Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Office municipal d'habitation de Montréal secteur Nord-Ouest c. Di Chiaro

2020 QCRDL 14458

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

507317 31 20200206 G

No demande :

2955762

 

 

Date :

31 juillet 2020

Régisseure :

Sophie Alain, juge administrative

 

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION de Montréal Secteur Nord-Ouest

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Mario Di Chiaro

 

Locataire - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 6 février 2020, l’Office municipal de Montréal (OMH) demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire et de tous les occupants, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais judiciaires.

[2]      L’OMH soumet que le locataire agit de façon agressive, belliqueuse et intimidante envers d’autres locataires et ses représentants. Son comportement violent, menaçant, indécent, ainsi que les propos intimidants et injurieux insécurisent les autres locataires.

[3]      Par l’amendement du 17 mars 2020, l’OMH ajoute que, lors d’une altercation du 18 février 2020, le locataire aurait commis des voies de faits à l’endroit de l’ex-conjoint d’une locataire et qu’il est accusé de voies de faits, en vertu de l’article 266 b) du Code criminel.

[4]      Le locataire, Mario Di Chiaro, nie ou nuance les reproches à son endroit et plaide que certains locataires lui reprochent sa rigueur dans l’application des règlements de l’immeuble, à titre de président de l’Association des locataires.

Questions en litige

[5]      Le Tribunal identifie les questions suivantes :

·         Les reproches découlent-ils du rôle de président de l’Association ?

·         Le locataire trouble-t-il la jouissance normale et la tranquillité des autres locataires ?

·         Le comportement du locataire, envers les représentants de l’OMH et ses mandataires, est-il suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ?

·         L’événement du 18 février 2020 justifie-t-il, à lui seul, la résiliation du bail ?


Contexte

[6]      Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 260 $[1].

[7]      Le locataire occupe un logement d’une chambre à coucher dans un immeuble de type « pensionné », pour les personnes de 60 ans et plus, comportant 81 logements.

[8]      L’annexe à la demande relate divers événements :

·              3 mars 2019 : première plainte contre le locataire (cris et insultes)

·              16 mai 2019 : altercation concernant un barbecue

·              21 mai 2019 : rencontre du locataire à propos du barbecue

·              28 mai 2019 : lettre d’avertissement au locataire

·              6 juin 2019 : rencontre du locataire concernant des propos inappropriés envers un représentant du locateur

·              23 novembre 2019 : plainte contre le locataire (cris et insultes)

·              28 novembre 2019 : plainte contre le locataire (événement salle de lavage)

·              2 décembre 2019 : mise en demeure transmise au locataire

·              6 décembre 2019 : plainte contre le locataire (affiche sur le babillard)

·              18 février 2020 : altercation avec un invité d’une locataire

[9]      Au soutien de la demande, l’OMH a fait entendre neuf témoins, dont voici l’essentiel de leur témoignage.

Constable Yannick Paradis

[10]   Policier au poste de quartier 31 à la Ville de Montréal, le constable Paradis connait bien l’immeuble, ainsi que le locataire pour y être intervenu à trois reprises. Lors du premier événement, il fut appelé sur les lieux, en raison d’un document apposé sur le babillard qui concernait une locataire. Le locataire refusait de retirer le document, malgré l’intervention du préposé de l’OMH.

[11]   Le second événement fut le 18 février 2020, lorsqu’il a procédé à l’arrestation du locataire pour voies de faits et intimidation sur M. Bastien. Le locataire fut libéré avec la promesse de condition à respecter, soit de ne pas entrer en contact, directement ou indirectement, avec M. Bastien.

[12]   Enfin, il fut appelé le 27 février 2020 pour émettre les mêmes conditions envers Mme Lefebvre, une locataire de l’immeuble au même étage que celui du locataire.

[13]   En 2019-2020, le constable Paradis a répertorié 18 appels au 911 qui impliquaient les personnes concernées, soit le locataire (2 appels) et mesdames Richer (no 106), Lefebvre et Chrétien, plus les occupants des logements n213, n103 et no411. Essentiellement, les appels concernent les conflits entre locataires et les appelants ont été référés à la Régie du logement.

[14]   Le policier témoigne qu’il est rare que le poste de police de quartier doive intervenir aussi souvent dans un même immeuble.

Steven Bussière

[15]   Il travaille pour le Regroupement des services d’habitation du Québec (RHSQ), à titre de patrouilleur statique. Il est assigné à l’immeuble depuis environ un mois, principalement en raison du comportement du locataire et ensuite pour l’application des mesures liées à la COVID-19.


[16]   Essentiellement, il relate que le locataire prenait un rôle trop important, se comportant comme s’il était le propriétaire de l’immeuble. Il est intervenu auprès du locataire à plusieurs reprises : par exemple, lorsqu’il parle sur un ton agressif à Mme Richer, assise sur son triporteur mal stationné, ou encore les 1er et 18 mai, lorsque le locataire l’a traité d’idiot.

[17]   Il témoigne qu’après la première audience, le locataire l’a menacé lorsqu’il est intervenu le 3 juin, car il y avait une réunion, ce qui est interdit durant la COVID.

Nicolas D’Antono

[18]   Il travaille également comme agent pour le Regroupement des services d’habitation du Québec (RHSQ). Il est intervenu à la suite d’une plainte de Mme Richer à propos d’un document affiché sur le babillard le 6 décembre 2019. Il a demandé au locataire de le retirer, mais le locataire l’a insulté et a été agressif à son endroit. D’Antono ne savait pas que le locataire était président de l’Association.

Jean Letinville

[19]   M. Letinville est préposé à l’entretien et aux réparations depuis 10 ans. Il se déplace dans les immeubles de l’OMH. En mars 2020, son patron lui demande de changer la serrure de la porte d’accès à la salle communautaire, afin que celle-ci ne soit plus accessible à cause de la pandémie due à la COVID-19.

