Décision

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Date :

Regroupement des Centres de la petite enfance de la Montérégie c. Québec (Ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine)

2015 QCCAI 162

 

Commission d’accès à l’information du Québec

Dossier :             1004389

Date :                   Le 24 juillet 2015

Membre:             Me Lina Desbiens

 

regroupement des centres de la petite enfance de la montérégie

 

Demandeur

 

c.

 

ministère de la famille, des aînés et de la coNdition féminine

 

Organisme

DÉCISION

OBJET

demande de révision en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1].

[1]   Le 19 janvier 2012, Mme Brigitte Lépine du Regroupement des centres de la petite enfance (le demandeur) s’adresse au ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine (l’organisme) pour obtenir la grille d’inspection et le guide d’interprétation utilisés par les inspecteurs de l’organisme lors de leurs inspections dans les Centres de la petite enfance (CPE) et services de garde éducatifs.

[2]   Le 16 février 2012, l’organisme refuse de donner accès aux documents demandés :

[…]

L’accès aux documents demandés vous est refusé. En effet, ceux-ci sont constitués de renseignements techniques appartenant au Ministère et dont la divulgation est susceptible de procurer un avantage appréciable à des tiers. De même, ces documents sont actuellement utilisés au Ministère et comportent les éléments à partir desquels le Ministère effectue son évaluation de la conformité des services de garde.

Je vous invite à consulter les fiches d’auto-inspection que le Ministère rend disponibles sur son site Web, le www.mfa.gouv.qc.ca. Ces documents ont été conçus à l’intention des services de garde et leur indiquent les principaux éléments qui peuvent faire l’objet d’une inspection par le Ministère.

Cette décision s’appuie sur les articles 22 et 40 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui se libellent comme suit:

[…]

[3]   Le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) pour faire réviser cette décision.

[4]   Des audiences se sont tenues le 16 octobre 2013 et le 31 mars 2014 devant la juge administrative, Me Teresa Carluccio qui n’a pu terminer cette affaire avant de quitter la Commission. Les parties ont été informées de la situation et ont accepté que la soussignée termine le dossier après avoir pris connaissance de l’ensemble du dossier et réécouté les enregistrements des audiences.

[5]   Une audience se tient le 16 mars 2015 à Montréal en présence des parties.

PREUVE DE L’ORGANISME

[6]   Le 16 octobre 2013, la Commission tient une première audience.

[7]   Mme Céline Marquis est conseillère en accès à l’information au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale et a traité la demande d’accès. Elle explique qu’en vertu d’une entente de services administratifs (O-1) entre l’organisme et son ministère, les demandes d’accès sont traitées par le service de l’accès du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

[8]   Elle a fait les démarches auprès de la direction générale des opérations régionales et de la direction des services de garde à l’enfance de l’organisme pour obtenir les documents requis.

[9]   Les documents suivants lui ont été transmis : Notes d’inspection et Aide-mémoire des pratiques retenues en inspection. Ces documents constituent la grille d’inspection et le guide d’interprétation demandés.

[10]       Les documents en litige sont déposés sous pli confidentiel[2].

[11]       L’organisme a indiqué au témoin qu’il serait préjudiciable de communiquer les outils internes des inspecteurs. L’organisme rend disponible sur son site Internet des grilles d’auto-inspection. Ce sont les seuls documents accessibles.

[12]       Après discussion avec les directions qui ont fait les recommandations sur la nature des documents demandés et du préjudice que pourrait causer leur divulgation, les restrictions contenues aux articles 22 et 40 de la Loi sur l’accès ont été invoquées. Elle a transmis la décision de l’organisme et a invité le demandeur à consulter les fiches d’inspection conçues à l’attention des services de garde disponibles sur leur site Internet.

[13]       Le témoin explique qu’elle a invoqué l’article 22 de la Loi sur l’accès parce que les documents contiennent des renseignements techniques de l’organisme et qu’il s’agit d’un outil de travail. Les renseignements qu’ils contiennent sont en lien avec l’expertise des inspecteurs et de l’organisme.

[14]       Elle explique que leur divulgation donnerait un avantage appréciable aux services de garde puisqu’ils permettent de connaître le déroulement d’une inspection et les éléments que collige l’inspecteur. Ainsi, les CPE pourraient soustraire de l’inspection des éléments des services qu’ils offrent.

[15]       Ainsi, les services de garde auraient moins de manquement, ce qui leur procurerait un avantage de nature financier et les positionnerait pour attirer plus de parents. Ils seraient moins à risque de se voir imposer des sanctions monétaires ou de perdre leur permis.

[16]       Pour l’organisme, il y a une perte possible du fait de ne pas pouvoir s’assurer de la qualité de son travail d’inspection pour assurer la qualité des services et la sécurité des CPE.

[17]       Elle ajoute avoir invoqué l’article 40 de la Loi sur l’accès parce que les notes d’inspection permettent d’évaluer la compétence des services de garde à se conformer aux lois et règlements en vigueur. L’Aide-mémoire permet de connaître comment les inspecteurs procèdent et comment les documents sont utilisés par l’organisme.

[18]       Les fiches d’auto-évaluation disponibles sur le site Internet sont déposées (O-2). Le témoin explique qu’il s’agit d’un assemblage d’une vingtaine de fiches conçues pour les CPE qui leur permettent de vérifier leur conformité.

