Greenstone Realties Inc./ Immeubles Greenstone inc. et Immeubles Blue Stone inc. |
2020 QCCS 3310 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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Chambre de pratique civile |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-14-054897-186 |
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DATE : |
20 octobre 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. |
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GREENSTONE REALTIES INC./ IMMEUBLES GREENSTONE INC. |
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Demanderesse |
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et |
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IMMEUBLES BLUE STONE INC. |
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9149-5408 QUÉBEC INC. |
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3007280 CANADA INC. |
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SUCCESSORIES T.M. INC |
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AGENCE DE REVENU DU QUÉBEC (Ministre du revenu en sa qualité d’administrateur provisoire pour Mme Juliette Timmins) |
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Personnes intéressées |
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JUGEMENT SUR SANCTIONS SUITE À UNE DÉCLARATION D’ABUS (Articles |
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[1] Le présent jugement s’inscrit dans le cadre d’une demande introductive d’instance déposée le 29 novembre 2018 (la « Demande Greenstone ») par la demanderesse Greenstone Realties inc. (« Greenstone ») pour se faire attribuer judiciairement le droit de propriété par prescription acquisitive décennale d’une parcelle de terrain (la « Parcelle Greenstone ») située sur une ruelle désaffectée (la « Ruelle ») se trouvant à l’arrière de son immeuble du 2825 chemin Bates à Montréal (le « 2825 Bates » ou l’« Immeuble Greenstone »).
[2] Dès le début, la Demande Greenstone fut vivement contestée par la personne intéressée Immeubles Blue Stone inc. (« Blue Stone ») qui est le voisin immédiat de Greenstone, possédant l’immeuble situé au 2845-2875 chemin Bates (le « 2875 Bates » ou l’« Immeuble Blue Stone »).
[3] Le 22 janvier 2019, Blue Stone dépose un exposé sommaire de ses moyens de contestation pour empêcher Greenstone d’être déclarée propriétaire de la Parcelle Greenstone par prescription acquisitive.
[4] Bref, Blue Stone considère que Greenstone ne peut légalement acquérir la Parcelle Greenstone par voie d’acquisition décennale et s’oppose donc à sa démarche judiciaire.
[5] En déposant la Demande Greenstone, une procédure en matière non contentieuse, Greenstone ne s’attendait aucunement à ce que son voisin Blue Stone fasse des pieds et des mains pour bloquer à tout prix son projet d’acquérir la Parcelle Greenstone pour lui permettre de démolir ensuite l’édifice commercial du 2825 Bates et y construire un nouveau projet immobilier d’envergure.
[6] Après tout, quelques mois auparavant, Blue Stone avait déposé une procédure similaire en vue d’acquérir par prescription décennale la parcelle de ruelle adjacente au 2875 Bates. À l’instar de Greenstone, Blue Stone envisageait de démolir l’édifice s’y trouvant pour ériger un nouveau complexe résidentiel lequel devait empiéter sur la parcelle de la ruelle adjacente à l’Immeuble Blue Stone que Blue Stone convoitait.
[7] Le 16 août 2018, à la veille de la présentation de sa propre demande devant la juge Guylène Beaugé, M. Ariel Ohayon (« M. Ohayon ») de Blue Stone conclut une entente avec M. Avraham Dayan (« M. Dayan ») de Greenstone voulant qu’en considération du consentement de Greenstone à ce que Blue Stone procède sans opposition à sa demande, Blue Stone s’engageait à consentir à une telle demande subséquente de Greenstone :
Should Greenstone Realties
Inc., which owns lot 2,174,639, file proceedings before the Court to
acquire by prescription the part of the alley that is directly in the back of
their property, which is a portion of the alley 2,482,537, I hereby [irrevocably]
consent to such acquisition by prescription.
Ariel Ohayon[1]
[8] Pour l’essentiel, M. Ohayon prétendait qu’en ayant rayé le mot « irrevocably », il n’était plus lié par cet engagement pourtant clair et limpide.
[9] La contestation de Blue Stone a malencontreusement déclenché une guerre procédurale qui s’est étendue sur plus de douze mois alors que Greenstone s’attendait à obtenir jugement favorable dès décembre 2018 aussi rapidement que Blue Stone avait pu l’obtenir le 17 août 2018 par l’entremise de la juge Beaugé[2] (le « Jugement Beaugé »).
[10] Ce n’est que le 17 août 2020, que le juge Bernard Synnott a accueilli la Demande Greenstone (le « Jugement Synnott »), ironiquement deux ans jour pour jour après le Jugement Beaugé rendu en faveur de Blue Stone.
[11]
Mais, pour pouvoir obtenir le Jugement Synnott, Greenstone a dû faire
face à une demande de Blue Stone visant le rejet de la Demande Greenstone ainsi
qu’une déclaration que cette procédure était abusive selon les articles
[12] Les 11 et 12 décembre 2019, le soussigné a entendu les parties tant au niveau de la Demande en rejet Blue Stone que d’une Demande de Greenstone en rejet des moyens de contestation de Blue Stone et en homologation d’une transaction intervenue en août 2018 avec Blue Stone (la « Demande en rejet et en homologation Greenstone »).