[20]   Le locataire est intervenu en trombe, l’a traité de « BS trous de culs » et lui a dit qu’il avait commandé neuf bouteilles de désinfectant pour l’immeuble. M. Letinville lui a répondu qu’il se conformait à un ordre de son patron de changer toutes les serrures des salles communautaires. Il croit que l’OMH a averti les associations. Il sait que le locataire s’occupe des réunions.

Dany Taleb

[21]   M. Taleb a été agent de location et préposé aux relations avec les locataires. Ses nouvelles responsabilités impliquent d’être en lien avec la Curatelle et les CLSC. Il relate qu’en mai 2019, il s’est occupé de faire déménager les meubles d’une locataire par une entreprise privée.

[22]   Le locataire cogne à la porte du logement et l’informe qu’il est le président du comité des locataires et ensuite il l’a insulté « gros criss d’immigré arabe ». M. Taleb lui a montré sa carte d’employé, mais il témoigne que le locataire voulait se battre en s’approchant de lui à un pied de distance.

[23]   Lors de la rencontre avec sa supérieure, Mme Candolo a expliqué au locataire qu’il est de la responsabilité de l’OMH de gérer les plaintes relatives au non-respect des règlements. Le président du comité des locataires ne s’occupe que des activités de la salle communautaire et du jardin communautaire. Il témoigne que le locataire a une manière agressive, intimidante et agressante d’intervenir avec les locataires et employés.

[24]   En contre-interrogatoire, il expose qu’il était responsable de l’application des règlements relatifs au comportement (flânages, bruit, cigarette, musique, agressivité, etc.). C’est le directeur de l’entretien et des réparations qui est responsable du bâtiment, comme les portes, sorties d’urgence, emplacement des triporteurs, etc.

[25]   Il juge que les événements reprochés au locataire ne concernent pas son rôle de président.

Dieunaille François

[26]   Mme François est la nouvelle préposée aux relations avec les locataires depuis juillet 2019; elle traite essentiellement des plaintes des résidents. M. Taleb l’a assistée jusqu’en décembre 2019-janvier 2020. Elle explique que le locataire n’a pas porté plainte directement à elle, allant directement à la haute direction de l’OMH, concernant le triporteur de Mme Richer, la COVID-19 et la vente de cigarettes par Mme Gendron.

[27]   Elle témoigne que, si elle reçoit une plainte relative à la salle communautaire, elle avise la coordonnatrice communautaire. Elle n’a jamais tenté de faire de la médiation. Elle ne connaît pas en détail le rôle d’un président de l’Association.


[28]   Elle juge que le fait d’être président ne donne pas le droit d’invectiver un autre locataire. En tant que bon citoyen, le locataire peut appeler la police ou l’OMH. Elle n’est pas au courant du barbecue. Elle soutient que Mme Richer a une autorisation de stationner son triporteur sous l’escalier, car vu l’encombrement de son logement, elle pourrait difficilement en sortir lors d’une urgence.

Ginette Lefebvre

[29]   Mme Lefebvre a 70 ans. Elle vit à l’immeuble depuis 2008. Elle a déjà siégé sur le comité de l’Association jusqu’en 2015 et ensuite en 2018 jusqu’à ce qu’elle donne sa démission, le 18 septembre, avec Mme Gendron et Chrétien.

[30]   Elle reproche au locataire de l’avoir menacée dans l’ascenseur en décembre 2018 de lui faire perdre son logement.

[31]   Ensuite, le 18 février 2020, à son retour de l’hôpital avec son mari, Claude Bastien, elle constate que sa place de stationnement est occupée, par un peintre qui effectuait la peinture de la salle communautaire. Son mari s’interpose et dit : « tu parleras pas à ma femme comme cela » et, ensuite, le locataire a poussé son mari à trois reprises contre le mur. Ensuite, elle déclare que le locataire l’a menacé de porter plainte à la police.

[32]   Plus récemment, elle s’est sentie menacée par un geste du locataire, qui, avec sa main devant la gorge, a mimé un signe voulant dire qu’il lui couperait la gorge. Elle ajoute que le locataire l’a menacée en suggérant qu’elle « ne savait pas à qui elle avait affaires ».

[33]   Le 2 mai, son mari, qui n’habite pas l’immeuble, a eu la permission de venir lui installer un climatiseur.

Claude Bastien

[34]   M. Bastien a 73 ans et vit séparé de son épouse, Mme Lefebvre, depuis 1989. Il la visite de 2 à 3 fois par semaine (sauf depuis la COVID). Il relate l’événement de l’ascenseur en décembre 2018, puis le 18 février 2020. Il pèse 112 livres et mesure 5 pieds 3 pouces, donc le locataire, plus grand et gros, l’a brassé. Il nie avoir insulté ou poussé le locataire; il a simplement mis sa main pour empêcher le locataire de s’approcher de son épouse.

[35]   Le 2 mai, le locataire lui a crié « mon tabarnak j’ai appelé la police tu vas sortir de mon bloc ». Il relate que le locataire s’en prend souvent à Mme Richer.

Lise Chrétien

[36]   Âgée de 74 ans, Mme Chrétien habite au logement 103 depuis 3 ans. Avant, elle habitait au même étage que le locataire. Elle rapporte plusieurs propos, dont en avril 2020 où le locataire l’a traitée de « charogne ».

[37]   En contre-interrogatoire, elle admet qu’à l’occasion, elle laisse son triporteur devant la cour.

[38]   Elle témoigne être amie depuis plusieurs années avec Mmes Lefebvre, Richer, Ste-Marie et Gendron. Elle admet qu’elle tient de petites réunions de femmes dans la salle communautaire et qu’elle y fumait, mais ne buvait pas d’alcool, seulement de la liqueur.