[19]       Les Notes d’inspection sont plus complètes et dans la séquence de l’inspection il y a certains endroits prévus pour des annotations, ce qui permettrait de connaître ce qui est noté.

[20]       En contre-interrogatoire, le témoin précise qu’elle considère que les Notes d’inspection s’apparentent aux épreuves comparatives prévues à l’article 40 de la loi parce qu’on compare le résultat obtenu par rapport à ce qui est exigé par la loi.

[21]       La divulgation des documents permettrait aux CPE et aux services de garde éducatifs de se soustraire à leurs obligations parce que le document révèle la séquence de l’inspection et les éléments recueillis par l’inspecteur.

[22]       Quant au préjudice pour l’organisme, il consiste au fait de révéler comment l’inspecteur va procéder. C’est comme révéler le contenu de l’examen.

[23]       Le deuxième témoin de l’organisme est Mme Armande Raphael. Elle est conseillère experte à la direction de l’inspection de l’organisme. Dans ses fonctions, elle soutient la directrice dans l’application de la loi dans les dossiers litigieux et dans les stratégies en matière d’inspection.

[24]       La mission de l’organisme en regard des services de garde qui se trouve sur son site Internet est déposée (O-3). Le témoin souligne que l’action de l’organisme porte notamment sur l’égalité des chances et la conciliation travail/famille.

[25]       Elle explique que l’inspection sert à assurer la qualité des services offerts aux enfants et à vérifier que les normes de santé et de sécurité prévues par règlements sont respectées.

[26]       Les obligations des CPE sont contenues dans la politique d’inspection qui est disponible sur le site Internet de l’organisme. Les CPE s’engagent à respecter les normes prévues à la loi et aux règlements.

[27]       Le témoin explique que les inspections s’adressent aux CPE, aux garderies et aux bureaux de coordonnateur.

[28]       Les CPE sont des organismes sans but lucratif subventionnés. Les garderies sont à but lucratif et certaines reçoivent des subventions. Tant les CPE que les garderies ont des places à contribution réduite.

[29]       À la suite d’une inspection, un avis est émis. Un avis positif d’un secteur d’inspection peut être un facteur pour obtenir plus de place à contribution réduite, donc subventionnée, lors de l’annonce de nouvelles places.

[30]       Le soutien aux CPE et aux garderies est de 2 milliards par année et il y a des crédits d’impôt remboursables.

[31]       Le témoin explique que trois motifs peuvent justifier une inspection : l’écoulement d’un délai de six mois après la délivrance d’un permis, lors du renouvellement qui se fait tous les cinq ans et lors d’une plainte lorsque des manquements sont soulevés ainsi que pour le suivi de cette plainte.

[32]       L’audience se poursuit ex parte afin de permettre au témoin de témoigner sur différents éléments confidentiels des documents en litige.

[33]       De retour en audience publique, un résumé de la preuve est présenté.

[34]       Une équipe d’experts ayant des compétences en matière de petite enfance, en droit et en administration, a réalisé les documents en litige.

[35]       Le témoin explique que les inspecteurs arrivent à l’improviste afin d’éviter que les éléments de qualité, de santé et de sécurité soient maquillés.

[36]       Si les documents sont rendus publics, l’organisme ne pourra plus se porter garant de la qualité puisque les normes pourraient être contournées.

[37]       Les documents visés par la demande d’accès sont toujours utilisés. Ils ont été modifiés pour ajuster les pénalités.

[38]       Les Notes d’inspection comportent 34 pages et l’Aide-mémoire 12 pages.

[39]       La Déclaration d’engagement qualité préparée par l’organisme est déposée (D-1). Le témoin précise que cette déclaration est facultative. Elle a pour but d’affirmer qu’il s’agit d’une responsabilité partagée et qu’un service de garde collabore avec l’organisme.

[40]       Elle confirme que tous les services de garde doivent respecter la loi et les règlements. À chaque inspection, tous les points et tous les services de garde sont inspectés de la même manière.

[41]       L’audience se poursuit à nouveau en ex parte afin de permettre au témoin de fournir d’autres exemples en lien avec le travail d’inspection. Les exemples fournis par le témoin illustrent le volet « sécurité des lieux et des personnes » lors d’une inspection d’un service de garde. De retour en audience publique, la juge administrative alors saisie de l’affaire informe les parties qu’elle estime que des indices dans la preuve indiquent que l’article 29 al. 2 de la Loi sur l’accès pourrait trouver application.

[42]       L’audience est ajournée pour permettre aux parties de formuler leurs observations lors de la continuation de l’affaire le 31 mars 2014. À cette date, la procureure de l’organisme demande de compléter sa preuve ex parte. La procureure du demandeur présente une requête verbale pour être autorisée à prendre connaissance des documents en litige et des enregistrements des audiences ex parte. Cette requête est rejetée dans une décision interlocutoire rendue le 15 septembre 2014[3].

[43]       La soussignée reprend l’enquête le 16 mars 2015.

[44]       Mme Raphael témoigne à nouveau sur la restriction prévue à l’article 29 de la Loi sur l’accès.

[45]       Elle explique que les inspecteurs ont une formation en technique de service de garde ou un baccalauréat en administration. Ils rendent des décisions administratives et juridiques.

