Décision

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Lobo c. Premium Laval Chrysler Dodge Jeep Ram inc.

2022 QCCQ 778

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

 :

540-32-702613-199

 

 

 

DATE :

 4 mars 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

RUSSELL REMEDIOS LOBO

-et-

ANA MARIA LOBO

 Partie demanderesse

c.

PREMIUM LAVAL CHRYSLER DODGE JEEP RAM INC.

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]             Le Tribunal est saisi d’un litige au sujet du prix de vente d’un véhicule neuf qui augmente entre la signature du premier contrat et la prise de possession, moment où le commerçant exige la signature d’un deuxième contrat sous menace de ne pas vendre le véhicule.

QUESTIONS EN LITIGE

[2]             Le commerçant pouvait-il mettre fin de manière unilatérale au premier contrat?

[3]             La signature par le consommateur du deuxième contrat représente-t-elle un acquiescement aux nouvelles conditions édictées par le commerçant?

[4]             Tel qu’il appert des motifs, la réponse aux deux questions est non, rendant le commerçant responsable de verser un dommage au consommateur.

CONTEXTE

[5]             M. Lobo signe un contrat d’achat le 20 août 2018 pour un véhicule 2019 à être livré 6 à 8 semaines plus tard. Le coût tout inclus est de 61 359,93 $. À la fin novembre, lorsque le véhicule arrive Premium Laval Chrysler Dodge Jeep (ci-après Premium) indique à M. Lobo que le prix a augmenté à 64 157,29 $. Furieux M. Lobo menace de se plaindre à l’Office de la protection du consommateur. Premium lui répond qu’il peut toujours décider d’annuler la vente.

[6]             Mais, M. Lobo veut le véhicule commandé qu’il attend depuis le mois d’août. Le 29 novembre 2018, Premium exige que M. Lobo signe une lettre (P-5) où il affirme ne pas avoir déposé de plainte à leur encontre. Le lendemain de la signature de la lettre Premium accepte de vendre le véhicule à 64 157,29 $ à M. Lobo.  À P-5, M. Lobo ne renonce pas à ses recours futurs.

[7]             Le 20 avril 2019, M. Lobo par l’Office de la protection du consommateur met Premium en demande de lui rembourser 5 665,15 $. En plus de la différence de prix, M. Lobo réclame des frais et de l’intérêt reliés à son prêt.

[8]             À l’ouverture du dossier aux petites créances, il réclame la différence de prix payé, soit 2 797,36 $ et le prix pour des jantes de roues de 795 $ que le vendeur lui a vendu comme étant une nécessité alors que cela serait faux. À l’audience il ne réclame plus que la différence du prix payé.

[9]             En défense, Premium soutient premièrement qu’il était en droit de mettre fin au premier contrat parce que la version 2019 du véhicule coûtait plus cher que la version 2018, le 2019 avait plus d’options de base.

[10]        Deuxièmement, Premium allègue que M. Lobo par la signature du document du 29 novembre 2018 et la signature du nouveau contrat a accepté le nouveau prix de vente. La lecture du contrat initial et du second contrat ne montre aucune option supplémentaire contrairement à ce que Premium Laval Chrysler Dodge Jeep allègue.

[11]        Invité à plus amplement développer ce moyen de défense la représentante de Premium a témoignée que lorsque des commandes sont prises avant la sortie des modèles comme ici la commande fut prise en août 2018 pour le nouveau modèle 2019 qui n’était pas encore en concession, il arrive « régulièrement » et « cela est de la connaissance de tous les concessionnaires» que le manufacturier change le type d’équipement de base accompagnant un modèle, ce qui en augmente le prix.

[12]        Invitée alors à décrire dans le cas précis de M. Lobo si c’est ce qui est arrivé, et si oui quel était ce changement, la représentante de Premium a affirmé que oui c’est ce qui s’était produit, mais elle n’a pu démontrer ce qui avait changé.

ANALYSE ET MOTIFS

[13]        M. Lobo est un consommateur au sens de la Loi sur la protection du consommateur et Premium Laval Chrysler Dodge Jeep Ram est un concessionnaire de véhicules neufs et usagers donc soumis à cette loi.

Contrat signé le 20 août 2018 – Premium pouvait-il le résilier?

[14]        En vertu des articles 23 et 30 de la LPC, la formation d’un contrat au moment de sa signature lie et crée des obligations pour ceux qui y adhèrent. Le contrat P1, un formulaire d’entente de vente d’un véhicule neuf, est dûment rempli en respect de la Loi et des Règlements sur la protection des consommateurs. Il contient tous les éléments essentiels nécessaires du contrat de vente d’un véhicule neuf. Il n’y a aucune réserve ou condition sur les éléments secondaires. Il est signé le 28 août 2018, par M. Lobo et un représentant de Premium.

[15]        Le contrat est simple, en paiement de la somme de 61 359,93 $ par M. Lobo, Premium vend un Chrysler 2019, Pacifica Hybrid de couleur Cristal – Granit (Met), RUES53 / 2EC / Limited. Un accessoire est décrit : « Lock Nuts ». Le dépôt qui est composé du montant d’échange de l’ancien véhicule est inscrit, les taxes, le paiement mensuel, le terme, le taux d’intérêt, les frais additionnels au moment de la livraison, tout est conforme.

[16]        Ce contrat de vente impose des obligations aux parties. Le vendeur doit délivrer le bien vendu et en garantir la qualité,[1] de son côté l’acheteur doit payer le prix convenu. L’obligation de délivrance du vendeur est une obligation de résultat. Le vendeur peut refuser de délivrer le bien vendu s’il prouve la force majeure empêchant de délivrer, si l’acheteur refuse de payer le prix ou si l’acheteur est devenu insolvable. Aucune de ses exceptions ne trouve application au présent dossier.