Ginette Richer

[39]   Madame Richer habite l’immeuble depuis 10 ans. Elle témoigne que son caractère et celui du locataire ne sont pas compatibles. Elle a fait des plaintes contre le locataire. Notamment, quant à la bonbonne de gaz pour le barbecue.

[40]   Elle témoigne que le locataire l’a accusée de vol de la petite caisse des bingos.

[41]   Elle n’est pas au courant de la disparition de la télécommande de la télévision de la salle communautaire et nie que Mme Lefebvre l’ait informée.


Allégations du locataire

[42]   Le locataire habite l’immeuble depuis mars 2016. Avant son arrivée, il a vécu une période difficile.

[43]   Il expose qu’à l’automne 2018, après la démission de cinq membres de l’Association, on l’a convaincu de se présenter à l’Assemblée générale annuelle pour poser sa candidature à titre de membre de l’Association des locataires. En effet, son expérience en organisation politique lui permettait de participer à l’Association.

[44]   Il s’est investi à fond pour obtenir des subventions, faire venir des personnalités publiques, etc. Avec un budget de 25 000 $, il a, entre autres, acheté un barbecue pour les résidents.

[45]   Il témoigne que son conflit avec Mme Richer a débuté lorsqu’il a demandé les procès-verbaux des années antérieures, de lui remettre la clé et de sortir ses biens du local de rangement. Et puis finalement, lorsqu’il a requis sa démission, en mai 2019, alors appuyé par les autres membres de l’Association[2].

[46]   Il admet avoir dit à Mme Richer que l’espace de rangement de l’Association était une véritable « soue à cochon », à risque pour un incendie. Or, il rappelle que l’immeuble a subi un grave incendie en janvier 2017 et qu’une personne est décédée.

[47]   Il admet avoir monté le ton contre Mme Richer lorsqu’elle a eu des propos racistes envers d’autres résidents; il était outré. De même, lorsqu’elle est entrée dans la salle en vexant une autre dame.

[48]   En ce qui concerne le droit de fumer dans la salle communautaire, jamais il n’a accordé une telle permission, dénonce-t-il. Or, en appliquant le règlement, il s’est fait des ennemis. En effet, en revenant d’une soirée avec ses amis un samedi, il constate que les stores de la salle communautaire sont fermés. Il débarre la porte et, en entrant, il constate les dames qui fument et boivent de l’alcool. Il les a immédiatement averties que c’était la dernière fois qu’elles pouvaient faire des soirées dans ces circonstances. Il précise que Mme Lefebvre s’est excusée par la suite, en lui rapportant que Mme Richer était la boss et qu’elle leur donnait le droit de fumer.

[49]   À titre de président de l’Association, le locataire soutient avoir des responsabilités. Entre autres, comme il a signé l’entente de gestion de la salle commune[3], il doit faire respecter les lois et règlements applicables (tabac, permis d’alcool, permis de jeux, etc.).

[50]   En défense, il expose que Mme Richer l’accusait faussement et il l’a appris de d’autres. Il la décrit comme étant une manipulatrice de grand talent. Il témoigne qu’elle avait une attitude négative face aux activités qu’il organisait. Par exemple, pour le chèque du gouvernement fédéral de 5 000 $ émis au nom de l’ancienne présidente, Mme Richer ne voulait que pas Mme Gendron lui remette pour éviter qu’il organise d’autres activités.

[51]   Il admet avoir insulté Mme Richer en lui demandant : « Comment va ta bipolarité? ».

[52]   Quant au barbecue, il appartient à l’Association. Cette acquisition était pour permettre aux résidents d’avoir des fêtes extérieures. D’ailleurs, pour démontrer qu’il avait l’aval de la direction, même le directeur de ressources matériels de l’OMH lui a remis une soumission pour l’acquisition d’une cage en métal pour l’entreposage des bonbonnes de propane[4].

[53]   Quant à l’événement impliquant M. Taleb, d’abord, il a été interpellé par deux personnes handicapées devant les ascenseurs qui se firent dire, par un monsieur, de quitter. On l’informe qu’on vide le logement d’une dame hospitalisée. Il voit un camion plein de graffitis. Il monte vérifier. Il voit deux hommes à l’allure douteuse. Un autre homme (M. Taleb), qu’il ne connaît pas, s’approche et lui dit de quitter en montrant sa carte trop rapidement, déclare-t-il.

[54]   Il a demandé « vous faites quoi ici, la dame est à l’hôpital » Il admet avoir dit « je vais t’en glisser une bonne » à M. Taleb et qu’il va devoir appeler la police. Il explique que les employés de l’OMH portent normalement des vêtements distinctifs. Il soutient que M. Taleb a ensuite cogné aux portes pour vérifier s’il intimidait les autres locataires.


[55]   Quant à l’événement du 28 novembre, il nie avoir invectivé Lorraine Veilleux. Au contraire, il est intervenu à la suite d’une plainte d’une autre locataire qui lui a demandé d’intervenir, car Mme Veilleux monopolisait la salle de lavage; elle utilisait quatre laveuses. Il a pris une photographie et a transmis une plainte à l’OMH. Or, c’est lui qui s’est fait accuser. Mme Richer, qui était à l’extérieur, a conseillé à Mme Veilleux d’appeler la police.

[56]   Quant à l’événement du 18 février 2020, il expose ce qui suit. Le 5 février, Mme Prud’homme de l’OMH communique avec lui pour l’informer que la salle communautaire sera repeinte. Le 10 février, les couleurs sont choisies. Le 18 février, les peintres se présentent et demandent deux espaces de stationnement. Il prête le sien et celui de Mme Lefevre qui est absente et, d’ailleurs, son automobile est rarement présente, mais leur demande de mettre une feuille explicative. Il déclare que Mme Lefevbre entre dans la salle où il tenait une réunion et dit « Mon criss de gros Italien, tes deux osties d’arabes ont pris ma place de stationnement ». Il sort en voulant s’excuser, car elle a raison, mais son mari s’interpose et se met à l’attaquer.