[13] Le 14 janvier 2020, le soussigné rendait un jugement[3] donnant entièrement raison à Greenstone, entre autres, quant au caractère abusif des procédures de Blue Stone dans la présente instance et comportant le dispositif suivant :
[236] ACCUEILLE en partie la Demande de la demanderesse Greenstone Realties inc. en rejet des moyens de contestation de la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. et en homologation d’une Transaction ;
[237] HOMOLOGUE la transaction intervenue entre la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. et la demanderesse Greenstone Realties inc., en date du 16 août 2018, telle que plus amplement constatée aux Pièces R-5, R-7, R-8, R-9 et R-10, incluant, sans pour autant limiter la généralité qui précède, l’engagement suivant de la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. envers la demanderesse Greenstone Realties inc. :
Should Greenstone Realties Inc., which owns lot 2,174,639, file proceedings before the Court to acquire by prescription the part of the alley that is directly in the back of their property, which is a portion of the alley 2,482,537, I hereby consent to such acquisition by prescription. Arieh Ohayon
[collectivement la « Transaction ») ;
[238] DÉCLARE la Transaction exécutoire ;
[239] REJETTE la contestation ainsi que les moyens de contestation de la personne intéressée Immeubles Blue Stone inc., incluant les moyens de contestation modifiés du 9 décembre 2019 ;
[240] REJETTE la Demande de la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. pour faire rejeter et déclarer abusive la Demande en justice introductive d’instance en acquisition du droit de propriété par prescription décennale de la demanderesse Greenstone Realties inc. ;
[241] DÉCLARE abusives,
aux termes des articles
[242] CONVOQUE la demanderesse Greenstone Realties inc. et la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. à une audience à une date à être fixée ultérieurement pour entendre ces parties relativement aux dommages punitifs et compensatoires réclamés par la demanderesse Greenstone Realties inc. en lien avec la déclaration d’abus ci-devant prononcée ;
[243] ORDONNE que la Pièce R-14 soit traitée confidentiellement par les parties et demeure sous scellés au dossier de la cour jusqu’à nouvel ordre à l’effet contraire ;
[244] DÉCLARE demeurer saisi du présent dossier à la seule fin d’entendre les parties et d’adjuger sur les dommages punitifs et compensatoires réclamés par la demanderesse Greenstone Realties inc. en lien avec la déclaration d’abus ci-devant prononcée ;
[245] LE TOUT avec les frais de justice payables par la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. à la demanderesse Greenstone Realties inc. sur chacune des demandes visées par le présent jugement.
[Le « Jugement Pinsonnault »]
[14] Le 1er octobre 2020, le Tribunal a entendu les parties conformément aux paragraphes 241, 242 et 244 du Jugement Pinsonnault afin d’adjuger sur les dommages punitifs et compensatoires réclamés par Greenstone.
[15] Après divers ajustements et amendements dont certains suscités par le contre-interrogatoire de l’avocat de Greenstone au sujet des notes d’honoraires produites, la demanderesse réclame finalement des dommages compensatoires de 267 151,53 $[4] représentant certains des honoraires et débours extrajudiciaires engagés par Greenstone par rapport aux 307 090,76 $[5] réclamés précédemment.
[16] Bref, Greenstone réclame à titre de dommages compensatoires tous les honoraires et débours extrajudiciaires engagés dans la présente instance depuis le dépôt des moyens de contestation de Blue Stone le 22 janvier 2019.
[17] Greenstone demande par ailleurs le versement d’une somme de 100 000[6] $ à titre de dommages punitifs et exemplaires afin de sanctionner la conduite qualifiée de répréhensible et de manifestement abusive de la demanderesse depuis le début du dossier, laquelle a été marquée par une utilisation excessive et déraisonnable de la procédure et des tribunaux.
[18] Greenstone affirme que n’eut été de la contestation de Blue Stone en contravention flagrante de son engagement d’août 2018, Greenstone aurait vraisemblablement obtenu jugement en décembre 2018 et par conséquent, n’aurait jamais eu à engager ces honoraires et débours.
[19] Ces honoraires et débours sont une conséquence directe des manœuvres et procédures abusives de Blue Stone telle que constatée dans le Jugement Pinsonnault.
[20] Greenstone explique que l’accroissement important des dommages compensatoires réclamés découle principalement des coûts associés à la conduite procédurale abusive de Blue Stone qui a persisté au-delà du Jugement Pinsonnault malgré le message pourtant clair y énoncé quant au comportement abusif et inacceptable de Blue Stone dans cette affaire.
[21] Le Tribunal n’entend pas faire état à nouveau de la conduite de Blue Stone dans la présente instance déjà qualifiée d’abusive aux termes du Jugement Pinsonnault lequel relate en détail les constats faits par le soussigné à cet égard en concluant, entre autres, qu’une transaction était bel et bien intervenue en août 2018 entre M. Dayan et M. Ohayon aux termes de laquelle chacune des parties s’engageait essentiellement de ne pas s’opposer aux démarches de l’autre pour obtenir une déclaration judiciaire d’acquisition de la parcelle de la Ruelle qui les intéressait par voie de prescription acquisitive décennale.
[22] C’est ainsi que le soussigné a homologué la transaction en question et a forcément conclu qu’en raison de cette transaction, Blue Stone était mal venue de contester la Demande Greenstone d’où le rejet desdits moyens de contestation ce qui ouvrait la voie à Greenstone de finalement tenter d’obtenir jugement sur sa Demande Greenstone.