[46]       En plus de leur formation académique, ils reçoivent une formation de l’organisme sur la législation et la réglementation applicables pendant environ un mois. Par la suite ils ont du « coaching ». Ainsi, un inspecteur est fonctionnel après environ un an de formation.

[47]       La Direction de l’inspection a été mise en place pour s’assurer de la qualité des services. Les inspecteurs vérifient le respect des normes de santé et de sécurité et sanctionnent les manquements après avoir émis un avis sur la base duquel une poursuite peut être entreprise.

[48]       Quant à la qualité des services de garde, l’inspecteur vérifie la qualité structurelle, soit l’application des normes règlementaires. La qualité de l’intervention éducative n’est pas vue en inspection. La sécurité de l’enfant est une priorité puisque la clientèle 0-5 ans est très vulnérable.

[49]       La politique d’inspection de l’organisme, disponible sur son site Internet, est déposée (O-4). À la page cinq, on décrit le but de cette politique. Dans un objectif de transparence, cette politique explique comment se font les vérifications, explique la procédure et le déroulement de l’inspection, le cycle des inspections et les valeurs et principes qui sous-tendent cette politique.

[50]       Cette politique a été rédigée par la Direction de l’accessibilité et de la qualité des services de garde et est appliquée par la Direction de l’inspection.

[51]       L’audience se poursuit ex parte au regard de l’application de l’article 29 al. 2 de la loi.

[52]       Le témoin donne des exemples concrets expliquant notamment les marges de manœuvre des inspecteurs et en quoi le fait de connaître la séquence d’une inspection mettrait à risque l’inspection parce que cela permettrait de maquiller des éléments de sécurité comme le nombre d’enfants.

PREUVE DU DEMANDEUR

[53]       M. Alain Beaudoin témoigne pour le demandeur. Il est directeur général du CPE Le petit monde de Caliméro qui est agréé comme Bureau coordonnateur de la garde en milieu familial. Il est membre du conseil d’administration du Regroupement demandeur depuis trois ans.

[54]       Il est responsable de deux installations et une autre est en développement.

[55]       Il explique qu’en 2005, le gouvernement a confié la garde en milieu familial à un Bureau de coordination dont le rôle est d’assurer l’harmonie dans les différents services de garde d’administrer les places à tarifs réduit et de s’assurer de la conformité dans les milieux familiaux. Il offre du soutien pédagogique, fait la promotion de la formation et assure les pratiques communes.

[56]       Pour les garderies en milieu familial, il agit surtout en soutien aux pratiques communes. Les grilles de vérification sont connues puisqu’elles sont remises aux responsables du service de garde qui sait exactement ce sur quoi il a été évalué. Il explique que le Bureau coordonnateur a le mandat de vérifier la conformité des installations en milieu familial. La grille d’évaluation est basée sur la loi et les règlements applicables. Chaque énoncé de la grille réfère à un article de loi ou de règlement.

[57]       L’organisme propose une grille d’auto-évaluation pour les CPE mais elle est insuffisante. Elle ne permet pas de savoir ce sur quoi porte l’évaluation.

[58]       De plus, il souligne que le Bureau coordonnateur émet les reconnaissances aux personnes désirant devenir Responsables de service de garde en milieu familial.

[59]       Lorsque le Bureau coordonnateur fait ses visites de conformité, il s’appuie sur les mêmes règles que le ministère, soit la loi et les règlements, la santé et la sécurité des installations.

[60]       Le volet santé et sécurité en milieu familial est semblable à celui des installations des CPE. Certaines règles peuvent être adoptées considérant qu’il s’agit de résidences privées.

[61]       Au trois ans, il y a une visite de l’intégralité des installations.

[62]       Le témoin explique que le demandeur a les mêmes préoccupations que le ministère quant à la santé et la sécurité des enfants. C’est une mission commune. Le témoin réfère à l’article 11.1 de la politique d’inspection (O-4).

[63]       La déclaration d’engagement (D-1) a été signée par son CPE et le Regroupement en fait la promotion.

[64]       Le témoin explique que le demandeur est une entreprise qui existe depuis 40 ans et qui regroupe une centaine de garderies et de CPE de la Montérégie. Son rôle est d’assurer l’harmonisation des services, le déploiement du réseau et la représentation tant politique que communautaire des personnes ressources.

[65]       Il offre de la formation, de l’expertise particulière pour le respect des normes, de la formation aux parents et un service de remplacement d’éducatrices. Ces dernières doivent avoir une formation en secourisme et démontrer qu’elles n’ont pas d’empêchement judiciaire.

[66]       Pour le témoin, l’objectif de l’inspection du ministère vise à assurer la conformité des installations. C’est une démarche qui doit être soutenante et qui permet de valider qu’une installation est conforme.

[67]       Les inspections se font dans les six mois de l’ouverture d’une installation, lors du renouvellement du permis, tous les cinq ans, s’il y a une plainte d’un parent ou un manquement noté par l’inspecteur et pour tout changement à un permis.

[68]       Il y a des pénalités imposées lorsqu’il y a un manquement récurrent. Les pénalités sont généralement administratives. Par exemple, un établissement pourrait être retiré du processus d’attribution de nouvelles places.