[57]   En ce qui concerne l’événement impliquant M. Letinville, le locataire nie avoir été avisé que la serrure de la salle communautaire serait remplacée en raison de la pandémie.

[58]   Quant au geste rapporté par Mme Lefebvre (main devant la gorge), il le nie, car il était sur sa mobylette et n’a pas la dextérité pour faire un tel geste tout en conduisant.

[59]   Il admet avoir un caractère fort et une voix forte. Il souffre de TDAH et admet qu’il prend le dessus des conversations et, souvent, il coupe la parole aux autres.

[60]   Finalement, il témoigne être atteint de diabète et dépose une lettre de son médecin pour attester que son état de santé[5] pouvant expliquer certains comportements.

[61]   Au soutien de sa défense, il a fait entendre 10 témoins.

Yolanda Cabrini

[62]   Madame Cabrini a 84 ans et habite l’immeuble depuis 13 ans. Elle témoigne de la présence d’une « clic » de femmes hypocrites qui en veulent au locataire. Elle nomme Mme Richer, Lefevbre, Ste-Marie et Gendron. Elle explique qu’il y a plusieurs locataires qui blasphèment dans l’immeuble. Elle expose que les dames de la « clic » prennent toutes les places assises dans le jardin, ce qui empêche les autres résidents d’en profiter. Depuis l’implication du locataire à l’Association, une foule d’activités ont eu lieu.

Gespina Chrysagis

[63]   Elle est une amie du locataire depuis 1998. Elle l’a aidé à gérer les aspects de bureautique pour l’organisation de divers événements et à tenir la comptabilité. Elle l’a également aidé dans les nombreuses demandes de subventions qu’il a présentées pour les résidents.

[64]   Elle témoigne que le locataire n’est pas raffiné, qu’il impressionne par sa stature, mais qu’il a un grand cœur et toujours serviable.

[65]   Elle témoigne qu’au party de Noël, elle a vu des dames qui refusaient qu’une autre dame vienne les aider à nettoyer la vaisselle; celle-ci a pleuré. Elle a informé le locataire qui est allé la chercher pour lui offrir une autre tâche.

Anie Samson

[66]   Mme Samson a 25 ans d’expérience de services aux citoyens, entre autres, à titre de mairesse. Elle a connu le locataire il y a 35 ans, à l’époque où celui-ci était impliqué dans le milieu politique. Elle connaît bien le milieu des habitations à loyer modique et des personnes âgées.

[67]   Elle parle du « pouvoir de la clé ». Il ne faut pas négliger l’importance de détenir la clé de la salle communautaire chez les aînés; la personne qui a la clé se sent valorisée dans son rôle. Elle a tenté de décourager le locataire à s’impliquer dans l’Association, sachant que cela peut causer des frictions et elle connaissait l’équipe de l’ancienne Association (Richer, Gendron, Ste-Marie et Chrétien).


[68]   Elle a participé à plusieurs événements organisés par le locataire à l’immeuble et agi comme bénévole, notamment à l’Assemblée. Elle témoigne qu’aux yeux des dames, le contrôle (fameuse clé) est maintenant entre les mains du locataire. Avant, les dames s’autorisaient de fumer le samedi soir dans la salle communautaire. Or, le locataire, qui veut faire appliquer les règlements, refuse qu’on y fume. Richer n’a pas apprécié devoir sortir ses biens de la salle de rangement, réservée aux biens de l’Association.

[69]   Elle a vu les dames participer aux soirées dansantes et autres événements rassembleurs; celles-ci ne semblaient aucunement être terrorisées par le locataire.

[70]   Elle admet, en revanche, que le locataire a une voix de baryton. Aussi, l’implication du locataire et sa dénonciation, au journaliste de La Presse, du manque de préparation de l’immeuble en pleine période de COVID n’a certainement pas aidé à se faire apprécier par la direction de l’OMH.

Robert Pilon

[71]   M. Pilon est coordonnateur à la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ) pour laquelle il œuvre depuis 27 ans. Après avoir expliqué l’historique législatif[6], il témoigne qu’il travaille en collaboration avec l’OMH et les Associations de locataires (environ 400). Il expose qu’il y a des différends entre les membres de l’Association dans environ 5 à 10 %. Le lieu pour régler les différents est l’Assemblée générale annuelle ou spéciale. Chaque locataire peut élire ou destituer un représentant, car il est membre de l’Association.

[72]   Les gens qui y œuvrent sont des bénévoles élus. Parfois, le bénévole est bon, parfois, malhabile, mais jamais il perdra son logement pour ses actions à titre de membre de l’Association.

[73]   Le rôle d’une association peut comprendre :

·            Voir au bien-être et à l’amélioration de la qualité de vie des locataires;

·            Représenter et défendre les intérêts et les droits des locataires;

·            Favoriser la participation et la prise en charge des locataires dans la gestion des habitations à loyer modique;

·            Offrir des services récréatifs, d’entraide, éducatifs, culturels et sociaux;

·            Élire ou nommer les représentants des locataires au comité consultatif des résidants.

[74]   Le mandat d’une Association est aussi de faire respecter les règlements de la salle communautaire. Oui, les membres doivent faire la « police » de la salle.

[75]   L’Association a aussi le rôle de voir au bon voisinage, car il y a d’énorme difficultés et chicanes, souvent dues au non-respect des règlements. L’interaction avec les autres locataires ne se limite pas à la salle communautaire.