[23] Bien qu’en se prononçant sur un abus de procédure, le Jugement Pinsonnault était exécutoire de plein droit nonobstant appel[7], Greenstone n’a pu obtenir le Jugement Synnott que le 17 août 2020 en raison de la déclaration d’appel déposée par Blue Stone le 19 février 2020, accompagnée, par mesure de précaution, d’une requête de bene esse pour permission de se pourvoir en appel du Jugement Pinsonnault ce qui suscita le déploiement de procédures judiciaires additionnelles de la part de Greenstone pour faire valoir ses droits.
[24] Le 6 mars 2020, le juge Stéphane Sansfaçon de la Cour d’appel défère la requête de bene esse pour permission d’appeler à une formation de la Cour et ordonne que dans l’éventualité où une requête en rejet soit déposée par Greenstone, qu’elle soit présentée et débattue en même temps que la requête de bene esse pour permission d’appeler :
[14] Puisque les jugements et arrêts de la Cour ne permettent pas de solutionner de façon suffisamment certaine la voie à suivre en pareil cas, je me propose de déférer la requête pour permission d’appeler à une formation de la Cour. Puisque l’intimée annonce lors des plaidoiries vouloir présenter une demande en rejet de l’appel, que l’appel soit logé de plein droit ou sur autorisation, et vu le temps requis pour prendre connaissance du dossier et le principe de la proportionnalité, il m’apparaît approprié que toutes les demandes soient traitées en même temps par une même formation de la Cour.[8]
[25] Le 9 juillet 2020, une formation de la Cour d’appel rejette la requête de bene esse pour permission d’appeler, accueille la requête de bene esse en rejet d’appel avec les frais de justice et rejette l’appel de Blue Stone avec les frais de justice[9].
[26] Pour l’essentiel, la Cour d’appel conclut que l’appel soit de plein droit ou qu’il requiert une permission en tout ou en partie, l’appel de Blue Stone ne devait pas aller de l’avant puisqu’il ne présentait aucune chance raisonnable de succès[10].
[27] Le 17 août 2020, Greenstone obtient enfin le Jugement Synnott qui déclare celle-ci propriétaire par prescription acquisitive décennale de la parcelle de la Ruelle derrière le 2825 Bates et ce, sans l’intervention ou l’opposition de Blue Stone.
ANALYSE
[28]
L’article
[29] Parmi les dommages-intérêts compensatoires pouvant être octroyés, se trouvent notamment les honoraires que la partie visée par un acte de procédure abusif a dû engager pour se défendre contre celui-ci.
[30] Dans Sommet Prestige Canada inc. c. Ville de Saint-Bruno-de-Montarville[11], la juge Claude Dallaire rappelle que la décision sur les honoraires qui fait suite au rejet d’un recours jugé abusif n’est pas isolée ni désincarnée de celle qui prononce le rejet du recours et énonce les motifs justifiant un tel rejet et que par conséquent, les motifs de rejet peuvent jouer un rôle dans la détermination du droit aux dommages qui résultent d’un tel rejet, ainsi que dans la détermination de leur quantum[12].
[31] La juge Dallaire ajoute :
[85] La Cour d’appel nous enseigne que
l’application de l’article
[124] Cela dit, il
convient de rappeler, à l’instar de l’arrêt Compagnie Montréal Trust,
que l’application des clauses contractuelles de ce genre doit se faire de manière
raisonnable, sous le contrôle du tribunal, dans une perspective contextuelle.
En fait, on doit lire dans toutes ces clauses, en filigrane, que seuls peuvent
être réclamés les honoraires et débours raisonnablement encourus et non
excessifs ou abusifs, dans le respect des métarègles issues des articles
[Soulignement ajouté]
[32] Ainsi, lorsque le Tribunal conclut à l’abus et que la partie visée par cet abus réclame les honoraires extrajudiciaires qu’elle a dû défrayer pour se défendre, le Tribunal doit en analyser le caractère raisonnable à la lumière des facteurs suivants :
- l’importance et la difficulté du litige ;
- le temps qu’il était nécessaire d’y consacrer ;
- la façon dont l’instance a été menée par la partie qui réclame le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires ;
- la raisonnabilité intrinsèque du taux horaire de l’avocat de cette partie ou du montant facturé ;
- la proportionnalité des honoraires réclamés au regard de la condamnation prononcée et l’ensemble du contexte.
[33] Enfin, la partie qui réclame le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires doit également démontrer un lien de causalité entre les honoraires réclamés et l’abus fautif.
[34] D’emblée, à la lumière de ce qui précède, quant à l’établissement d’une faute entrainant la responsabilité civile de Blue Stone et le lien de causalité entre les honoraires réclamés et l’abus de Blue Stone, le Jugement Pinsonnault sert de point de référence :
[167] Avec égards, on ne peut avoir une illustration plus patente d’un comportement caractérisé par la mauvaise foi d’un homme d’affaires qui a abusé de la bonne foi de M. Dayan et de son avocate Chênevert [BLG] en obtenant malhonnêtement et sous de fausses raisons le consentement écrit qui a permis à M. Ohayon d’obtenir le Jugement Beaugé sans contestation de la part de Greenstone.
[168] Il s’agit d’un comportement inacceptable et clairement abusif qui mérite une sanction. Mais quoique le comportement de M. Ohayon soit abusif, celui-ci n’a pas pour effet d’invalider la Transaction ou de lui faire dire ce que le libellé du texte ne dit pas.