[17]        En vertu de l’article 1439 C.c.Q. Premium peut aussi résilier ou modifier le contrat et se défaire de son obligation de délivrance s’il démontrer que son consentement a été vicié par une erreur (1400 C.c.Q.) ou une crainte (1402).

[18]        De façon malhabile, la représentante de Premium semble faire référence à une erreur lorsqu’elle témoigne. Selon sa position, le vendeur a fait une erreur sur le bien vendu par qu’il ne connaît pas au moment de la signature du contrat les options de base et leur valeur pour les modèles 2019.

[19]        Cette affirmation n’a pas été prouvée, et même si cela avait été le cas, Premium ne peut plaider l’erreur considérant que sa représentante affirme haut et fort que cette situation et ses conséquences possibles sur le prix sont connues de tous les concessionnaires.

[20]        Bien qu’aucune erreur ne fut prouvée, le Tribunal poursuit tout de même l’analyse, si le Tribunal en était arrivé à la première conclusion que le vendeur avait fait une erreur, pouvait-il résilier ou modifier le premier contrat?

[21]        L’article 1400, al. 2 édicte : « L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement ». L’erreur inexcusable résulte d’un comportement négligent ou fautif de son auteur. Comme déjà mentionnée au contexte, la représentante de Premium a indiqué que la modification de l’équipement de base accompagnant un nouveau modèle est une possibilité qui est de la connaissance générale de tous les concessionnaires, que cela arrive régulièrement. Il ne peut donc y avoir d’erreur si une possibilité est prévisible et que cette prévisibilité est connue de tous les commerçants.

[22]        Ensuite, en vertu de l’article 11.2, par. 2 de la L.P.C, un commerçant ne peut inclure à un contrat une stipulation lui permettant de modifier de façon unilatérale un contrat à l’égard d’un élément essentiel, le prix y étant spécifiquement décrit comme élément essentiel.

[23]        Cet article explique pourquoi les vendeurs de Premium qui savent que l’équipement de base d’un modèle peut varier d’une année à l’autre et que cela risque d’affecter le prix n’ajoutent pas une réserve à cet effet au contrat afin de se permettre d’augmenter le prix éventuellement si nécessaire, puisque la LPC leur interdit.

[24]        Ce que tout concessionnaire doit faire, s’il est vrai qu’il ne connaît pas le prix réel des modèles à venir, c’est de ne pas les vendre tant que les équipements de base et le prix ne sont pas connus. Sinon en contractant, ils assument le risque. De plus, lorsqu’un commerçant  a connaissance d’un fait important, il a l’obligation de le dévoiler au consommateur, il ne peut le passer sous silence.

[25]        La représentante de Premium a confirmé que les vendeurs ne partagent pas avec l’acheteur potentiel l’information quant à la fluctuation possible du prix du modèle de l’année non disponible en concession. Retenir cette information donne l’impression que le vendeur attire le consommateur avec un prix trompeur, prix du modèle de l’année courante tout en sachant qu’à la réception du nouveau modèle, il est possible que le véhicule se détaille plus cher. Cette pratique de modification du prix sans droit suivi si nécessaire du refus de respecter l’entente initiale constitue une pratique interdite au sens de l’article 215 de la LPC.

[26]        En conclusion, considérant que Premium n’a pas démontré de force majeure, de défaut de paiement ou d’insolvabilité de M. Lobo. Considérant qu’ils n’ont établi aucune preuve d’erreur, et que si erreur il y avait eu elle aurait été inexcusable, le Tribunal conclut que Premium ne pouvait résilier le contrat du 21 août 2018 conclu avec M. Lobo.

[27]        Considérant que Premium a manqué à une obligation imposée par la LPC, M. Lobo peut obtenir une réduction de ses obligations.[2]

Question 2 : En acceptant de signer un deuxième contrat M. Lobo renonçait-il aux droits conférés par le premier?

[28]        La réponse est non tant en vertu des règles de protection prévues à la LPC que celles du Code civil. Le deuxième contrat a été obtenu par de fausses représentations de Premium, tel qu’amplement décrit à la première section du présent jugement. M. Lobo est en droit d’en demander la nullité ou la réduction des obligations.

[29]        En vertu du Code civil, l’annulation ou la diminution d’une obligation peut être aussi accordée, puisque M. Lobo a démontré qu’il a signé ce deuxième contrat que par crainte de perdre le véhicule tant convoité, crainte inspirée par les menaces de Premiun.[3] La crainte inspirée par l’exercice abusif d’un droit tel qu’aux présentes donne ouverture à M. Lobo à une demande de réduction de ses obligations.[4]

[30]        La signature du deuxième contrat ne peut donc être retenue comme un acquiescement aux nouvelles conditions exigées par Premium. M. Lobo a donc établi son droit à une réduction de ses obligations de l’ordre de 2 797,36 $, soit la différence entre le prix payé au deuxième contrat et le prix prévu au premier.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la demande;

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de  2 797,36 $, avec intérêts au taux légal, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, et ce, depuis l’envoi de la lettre de mise en demeure du 20 avril 2019, ainsi que les frais de justice de 103 $.

 

 

__________________________________

JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

Date d’audience :

11 février 2022

 


[1]  Art. 16 Loi sur la protection du consommateur et 1716 C.c.Q.

[2]  Art. 272 LPC.

[3]  Art. 1403 C.c.Q.

[4]  Art. 1407 C.c.Q.

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