[76]   Or, en l’absence de personnel de l’OMH, ce sont les bénévoles qui sont responsables de faire appliquer les règlements d’immeuble. Certains ont le doigté, d’autres non.

[77]   Finalement, M. Pilon témoigne que le locataire est un homme « entier », prompt à réagir et à parler, mais aussi à s’excuser. Il a toujours été respectueux lors des réunions auxquelles il a participé. Il constate que le locataire est très dévoué pour ses membres. Il n’est pas obligé d’offrir tous les services qu’il offre aux résidents. Dans d’autres associations, les bénévoles en font moins, cela dépend de la capacité et de la disponibilité de la personne.

Ali Nestor

[78]   Monsieur Nestor est coach de vie et motivateur. Il est directeur de l’organisme sans but lucratif Ali et les Princes de la rue qui vient en aide aux jeunes en difficultés.

[79]   Il témoigne que le locataire a requis son aide pour gérer ses émotions, sa colère et le stress.


Georges Philippe

[80]   M. Philippe habite l’immeuble depuis 15 ans avec son épouse. Il témoigne de la présence de petites cellules de trois femmes qui accusent faussement le locataire. Il juge que ce fut une grande victoire d’avoir élu le locataire à l’Association. En effet, à l’époque où les trois femmes étaient au pouvoir, elles n’ont jamais rien organisé. Il est responsable du jardin. Il juge qu’il y a une présence indirecte d’intimidation par les dames.

Lorémie Sterison

[81]   Mme Sterison habite l’immeuble depuis 2009. Elle témoigne que Mme Richer lui a interdit d’aider le locataire et qu’elle a vu les actes d’intimidation envers une autre résidente, Francine. Elle assimile les agissements de Mmes Richer et Lefevbre à un syndicat; elles agissent méchamment; elles sont jalouses.

[82]   Elle rapporte un événement où les deux dames ont collé un pansement devant son œil magique et juge qu’elles font preuve de racisme.

[83]   Or, le locataire, déclare-t-elle, fait un travail merveilleux. Elle n’a pas peur de lui. Elle juge que les allégations de l’OMH sont de « la foutaise » et ne comprend pas le départ du locataire, alors que le clan malsain continue à semer le trouble. Par exemple, lors de l’événement de la dame atteinte de l’Alzheimer, elle a répondu à Ginette Lefebvre et, le lendemain, Lise Chrétien lui a dit « tu es rayé de la liste ». Depuis, aucune dame du clan ne lui parle. Elles sont dangereuses et peuvent ruiner la réputation d’une personne, déclare-t-elle.

Paule Allard

[84]   Âgée de 70 ans, Mme Allard habite l’immeuble depuis 5 ans. Elle témoigne de la présence d’un climat malsain, à cause d’un clan composé de Ginette Lefebvre, Lise Chrétien, Janine Gendron, Francine Ste-Marie et Ginette Richer. Pour un petit incident, elles partent en croisade contre le locataire.

[85]   Or, le locataire, déclare-t-elle, fait un travail merveilleux. Elle n’a pas peur de lui. Elle juge que les allégations de l’OMH sont de « la foutaise’ » et ne comprend pas le départ du locataire, alors que le clan malsain continue à semer le trouble. Par exemple, lors de l’événement de la dame atteinte de l’Alzheimer, elle a répondu à Ginette Lefebvre et, le lendemain, Lise Chrétien lui a dit « tu es rayé de la liste ». Depuis, aucune dame du clan ne lui parle. Elles sont dangereuses et peuvent ruiner la réputation d’une personne, déclare-t-elle.

Lise Lussier

[86]   Habitant l’immeuble depuis 16 ans, Mme Lussier est aussi secrétaire au sein de l’Association. Elle a remplacé Mme Richer. Elle témoigne que cette dernière n’est « pas ben fine » ni honnête. Elle partait avec la petite caisse du Bingo pendant une pause de 10 minutes et il manquait de l’argent. Jamais le locataire l’a menacée. Elle a 82 ans et n’aime pas le trouble. Or, l’été dernier, elle fut indisposée par les propose que tenaient Lise et Ginette contre des résidents.

[87]   Elle rapporte que Mme Richer l’a invitée à venir fumer dans la salle communautaire, alors que cela est interdit, mais Mme Richer lui a dit « je prends le droit ».

Fabiola Collado

[88]   Mme Collado témoigne que le locataire est une bonne personne et que l’on peut l’appeler n’importe quand pour obtenir son aide. Le locataire ne l’a jamais intimidée et elle n’a pas peur de lui. Elle n’a jamais vu le locataire réprimander une autre personne depuis son arrivée dans l’immeuble en septembre 2018. Elle témoigne de la présence de racisme de la part de certaines personnes.

[89]   Ainsi se résument succinctement les faits. Avant d’aborder les questions en litige, voyons ce que la loi prévoit.


DROIT APPLICABLE

[90]   Un locateur doit, notamment, procurer la jouissance paisible des lieux à tous ses locataires[7]. En corollaire, un locataire doit se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires de l’immeuble[8].

[91]   Si un locataire ne respecte pas cette obligation, le locateur peut demander la résiliation du bail[9]. Pour l’obtenir, il doit démontrer que les troubles de comportement du locataire entraînent un préjudice sérieux au locateur ou aux autres locataires[10].

[92]   Néanmoins, le Tribunal rappelle que les locataires et occupants d’un immeuble doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage, en autant que ceux-ci ne dépassent pas les limites de la tolérance, selon la nature ou la situation de l’immeuble ou selon les usages locaux[11]. Ainsi, chaque cas est un cas particulier.

[93]   Le Tribunal doit fonder son appréciation sur des considérations objectives et probantes. Ceci implique que le Tribunal ne tient pas compte de la sensibilité particulière d’un plaignant (due, par exemple, à son âge ou à son état de santé)[12].