[169] Le Tribunal ne partage pas du tout la position de M. Ohayon que toutes les conditions qu’il a exigées par écrit au cours des négociations, mais qui ont été retirées avant la conclusion de la Transaction, demeurent toujours sous-jacentes et opposables à Greenstone.
[170] Peut-on réellement se fier à la parole et aux écrits de l’homme d’affaires Ohayon?
[171] L’engagement écrit par M. Ohayon le 16 août 2018 est clair, lipide et ne prête à aucune équivoque :
Should Greenstone Realties Inc., which owns lot 2,174,639, file proceedings before the Court to acquire by prescription the part of the alley that is directly in the back of their property, which is a portion of the alley 2,482,537, I hereby consent to such acquisition by prescription.
[172] Sous réserve des conclusions recherchées dans la Demande Greenstone éventuelle qui devaient être similaires à celles de la Demande Blue Stone, cet engagement est clairement inconditionnel même si ce mot n’y apparaît pas explicitement.
[173] Qui plus est, l’omission intentionnelle du mot « irrevocably » par M. Ohayon, même si demandé dans le texte proposé par l’avocate Chênevert, ne signifie pas automatiquement que le consentement explicite de M. Ohayon est devenu soudainement révocable à son bon gré sans qu’il eût été nécessaire de le préciser dans la version finale de la Transaction.
[174] Considérant, le comportement manifestement peu fiable de M. Ohayon, Me Chênevert était certes justifiée d’inclure le mot « irrevocably » par mesure de précaution dans son dernier projet de lettre soumis à Me Ionata. Faut-il rappeler que dans un courriel du 15 août 2018, Me Ionata avait lui-même utilisé ce mot pour faussement qualifier les instructions « irrévocables » et le consentement « inconditionnel » de son client[15] ?
[…]
[179] Bref, le moyen de défense lié au caractère révocable de l’engagement souscrit par M. Ohayon est totalement frivole et clairement empreint de mauvaise foi.
[180] Il en est de même pour l’argument que la Demande Greenstone originale soi-disant « contrevenait » irrémédiablement à la Transaction en incluant la parcelle de la Ruelle située derrière l’Immeuble Berkovitc.
[181] Un examen de la Demande Greenstone permet de constater facilement qu’il s’agit essentiellement de deux procédures en attribution judiciaire d’un droit de propriété par prescription acquisitive décennale visant deux parcelles de lots distinctes en faveur de deux demanderesses distinctes. Bref, deux procédures distinctes dans un même dossier.
[182] La présence de Mme Berkovitc comme codemanderesse n’affectait en rien les droits et obligations de Blue Stone envers Greenstone aux termes de la Transaction.
[183] Ce moyen de contestation n’est pas sérieux et est une autre manifestation du caractère abusif du comportement de Blue Stone dans cette malencontreuse saga. Le 26 février 2019, Blue Stone s’est opposée à la modification de la Demande Greenstone modifiée relativement au retrait de la demanderesse Mme Berkovitc ainsi que des allégations et des conclusions la concernant, provoquant par le fait même des délais additionnels et l’obligation de débattre cette demande de modification en cour. Cette demande a été accueillie le 23 mai 2019. Faut-il rappeler que Blue Stone ne possède aucun intérêt relativement à l’Immeuble Berkovitc ni sur la parcelle de la Ruelle totalement impraticable derrière cet immeuble?
[184] Enfin, Blue Stone soulève le caractère tardif de la Demande en homologation, d’autant plus que la Demande Greenstone a toujours été silencieuse sur le consentement de Blue Stone par l’entremise de M. Ohayon.
[185] Il s’agit à nouveau d’un moyen de contestation tout à fait frivole.
[…]
[199] La mauvaise foi de Blue Stone et de son âme dirigeante M. Ohayon à l’endroit de Greenstone et de M. Dayan ne fait aucun doute dans l’esprit du Tribunal.
[200] Le régime des articles
[201] L’abus associé à un acte de procédure doit constituer une faute commise à l’occasion d’un recours judiciaire. Les tribunaux sanctionnent notamment celui qui entame des procédures en sachant que son recours est mal fondé, l’utilisation déraisonnable de la procédure ou l’action frivole ou vexatoire.
[202] Voici les caractéristiques d’une procédure fautive :
- comportement contraire aux finalités du système juridique ;
- témérité caractérisée par l’inexistence d’un fondement juridique identifiable objectivement ;
- allégations qui ne résistent pas à une analyse attentive ;
- surenchère hors de proportion avec le litige réel entre les parties.
[203] Par ailleurs, le Tribunal doit rechercher les véritables intentions dissimulées derrière la procédure visée par la demande en abus. Ainsi, dans Québec (Ville de) c. Cogeco inc.[16] :
[24] Le Tribunal doit rechercher, tel que la Cour d’appel le précise dans Lavoie c. Vailles, les véritables intentions de la Ville en dirigeant un recours contre Cogeco.
[25] Dans cette décision, la Cour d’appel nous enseigne ce qui suit :
« [57] De tels arguments ne convainquent pas le Tribunal. Le fondement apparent du recours ne constitue pas le seul critère qui doit être considéré dans l’analyse. Le Tribunal doit se pencher sur les véritables intentions dissimulées derrière le recours entrepris et examiner s’il s’y trouve une volonté de nuire au défendeur, détournant ainsi les fins de la justice. »
[Soulignement ajouté]
[204] Qu’en est-il en l’espèce?
