doigts, c'est-à-dire en abduction importante. Un espace significatif a pu être observé à plusieurs reprises entre le pouce et les autres doigts. De même, lors des mouvements de pince pouce-index ou pouce-index-majeur, le poignet gauche n’est pas en position neutre, mais fréquemment en déviation radiale. Ces mouvements de pince pour replacer le tissu s’ajoutent aux postures en appui pour maintenir le tissu en place durant la couture.
[104] Le docteur Major conclut que les sollicitations sont brèves et qu’il n’y a pas de force ou de pression.
[105] Une couture est réalisée en moins d’une minute et elle se répète durant toute la durée du quart de travail. Or, le fait de faire un ou deux mouvements de pince par minute alors que le poignet est en déviation radiale, en plus de tenir durant quelques secondes une position contraignante qui consiste à maintenir les doigts en appui durant la couture avec le pouce en abduction par rapport aux autres doigts de la main et avec le poignet en déviation radiale, jusqu’à quatre reprises à l’intérieur d’un cycle de travail de moins d’une minute, est plutôt significatif. Et cela se répète durant tout le quart de travail qui est certes entrecoupée de période de repos et de repas, mais qui n’est composé d’aucune autre tâche.
[106] De plus, l’affirmation du docteur Major à l’effet qu’aucun effort ou pression des doigts n’est requis pour tenir le tissu apparaît surprenant étant donné certaines observations. De plus, la force n’a pas été ici mesurée comme telle, de sorte qu’il s’agit d’une appréciation subjective.
[107] Le docteur Zaharia décrit à partir de ses observations « un mouvement de pression de la main gauche pour faire avancer le tissu », ce qui rejoint certaines observations du tribunal lorsque la couturière tient le tissu de la main gauche, le positionnement des doigts n’apparaît pas relâché et les doigts sont placés assez fixement sur le tissu. Étant donné ces observations, l’affirmation qu’aucune pression n’est requise apparaît surprenante, d’autant plus qu’il s’agit d’un travail de précision.
[108] C’est pourquoi le tribunal retient plutôt l’appréciation du docteur Zaharia qui semble davantage rejoindre les observations qu’il est possible de tirer de la bande vidéo.
[109] La Commission des lésions professionnelles en conclut que des facteurs de risques professionnels sont ici suffisamment significatifs pour conclure que la travailleuse a démontré de manière probable qu’il existe une relation entre le travail et la lésion.
[110] La travailleuse a donc démontré avoir subi une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers de son travail.
[111] Quant à la seconde contestation, l’employeur n’a soumis aucun argument ni élément permettant au tribunal de modifier la décision rendue sur le pourcentage d’attente permanente et l’indemnité pour préjudice corporel résultant de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.
[112] Conformément au rapport d’évaluation médicale complété par le médecin traitant, la travailleuse demeure avec un déficit anatomophysiologique de 2 % des suites de la lésion professionnelle qu’elle a subie auquel s’ajoute un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie (DPJV) de 0,2 %, ce qui donne un pourcentage d’atteinte permanente de 2,20 %.
[113] L’employeur avait, dès lors, le droit d’exiger que la travailleuse se soumette à l’examen du professionnel de la santé qu’il désigne et, dans l’éventualité où ce rapport obtenu infirme les conclusions du rapport contesté du médecin traitant, l’employeur pouvait dès lors se prévaloir d’une demande au Bureau d’évaluation médicale et la CSST devait alors soumettre ces rapports sans délai[6].
[114] Selon la jurisprudence, même si la lésion professionnelle est refusée par la CSST, elle doit transmettre au Bureau d’évaluation toute demande à cet effet émanant d’une contestation par l’employeur d’une question de nature médicale[7].
[115] À plus forte raison lorsque la lésion professionnelle est acceptée, l’employeur pouvait contester les conclusions du médecin traitant au Bureau d’évaluation médicale en respectant la procédure prévue par la loi si tel était son choix et la CSST avait l’obligation d’y donner suite. Il n’y a donc pas lieu de réserver les droits de l’employeur sur cette question.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 348716
REJETTE la requête présentée par Jack Victor ltée, l’employeur;
CONFIRME la décision rendue le 9 mai 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Maria Genova Apari Vasquez, la travailleuse, a subi une lésion professionnelle le 15 mars 2007.
Dossier 372027
REJETTE la requête présentée par l’employeur;
CONFIRME la décision rendue le 23 février 2009 par la CSST à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse demeure avec une atteinte permanente évaluée à 2,20 %;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel au montant de 1312,56 $.
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Anne Vaillancourt |
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Me Jean-François Gilbert |
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GILBERT, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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Madame Sophie Bourgeois |
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CONSEIL DU QUÉBEC - UNITE HERE |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] L. PATRY, M. ROSSIGNOL, M.-J. COSTA & M. BAILLARGEON, Guide pour le diagnostic des lésions musculosquelettiques attribuables au travail répétitif, vol. 2, Sainte-Foy, Éditions Multimondes, Montréal, Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec, Québec, Régie régionale de la santé et des services sociaux, 1997, 26 p.
[3] Bolduc et Revêtements Mario Jacques inc., C.L.P. 121233-03B-9907, 10 janvier 2000, G. Marquis; Lavoie et Produits forestiers Alliance (Domtar), [1998] C.L.P. 972 ; Viger et C.H.U.Q (Pavillon Hôtel-Dieu), [2003] C.L.P. 1669 .
[4] Voir Les Vêtements Peerless inc. et Mesquita Benvinda Raposo, C.L.P. 161653-61-0105, 11 septembre 2002, L. Nadeau; Morin et Locations Michel Trudel inc., C.L.P. 198776-62A-0212, 28 juillet 2005, J. Landry.
[5] Précité, note 2
[6] Voir les articles 209, 212, 212.1 de la loi
[7] Voir Labrie et Chemin de fer nationaux du Canada, C.A.L.P. 56389-60-9401, 28 septembre 1995, Y. Tardif; Blais et Lacasse inc., C.L.P. 136818-62B-0004, 13 février 2001, N. Blanchard.
AVIS :
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