[94]   Le Tribunal doit enfin déterminer si une situation, par sa répétition, insistance et ampleur, constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable à la jouissance des autres. En bref, il doit s’agir d’une situation extraordinaire et inhabituelle.

DÉCISION

[95]   D’entrée de jeu, rappelons que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits au soutien de sa prétention, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal[13].

[96]   En l’instance, le locateur a le fardeau de la preuve. S’il ne convainc pas le Tribunal ou si ce dernier est placé devant une preuve contradictoire, la demande du locateur sera rejetée.

[97]   L'appréciation de la crédibilité des témoins est au cœur du présent dossier. Alors laquelle des versions est-elle plus crédible et plus fiable ?

[98]   Le Tribunal prête foi sans réserve au témoignage des personnes suivantes : Constable Yannick Paradis, Jean Letinville, Gespina Chrysagis, Anie Samson, Robert Pilon et Ali Nestor. Leurs témoignages sont irréprochables. Ils sont crédibles et ils ont témoigné avec honnêteté, sans exagération ni contradiction.

[99]   Les agents Steven Bussière et Nicolas D’Antono sont intervenus, sans connaître le rôle important du locataire au sein de l’Association. Leur perception est évidemment entachée, sans faute de leur part. Le babillard est à l’usage de l’Association et le locataire, à titre de Président, devait informer les résidents de la démission de Mme Richer à titre de membre de l’Association. Il avait donc droit d’y afficher la documentation relative à l’assemblée générale.

[100] Par ses réponses, Mme François connaît peu l’organisation d’une Association de locataires. Le témoignage de Dany Taleb est réducteur quant au rôle d’un membre de l’Association.

[101] Quant à Mme Cabrini, elle est peu objective tellement elle aime le locataire.

[102]     Le Tribunal ne retient pas la version offerte par Mme Richer. Même Mme Lefebvre la contredit sur les manettes de la télévision. Le Tribunal croit davantage le locataire qui nie avoir donné la permission de fumer. La version du locataire est d’ailleurs confirmée par Lise Lussier.

[103]     Aussi, comment croire les plaignantes qui affirment vivre l’enfer avec le locataire, mais qui participent aux activités.

[104]     Quant à Mme Lefebvre, à l’évidence, une certaine jalousie s’est installée. Lorsqu’elle dit : « c’est le boss président des loisirs (…) il fait des plaintes parce que des quadriporteurs sont stationnés devant la porte (…) pas le patron du building ».

[105]     Quant au locataire, il n’hésite pas à admettre ses erreurs, et ce, à plusieurs occasions durant son témoignage. Il a peu de respect pour les agents de sécurité. Il esquive les questions de Me Durand sur le dossier criminel et ne coopère pas au contre-interrogatoire. Mais plusieurs de ses allégations sont probantes. Voici pourquoi.

·         Les reproches découlent-ils du rôle de président de l’Association ?

[106] Oui. La chronologie des événements depuis l’accession du locataire au poste de Président de l’Association convainc le Tribunal que les événements découlent de son implication. Les problèmes débutent peu de temps après le début de son mandat de président de l’Association.

[107]     Par exemple, l’événement du déménagement des biens d’une dame hospitalisée méritait l’intervention du locataire, voire de toute personne consciencieuse : le camion n’est pas identifié et porte des graffitis, et M. Taleb ne porte pas un habit indiquant qu’il est un employé de l’OMH.

[108]     L’absence de représentant de l’OMH à l’immeuble mérite davantage de vérification de la part des résidents. Or, l’erreur du locataire, c’est son approche, les menaces et le ton inapproprié. Ajoutons que Mme Richer n’avait pas une autorisation écrite pour vendre les meubles de la dame hospitalisée ; elle l’obtiendra le jour de sa mort !

[109]     La pièce L-21 démontre que le locateur ne comprend pas le rôle du locataire à titre de Président de l’Association. Le témoignage des représentants de l’OMH est réducteur quant au véritable rôle d’un représentant de l’Association. Ce n’est pas seulement gérer la salle communautaire, comme l’a déclaré M. Pilon.

[110]     La pièce L-2 atteste du nombre impressionnant d’activités organisées par le locataire. Nul doute que les précédents membres de l’Association soient jalouses de l’énergie déployée par le locataire, comme l’ont affirmé les locataires Georges Philippe, Paule Allard et Lise Lussier.

[111]     Les interventions et plaintes du locataire quant au quadriporteur de Mme Richer découlent de son rôle à titre de membre de l’Association[14].

[112]     Enfin, les témoignages de Georges Philippe, Lorémie Sterison, Paule Allard, Lise Lussier et Fabiola Collado sont à l’effet qu’un clan existe au sein de l’immeuble.

[113]     C’est pourquoi, le Tribunal juge que les reproches au locataire découlent de son implication au sein de l’Association. À cet égard, le Tribunal partage la conclusion de la regrettée juge administrative Claire Courtemanche, dans la décision Saguenay (Office municipal d'habitation de) c. Thurber[15] :

« [212] CONSIDÉRANT qu’en ce qui concerne la demande en résiliation de bail déposée par le locateur, la preuve révèle que les problèmes ne résultent pas de la relation locateur-locataire dans le cadre d’un bail de logement, mais plutôt de problèmes relationnels entre le locataire et l’Association des locataires, auxquels le locataire a lui-même impliqué le locateur alors que ce dernier aurait dû refuser catégoriquement d’y être mêlé puisque ces problèmes ne le concernent pas et que les problèmes soulevés ne relèvent pas de la juridiction de ce Tribunal; »

[114]     Ainsi, les conflits qui découlent de relations entre les locataires et les membres de l’Association ne relèvent pas de la compétence de la Régie du logement. Si les locataires de l’immeuble veulent mettre fin à la charge d’un membre de l’Association, ils pourront le faire lors d’une Assemblée.