[205] La preuve offerte par les avocats de Greenstone convainc amplement le Tribunal que les multiples procédures engagées dans le présent dossier, qui se veut à la base une procédure non contentieuse, sont clairement excessives et déraisonnables et n’obéissent certes pas à la règle de la proportionnalité.
[…]
[215] Bref, Blue Stone, parfaitement consciente qu’elle était liée par la Transaction en ayant consenti à la Demande Greenstone, a néanmoins multiplié les procédures contre Greenstone avec un acharnement peu ordinaire, d’autant plus qu’elle n’avait aucun intérêt juridique justifiant son intervention tant sur la Parcelle Greenstone que sur la parcelle située derrière l’Immeuble Berkovitc.
[216] Tel que susdit, la mauvaise foi et l’abus de Blue Stone ne pouvaient être plus flagrants qu’au moment où elle s’est opposée à la modification de la Demande Greenstone avec le désistement de Mme Berkovitc et le retrait de toutes les allégations et conclusions la concernant.
[217] Le Tribunal partage entièrement l’avis des avocats de Greenstone qu’il s’agit d’une utilisation déraisonnable et excessive de la procédure et de l’utilisation des tribunaux à mauvais escient de la part de Blue Stone, particulièrement dans un contexte où Blue Stone avait déjà consenti au recours de Greenstone en vertu de la Transaction et qu’elle n’avait aucun intérêt né, réel et actuel dans le résultat ultime de la Demande Greenstone, même lorsque celle-ci visait deux parcelles de la Ruelle.
[218] Il importe de se pencher sur la véritable intention de Blue Stone derrière sa conduite abusive dans le présent dossier.
[219] En tenant pour acquis la Transaction intervenue précédemment et le fait que Blue Stone n’avait aucun intérêt juridique à contester la Demande Greenstone, son comportement ne peut être motivé que dans un désir de de nuire à son voisin Greenstone.
[220] Plus précisément, le Tribunal retient de la preuve que Greenstone et Blue Stone sont des voisins immédiats ayant chacune acquis des propriétés commerciales de valeur importante sur le chemin Bates dans le même but avoué de démolir les édifices existants et d’y établir leur propre développement immobilier.
[221] Dans tous les cas, l’acquisition des Parcelles Blue Stone et Greenstone était essentielle à leur projet de développement immobilier respectif.
[222] Force est de croire que Blue Stone devait manifestement s’attendre à un avantage quelconque lié au retard qu’elle a vraisemblablement pu occasionner à Greenstone jusqu’à présent pour la mise en marché de son projet immobilier en multipliant les procédures non seulement frivoles et dilatoires, mais clairement excessives et hors de proportion par rapport aux enjeux réels pour Greenstone et Blue Stone dans le présent dossier.
[223] Il faut également se questionner si, étant donné l’existence de la Transaction qui la liait, Blue Stone n’était pas motivée également par l’objectif d’épuiser financièrement Greenstone avec la panoplie de procédures inutiles auxquelles cette dernière a dû faire face jusqu’à présent aux mains des avocats de Blue Stone, qui ont remplacé Me Ionata qui, le 11 décembre 2018, avait confirmé par aveu judiciaire à la juge Beaugé l’entente réciproque à laquelle était liée sa cliente d’alors. Le fait d’avoir substitué l’avocat Ionata dans les jours qui ont suivi cet aveu judiciaire ne faisait pas « disparaître » la Transaction et ses effets pour autant.
[224] Pour tous ces motifs, il y a lieu pour le
Tribunal de déclarer que la contestation de Blue Stone à la Demande Greenstone
initiale et modifiée et que son comportement procédural sont abusifs au sens
des articles
[225] Le Tribunal constate donc l’abus de Blue Stone.
[226] Quant au remède, il a été entendu que selon les conclusions que le Tribunal allait tirer de la preuve, la détermination du remède approprié à la conduite abusive de Blue Stone aurait lieu ultérieurement dans le cadre d’une seconde audience à cette fin.
[Soulignement ajouté]
[35] Au niveau de la preuve offerte quant aux honoraires et débours engagés qui sont réclamés par Greenstone lesquels totalisent maintenant 267 151,53 $, la demanderesse a produit l’ensemble des notes d’honoraires détaillées couvrant les services rendus non pas à compter du dépôt de la Demande Greenstone le 29 novembre 2018, mais plutôt à compter du 22 janvier 2019, lors du dépôt de la contestation de Blue Stone déclarée abusive, et ce, jusqu’à la présente audience.
[36] Ces notes d’honoraires fort détaillées révèlent, entre autres, l’identité de tous les avocats et parajuristes impliqués ainsi que leurs tarifs horaires respectifs au fil du temps.
[37] Ces notes d’honoraires couvrent tous les services rendus dans cette affaire depuis le 22 janvier 2019 incluant ceux liés à l’appel rejeté le 9 juillet 2020 et à l’obtention du Jugement Synnott.
[38] Le contre-interrogatoire de l’avocat principal responsable de ce dossier a cependant révélé l’existence de charges liées au temps consacré à plusieurs recherches qui se sont avérées inutiles telle une recherche sur la demande en déclaration d’inhabileté des avocats de Greenstone qui ne s’est jamais matérialisée, des recherches sur les recours potentiels en dommages contre M. Ohayon et Me Renno personnellement, des projets de lettre ou de courriel non envoyés, des recherches inexpliquées au bureau de la publicité des droits fonciers à un moment où de telles recherches n’étaient pas nécessaires sans parler d’entrées erronées identifiées par l’avocat de Blue Stone et la réclamation des taxes (TPS/TVQ) qui furent déjà traitées auprès des autorités fiscales et qui furent subséquemment retirées de la réclamation réduisant celle-ci à 267 151,53 $.