[69]       Le témoin donne comme exemple une situation qui s’est présentée dans son établissement et qui est considérée comme un manquement. Le menu affiché indiquait « fruits de saison » alors que les fruits offerts n’étaient pas indiqués, des pommes en l’occurrence. La même situation s’est présentée alors qu’il était indiqué « soupe aux légumes ». Le CPE n’a pu se qualifier pour obtenir des places supplémentaires parce que le manquement était considéré comme étant récurrent. L’inspectrice leur a dit que, selon son Aide-mémoire, tous les légumes devaient être inscrits sur le menu. Le volet menu concerne la santé et la sécurité et est donc un élément disqualifiant.

[70]       Le guide d’auto-évaluation (O-2) réfère à l’article 112 du règlement, « respect du menu affiché ». Il n’est pas indiqué que tous les légumes ou les fruits doivent être indiqués.

[71]       Le témoin donne un autre exemple sur la norme voulant que les objets dangereux doivent être « hors de portée ». Un manquement a été constaté parce que les produits étaient à 1.45 mètres. Sur son constat, il était indiqué que les produits dangereux n’étaient pas à 1.5 mètres. C’est de cette manière qu’il a appris que la notion « hors de portée » signifiait 1.5 mètres. L’inspectrice lui a dit que cette information était dans son Aide-mémoire et que c’est la raison pour laquelle elle ne pouvait lui dire avant.

[72]       Dans le règlement et à la page 7 de la grille d’auto-évaluation (O-2) on dit qu’une table à langer doit être près d’un lavabo. Le témoin a été informé verbalement par l’inspectrice que cela signifiait à distance de bras. Selon lui, cette distance peut varier d’une personne à une autre

[73]       Un autre manquement a été constaté dans le réseau. Les tapis de jeu sont considérés comme un jeu et doivent être rangés tous les jours comme les jouets. Maintenant que cette information est connue, les tapis sont enlevés.

[74]       Dès qu’un manquement est constaté, l’information est transmise à tout le réseau pour éviter que ces manquements se reproduisent.

[75]       Il veut obtenir les Notes et l’Aide-mémoire des inspecteurs pour s’assurer de la conformité des services de garde. Il est important de connaître les critères d’application du règlement pour s’assurer d’être conforme. Étant inspectés tous les cinq ans, il ne sait pas si entre deux inspections une norme a été modifiée.

[76]       L’information doit circuler avec transparence. Il faut être proactif, par exemple, informer les architectes qui préparent les plans de CPE.

[77]       Le témoin a déjà vu les Notes et l’Aide-mémoire lors d’une inspection. Il considère que des éléments sont différents de la grille d’auto-évaluation. Il a reçu le rapport d’inspection par la suite. L’inspectrice lui a confirmé qu’elle ne pouvait lui remettre une copie. Les séquences doivent être respectées et l’organisme craint le maquillage d’un CPE lors d’une inspection pour se conformer. On lui a donné l’exemple que des enfants pourraient être cachés pour éviter un manquement sur les ratios.

[78]       Le témoin confirme que la séquence de l’inspection peut demeurer confidentielle. Par exemple les ratios, les locaux, les menus sont vérifiés avant le volet administratif. Il comprend que les éléments plus graves sont inspectés en premier afin d’éviter que des éléments soient masquées. Toutefois, après avoir vu des inspections on finit par connaître la séquence. Donc, plus on a eu d’inspection, plus on connaît la grille d’inspection. Si on est inspecté uniquement tous les 5 ans et considérant qu’il y a une possibilité de modification de l’interprétation du règlement, l’établissement peut être en manquement sans le savoir.

[79]       Aujourd’hui, une circulaire administrative Info-inspection circule pour informer les établissements de l’application de certaines dispositions du règlement. Ce sont des documents synthèses qui ne couvrent pas l’ensemble des règles.

[80]       Selon le témoin, le réseau est complémentaire. Chaque CPE est distinct. Ils sont financés par le gouvernement. Ils sont comparés par les rapports d’inspection, mais il n’y a pas de palmarès. Tous les parents doivent avoir le droit aux mêmes services dans les CPE.

[81]       Le demandeur est un Regroupement qui a pour objectif d’informer tous ses membres. Il demande une auto-inspection chaque semaine et les membres transmettent les renseignements obtenus dans le cadre d’inspection.

[82]       En contre-interrogatoire, le témoin précise que les CPE sont à but non-lucratif, que les garderies sont à but lucratif et que les inspections s’appliquent à tous.

[83]       Pour le manquement relatif au menu expliqué précédemment, il confirme qu’un tel manquement est en lien avec le risque d’allergie. Le manquement en lien avec les tables à langer est en lien avec la santé et la sécurité.

[84]       Il dit qu’il est d’accord avec les objectifs, mais veut connaître les définitions des normes.

[85]       Mme France Gendron témoigne. Elle est directrice générale du CPE Les Joyeux Calinours à St-Hubert depuis 20 ans. Le CPE est aussi agréé comme Bureau coordonnateur qui gère environ 1 200 places.

[86]       Elle explique que selon elle les inspections visent à s’assurer de la conformité des installations des services de garde.

[87]       Le témoin veut obtenir les documents demandés parce qu’il s’agit des conditions d’application du règlement. Son mandat, donné par le conseil d’administration composé principalement de parents, est de s’assurer de la conformité des services de garde.