·         Le locataire trouble-t-il la jouissance normale et la tranquillité des autres locataires ?

[115]     Non. La preuve ne démontre pas qu’à titre de locataire, il ait troublé la jouissance des autres locataires. En effet, en référence à l’annexe amendée à la demande du locateur, la preuve ne démontre pas :

·         Que des locataires soient apeurées et traumatisées (parag. 7);


·         Que le locataire possède un barbecue (parag. 8);

·         Que le 23 novembre 2019, il a crié des insultes gratuitement dans le corridor à l’endroit d’une locataire (parag. 12);

·         Que le locataire ait atteint à la réputation d’une autre locataire en affichant un papier sur le babillard (parag. 15). Au contraire il respectait l’article 6 des Règlements sur les avis de convocation à l’Assemblée générale;

·         Que les comportements du locataire ont installé un climat de terreur et d’intimidation (parag. 15 B);

·         Que l’inexécution des obligations du locataire empêche et prive les autres locataires de l’immeuble de jouir normalement, et en toute tranquillité, de leur logement (parag. 18);

·         Que le comportement du locataire insécurise les autres locataires (parag. 19 );

[116]     Au contraire, le locataire s’impose, à titre de président, pour faire respecter les règlements de l’immeuble.

[117]     Quant à certains propos à l’endroit de Mme Richer, le Tribunal ne les juge pas suffisants pour conclure que le locataire trouble la jouissance normale de celle-ci, puisqu’elle est l’instigatrice de plusieurs troubles. En effet, la preuve est prépondérante que les actions de Mme Richer ont entraîné les réactions du locataire, à l’occasion, inappropriées. La preuve convainc qu’elle a agi par vengeance et jalousie.

[118]     Enfin, le locateur n’a prouvé aucun manquement du locataire avant son arrivée au poste de Président.

·         Le comportement du locataire envers les représentants de l’OMH et ses mandataires est-il suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ?

[119]     Le locataire admet avoir tenu des propos inappropriés à l’endroit de représentants du locateur. Il n’en est pas fier.

[120]     D’autre part, le Tribunal doit analyser les déclarations et événements dans un contexte du rôle du locataire au sein de l’Association des locataires de l’immeuble.

[121]     En effet, le locateur n’a aucun personnel « en résidence » dans l’immeuble. Il délègue en quelque sorte le rôle de surveillance et d’application des règlements aux membres de l’Association. Même la préposée aux relations avec les locataires de l’OMH, Mme François, ignore l’intégralité du rôle et des responsabilités des membres de l’Association.

[122]     Le locateur a omis d’informer l’équipe de sécurité du rôle et des responsabilités des membres de l’Association. Cette omission a entraîné de l’incompréhension auprès du personnel de sécurité. Le témoignage de Steven Bussière est probant que sa perception du locataire découle de sa méconnaissance du rôle de Président. Le Tribunal comprend que, voulant éviter les injustices, l’OMH ne veuille pas aviser un agent de sécurité du rôle d’un membre de l’Association.

[123]     Cependant, en l’instance, l’omission de l’OMH de reconnaître le véritable rôle des membres de l’Association, de respecter ce rôle et d’en avertir le personnel de sécurité a entrainé des interventions inutiles, voire inappropriées. Ajoutons que les communications déficientes entre les intervenants de l’OMH n’ont pas aidé (absence d’avoir avisé l’Association que Mme Richer avait l’autorisation de stationner son quadriporteur sous les escaliers, l’autorisation de la présence du barbecue, etc.).

[124]     Par exemple, l’accusation d’avoir entreposé un barbecue de 6 pieds de long sur son balcon ne tient pas la route et l’intervention des agents de sécurité en pleine réunion privée du locataire est fautive. Le locataire admet qu’il n’est pas fier de sa réplique. Mais, dans le contexte où le barbecue est la propriété de l’Association, la plainte de Mme Richer contre le locataire, quant aux bonbonnes de propane, est simplement vicieuse.


[125]     Pourquoi le locateur n’a-t-il pas eu la courtoisie d’avertir l’Association du changement de serrure de la salle communautaire ? S’il avait été avisé, le locataire ne serait pas intervenu auprès de M. Letinville.

[126]     Évidemment, le Tribunal ne cautionne pas la manière d’agir du locataire, mais il comprend sa perception du manque de respect de l’OMH envers l’Association. Son implication durant la COVID, devant l’absence d’action de l’OMH, montre à quel point il se préoccupe des locataires de l’immeuble.

[127]     De même, si Dany Taleb avait porté des vêtements attestant qu’il est à l’emploi de l’OMH et si le camion de déménagement portait un signe à cet effet plutôt que des graffitis, l’intervention du locataire aurait été différente. Avec l’intention la plus noble de protéger les biens d’une personne âgée hospitalisée, le locataire s’est soucié de savoir ce qui se passait. Son intervention fut inappropriée, voir intolérable, mais elle était bien motivée à la base.

[128]     Enfin, pourquoi l‘OMH gère-t-elle les plaintes du locataire quant aux comportements de certains résidents, comme s’il était un simple locataire[16]? On comprend la déception du locataire.

[129]     Me Cantin a raison de plaider que l’OMH oublie que l’Association a aussi pour rôle de représenter et défendre les droits des locataires, non pas simplement de gérer une salle de loisirs.

·         L’événement du 18 février 2020 justifie-t-il, à lui seul, la résiliation du bail ?

[130]     La jurisprudence reconnaît que, même isolé, un geste grave peut donner ouverture à la résiliation du bail[17].

[131]     La preuve est convaincante que le locataire a répliqué de manière violente lors de l’événement du 18 février 2020.