[39] Le contre-interrogatoire a également fait ressortir la présence de photocopies facturées en fonction d’un tarif de 0,50 $ par page dont une charge de 5 816,40 $ liée, semble-t-il, à l’impression de cahiers de pièces et d’autorités. En fait, le Tribunal a recensé des charges de photocopies totalisant 11 978,90 $.
[40]
Avec égards, dans le contexte où l’application de l’article
[41] Par ailleurs, l’avocat de Blue Stone a soulevé deux autres éléments à considérer dans l’établissement du quantum des dommages compensatoires, si le Tribunal envisage toujours octroyer de tels dommages, ajoutant que son client a bien compris le « message » suite au Jugement Pinsonnault.
[42] Avec égards, force est de constater que le « message » fut vraisemblablement mieux compris après le rejet de l’appel en juillet 2020.
[43] Selon l’avocat de Blue Stone, le Tribunal devrait exclure tous les honoraires et débours engagés par Greenstone au niveau de l’appel de Blue Stone au motif que cet appel ne peut être qualifié d’abusif. L’avocat précise que dans sa demande de bene esse en rejet de l’appel de Blue Stone, Greenstone avait demandé à la Cour d’appel de déclarer celui-ci abusif. Comme la Cour d’appel aurait refusé cette demande, Greenstone serait mal venue de prétendre que cette procédure était par conséquent abusive et donc susceptible d’être considérée au niveau des dommages compensatoires.
[44] Avec égards, le Tribunal ne partage pas l’opinion de l’avocat de Blue Stone à ce sujet.
[45] La Cour d’appel n’a pas rejeté la demande de déclaration d’appel abusif de Greenstone parce qu’elle était sans mérite. La formation de la Cour n’a fait que mentionner qu’elle n’avait pas besoin de déclarer l’appel d’abusif en rejetant l’appel :
[4] Pour les motifs qui suivent, nous sommes d’avis de rejeter la requête pour permission d’appeler de bene esse, d’accueillir la requête de bene esse en rejet d’appel et de rejeter l’appel, sans qu’il soit besoin de le déclarer abusif.
[46] Rappelons que la Cour d’appel a rejeté l’appel de Blue Stone à un stade préliminaire en accueillant la demande en rejet de Greenstone au motif de l’absence de chances raisonnables de succès :
[10] D’abord, que l’appel soit de plein droit ou qu’il requiert une permission en tout ou en partie, il ne devrait pas aller de l’avant puisqu’il ne présente aucune chance raisonnable de succès. Aucun des motifs d’appel soulevés par la déclaration d’appel ne pointe en direction d’une erreur révisable du juge. Tous les moyens reposent essentiellement sur l’appréciation des faits prouvés lors des deux jours qu’a durée l’audition.
[47]
Avec égards, le Tribunal est d’avis qu’aux termes de l’article
[48] À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos suivants de la juge Karen Kear-Jodoin dans l’affaire 9213-8643 Québec inc. c. Nunes[18] :
[21] Le Tribunal peut accorder les dommages équivalents aux honoraires et débours extrajudiciaires engagés par Nunes. En l’espèce, la preuve démontre que Nunes a encouru la somme de 10 839,62 $ pour se défendre contre cette poursuite ainsi que contre la demande pour permission d’appeler.
[22] Québec Inc. argue que le Tribunal ne doit pas tenir compte des honoraires et débours quant à la demande pour permission d’appeler de la décision. Le Tribunal n’est pas d’accord. Dès le début, la réclamation contre Nunes, dans ces circonstances, était vide de tout mérite. Même en ayant pris connaissance du jugement déclarant l’action abusive et dont les motifs sont clairs et très bien exprimés, la demanderesse a procédé avec une demande pour permission d’appeler. Le jugement même était tellement limpide que l’appel était voué à l’échec.
[Soulignement ajouté]
[49] Aux fins des présentes, il y a lieu de considérer les honoraires et débours raisonnables engagés par Greenstone dans sa contestation de la tentative de Blue Stone de se pourvoir en appel d’un jugement constatant, entre autres, sa conduite abusive d’autant plus qu’au stade de sa demande de bene esse pour permission de se pourvoir en appel, le pourvoi de Blue Stone est aussitôt apparu comme n’ayant aucune chance raisonnable de succès aux yeux de la formation de la Cour d’appel.
[50] À ce sujet, l’avocat de Greenstone a rétorqué que la réclamation des honoraires et débours générés par l’appel infructueux de Blue Stone était justifiée, car il s’agit d’un accessoire à la contestation originale adjugée comme étant abusive. Le Tribunal partage cette position vu le rejet immédiat prononcé par la Cour d’appel qui a constaté l’absence totale de chances de succès de l’appel projeté au stade préliminaire.
[51] Par ailleurs, l’avocat de Blue Stone a souligné que Greenstone ne pouvait réclamer à titre de compensation les honoraires et débours engagés pour obtenir le Jugement Synnott une fois que la tentative de pourvoi en appel a échoué, Blue Stone n’étant plus partie aux procédures de Greenstone et n’ayant alors posé aucun geste pour empêcher Greenstone d’obtenir ce jugement à ce moment. Quoi qu’il soit arrivé, Greenstone aurait nécessairement engagé des honoraires et débours similaires pour obtenir jugement même en l’absence de contestation de Blue Stone.