[88]       Elle explique que les normes ne sont pas connues et que certaines ne sont pas claires.

[89]       Par exemple, on parle de « hors de portée » et c’est l’inspecteur qui informe que cela signifie 1.5 mètre, alors que cette norme n’est indiquée nulle part. De connaître cette information permet de s’assurer qu’on se conforme aux normes en étant sécuritaire et aussi en faisant de la prévention.

[90]       Le témoin connaît la fiche d’auto-évaluation qui lui a été remise il y a huit ans par l’organisme.

[91]       Elle constate qu’on ne peut se fier uniquement à cette fiche pour s’assurer de la conformité lors d’inspection puisqu’il manque des informations.

[92]       Par exemple, les membres apprennent des inspecteurs les interprétations données par l’organisme qui ne sont pas inscrites sur la grille. Par exemple, que la distance de 1.5 mètre signifie hors de portée ou que les originaux des dossiers d’employés doivent être conservés à l’installation pour l’inspecteur plutôt qu’au siège social avec une copie dans l’installation où l’employée était présente.

[93]       Dans leurs établissements, il est prévu que les éducatrices doivent faire l’inspection de leur local tous les mois pour vérifier par exemple, l’expiration des médicaments, l’état des jouets, etc. Tous les employés ont une grille particulière, cuisinier, préposée, etc.

[94]       Malgré cela, ils ne réussissent pas à 100% leur inspection à cause de la méconnaissance des règles appliquées par l’organisme parce qu’elles ne sont pas disponibles.

[95]       Quant au risque de maquillage avant les inspections, le témoin mentionne que le fait que les inspections se font à l’improviste implique que les services de garde doivent maintenir en tout temps la conformité.

[96]         Lorsqu’il y a une inspection, l’organisme transmet une lettre informant des manquements, donne un délai pour les corriger et revient vérifier si les manquements ont été corrigés. À sa connaissance, elle ne connaît pas d’établissements qui ont eu des amendes.

[97]         Pour la comparaison entre établissements, il n’y a que la conformité ou non qui est mentionnée. Il n’y a pas de pondération accordée. On ne peut savoir si un CPE est meilleur qu’un autre.

[98]         Le témoin précise que le Bureau coordonnateur reçoit un agrément et non un permis. Il a un mandat envers les services de garde en milieu familial qui s’apparente à celui de l’organisme à l’égard des CPE.

[99]         Le Bureau coordonnateur fait trois inspections par année à l’improviste dans les services de garde en milieu familial. Il applique une grille préparée à partir du règlement. Une section est prévue pour des commentaires et la titulaire signe le rapport d’inspection.

[100]      Le Bureau coordonnateur a les mêmes obligations que l’organisme et doit s’assurer que les services de garde en milieu familial sont conformes. Ils ne pourront le faire aussi bien puisqu’il n’a pas toute l’information.

ANALYSE

[101]        Le demandeur veut obtenir la grille d’inspection et le guide d’interprétation utilisés par les inspecteurs de l’organisme lors de leurs inspections dans les CPE et services de garde éducatifs. Il exerce un droit prévu à l’article 9 de la Loi sur l’accès qui prévoit :

9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public.

Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature.

[102]        Les documents identifiés sont les Notes d’inspection et l’Aide-mémoire des pratiques retenues en inspection. Le premier correspond à la grille d’inspection et le second au guide d’interprétation. La Commission a pris connaissance de ces documents.

[103]        Le document Notes d’inspection contient 34 pages dont deux pages d’information de nature plus administrative (ex. identification de l’établissement, les raisons de l’inspection etc.), 17 sections relatives aux éléments vérifiés et deux annexes.

[104]        Le document Aide-mémoire des pratiques retenues en inspection a douze pages et détaille pour certaines sections les éléments à vérifier et la référence aux dispositions réglementaires correspondantes aux éléments vérifiés.

[105]        Ces documents sont des outils de travail servant aux inspecteurs qui relèvent de la Direction de l’inspection de l’organisme. Les inspecteurs doivent s’assurer du respect des dispositions de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance[4] et du Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance[5].

[106]        Selon la preuve présentée, l’inspection sert à assurer la qualité des services offerts aux enfants et à vérifier que les normes de santé et de sécurité prévues par règlement sont respectées. Les inspecteurs n’évaluent pas la qualité de l’intervention éducative.

[107]        L’objectif de la LSGEE est prévu à son article 1 :

1. La présente loi a pour objet de promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les prestataires de services de garde qui y sont visés en vue d'assurer la santé, la sécurité, le développement, le bien-être et l'égalité des chances des enfants qui reçoivent ces services, notamment ceux qui présentent des besoins particuliers ou qui vivent dans des contextes de précarité socio-économique.

Elle a également pour objet de favoriser le développement harmonieux de l'offre de services de garde en tenant compte des besoins des parents, notamment en facilitant la conciliation de leurs responsabilités parentales et professionnelles, ainsi que de leur droit de choisir le prestataire de services de garde.

[108]        Des permis sont délivrés aux CPE et aux services de garde qui remplissent les conditions prévues, dont celle de s’engager à assurer la santé et la sécurité des enfants[6].