[132]     Le Tribunal ne peut tolérer un tel geste posé à l’endroit d’un invité d’un autre locataire de l’immeuble[18], ni cautionner un tel comportement, qui dépasse et excède les limites de la tolérance.

[133]     Toutefois, si M. Bastien n’était pas intervenu, le locataire aurait présenté ses excuses à Mme Lefebvre. Le Tribunal croit les propos du locataire à cet égard.

[134]     De plus, si le locataire n’avait pas été président de l’Association, il n’aurait pas eu à prêter l’espace de stationnement de Mme Lefebvre. L’altercation ne serait pas survenue.

[135]     Au surplus, l’occupation temporaire de la place de stationnement, par le peintre, est tout à fait explicable et Mme Lefebvre aurait dû faire preuve de plus de compréhension, de courtoisie et ne pas invectiver le locataire, comme elle l’a fait.

[136]     Certes, le locataire n’est pas un ange, il a un ton de voix ferme et fort, et il réagit promptement, de manière impulsive.

[137]     En revanche, il se dévoue corps et âmes au bien-être et à la défense des occupants de l’immeuble. Comme dit la citation « on a toujours les défauts de ses qualités, rarement les qualités de ses défauts »[19].

[138]     Or, pour la première fois depuis plusieurs années, les locataires de l’immeuble jouissent d’une Association dévouée, impliquée, qui multiplie l’organisation d’événements de loisirs auprès de ses membres.

[139]     Le Tribunal partage l’opinion d’Anie Samson qu’il y a présence, ici, d’une injustice envers le locataire. L’OMH aurait dû impliquer un médiateur pour gérer le conflit entre Mme Richer et le locataire.


[140]     Le témoignage de M. Pilon fut très inspirant pour comprendre la réalité des Associations de locataires, mais également la problématique du milieu de vie en HLM. Il est très réducteur de limiter le rôle de l’Association à un simple comité de loisirs, comme il l’a mentionné.

[141]     En l’instance, il s’agit d’une situation singulière qui se distingue, à bien des égards, des cas de jurisprudence soumise par l’OMH.

[142]     Par conséquent, le Tribunal rejette la demande de résiliation du bail du locateur.

[143]     Enfin, le locataire, un ancien alcoolique sobre depuis huit ans, met en pratique les enseignements des Alcooliques anonymes (AA) et il a suivi, à ce jour, trois séances avec M. Nestor. Le Tribunal est convaincu que, conscient de son tempérament prompt, le locataire maintiendra ses rencontres avec M. Nestor pour apprendre à interagir avec plus de respect auprès du personnel de l’OMH et de ses mandataires.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[144]     REJETTE la demande du locateur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sophie Alain

 

Présence (s) :

Me Marie-Pier Durand, avocate du locateur

le locataire

Me Jean Cantin, avocat du locataire

Date de l’audience :

5 juin 2020

Présence(s) :

Me Marie-Pier Durand, avocate du locateur

Marie Sophie Balbin, stagiaire en droit pour le locateur

le locataire

Me Jean Cantin, avocat du locataire

Dates des audiences:           

25 mai 2020

29 juin 2020

 

 

 


 



[1] En incluant 20 $ pour le droit d’usage d’un espace de stationnement.

[2] Pièce L-26.

[3] Pièce L-20.

[4] Pièce L-23.

[5] Pièce L-33.

[6] Entre autres, l’adoption, en 2002, de l’article 58.2 de la Loi sur la Société d’habitation du Québec, RLRQ, chapitre S-8 :

« 58.2. Tout locataire de logements d’habitation administrés par un office a le droit de faire partie d’une association de locataires. Il a de plus le droit de participer à la formation de cette association, à ses activités et à son administration.

L’office doit reconnaître toute association de locataires qui se conforme aux directives émises par la Société. ».

[7] Article 1854 al.1 C.c.Q.

[8] Article 1860 C.c.Q. qui se lit comme suit :

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

[9] Article 1860, alinéa 3 C.c.Q.

[10] Article 1863, alinéa 1, C.c.Q.

[11] Par analogie, l'on retrouve, au titre des règles particulières à la propriété immobilière, l'article 976 C.c.Q. qui indique que les voisins « doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance, selon la nature ou la situation de leur propriété ou selon les usages locaux ».

[12] Pierre-Gabriel JOBIN, Traité de droit civil : Le louage, 2e édition, Les Éditions Yvon Blais, 1996, pages 252-253.

[13] Articles 2803, 2804 et 2845 C.c.Q.

[14] Pièce L-2.

[15] Saguenay (Office municipal d'habitation de) c. Thurber (R.D.L., 2016-05-02), 2016 QCRDL 15261, SOQUIJ AZ-51284349.

[16] Pièce L-21.

[17] Habitations St-Christophe inc. c. Michaud* (R.D.L., 2014-12-17), 2014 QCRDL 43598, SOQUIJ AZ-51137668, parag. 22, Requête pour permission d'appeler rejetée (C.Q., 2015-02-04) 540-80-005977-159, 2015 QCCQ 1835, SOQUIJ AZ-51159138; Montréal (Office municipal d'habitation de) c. Lemay (R.D.L., 2011-07-15), 2011 QCRDL 26587, SOQUIJ AZ-50772278, parag. 59; Habitations Solid'aires, s.e.n.c. c. Lafrenaye (R.D.L., 2013-09-04), 2013 QCRDL 29265, SOQUIJ AZ-51000753, parag. 32; Office municipal d'habitation de Montréal secteur Est c. Forcier (R.D.L., 2020-02-06), 2020 QCRDL 4213, SOQUIJ AZ-51667765.

[18] Pierre-Gabriel JOBIN, Le Louage, 2e édition, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 252-253.

[19] Herbert George Wells : http://evene.lefigaro.fr/citation/toujours-defauts-qualites-rarement-qualites-defauts-41071.php.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.