[52] En considérant que la demande de compensation de Greenstone couvre tous les honoraires engagés depuis le dépôt de la contestation par Blue Stone au motif que ceux-ci n’auraient jamais dû être encourus si M. Ohayon avait respecté son engagement qui a fait l’objet de l’homologation de la transaction intervenue en août 2018, l’avocat de Blue Stone a ajouté que le Tribunal devrait exclure les honoraires engagés relativement à la codemanderesse initiale Madame Magdalena Berkovitc alors propriétaire du lot adjacent à celui de Greenstone qui désirait obtenir la même déclaration de propriété relativement à la portion de la Ruelle derrière son immeuble du 2795 Bates, et ce, dans la même procédure. En fait, Madame Berkovitc était représentée par les avocats de Greenstone.
[53] L’avocat de Blue Stone a fait remarquer qu’avant le retrait de la demanderesse, Madame Berkovitc et des conclusions recherchées pour elle, Greenstone n’a jamais invoqué la transaction qui a donné ouverture au Jugement Pinsonnault et a plutôt accepté de procéder à des interrogatoires hors cour impliquant entre autres un employé de Madame Berkovitc.
[54] Ce n’est que plus d’un mois après le dépôt de l’exposé sommaire de la défense orale de Blue Stone et après la notification de la demande en rejet de Blue Stone que soudainement la demande de Greenstone pour faire homologuer la transaction et faire rejeter la contestation de Blue Stone a surgi.
[55] L’avocat de Blue Stone s’est donc objecté à ce que le Tribunal considère favorablement la portion des honoraires engagés par Greenstone en lien avec la codemanderesse Berkovitc jusqu’au retrait de cette dernière à titre de codemanderesse avec la modification de la demande introductive d’instance, car une portion de la contestation de Blue Stone à l’époque visait l’absence de mandat confié par Madame Berkovitc aux avocats de Greenstone[19].
[56] Somme toute, le Tribunal a été invité à ne pas tenir compte des honoraires engagés par Greenstone avant d’invoquer l’existence de la transaction qui aurait normalement dû mettre fin à toute contestation de la part de Blue Stone à la lumière du Jugement Pinsonnault. En d’autres termes, cette approche stratégique de la part de Greenstone ne devrait pas être considérée favorablement pour déterminer une compensation raisonnable relativement aux honoraires engagés par la demanderesse.
[57] Après avoir considéré la preuve et les observations de part et d’autre, le Tribunal conclut que Greenstone a droit à une compensation financière raisonnable pour les honoraires et débours engagés en lien direct avec les procédures abusives de Blue Stone tant en première instance qu’au niveau de la tentative de se pourvoir en appel qui avait toujours pour but de faire obstacle abusivement à l’exercice des droits auxquels M. Ohayon avait consenti aux termes de la Transaction.
[58] Il n’y a cependant pas lieu d’accorder le plein montant de 267 151,53 $ réclamé par Greenstone.
[59] Sans pour autant minimiser la gravité du comportement abusif de Blue Stone ni mettre en doute l’expérience et les taux horaires des professionnels ayant agi pour Greenstone ainsi que les services rendus à leur cliente dans la présente instance, l’ensemble des circonstances décrites ci-devant et de la preuve offerte l’incite à conclure que l’octroi d’une somme de 175 000 $ constitue une compensation financière raisonnable dans les circonstances.
[60] Le fait d’avoir réclamé une somme supérieure à la compensation accordée n’a pas fait perdre à Greenstone tout droit à une indemnisation juste et raisonnable eu égard aux circonstances de l’espèce.
[61] Qu’en est-il maintenant de la somme de 100 000 $ réclamée à titre de dommages punitifs?
[62]
L’article
1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
[63] Bref, les dommages punitifs ne sont pas une forme différente de dommages qui ne sont pas liés aux dommages compensatoires. Ils ont plutôt pour finalité : la prévention, la dissuasion et la dénonciation[20].
[64] À ce sujet, la Cour suprême nous enseigne ainsi les objectifs poursuivis par l’octroi de dommages punitifs[21] :
[155] L’article
[Soulignements ajoutés]
[65] À l’audience, l’avocat de Blue Stone a fait remarquer au Tribunal que jusqu’au procès de décembre 2019 ayant mené au Jugement Pinsonnault, Greenstone ne réclamait que 15 000 $ à titre de dommages punitifs. Ceux-ci ont été majorés par la suite à 100 000 $.
[66] La tentative infructueuse de se pourvoir en appel n’est sans doute pas étrangère à cette hausse. Mais, justifie-t-elle une telle hausse?
[67] Avec égards, le Tribunal ne le croit pas.
[68] L’avocat de Blue Stone considère que la condamnation à de tels dommages-intérêts punitifs est inappropriée et excessive dans le contexte du présent dossier. Ainsi, le Tribunal devrait refuser cette demande ou du moins, la réduire significativement.
[69] L’avocat rappelle qu’il ressort de la doctrine et d’une jurisprudence constante que la sanction de dommages-intérêts punitifs conserve un caractère exceptionnel et qu’elle doit être réservée aux situations présentant les cas d’abus les plus manifestes et intolérables[22].