[109]        Les restrictions invoquées pour refuser l’accès aux documents demandés sont fondées sur les articles 22, 29 al. 2 et 40 de la Loi sur l’accès.

Application de l’article 22 de la Loi sur l’accès

[110]        L’article 22 de la Loi sur l’accès prévoit :

22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient.

Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne.

[…]

[111]        Cet article est situé dans une section de la loi ayant trait aux renseignements qui ont des incidences sur l’économie. Les auteurs Doray et Charette[7] décrivent cette restriction de la manière suivante :

Il s’agit d’une restriction facultative visant à protéger les renseignements générés par des organismes publics ou pour leur compte, lorsqu’ils interviennent directement dans la vie économique de la société.

[112]        Pour que l’article 22 trouve application en l’espèce, trois conditions doivent être satisfaites : 1) le renseignement doit être de nature technique; 2) il doit appartenir à l’organisme et 3) sa divulgation risquerait vraisemblablement de causer une perte à l’organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne.

Renseignement de nature technique

[113]        Un renseignement technique doit relever d’un domaine spécialisé de l’activité ou de la connaissance, par opposition à ce qui est commun ou général[8].

[114]        L’organisme soutient que les documents en litige contiennent des renseignements techniques en soulignant que ce n’est pas parce qu’on fait référence à des concepts de sciences humaines qu’il ne s’agit pas de renseignements techniques. Les documents s’adressent à des agents spécialisés de l’organisme qui ont des compétences particulières considérant les exigences de qualifications, de formation et de la durée de la probation. Il ajoute que construire une évaluation efficace, logique et pertinente demande des connaissances particulières.

[115]        Pour sa part, le demandeur soutient qu’il ne peut s’agir de renseignements techniques puisqu’il s’agit de normes établies par l’organisme en application d’une règlementation.

[116]        En l’espèce, les documents contiennent de l’information directement liée à la loi et aux règlements applicables aux CPE. Outre la première page qui contient des renseignements de nature administrative, le document Notes de l’inspecteur est structuré selon les dispositions du règlement. Chaque section contient une description sommaire, le numéro de la disposition législative applicable, une section conforme (C) ou non-conforme (N C) à cocher et quelques lignes pour ajouter du texte libre le cas échéant.

[117]        La Commission ne peut conclure que la référence à une disposition règlementaire ou législative qui prévoit notamment les ratios, les menus, les aires de jeu ou les équipements constituent un renseignement technique visé par l’article 22 de la Loi sur l’accès. Il s’agit davantage de normes d’application que de renseignements techniques.

[118]        Comme il a été décidé dans l’affaire La Presse c. Université de Montréal[9], la Commission doit s’inspirer du sens commun pour interpréter la notion de renseignement technique. D’ailleurs, dans cette affaire, la Commission a refusé d’appliquer l’article 22 à un document indiquant la pondération des performances des étudiants selon le Cégep fréquenté et selon la formule mathématique de la « cote z » :

En s’inspirant du sens commun du mot tel que défini dans les dictionnaires, la Commission a toujours considéré qu’un renseignement technique doit relever d’un domaine spécialisé de l’activité ou de la connaissance « par opposition à ce qui est commun ou général ». Or, le fait de coter les cégeps en tenant compte des résultats obtenus par les étudiants à l’Université ne relève pas, à mon avis, d’un domaine de connaissance spécialisé.

[119]        Le fait que les inspecteurs soient formés et entraînés pour bien connaître la règlementation et la législation ne permet pas de conclure qu’il s’agit de renseignement technique relevant d’un domaine spécialisé de l’activité ou de la connaissance au sens de l’article 22. La preuve présentée n’est pas concluante à cet égard.

[120]        Le même raisonnement s’applique à l’Aide-mémoire même si ce document contient plus de détails sur les éléments vérifiés. Il s’agit d’éléments ou d’exemples visant à aider les inspecteurs dans leur inspection.

[121]        La Commission se doit quand même de préciser que certaines situations données en exemple par les témoins comme étant des normes d’application du règlement, qui pouvaient être considérées comme étant des manquements si elles n’étaient pas respectées, ne se trouvent pas dans ces documents.

[122]        Malgré la conclusion à laquelle la Commission en arrive, les deux autres critères doivent être examinés dans l’éventualité où on pourrait considérer que l’ordre dans laquelle se fait l’inspection relève de la connaissance spécialisée de l’organisme.

Renseignement appartenant à l’organisme

[123]        On ne peut conclure que les renseignements provenant de la règlementation appartiennent à l’organisme. Toutefois, on peut convenir que les outils préparés pour ses inspecteurs lui appartiennent.

La divulgation risquerait vraisemblablement de causer une perte à l’organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne

[124]        Malgré la conclusion à laquelle la soussignée en arrive quant à la notion de renseignement technique, ce troisième critère doit être évalué, à tout le moins pour la question de l’ordre dans laquelle se fait l’inspection.

[125]          Il a été soulevé que l’ordonnancement ou la séquence de l’inspection ne devait pas être divulguée pour ne pas diminuer l’efficacité de l’inspection.

[126]        À cet égard, on doit souligner que l’ordre des éléments abordés est différent dans les deux documents. Cependant, selon la preuve présentée, la séquence de l’inspection respecte celle contenue dans le document Note de l’inspection.

[127]        Il ressort de la preuve les éléments suivants. Tous les établissements sont inspectés lors de l’émission et du renouvellement de leur permis et lorsqu’il y a une plainte. Il s’agit d’inspection surprise. Un établissement inspecté est en mesure de constater l’ordre dans laquelle se fait l’inspection. Selon les témoins du demandeur, l’évaluation débute par les accès à l’établissement, les ratios dans les groupes, les espaces de jeux, les menus et se termine par le volet administratif et la tenue de dossier. En fait, il s’agit davantage d’un ordre logique qui tient compte des établissements et des services que de l’ordre des dispositions législatives qu’on retrouve dans la fiche d’auto-évaluation.

[128]        On doit rappeler que la Commission a également rejeté les prétentions d’Alliance Québec qui faisait valoir que sa méthode de présentation de demande de subvention constituait un renseignement technique[10].

[129]        L’organisme soutient que de divulguer le contenu des deux documents demandés lui causerait une perte parce qu’il ne serait plus en mesure de s’assurer que les subventions de près de 2 milliards de dollars et les crédits d’impôt accordés sont bien utilisés.

[130]        Selon la doctrine et la jurisprudence, la divulgation des documents en litige doit être susceptible de provoquer, de manière probable et prévisible, une perte appréciable ou substantielle à l’organisme[11].

[131]        En l’espèce, la preuve ne permet pas de conclure que l’organisme subira une perte ou un préjudice économique. Selon la preuve présentée, c’est davantage les CPE qui subissent un préjudice économique puisqu’ils peuvent se voir exclure de l’attribution de nouvelles places à la suite d’un manquement constaté. La perte économique est supportée par les CPE.

[132]        Quant à l’avantage appréciable pour le demandeur si les documents lui étaient divulgués l’organisme soutient qu’un CPE ou un service de garde à but lucratif, pourrait faire valoir qu’il est conforme aux normes gouvernementales et tenter d’attirer la clientèle.

[133]        Il ressort de la preuve qu’il n’existe pas de palmarès des CPE ou des services de garde. De plus, aucune inspection ne porte sur la programmation et les activités particulières offertes par les garderies, éléments qui peuvent influencer le choix des parents. D’ailleurs, l’organisme ne diffuse aucune information sur les établissements contrevenants. Il s’agit de la sécurité des enfants, tous les établissements doivent être sécuritaires. Il ne s’agit pas d’un élément de promotion ou de commercialisation.

[134]        En l’espèce, il ressort de la preuve présentée que les dispositions législatives en matière d’émission de permis et la politique d’inspection ont pour objectif la santé et la sécurité des enfants. C’est l’objectif principal de l’organisme qui est aussi assumé par les bureaux coordonnateurs.

[135]        Le fait de connaître des éléments contenus dans l’Aide-mémoire va également dans ce sens.

[136]        Quant à l’avantage procuré au demandeur qui pourrait profiter de cette information par rapport aux autres Regroupements, CPE ou service de garde, cet argument ne peut être retenu. 

[137]        D’abord, la décision de la Commission donnant accès à un document s’applique à toute autre personne qui veut obtenir ce document. De plus, le Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels[12] oblige les organismes publics à diffuser sur leur site Internet les documents transmis dans le cadre d’une demande d’accès :

4. Un organisme public doit diffuser sur un site Internet les documents ou les renseignements suivants, dans la mesure où ils sont accessibles en vertu de la loi:

[…]

8° les documents transmis dans le cadre d’une demande d’accès, accompagnés de la décision anonymisée du responsable de l'accès aux documents, à l’exception de ceux contenant:

  a) des renseignements personnels, à moins que ceux-ci aient un caractère public au sens de l’article 55 de la Loi;

  b) des renseignements fournis par un tiers au sens de l’article 23 ou 24 de la Loi;

  c) des renseignements dont la communication doit être refusée en vertu des articles 28, 28.1, 29 ou 29.1 de la Loi;

[138]        Par conséquent, même dans l’éventualité où on considérerait que les renseignements, dont l’accès est refusé, sont des renseignements techniques, les conditions d’applications de l’article 22 de la Loi sur l’accès ne sont pas satisfaites.

Application de l’article 29 (2) de la Loi sur l’accès

[139]        La juge administrative Me Carluccio, alors saisie du présent dossier, a demandé aux parties de fournir leurs observations quant à l’application de cette disposition en l’espèce.

[140]        L’article 29 (2) de la Loi sur l’accès prévoit :

29. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi.

Il doit aussi refuser de confirmer l’existence ou de donner communication d’un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un programme, d’un plan d’action ou d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d’une personne.

[141]        L’organisme soutient que de divulguer la séquence de l’inspection affecterait le programme sécuritaire mis en place. La politique d’inspection vise particulièrement la sécurité des enfants qui est le pilier de l’offre de service des CPE et des services de garde. Fournir le formulaire Notes de l’inspecteur et l’Aide-mémoire pourraient, à son avis, permettre de maquiller les manquements des établissements.

[142]        Le demandeur soutient que cette disposition ne s’applique pas en l’espèce. L’article 29 de la Loi sur l’accès s’inscrit dans le prolongement de l’article 28 et vise à protéger les moyens mis en place pour assurer la sécurité des personnes ou pour lutter contre les infractions aux lois.