[70] Ce ne sont pas tous les cas d’abus qui justifient l’octroi de dommages punitifs, lesquels doivent en principe être attribués avec retenue.
[71] Par ailleurs, chaque cas est un cas d’espèce pour lequel le Tribunal doit exercer sa discrétion judiciaire avec retenue.
[72] Le Tribunal partage l’opinion de l’avocat de Blue Stone à une exception près.
[73] Avec égards, la conduite de Blue Stone agissant par l’entremise de M. Ohayon telle que constatée dans le Jugement Pinsonnault constitue aux yeux du Tribunal une conduite répréhensible et manifestement abusive laquelle fut marquée par une utilisation excessive et déraisonnable de la procédure et des ressources judiciaires.
[74] Cette conduite est si grave et si répréhensible qu’elle doit être dénoncée afin de dissuader, d’une part, Blue Stone agissant par l’entremise de M. Ohayon de récidiver et d’autre part, de décourager la répétition d’un comportement semblable par toute autre personne.
[75] Malheureusement, force est de constater que malgré le message convié par l’entremise du Jugement Pinsonnault, Blue Stone a décidé de perpétuer le comportement abusif dénoncé en tentant en vain de se pourvoir en appel, réussissant ainsi à retarder de plus belle la mise en marché du projet immobilier de Greenstone.
[76] Faut-il rappeler que le droit de se pourvoir en appel ou de tenter de se pourvoir en appel ne doit pas être exercé de façon abusive.
[77] Le Tribunal retient que la Cour d’appel a rejeté l’appel au stade préliminaire après avoir constaté que l’appel soit de plein droit ou qu’il requiert une permission en tout ou en partie, celui-ci ne devait pas aller de l’avant puisqu’il ne présentait aucune chance raisonnable de succès. La Cour d’appel a ajouté qu’aucun des motifs d’appel soulevés par la déclaration d’appel ne pointait en direction d’une erreur révisable du juge, car tous les moyens reposaient essentiellement sur l’appréciation des faits prouvés au cours des deux jours de l’audition en première instance.
[78] Ce constat d’absence totale de chance raisonnable de succès suffit sans qu’il ait été nécessaire que la Cour d’appel se prononce spécifiquement sur la question de l’appel abusif pour permettre au juge de première instance de considérer cette procédure qui a failli dans la détermination des dommages punitifs, si ce dernier l’estime pertinent.
[79] Somme toute, considérant l’ensemble des circonstances particulières du présent dossier, des conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal en fonction de la preuve administrée et considérant surtout la gravité du comportement abusif qui s’est malheureusement perpétué sur plus d’un an, l’attribution de dommages punitifs de l’ordre de 25 000 $ lui apparait pleinement justifiée et raisonnable afin d’assurer la fonction préventive et dissuasive liée à l’attribution de dommages punitifs.
[80]
CONDAMNE la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. à
payer à la demanderesse Greenstone Realties inc. la somme de 175 000 $
à titre de dommages compensatoires avec intérêts au taux légal de 5% l’an ainsi
que l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[81]
CONDAMNE la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. à payer
à la demanderesse Greenstone Realties inc. la somme de 25 000 $
à titre de dommages-intérêts punitifs, avec intérêts au taux légal de 5% l’an
ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[82] ORDONNE que les Pièces R-14, R-14A, R-14A1, R-14B et R-14C soient traitées confidentiellement par les parties et demeurent sous scellés au dossier de la cour jusqu’à nouvel ordre à l’effet contraire ;
[83] LE TOUT avec les frais de justice payables par la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. à la demanderesse Greenstone Realties inc.
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__________________________________MICHEL A. PINSONNAULT, j.c.s. |
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Me François D. Gagnon |
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Me Marie Rondeau |
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Borden Ladner Gervais |
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Procureurs de la partie demanderesse Greenstone Realties inc. |
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Me Karim Renno |
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Renno Vathilakis |
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Procureurs de la partie intéressée Immeubles Blue Stone inc. |
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Date d’audience : |
1er octobre 2020 |
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[1] Pièce R-9.
[2] Pièce R-2.
[3] 2020 QCCS 3057.
[4] Cette somme est composée d’honoraires nets (sans taxes) de 249 147,34 $ et des débours de 18 004,19 $.
[5] Dans la demande du 12 novembre 2019, le montant alors réclamé à ce chapitre était de 121 889,82 $.
[6] Le 12 novembre 2019, Greenstone réclamait des dommages punitifs de 15 000 $.
[7] Article 660 (100) CPC
[8] 2020 QCCA 384.
[9] 2020 QCCA 910.
[10] Id., paragraphe 10.
[11]
[12] Id., par. 8 et 9.
[13]
Droit de la famille — 11,773,
par. 14.
[14]
[15] Please be informed that I am duly authorized, irrevocably, in the event that your client should petition the court, my client will consent to the conclusion to have your client declared owner of the alley (rouelle(sic)) adjacent to my client’s.
Can you kindly forward a letter attesting to your consent to the conclusions to my motion, so that it may be deposited in the court record if required by the court.
Thank-you,
[16]
[17] Asselin c. Daniel
Girouard & Associés inc.,
[18]
[19] BS-1.
[20]
Cinar Corporation c. Robinson,
[21]
Richard c. Time inc.,
[22] Fidler c. Sun Life
du Canada, compagnie d’assurance-vie,
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