[143]        La Commission adhère à cette dernière interprétation. La séquence d’une inspection ne peut être considérée comme étant un plan visant à assurer la sécurité des personnes et que par conséquent, sa divulgation mettrait en danger la sécurité des enfants.

[144]        D’abord, les éléments inspectés sont contenus dans la règlementation qui est accessible au grand public et qui doit être connue. Quant à l’ordre de l’inspection, il ressort de la preuve que les services de garde qui ont déjà été inspectés connaissent la séquence de l’inspection. Quant au risque de maquiller des éléments de sécurité, il a été démontré que pour éviter cette situation, les inspecteurs ne s’annoncent jamais et procèdent à l’inspection d’une manière logique en apportant une attention particulière à certains éléments. De plus, outre l’exemple donné qu’un établissement qui ne respecte pas un ratio pourrait cacher des enfants, les autres exemples donnés peuvent difficilement se prêter au « maquillage » notamment l’emplacement d’un lavabo, les produits qui doivent être hors de la portée des enfants ou les tapis de jeu qui doivent être rangés.

[145]        Cette disposition ne peut trouver application en l’espèce.

Application de l’article 40 de la Loi sur l’accès

[146]        La dernière restriction soulevée est celle prévue à l’article 40 de la Loi sur l’accès qui prévoit :

40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l’évaluation comparative des connaissances, des aptitudes, de la compétence ou de l'expérience d’une personne, jusqu’au terme de l’utilisation de cette épreuve.

[147]        Pour que cette disposition s’applique, il doit s’agir d’une épreuve destinée à l’évaluation de connaissances, des aptitudes, de la compétence ou de l’expérience et cette épreuve doit être encore utilisée.

[148]        À la date de la demande d’accès, les Notes et le guide déposés étaient utilisés. Ils ont toutefois été modifiés par la suite.

[149]        L’organisme soutient que l’inspection évalue la connaissance de la loi et des règlements afin d’assurer la sécurité des enfants. Ce qui est évalué c’est l’exercice du jugement, les aptitudes ou les compétences, dans l’application de la règlementation. Cette disposition n’implique pas nécessairement que l’évaluation soit comparative.

[150]        Le demandeur soutient que cette disposition vise l’évaluation des connaissances d’une personne et que les inspections ont pour objet de vérifier la conformité du service de garde. De plus, il ne s’agit pas d’une évaluation comparative puisqu’il s’agit d’un exercice de conformité.

[151]        L’inspection de l’organisme porte sur la conformité de CPE à l’égard de la règlementation applicable.

[152]        La Commission ne peut conclure que les inspections effectuées par l’organisme sont des épreuves d’évaluation des aptitudes des personnes qui travaillent dans les CPE, au sens de l’article 40 de la Loi sur l’accès. Il ne s’agit pas d’une épreuve visant à comparer des personnes entre elles afin d’attribuer un poste. Il s’agit d’évaluer si un service de garde est conforme ou non à la loi.

[153]        L’article 40 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas en l’espèce. Les inspecteurs des organismes publics ne font pas passer un examen, ils évaluent le respect de dispositions législatives.

Conclusion

[154]        Les demandes d’accès aux outils des organismes publics produits pour inspecter et voir au respect des lois doivent s’évaluer en fonction du contenu des documents en litige. En l’espèce, les restrictions invoquées ne s’appliquent pas à la présente situation. Par ailleurs, le demandeur a déposé plusieurs décisions distinguant le rôle des enquêteurs et des inspecteurs. La Commission tient à souligner qu’en l’espèce, aucune preuve n’a été présentée quant à la qualification des fonctions exercées par les inspecteurs permettant de conclure qu’ils exercent des fonctions visées à l’article 28 de la Loi sur l’accès lorsqu’ils font des inspections.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[155]        ACCUEILLE la demande de révision.

[156]        ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur, dans les trente jours de la réception de la présente décision, les documents Notes d’inspection et Aide-mémoire des pratiques retenues en inspection.

LINA DESBIENS
Juge administratif

Cain Lamarre Casgrain Wells

(Me Irène Chrisanthopoulos)

Avocats de la demanderesse

Bernard Roy (Justice-Québec)

(Me Marion Lavoie-Cardinal)

Avocat de l’organisme



[1]    RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.

[2]    Article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information, RLRQ, A-2.1, R.6.

[3]    2014 QCCAI 202.

[4]    RLRQ, c. S-4.1.1, la LSGEE.

[5]    RLRQ, c. S-4.1.1, r. 2, le Règlement.

[6]    Art. 7, 8 et 11 LSGEE.

[7]    Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, feuilles mobiles, à jour au 1er décembre 2014, p. II /22-1.

[8]    La Presse c. Université de Montréal, [1991] C.A.I. 29; Alliance-Québec c. Ministère des communautés culturelles et de l’immigration, CAI 85 00 72, 13 juin 1985, c. Pestieau.

[9]    Préc., note 9.

[10]   Alliance-Québec c. Québec (Ministère des communautés culturelles et de l’Immigration), [1984-1986] 1 C.A.I. 230.

[11]   Martin c. Québec (Office de la protection du consommateur), [1994] C.A.I. 104. Doray Charette, préc. note 8, p. II/22-8.

[12]   RLRQ c. A-2.1, r. 2.

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